Au lever du rideau, Titine et Mado sont seules en scène. Elles s'installent à leur bureau respectif. Mado pleurniche en tenant et regardant une photo, dans un cadre. C'est la photo de son mari, qu'elle a enterré, il y a tout juste vingt jours... Titine compatit, tout en essayant de remonter le moral de sa collègue. (En même temps, elle pourra ôter la housse qui recouvre sa machine, et la mettra en marche.)
TITINE : (ennuyée) Allons, Mado !... Faut réagir. Faut pas t'laisser aller, ma grande. Faut qu'tu vives. La vie continue... Pense à tes enfants. Fais-le au moins pour eux... Ils ont encore besoin de toi... hein ?...
MADO : (tout en sanglotant) Oui...
TITINE : Tu me promets de réagir, très vite ?... au moins pour eux ?
MADO : Oui… (Elle pose la photo sur son bureau et sèche ses larmes.)
TITINE : Là… Et mets-toi au boulot, va. C'est encore le meilleur moyen d'oublier...
(Mado ôte la housse qui recouvre encore sa machine… Un léger temps, et entre “Manman”, plutôt enjouée, pour un lundi matin...)
MANMAN : Salut la compagnie !
TITINE et MADO : (lui répondent d'un air très triste) Bonjour...
MANMAN : (posant des affaires sur le bureau) Et ben !! Je sais qu'on est aujourd'hui lundi, mais quand même ! Vous en faites des têtes d'enterrement ?! (Titine essaie de lui faire comprendre - par force gestes et du regard - qu'il y a certaines paroles qu'il vaut mieux éviter de dire en ce moment...) Ma parole ! (Elle sourit.) On dirait qu'on veille un mort ici !
(A ces paroles, Mado se met à sangloter bruyamment.)
TITINE : (à Manman, en la “fusillant” du regard) Bonjour la discrétion !... Enfin ! Manman ! (Un ton en dessous) Mado a enterré son mari, 'y a tout juste vingt jours !
MANMAN : (confuse) Oooh !... Oh ben, excuse-moi, Mado... J'suis désolée... Je... Qu'est-c'que j'peux être tête en l'air... (Elle va faire la bise à Mado, pour la consoler.) Pierrot se tue à m'le répéter... Mais, c'est vrai !... Excuse-moi encore, Mado... Aaah !... (Elle secoue la tête, en revenant à son bureau.) Y a des fois !... J'me collerais des baffes, tiens. D'ailleurs, j'm'en mets une... (Elle se donne une légère claque sur la joue.) Là ! Celle-là, je l'ai bien méritée.
MADO : (reniflant) 'Fallait pas te faire ça, Manman. C'était rien...
MANMAN : Ben si, qu'c'était quelque chose. J't'ai fait pleurer !
MADO : (reniflant) Ça va aller...
(Un temps, où Manman s'installe. Ce faisant, elle s'adresse à Titine.)
MANMAN : Bon. Titine ! Nous, on a du boulot...
(A cet instant très précis, entre Annie, vêtue très légèrement. Elle tient un journal à la main.)
ANNIE : Salut les nanas !
TOUTES : Salut.
(Annie embrasse ses collègues.)
TITINE : Ça va, depuis jeudi, ma p'tite “Nini-Patte-en l'air” ?
ANNIE : Bof !... J'vous aime bien les filles, mais qu'est-c'que je préférerais rester chez moi, à ne rien faire.
TITINE : (détaillant Annie) Dis donc, Nini ? T'as fait fort ce matin, au niveau des fringues. Si moins y a de tissu, plus c'est cher, le porte-monnaie a dû le sentir passer... (Elle sourit.)
ANNIE : J'ai acheté ça ce week-end, en Bretagne. A Saint Quay Portrieux.
TITINE : Un p'tit port typique...
ANNIE : (souriant) Oui. Un p'tit port typique... (Elle se regarde.) C'est vrai qu'y en a pas lourd, mais que l'addition a été salée.
TITINE : Normal, qu'en achetant au bord de la mer, l'addition soit salée...
ANNIE : Ah ! ah !... elle est bonne. (Elle tourne sur elle-même, à la manière d'un mannequin.) Ça vous plaît ?
MANMAN : Faut êt' jeune, quoi.
TITINE : Pour un peu, tu pourrais poser dans certains magazines...
ANNIE : (souriant) Pour “Lui” ?!
TITINE : Ah... pour “Lui”, c'est...