ACTE 1
Scène 1 / Eugénie / Alphonse
Eugénie semble attendre quelqu'un. Elle tourne en rond. Un homme entre..
Alphonse / Madame ! Je ne pensais guère vous rencontrer ici.
Eugénie / Monsieur Alphonse ! Que faîtes vous ici ?
Alphonse / Je ne fais que passer. .. Et vous même ?
Eugénie / J'attends mon mari.
Alphonse / Justement, je le quitte. Il est encore au cercle.
Eugénie / Il est toujours au cercle. Mais que faîtes vous donc à ce cercle ? Y tournez vous en rond ?
Alphonse / Chère amie, nous y refaisons le monde. Il a tant besoin de nous.
Eugénie / Mon mari refait le monde, nous somme sauvés !
Alphonse / Il fait ce qu'il peut.
Eugénie / Mon mari qui refait le monde. Le toit de notre manoir a quelques fuites, et au lieu de le faire refaire, il refait le monde !
Alphonse / Justement, il m'en a touché deux mots. Il y songe, très chère, il y songe.
Eugénie / J'espère bien ; cette sorte de problème ne devrait pas être un sujet de préoccupation pour une femme.
Alphonse / Mais naturellement ! Les femmes ont tant à penser.
Eugénie / Je dois penser à tout.
Alphonse / Et il le sait, croyez-moi ! D’ailleurs il me l'a dit. Dans bien des choses, il s'en remet totalement à vous.
Eugénie / Évidemment. Si je n’étais pas là, tout s’en irait de travers.
Alphonse / Votre mari a bien de la chance d'avoir une femme aussi patiente.
Eugénie / Je ne le sais que trop que je suis patiente.
Alphonse / Une femme aussi compréhensive, aussi distinguée, et aussi achalandée que vous, ce serait un grand gâchis que de ne pas s’en préoccuper.
Eugénie / Achalandée ?
Alphonse / Pardonnez-moi, je ne trouve pas les mots à la hauteur de ma pensée.
Eugénie / Monsieur, cela me trouble.
Alphonse / Et je le suis moi-même. Car si j’osais, je pourrai dire des choses dont je ne souhaite pas qu’elle le soient.
Eugénie / Dîtes toujours.
Alphonse / Madame, une femme telle que vous, ce serait comme posséder la plus belle des pouliches dans son écurie et ne pas la.. Se promener avec.
Eugénie / Se promener ? Une pouliche ?
Alphonse / Pardonnez moi, je n'ai pu me retenir.
Eugénie / Comment dois-je prendre cela ?
Alphonse / Comme un compliment, madame. Maladroit, mais sincère. J’ai une grande admiration pour les pouliches.
Eugénie / (Minaudant) Monsieur.. N’exagérez-vous pas un peu..
Alphonse / Madame ! Je ne dis là que la vérité. Votre visage, votre parfum, votre allure. Il y a là de quoi retourner un homme..
Eugénie / Oh monsieur..
Alphonse / Pardonnez moi. Lorsque je vous vois, je..
Eugénie / Je quoi..?
Alphonse / Mais heureusement, madame, vous n'avez rien à craindre de moi.
Eugénie / Comment ?
Alphonse / J'ai trop d'affection pour votre mari..
Eugénie / De l’affection ? Pour mon mari ?
Alphonse / Enfin. Pas exactement.. Disons, du respect. Le respect des convenances. J’y suis bien obligé.
Eugénie / Je comprends cela, et donc, mon mari.. ?
Alphonse / Quand je le vois, je pense à vous ; Et quand je vous vois, je pense à lui.
Eugénie / Vous n’avez jamais essayé de penser à autre chose ?
Alphonse / J'y pense, mais je ne peux lui faire ça..
Eugénie / Mais vous ne lui feriez rien, à lui !
Alphonse / Je crains en avoir trop dit, je disais cela comme ça.
Eugénie / Vous ne le pensiez pas !
Alphonse / Si mais..
Eugénie / Le pensiez vous oui ou non ?
Alphonse / Je m'excuse.
Eugénie / Vous vous excusez ?
Alphonse / Madame, j’en ai trop dit. Vous devriez oublier.
Eugénie / Oublier ? C'en est trop, monsieur ! Partez !
Alphonse / Pardonnez moi, je ne sais plus ce que je disais. Je regrette.
Eugénie / Vous...