Céline | Oui ? Euh… C’est ça. C’est au troisième, à gauche en sortant de l’ascenseur ! Elle appuie sur le bouton de l’interphone. Oups ! |
Pauline | Qu’est-ce qu’il y a ? |
Céline | Elle a une drôle de voix, l’animatrice remplaçante ! J’imagine bien une armoire à glace nommée Gertrude ! Arrh ! (Avec l’accent allemand). Elles rient. On sonne à la porte. Céline va ouvrir. Frédéric entre, une valise à roulettes à la main et un gros sac de voyage en bandoulière. Regards interloqués des quatre femmes et grand silence. |
Frédéric | Bonjour mesdames. |
Céline/Pauline/ Bénédicte/Christiane | En chœur. Bonjour. |
Frédéric | À vos expressions quelque peu déconfites, je devine que ma collègue a omis une petite précision. Cependant j’ai l’habitude. Je sais que cela peut paraître surprenant qu’un homme vende de la lingerie fine… Mais ne vous inquiétez pas. Je suis un professionnel. J’exerce ce métier depuis dix ans. |
Céline/Pauline/ Bénédicte/Christiane | En chœur. Aaaah !... |
Frédéric | Et bien, dites-moi où je peux m’installer. Je suis désolé pour le retard mais ma collègue m’a prévenu au dernier moment et j’habite un peu loin. |
Céline | Ce n’est pas grave. Prenez le temps qu’il vous faut. Tenez, j’avais prévu de vous laisser cette grande table. J’espère que ça va. |
Frédéric | Oui, oui. C’est parfait. Merci. |
Christiane | Elle s’approche de Céline et lui parle à voix basse. Tu ne lui offres pas à boire ? |
Céline | Euh… Oui, oui. Tu as raison. À Frédéric. Je peux vous offrir quelque chose à boire ? |
Frédéric | C’est gentil. Merci. Mais j’apporte toujours deux grandes bouteilles d’eau avec moi car je parle beaucoup pendant la démonstration. Je ne bois que de l’eau plate. |
Céline | Comme vous voudrez. |
Bénédicte se lève, visiblement mal à l’aise. |
Bénédicte | Je… Je suis désolée, je ne vais pas pouvoir rester. |
Pauline | Qu’est-ce qui te prend ? |
Bénédicte | Bah… C’est que… |
Pauline | Et bien voilà ! Dis-le ! Ça te gène que l’animatrice soit un animateur. |
Bénédicte | Euh… Non, enfin, si… Mais quoi ? J’ai accepté de venir parce que Céline a insisté. Alors que franchement, au début, je n’étais pas emballée. Excusez-moi, monsieur. |
Frédéric | Frédéric. Appelez-moi Frédéric. Je préfère que vous vous adressiez à moi par mon prénom. C’est plus simple. |
Bénédicte | Excusez-moi… Mais c’est vrai que de la lingerie féminine… pour un homme… |
Pauline | Remarquez-bien, en fin de compte moi non plus je ne suis pas franchement partante. C’est vrai, comment on va faire pour les essayages ? Vous regardez si ça nous va ou pas ? Vous replacez les seins dans les bonnets et la ficelle du string si elle se coince entre les fesses ? C’est quand même gênant. |
Céline | Je suis plutôt d’accord. Comment ça se passe pour les essayages ? |
Frédéric | Ecoutez-moi, mesdames. Je comprends votre réticence. Mais sachez que c’est mon métier. Je suis habitué à travailler avec une clientèle exclusivement féminine et je ne profite pas de la situation. Ne vous inquiétez pas, je ne reluque jamais mes clientes, ni ne pose mes mains sur elles. Je porte un regard qui se veut professionnel et technique. Je vous conseille une forme plutôt qu’une autre. Une couleur plutôt qu’une autre. Une matière plutôt qu’une autre. Si un ajustement est nécessaire, je vous l’indique et vous le faites vous-même. Éventuellement vous pouvez demander à l’une de vos amies de le faire. Est-ce que ça pose encore un problème ? |
Christiane | Absolument pas. D’ailleurs, pour moi ça n’en a jamais été un. C’est vrai, qui mieux qu’un homme peu poser un regard avisé sur de la lingerie féminine ? |
Frédéric | Madame, vous avez parfaitement raison. |
Christiane | Appelez-moi par mon prénom puisque vous demandez qu’on vous appelle par le vôtre. Moi c’est Christiane. |
Frédéric | Enchanté, Christiane. |
Céline | Merci, Frédéric, d’avoir clarifié les choses. Moi ça me va. |
Pauline | Moi aussi ça me va. |
Céline | Bon, alors finalement tu restes, Bénédicte ? |
Bénédicte | Bah… D’accord. Pour le moment je reste. Mais si ça ne me plaît pas, je peux partir ? |
Pauline | Tu vas voir, ça va te plaire. Je suis sûre que tu vas même trouver ton bonheur. |
Céline | Mais oui, tu vas voir. |
Frédéric | À Céline, Pauline et Bénédicte. Excusez-moi, mesdames, mais j’aimerais savoir comment vous souhaitez que je m’adresse à vous ? |
Céline | Par notre prénom c’est plus sympa, non ? Qu’est-ce que vous en pensez ? |
Pauline | Absolument. |
Bénédicte | Moi, les familiarités d’emblée, ce n’est pas trop mon truc… |
Frédéric | Aucun souci, madame. |
Céline | Donc, moi c’est Céline. |
Pauline | Et moi, Pauline. Bénédicte, oh ! la ! la ! Ce que tu peux être réac ! |
Bénédicte | Quoi ? C’est mon droit ! Je me fais appeler comme je veux ! Que ça te plaise ou non ! |
Frédéric | Allons, allons. Vous n’allez pas vous disputer pour si peu. Je respecte le choix de chacune d’entre vous. Et si Bénédicte veut que je continue à l’appeler « madame » ça n’a aucune importance. |
Bénédicte | Merci… Euh… Monsieur… Frédéric. |
Pauline | N’importe quoi ! Il t’appelle « madame ». Tu l’appelles « monsieur » ou « Frédéric », au choix. Point. Il n’y a pas de « Monsieur Frédéric ». C’est ridicule ! |
Christiane | Oh ! Vous n’allez pas débattre sur les appellations pendant encore deux heures ! Tout le monde s’est mis d’accord ? Un silence. Parfait. Tout va bien. Frédéric, c’est à vous. |
Frédéric | En effet, je crois que nous sommes d’accord. Merci, Christiane. |
Céline | Allez, on reprend un petit verre de jus de litchi ? |
Christiane |