| | Note : Durant toutes les scènes se passant dans la capitale de l’Azerbalistan, on entendra en fond sonore insensiblement crescendo la bande-son d’une ville en pleine guerre civile (explosions, tirs d’armes automatiques, coups de canons, sirènes, etc). Le volume final devra quasiment gêner les dialogues. |
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| | ACTE I |
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| | ACTE I Scène 1 |
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| | Michel, Émeline et Joseph. |
| | Le visage de Joseph apparaît sur un écran de visioconférences. |
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| | (On le voit qui regarde sa montre, pas content.) (Apparition du visage d’Émeline.) |
Émeline | : | Salut, Joseph. Tu vas bien ? |
Joseph | : | Ça va, merci. J’ai appris, pour ta promotion. Tu es une étoile, maintenant. Félicitations. |
Émeline | : | Oui ,ben... |
| | (Elle est interrompue par l’arrivé de Michel.) |
Michel | : | Bonjour, les enfants ! Excusez mon retard, mais je suis débordé. Bon. J’espère que vous allez bien ? Je vous ai réunis, parce que j’ai une nouvelle idée de reportage, et que je voudrais vous associer, tous les deux. Car je pense qu’en combinant ton œil Ô combien neuf, mon Émeline, avec Joseph et sa grande expérience, on pourrait avoir une paire gagnante. Je crois super en vous sur le coup où je vous envoie. |
| | Vous avez sûrement entendu parler de l’Azerbalistan, ces temps-ci. Il se trouve que c’est actuellement le pays de tous les trafics. Y compris les trafics d’enfants. Je veux savoir combien un petit être innocent se vend dans ce pays. Nos téléspectateurs ont le droit de savoir. Alors vous allez y aller enquêter et vous faire passer pour des parents acheteurs. Je vous envoie les détails de la mission par mail, avec les coordonnées du fixer sur place. |
Émeline | : | C'est quoi un fixer ? |
Michel | : | C'est vrai que tu débutes, ma chérie. C'est votre contact à Kaboum, la capitale. C’est lui qui va vous faire rencontrer les gens qu'il faut. Joseph, je compte sur toi, qui est le cameraman le plus ancien de la maison, avec le plus gros salaire, pour driver Émeline. |
Joseph | : | Pas de problème. |
Michel | : | Attention, vous allez certainement croiser un peu la route de la mafia locale, là-bas. Alors soyez prudents, hein ! S'il vous arrivait quelque chose, à tous les deux, je ne me le pardonnerais pas. |
Joseph | : | Il y a une guerre civile, dans le pays, non ?? |
Michel | : | Oui, hô, guerre civile, guerre civile... Tout de suite les grands mots. Quelques petits troubles sporadiques, tout au plus. Disons juste qu'à certains carrefours, l'armée n'est guerre civile ! Ha ! Ha ! Ha ! |
| | Mais avec vos cartes de presse, vous serez intouchables, mes chéris. Aucun problème. |
| | … Tu ne penses tout de même pas que je voudrais te perdre, ma moumoune !? |
Émeline | : | Mais moi j'étais bien à la météo. Pourquoi faut que j'aille là-bas ? |
Michel | : | Parce que tu dois é-vo-luer professionnellement, mon cœur ! Moi je vois en toi un potentiel inouï ! Crois-en ma longue expérience ! Tu vas tout casser, dans le grand reportage extrêmement lointain ! |
Émeline | : | J'aime pas les voyages. |
Michel | : | Mais tu fais ça un an ou deux, et s'il ne t'est rien arrivé de grave, tu reviens et c'est tout ! OK mon cœur ? Fais-moi confiance. … De toutes façons, on ne se quitte pas : tous les soir à 19h locale, vous m’envoyez votre reportage de la journée, à 19h30 on se le débriefe par visio, et si c’est OK, on le diffuse dans l’édition du matin. Réglé comme du papier à musique ! Ha ! Ha ! Ha ! Allez ! Bonne chance à tous les deux ! On va cartonner, j’en suis certain. Je vous laisse, j’ai l’édition de midi à boucler. |
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| | ACTE I Scène 2 |
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| | Émeline et Joseph. Chambre d’hôtel sinistre de l’équipe de CQQ News à Kaboum, Azerbalistan. (Lits séparés). |
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| | (Joseph nettoie avec un soin maniaque sa caméra et ses micros sur une petite table. Émeline range sa valise, pleine de trucs hyper-sexy, dans une antique armoire.) |
Joseph | : | Ça va aller ? |
Émeline | : | Oui, ben j'espère qu'on va pas s'éterniser ici, hein ! La ville est sinistre. Les rues sont vides, pleines de carcasses de voitures brûlées et de trous d'obus, y a que des militaires crasseux qui circulent. Toutes les façades sont criblées de balles... Impossible de faire du shopping ou d'aller boire un pot dans un endroit sympa, le soir, dans ce trou ! |
Joseph | : | C'est le métier... |
Émeline | : | Oui ben justement, moi, c'est PAS mon métier ! J'étais très bien, à la météo, perso. |
Joseph | : | Ça durera pas trop longtemps, normalement. On rencontre les intermédiaires, on leur fait le numéro des parents qui veulent à tout prix un enfant, ils reviennent avec une proposition, on filme discrétos, et on rentre. Rassure-toi : j'ai pas non plus envie de m'éterniser sur ce reportage pourri... |
Émeline | : | Pourquoi "pourri" ? |
Joseph | : | Je suis pas d'accord avec ce nouveau principe des caméra cachées pour un oui ou pour un non. La charte des devoirs professionnels du journaliste français dit clairement qu’« un journaliste digne de ce nom s’interdit d’invoquer un titre ou une qualité imaginaires, et d’user de moyens déloyaux pour obtenir une information ou surprendre la bonne foi de quiconque ». |
Émeline | : | Ha bon ? |
Joseph | : | Avec une pincée d'argent, on pouvait parfaitement interviewer un de ces intermédiaires en ombre chinoise. Et bien entrevoir les méandres de son âme maléfique. |
Émeline | : | Ben oui, mais t'as prononcé le mot tabou, hein : Argent. Faut économiser sur tout, de nos jours, on dirait... |
Joseph | : | ÉCONOMISER SUR NOS REPORTAGES, C'EST ÉCONOMISER SUR LE DROIT DU PEUPLE À L'INFORMATION, DONC SUR SON DROIT À VOTER EN TOUTE CONNAISSANCE DE CAUSE, DONC, C'EST ÉCONOMISER SUR LA DÉMOCRATIE !!! |
Émeline | : | Ha! Ha ! Ha ! C'est vrai que t’es syndicaliste, toi... |
Joseph | : | Sans compter que techniquement, les caméras cachées, c'est délicat. Y à toujours des problèmes. |
| | (Silence. Bruit de bombes, au loin.) |
Émeline | : | Dis, Joseph... Tu t'y connais, en comédie, en théâtre, tout ça ? Comment je vais faire, pour jouer une femme qui veut un enfant ? |
Joseph | : | (?) Tu n'as jamais rêvé d'en avoir ? |
Émeline | : | Ben non. Je déteste ça ! |
Joseph | : | Sans blague ?! |
Émeline | : | OUI BEN C'EST COMME ÇA !!! J'AI AUCUNE ENVIE DE TRANSMETTRE MES GÈNES AVEC MON UTÉRUS "MÂÂÂGIQUE" !!! |
Joseph | : | D’accord. |
Émeline | : | UN MOUTARD, C'EST BRUYANT, C'EST CAPRICIEUX, C'EST SALE, C'EST DÉSOBÉISSANT, ET ÇA COÛTE UN BRAS ! |
Joseph | : | Çà, c'est quand ils sont petits. |
Émeline | : | ET JE N’AI AUCUNE ENVIE D'AJOUTER ENCORE QUELQUES ADOS INGRATS À CE MONDE DE DÉGÉNÉRÉS ! |
Joseph | : | Ça peut se défendre. |
Émeline | : | J'AIMAIS DÉJÀ PAS LES ENFANTS QUAND J'ÉTAIS ENFANT MOI-MÊME, ALORS T'AS QU'À VOIR ! |
Joseph | : | Effectivement. |
Émeline | : | MOI, JE VIENS D'UNE FAMILLE DE DIX FRÈRES ET SŒURS ! ALORS LES MORVEUX, TU M'EXCUSES, J'AI DONNÉ ! |
Joseph | : | Waouh ! Sujet sensible, on dirait. N'en parlons plus. |
Émeline | : | Et puis, j’ai peur qu’ils soient moches... |
Joseph | : | S’ils tiennent de toi, aucun risque, Émeline. Ils auront la beauté des anges du paradis. |
Émeline | : | Quel poète ! C’est gentil, çà… |
Joseph | : | Et puis, les enfants peuvent parfois être un soutient, au soir de ton existence... |
Émeline | : | NAN ! JE MOURRAIS SEULE, DÉVORÉE PAR MES CHATS... C'est mon destin et c'est très bien comme çà. |
| | (Un bruit de bombe beaucoup plus fort que les autres la fait sursauter.) |
Joseph | : | Ne t’inquiète pas. Tu vas t’y habituer. |
Émeline | : | Je crois pas ! |
Joseph | : | … Et à la réflexion, pour le rendez-vous avec l'intermédiaire d'adoption, va effectivement peut-être falloir qu'on répète un peu... |
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| | ACTE I Scène 3 |
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| | Servane, Alexandre, Nico |
| | Leurs trois visages apparaissent sur un écran de visioconférence. |
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Alexandre | : | OK. Tout le monde est là ? Vous allez bien ? |
Servane | : | Salut, Alexandre. Tout baigne. |
Nico | : | Super bien, chef ! Le son est top, dans les graves comme dans les aigus. |
Alexandre | : | Alors let’s go. Je vous remets back dans le contexte. L’executive manager de notre nouveau repreneur est d’arrivé, et il nous a communiqué sa roadmap : à partir de de maintenant, on doit se recentrer éditorialement à fond sur un public mûr et de droite. Comme ils ont du pouvoir d'achat, ils vont attirer vers nous plus d’annonceurs, et donc, faire rentrer plus de cash. Main objectif : redevenir rentables d’ici un an. How to do that ? D’abord, plein de reportages sur le luxe. Ensuite, pour les hommes : des business news à tous les étages, 24 sur 24. Mais pour les femmes... c’est plus compliqué. More complicated. Nos market research montrent qu’il leur faut des EMOTIONS. Femmes mûres égal ménopause et blues du nid vide. Les gosses se sont tirés, ça leur manque. Donc privilégier les articles déchirants sur les kids. Un sujet sur l'adoption sauvage à l'étranger de couples qui n'arrivent pas à avoir d'enfant tomberait pile in the middle du cœur de cible. L’Azerbalistan est number one, sur le créneau. C'est la place to be, depuis la guerre civile hyper sanglante qui ravage littéralement tout le pays. |
Servane | : | Pigé. Donc, on va là-bas et on interviewe des parents acheteurs ? |
Alexandre | : | No way. Journalisme à la papa. Already done et pas assez punchy. Faut du fort. Mission en undercover. Vous allez vous faire passer pour des intermédiaires proposant des enfants contre commission. Vous faites monter les enchères au max. Vous filmez en cachette la détresse des couples, vous montrez jusqu'où ils sont prêts à aller pour payer. Vous pushez le truc à fond ! |
Nico | : | Génial ! Il y a un gadget tout nouveau, qui est sorti : des lunette équipées d’une caméra intégrée HD dernier cri, tellement miniaturisée, qu’elle est totalement indétectable ! Ça le ferait grave, pour filmer. |
Alexandre | : | Oui, ben on va voir. Le nouveau business plan prévoit aussi des frais de reportages divisés par deux, watch out. Send-moi toujours la doc par mail, que je voie what can be done. |
Servane | : | On aura un bon contact, sur place ? |
Alexandre | : | The best. Pas difficile : il n'y en a qu'un seul de répertorié, dans ce bled. C'est le même depuis des décennies. Everybody le connaît, et il connaît everybody, là-bas. Il s’appelle Ahmedegun Rostach. Il se prétend avocat. |
Servane | : | OK. |
Alexandre | : | By the way : vous l’appelez « Docteur », hein ? Pas «Maître». La-bas, dès qu’ils savent un peu lire et écrire, ils se font tous appeler Docteur. Ha ! Ha ! Ha ! Bon. ...Et je veux qu’on sente bien la guerre, derrière, hein, dans votre reportage ! Filez-nous du blood and guts ! Ça helpera à bien dramatiser le topo. |
Servane | : | Au fait... Il a quoi, dans le ventre, le nouveau seigneur et maître de notre chaîne ? On dit qu’il nous rachète juste pour mieux nous revendre, une fois toutes les branches pas rentables dégagées à la tronçonneuse. |
Alexandre | : | Alors là, je vous arrête tout de suite. Le nouveau big boss nous a fait un speech hier, pour nous dire qu’ils étaient là for a long long time, qu’ils voulaient construire sur le long terme. C’est un mec génial, dynamique, avec des idées visionnaires sur le métier. Don’t be négative, comme ça, . Les syndicats disent que des bullshits, comme d’habitude. |
Servane | : | OK... Ben tant mieux... Parce que le marché du travail, hein, c’est un peu le bordel, en ce moment !... Mais bon. J’ai rien dis, alors. |
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| | ACTE I Scène 4 |
| | Servane, Nico. |
| | Chambre de à Kaboum, décors minimaliste, vieillot et sans goût. (Dont une armoire à glace). |
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| | (Nico frappe à la porte.) |
Servane | : | (le nez dans sur son téléphone portable, durant toute la scène) Entre, putain ! |
Nico | : | Alors ?... Ça va, ta chambre ? |
Servane | : | Les chiottes à la turc sont dégueulpif, mais ça va. |
Nico | : | Par mesure d'économie, on aurait pu en prendre qu'une... |
Servane | : | Même pas en rêve, mon chéri. Et t'excites pas : t’as aucune chance de tirer ton coup, avec moi. |
Nico | : | (se regardant dans la glace) Pourquoi ? Je suis pas mal, non ? |
Servane | : | Non. |
Nico | : | "Non"-je-suis-pas-mal, ou... "non"-non ? |
Servane | : | "Non"-non. |
Nico | : | Et c'est quoi, qui bloque les ardeurs de ton désir, à mon niveau ? |
Servane | : | BORDEL, JE SUIS EN TRAIN DE PRENDRE CONTACT AVEC LE FIXER QUE NOUS A DONNÉ LE NOUVEAU PETIT RÉDAC-CHEF, LÀ !!! J’ESSAYE DE MONTER UNE PREMIÈRE ENTREVUE !!! APRÈS FAUT QUE JE RASSURE TOUS MES BANQUIERS POUR LE CRÉDIT SUR L’ACHAT DE MA NOUVELLE BARAQUE, QUI VA ME COÛTER UN BRAS, ET ENCORE APRÈS, FAUT QUE JE FASSE UNE COM' GÉNÉRALE A MES FANS SUR MON RÉSEAU TWITTER !!! ALORS TU ME LÂCHES ET BASTA ! |
Nico | : | OK, OK... |
| | (Silence. Rafales de mitraillettes au loin.) |
Servane | : | … T’as pas des trucs à faire ? |
Nico | : | Si. |
Servane | : | ALORS VAS-Y, MON BON !!! TON TOUT NOUVEAU MATÉRIEL DE TRANSMISSION SATELLITE, LÀ, IL ME FOUT LES JETONS. C’EST PAS LE MOMENT DE FOIRER ! |
Nico | : | NON MAIS JE RÊVE ! C'EST LE DERNIER MODÈLE QUI VIENT JUSTE DE SORTIR ! 120 GIGABITS DE TRANSMISSIONS D'INFORMATIONS PAR SECONDE ! À 5,8 GIGAHERTZ EN HDMI !!! COMPATIBLE AVEC LE NOUVEAU DÉCODEUR G9 !!! … TU N'EN AS PAS ENCORE CONSCIENCE, MAIS TU AS LIÉ TON DESTIN AU JAMES BOND DU GRAND REPORTAGE, MA PUCE ! |
Servane | : | JE NE SUIS P A S TA PUCE !!! ... VA T’OCCUPER À BRANCHER CES GIGABITS... AU LIEU DE BRANLER LA TIENNE ! … qui doit être toute petite ! |
Nico | : | (souriant, pas ému pour un sou) Ouais, elle était facile, celle-là. OK, j'y vais. |
| | (Il sort.) |
| | (Puis repasse la tête.) |
Nico | : | Au fait : pourquoi une belle fille comme toi, tu es toujours vulgaire, quand tu parles en privé ? |
| | (Servane fait mine d’exploser, il referme la porte précipitamment.) |
| | (Elle lit à haute vois en tapant son SMS). |
Servane | : | "Cher Docteur Rostach. C’est avec plaisir que mon associé et moi aimerions réfléchir avec vous au principe de cette commission en votre faveur, sur toutes les commandes que nous recevrons grâce à vos bons offices. Nous acceptons donc le rendez-vous que vous nous proposez demain à votre étude, à 14h30, pour une première prise de contact. Inutile, je pense, de vous rappeler le caractère extrêmement confidentiel de nos négociations, au regard des... matières premières exceptionnelles, que notre organisation commercialise. Cordialement, Madame Roy, propriétaire de la société Génélec-Roy-P.A.S." |
| | (Une détonation toute proche retentit, sans la faire sursauter d’un millimètre.) |
Servane | : | Mais vos gueules, putain !!! |
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| | ACTE I Scène 5 |
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| | Émeline, Nico, Dr Rostach. |
| | Cabinet du docteur Rostach, à Kaboum. |
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| | (Une voix féminine dans un interphone annonce : " Votre rendez-vous de 13h30 est arrivé, Docteur".) |
Dr Rostach | : | Faites entrer. |
Émeline | : | (se jetant sur lui et l'étreignant) DOCTEUR !!! SAUVEZ MA MISÉRABLE VIE !!! |
Dr Rostach | : | Pardon ? |
Émeline | : | (bramant) JE VEUX UN ENFANT !!! |
Joseph | : | (à Émeline, à mi voix) (N'en fais pas trop, non plus.) |
Joseph | : | Bonjour Docteur Rostach. Pardonnez ma femme : elle est un peu à cran, comme vous pouvez le voir. |
Dr Rostach | : | Oui, c'est normal. Ce n'est qu'une femme. Avez-vous fait bon voyage ? |
Joseph | : | Excellent, je vous remercie. Les onze heures d’attente à la douane ont défilé beaucoup trop vite. |
Dr Rostach | : | Que voulez-vous, c'est la guerre, n'est ce pas ? … Je vous sers du thé ? ... Du café ? |
Émeline | : | NON !!! JE VEUX UN ENFANT !!! MAINTENANT !!! N'IMPORTE LEQUEL, BLOND OU BRUN, GARÇON OU FILLE, MÊME TRANSGÉNIQUE, C'EST PAS GRAVE, LE TORRENT DE MON AMOUR EMPORTERA TOUT !!!! |
Dr Rostach | : | (consultant ses notes) Monsieur... Lambert, c'est bien cela ? |
Joseph | : | Tout à fait. |
Dr Rostach | : | Et bien, monsieur Lambert, mon intuition, alliée à mes 20 ans d'expérience dans ce cabinet, me chuchotent à l’oreille le but de votre visite dans notre beau pays. |
Émeline | : | N'IMPORTE QUEL ÂGE !!! BÈGUE, BOITEUX, MIRO, ACCROC DEPUIS DIX ANS AUX JEUX VIDÉOS, JE PRENDS TOUT !!!! |
Joseph | : | Il faut vous dire que ma femme et moi avons tout essayé, ces dernières années, pour concevoir un enfant, hélas sans résultats. |
Émeline | : | OUI !!! LES FILMS PORNOS, LES BOITES ÉCHANGISTES, LES VACANCES PRÈS DUNE CASERNE DE SÉNÉGALAIS, RIEN N'Y A FAIT !!! |
Joseph | : | Vous êtes donc notre dernier espoir, Docteur... |
Dr Rostach | : | Comment ça ? … Vous voulez que je... Écoutez... S'il le faut... (il se lève) Votre femme a la beauté des roses d’Ispahan par un matin d’avril, je le reconnais... |
Joseph | : | Docteur Rostach ! |
Dr Rostach | : | (se déboutonnant) Attendez nous dans le couloir, Monsieur Lambert, ça ne sera pas long. |
Joseph | : | Docteur Rostach, vous vous égarez ! |
Émeline | : | HOP ! HOP ! HOP ! ON SE CALME !!! OUI, JE VEUX UN ENFANT, MAIS... MAIS... DEPUIS QUE J'AI FAIT MES IMPLANTS À PRIX D’OR ET MA LIPOSUCCION AU BRÉSIL, JE… JE PRÉFÉRERAIS EN AVOIR UN TOUT FAIT !... VOILÀ… pour ne pas ruiner mes atouts... C’est que j'ai une carrière dans les médias à mener, moi !!! |
Dr Rostach | : | Hein ? ... Euh... Oui, pardon. (il se rajuste) Excusez ce... débordement inexcusable de mes sens. J'ai eu une journée très chargée. Une semaine de folie. Nous sommes tous sous tension, ici, avec cette guerre terrible. On vit un peu comme si on devait tous mourir demain, dans cette ville, vous voyez. |
Joseph | : | Oui oui, je connais bien. |
Dr Rostach | : | Ha bon ? En tant que... (Il relit la note sur son bureau) ...qu’ostréiculteur à Mont de Marsan, vous connaissez bien la guerre ? |
Joseph | : | Heu… NON ! … Bien sûr ! ... Enfin SI !... Je veux dire : la guerre des huîtres !!! Terrible ! Le jour de l'an, la concurrence, tous les coups sont permis !! C'est sanglant !! |
Émeline | : | Bon, les anciens combattants, et mon enfant ?!?! JE VEUUUUX UNNNN EN-FANNNT !!!! |
Joseph | : | Oui, revenons à notre proposition de transaction, Maître. Enfin, Docteur. Pouvez-vous oui ou non nous mettre en contact avec des intermédiaires à même de satisfaire notre désir de choyer un petit être innocent ? Le prix importera peu. |
Dr Rostach | : | Mmmmh... Je suis conscient de la réputation mondiale que notre beau pays a réussi à acquérir sur cette activité, et je ne voudrais pas décevoir de si nobles aspirations, au risque de ruiner notre image. Néanmoins, je ne vous cacherai pas que dans la situation actuelle, avec ces troubles, ces incertitudes... Les tarifs ont nettement enchéris... |
Joseph | : | Aucun problème. S'il le faut, je me reconvertirai dans les huîtres perlières à Tahiti. Quel sont les prix actuels ? |
Émeline | : | OUI !!! ON VEUT UN ENFANT !!! |
Dr Rostach | : | (prenant sa calculette) Alors... Pour un enfant en bonne santé... Vous ne prenez pas les sidaïques, n'est ce pas ? |
Joseph | : | Si on peut éviter... |
Dr Rostach | : | Bien sûr... Disons que les prix du marché tournent actuellement autour de 26 millions, pour un enfant d’environ 10 ans, si vous le prenez nu, sans les options... |
Les deux | : | (Joseph et Émeline en chœur) 26 MILLIONS ?!?!? |
Dr Rostach | : | 26 millions de Zum-Zums. Notre monnaie Azerbalistanaise, naturellement. |
Émeline | : | Aaaaah, bon ! ... Et ça fait combien, en vrai argent ? |
Dr Rostach | : | Dans les 300 Euros... |
Joseph | : | Parfait. |
Dr Rostach | : | Enfin... Je vous parle de ce que j'ai entendu dire, n’est-ce pas. Je ne trempe en aucune façon dans ce genre de commerce. Ce sera à vous de négocier, en fonction du spécimen qui vous sera proposé. |
Joseph | : | Naturellement... Et quand pourrez-vous nous faire rencontrer un intermédiaire ? |
Émeline | : | OUI !! C'EST TRÈS URGENT !!! JE VEUX UN ENFANT !!! |
Dr Rostach | : | Je vous contacte dès que j'ai trouvé quelqu'un de confiance. (Il regarde sa montre et se lève) Monsieur et Madame Lambert, je suis désolé de devoir mettre un terme à cet entretien si agréable, mais j'ai un autre rendez-vous qui m'attend. Puis-je vous raccompagner ? |
Joseph | : | Ne vous donnez pas cette peine, Dr Rostach , nous vous laissons. Et nous comptons sur vous. |
Émeline | : | OUI ! ET J'ESPÈRE QUE ÇA VA PAS PRENDRE DES SEMAINES, HEIN ? |
Dr Rostach | : | Que sont deux semaines, lorsqu'il s'agit de s'engager pour toute un vie, chère Madame ? A très bientôt. |
| | (Le couple se lève.) |
Joseph | : | (chuchotant à Émeline) (Tu t’en est pas mal tirée, mais fais-en quand même un poil moins). |
Émeline | : | (sur le même ton) (Oui, mais moi, je SENS le personnage comme çà ! Là !) |
| | (La porte se ferme. Le prend son téléphone.) |
Dr Rostach | : | Allô, Maître ? … C’est moi. Je viens de les recevoir. |
| | (...) |
Dr Rostach | : | Vu comme ça, ils ont l'air vraiment bons à prendre, mais je ne sais pas, j'ai comme un doute... Est-ce que vraiment on fait des huîtres, à Mont de Marsan ? |
| | (...) |
Dr Rostach | : | Ce sera fait, Maître. Je fais des recherches et on laisse venir, si Dieu le veut. Merci. Longue vie à la famille. |
| | (Il raccroche.) |
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| | ACTE I Scène 6 |
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| | Servane, Nico, Dr Rostach. |
| | Cabinet du docteur Rostach, à Kaboum. |
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| | (Une voix féminine dans un interphone annonce : " Votre rendez-vous de 13h30 est arrivé, Docteur".) |
Dr Rostach | : | Faites entrer. |
| | (Le couple de ZFM rentre dans le bureau du Docteur Rostach. Ils portent tous les deux d'épaisses lunettes de soleil et ont des airs de conspirateurs.) |
Dr Rostach | : | Enchanté. Monsieur... Martin et Madame Roy, de la société Génélec-Roy-P.A.S., c'est bien cela ? |
Servane | : | Tout à fait. Nos respect, Docteur Rostach. |
Dr Rostach | : | Puis-je vous offrir du thé ? Ou du café ? |
Servane | : | Merci, Docteur. Si vous le permettez, j'aimerais en venir directement au fait. |
Dr Rostach | : | Dans ce cas, je vous en prie. Exposez-moi votre problème. |
Servane | : | La société Génélec-Roy-P.A.S. n'est en fait que l'une des nombreuses couvertures de notre… organisation. Organisation qui a des ramifications dans le monde entier, mais dont je ne suis pas autorisé à vous parler plus avant. Sachez simplement que notre puissance... n’a d’égale que notre discrétion. |
Dr Rostach | : | Je connais le monde des affaires, Madame Roy. La discrétion fait également partie de mes premiers services, en tant que conseiller. Comment puis-je vous être utile ? |
Servane | : | Voici. Nous avons décidé de démarrer une implantation, sur l'un des marchés les plus porteurs de votre beau pays. |
Dr Rostach | : | Mais bravo ! Comme vous le savez, nous sommes ouvert à tous les investissements, d'où qu'ils viennent, afin de mettre en valeur nos réels atouts économiques, et améliorer ainsi à terme le bien-être de nos populations. Dans lequel de nos domaines d'excellence souhaitez-vous investir ? Trafic d'armes ? Drogues ? Prostitution ? Tueurs à gages ? Blanchiment de capitaux ? |
Servane | : | Disons que pour l'instant, nous visons plutôt un marché de niche. Compte tenu du dynamisme de notre branche en l'Europe de l'est (je parle d'une croissance à deux chiffres, ces-dernières années), ainsi que de notre récente percée dans la livraison du dernier kilomètre, nous envisageons une implantation chez vous... sur la traite d'enfants. |
Dr Rostach | : | Excellente idée !!! Il est vrai que l'enfant blond est assez rare, par ici. Un approvisionnement régulier en fillettes nubiles caucasiennes serait certainement très apprécié de notre clientèle moyen orientale, par exemple. |
Servane | : | … Alors combien ? |
Dr Rostach | : | Je vous demande pardon ? |
Servane | : | Quelle commission exigez-vous, pour chaque client que vous nous présenterez ? |
Dr Rostach | : | Madame Roy. N'allons pas si vite. Je dois réfléchir. La guerre civile qui déchire notre pays bien-aimé ne facilite pas actuellement les transactions, et les bons clients se font aussi rares que les dattes sur le palmier au soleil de juillet. |
Servane | : | 10% sur toutes nos transactions. |
Dr Rostach | : | Les tracasseries internationales sur les faux papiers qui accompagnent nos beaux enfants se multiplient de mois en mois, nous obligeant à toujours plus de sophistications dans leur fabrication. C'est hors de prix. |
Servane | : | 15%. |
Dr Rostach | : | Un reportages parus récemment dans la presse américaine, a nuit à notre réputation si durement établie, de discrétion. Certains de nos plus gros et fidèles clients Européens ont fuit. |
Servane | : | 20%. C'est notre dernier mot. |
Dr Rostach | : | 20%, c'est entendu. Je vais voir ce que je peux faire. Mais je ne puis rien vous promettre ! |
Servane | : | Nous connaissons l'étendue de votre carnet d'adresse en Azerbalistan, Docteur Rostach. Nous ne doutons pas de votre capacité à nouer de fructueux échanges avec notre organisation. Nos produits de haute qualité sont faits pour une clientèle que nous savons de plus en plus exigeante. |
Dr Rostach : | : | Alors tout est parfait. |
| | (Il se lève et les raccompagne.) |
Dr Rostach | : | Merci, merci de votre confiance. À très bientôt. |
| | (Servane sort la première.) |
Dr Rostach | : | (sur le ton de la confidence, à ) Monsieur Durand, vous avez là une dirigeante extrêmement experte et... dure sur l’homme, dans l'art de le négociation. |
Nico | : | (sur le même ton) Je sais, mais j'arriverai quand même à me la faire, à la fin. J'en suis sûr. Allez, au revoir ! |
| | (Le ferme la porte, songeur, et empoigne son téléphone.) |
Dr Rostach | : | Allô, Maître ? Oui, c’est Ahmetegun... Dieu nous a envoyé une nouvelle épreuve, j’en ai peur. Ils veulent s’installer sur le créneau des enfants. |
| | (...) |
Dr Rostach | : | Franchement, je ne sais pas. Ils sont curieux, ces gens-là. |
| | (...) |
Dr Rostach | : | En plus, ils semblent me faire confiance. Ce sont peut-être des amateurs, après tout. |
| | (...) |
Dr Rostach | : | C’est une superbe idée, Maître ! … Entendu… Je les fait se rencontrer d’ici quelques jours, si Dieu le veut, et on voit comment ça se passe. |
| | (...) |
Dr Rostach | : | Bien sûr !… On n’aura peut-être même pas besoin d’intervenir… Parfait… Que Dieu accorde une longue vie à la famille…. Je vous tiens au courant. |
| | (Il raccroche.) |
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