Dernier flash infos d’Azerbalistan !

Les exigences de rentabilité des chaînes d’actualité semblent tirer inexorablement l’information vers le scoop frelaté. À l’heure des fake news et de l’« infobésité », les “journalistes” de ZFM et de CQQ NEWS Michel, Joseph, Émeline, Alexandre et les directeurs de rédaction, reporters et caméramans, se débattent furieusement pour offrir aux téléspectateurs du sensationnel puissance mille.

L’intrigue de cette comédie grinçante s’inspire d’une situation réelle et se déroule en Azerbalistan, état voyou en pleine guerre civile.

Un terrain de jeu propice à tous les débordements.

Liste des personnages (10)

Michel Homme • Adulte/Senior
Le rédacteur en chef de C.Q.Q. NEWS. De la vieille école.
ÉmelineFemme • Jeune adulte/Adulte
Présentatrice météo de C.Q.Q. NEWS, ancienne reine de beauté reconvertie.
JosephHomme • Adulte/Senior
Caméraman expérimenté de C.Q.Q. NEWS, vieux garçon, syndicaliste.
Jean-Pierre Homme • Adulte/Senior
Présentateur vedette de la chaîne C.Q.Q. NEWS.
AlexandreHomme • Jeune adulte
Rédacteur en chef de ZFM. Très jeune, tout nouveau, école de commerce.
ServaneFemme • Jeune adulte/Adulte
Grande reporter expérimentée, assez masculine.
Nico Homme • Adulte
Cameraman chez ZFM, beau gosse, tombeur, féru de technologie.
Patrick Homme • Adulte
Présentateur vedette de la chaîne ZFM.
Dr Ahmetegun Rostach Homme • Senior/Adulte
Contact local de la presse à Kaboum, capitale d'Azerbalistan. accent oriental, très raffiné.
Deux gardes du corps Homme/Femme • Adulte/Senior
(Figurants.) Sur-armés.

Note :

Durant toutes les scènes se passant dans la capitale de l’Azerbalistan, on entendra en fond sonore insensiblement crescendo la bande-son d’une ville en pleine guerre civile (explosions, tirs d’armes automatiques, coups de canons, sirènes, etc). Le volume final devra quasiment gêner les dialogues.

ACTE I

ACTE I Scène 1

Michel, Émeline et Joseph.

Le visage de Joseph apparaît sur un écran de visioconférences.

(On le voit qui regarde sa montre, pas content.)

(Apparition du visage d’Émeline.)

Émeline

:

Salut, Joseph. Tu vas bien ?

Joseph

:

Ça va, merci. J’ai appris, pour ta promotion. Tu es une étoile, maintenant. Félicitations.

Émeline

:

Oui ,ben...

(Elle est interrompue par l’arrivé de Michel.)

Michel

:

Bonjour, les enfants ! Excusez mon retard, mais je suis débordé. Bon. J’espère que vous allez bien ? Je vous ai réunis, parce que j’ai une nouvelle idée de reportage, et que je voudrais vous associer, tous les deux. Car je pense qu’en combinant ton œil Ô combien neuf, mon Émeline, avec Joseph et sa grande expérience, on pourrait avoir une paire gagnante. Je crois super en vous sur le coup où je vous envoie.

Vous avez sûrement entendu parler de l’Azerbalistan, ces temps-ci. Il se trouve que c’est actuellement le pays de tous les trafics. Y compris les trafics d’enfants. Je veux savoir combien un petit être innocent se vend dans ce pays. Nos téléspectateurs ont le droit de savoir. Alors vous allez y aller enquêter et vous faire passer pour des parents acheteurs. Je vous envoie les détails de la mission par mail, avec les coordonnées du fixer sur place.

Émeline

:

C'est quoi un fixer ?

Michel

:

C'est vrai que tu débutes, ma chérie. C'est votre contact à Kaboum, la capitale. C’est lui qui va vous faire rencontrer les gens qu'il faut. Joseph, je compte sur toi, qui est le cameraman le plus ancien de la maison, avec le plus gros salaire, pour driver Émeline.

Joseph

:

Pas de problème.

Michel

:

Attention, vous allez certainement croiser un peu la route de la mafia locale, là-bas. Alors soyez prudents, hein ! S'il vous arrivait quelque chose, à tous les deux, je ne me le pardonnerais pas.

Joseph

:

Il y a une guerre civile, dans le pays, non ??

Michel

:

Oui, hô, guerre civile, guerre civile... Tout de suite les grands mots. Quelques petits troubles sporadiques, tout au plus. Disons juste qu'à certains carrefours, l'armée n'est guerre civile ! Ha ! Ha ! Ha !

Mais avec vos cartes de presse, vous serez intouchables, mes chéris. Aucun problème.

Tu ne penses tout de même pas que je voudrais te perdre, ma moumoune !?

Émeline

:

Mais moi j'étais bien à la météo. Pourquoi faut que j'aille là-bas ?

Michel

:

Parce que tu dois é-vo-luer professionnellement, mon cœur ! Moi je vois en toi un potentiel inouï ! Crois-en ma longue expérience ! Tu vas tout casser, dans le grand reportage extrêmement lointain !

Émeline

:

J'aime pas les voyages.

Michel

:

Mais tu fais ça un an ou deux, et s'il ne t'est rien arrivé de grave, tu reviens et c'est tout ! OK mon cœur ? Fais-moi confiance.

De toutes façons, on ne se quitte pas : tous les soir à 19h locale, vous m’envoyez votre reportage de la journée, à 19h30 on se le débriefe par visio, et si c’est OK, on le diffuse dans l’édition du matin.

Réglé comme du papier à musique ! Ha ! Ha ! Ha !

Allez ! Bonne chance à tous les deux !

On va cartonner, j’en suis certain.

Je vous laisse, j’ai l’édition de midi à boucler.

ACTE I Scène 2

Émeline et Joseph.

Chambre d’hôtel sinistre de l’équipe de CQQ News à Kaboum, Azerbalistan. (Lits séparés).

(Joseph nettoie avec un soin maniaque sa caméra et ses micros sur une petite table. Émeline range sa valise, pleine de trucs hyper-sexy, dans une antique armoire.)

Joseph

:

Ça va aller ?

Émeline

:

Oui, ben j'espère qu'on va pas s'éterniser ici, hein ! La ville est sinistre. Les rues sont vides, pleines de carcasses de voitures brûlées et de trous d'obus, y a que des militaires crasseux qui circulent. Toutes les façades sont criblées de balles... Impossible de faire du shopping ou d'aller boire un pot dans un endroit sympa, le soir, dans ce trou !

Joseph

:

C'est le métier...

Émeline

:

Oui ben justement, moi, c'est PAS mon métier ! J'étais très bien, à la météo, perso.

Joseph

:

Ça durera pas trop longtemps, normalement. On rencontre les intermédiaires, on leur fait le numéro des parents qui veulent à tout prix un enfant, ils reviennent avec une proposition, on filme discrétos, et on rentre. Rassure-toi : j'ai pas non plus envie de m'éterniser sur ce reportage pourri...

Émeline

:

Pourquoi "pourri" ?

Joseph

:

Je suis pas d'accord avec ce nouveau principe des caméra cachées pour un oui ou pour un non. La charte des devoirs professionnels du journaliste français dit clairement qu’« un journaliste digne de ce nom s’interdit d’invoquer un titre ou une qualité imaginaires, et d’user de moyens déloyaux pour obtenir une information ou surprendre la bonne foi de quiconque ».

Émeline

:

Ha bon ?

Joseph

:

Avec une pincée d'argent, on pouvait parfaitement interviewer un de ces intermédiaires en ombre chinoise. Et bien entrevoir les méandres de son âme maléfique.

Émeline

:

Ben oui, mais t'as prononcé le mot tabou, hein : Argent. Faut économiser sur tout, de nos jours, on dirait...

Joseph

:

ÉCONOMISER SUR NOS REPORTAGES, C'EST ÉCONOMISER SUR LE DROIT DU PEUPLE À L'INFORMATION, DONC SUR SON DROIT À VOTER EN TOUTE CONNAISSANCE DE CAUSE, DONC, C'EST ÉCONOMISER SUR LA DÉMOCRATIE !!!

Émeline

:

Ha! Ha ! Ha ! C'est vrai que t’es syndicaliste, toi...

Joseph

:

Sans compter que techniquement, les caméras cachées, c'est délicat. Y à toujours des problèmes.

(Silence. Bruit de bombes, au loin.)

Émeline

:

Dis, Joseph... Tu t'y connais, en comédie, en théâtre, tout ça ? Comment je vais faire, pour jouer une femme qui veut un enfant ?

Joseph

:

(?) Tu n'as jamais rêvé d'en avoir ?

Émeline

:

Ben non. Je déteste ça !

Joseph

:

Sans blague ?!

Émeline

:

OUI BEN C'EST COMME ÇA !!! J'AI AUCUNE ENVIE DE TRANSMETTRE MES GÈNES AVEC MON UTÉRUS "MÂÂÂGIQUE" !!!

Joseph

:

D’accord.

Émeline

:

UN MOUTARD, C'EST BRUYANT, C'EST CAPRICIEUX, C'EST SALE, C'EST DÉSOBÉISSANT, ET ÇA COÛTE UN BRAS !

Joseph

:

Çà, c'est quand ils sont petits.

Émeline

:

ET JE N’AI AUCUNE ENVIE D'AJOUTER ENCORE QUELQUES ADOS INGRATS À CE MONDE DE DÉGÉNÉRÉS !

Joseph

:

Ça peut se défendre.

Émeline

:

J'AIMAIS DÉJÀ PAS LES ENFANTS QUAND J'ÉTAIS ENFANT MOI-MÊME, ALORS T'AS QU'À VOIR !

Joseph

:

Effectivement.

Émeline

:

MOI, JE VIENS D'UNE FAMILLE DE DIX FRÈRES ET SŒURS ! ALORS LES MORVEUX, TU M'EXCUSES, J'AI DONNÉ !

Joseph

:

Waouh ! Sujet sensible, on dirait. N'en parlons plus.

Émeline

:

Et puis, j’ai peur qu’ils soient moches...

Joseph

:

S’ils tiennent de toi, aucun risque, Émeline. Ils auront la beauté des anges du paradis.

Émeline

:

Quel poète ! C’est gentil, çà…

Joseph

:

Et puis, les enfants peuvent parfois être un soutient, au soir de ton existence...

Émeline

:

NAN ! JE MOURRAIS SEULE, DÉVORÉE PAR MES CHATS... C'est mon destin et c'est très bien comme çà.

(Un bruit de bombe beaucoup plus fort que les autres la fait sursauter.)

Joseph

:

Ne t’inquiète pas. Tu vas t’y habituer.

Émeline

:

Je crois pas !

Joseph

:

Et à la réflexion, pour le rendez-vous avec l'intermédiaire d'adoption, va effectivement peut-être falloir qu'on répète un peu...

ACTE I Scène 3

Servane, Alexandre, Nico

Leurs trois visages apparaissent sur un écran de visioconférence.

Alexandre

:

OK. Tout le monde est là ? Vous allez bien ?

Servane

:

Salut, Alexandre. Tout baigne.

Nico

:

Super bien, chef ! Le son est top, dans les graves comme dans les aigus.

Alexandre

:

Alors let’s go. Je vous remets back dans le contexte. L’executive manager de notre nouveau repreneur est d’arrivé, et il nous a communiqué sa roadmap : à partir de de maintenant, on doit se recentrer éditorialement à fond sur un public mûr et de droite. Comme ils ont du pouvoir d'achat, ils vont attirer vers nous plus d’annonceurs, et donc, faire rentrer plus de cash. Main objectif : redevenir rentables d’ici un an. How to do that ? D’abord, plein de reportages sur le luxe. Ensuite, pour les hommes : des business news à tous les étages, 24 sur 24. Mais pour les femmes... c’est plus compliqué. More complicated. Nos market research montrent qu’il leur faut des EMOTIONS. Femmes mûres égal ménopause et blues du nid vide. Les gosses se sont tirés, ça leur manque. Donc privilégier les articles déchirants sur les kids. Un sujet sur l'adoption sauvage à l'étranger de couples qui n'arrivent pas à avoir d'enfant tomberait pile in the middle du cœur de cible. L’Azerbalistan est number one, sur le créneau. C'est la place to be, depuis la guerre civile hyper sanglante qui ravage littéralement tout le pays.

Servane

:

Pigé. Donc, on va là-bas et on interviewe des parents acheteurs ?

Alexandre

:

No way. Journalisme à la papa. Already done et pas assez punchy. Faut du fort. Mission en undercover. Vous allez vous faire passer pour des intermédiaires proposant des enfants contre commission. Vous faites monter les enchères au max. Vous filmez en cachette la détresse des couples, vous montrez jusqu'où ils sont prêts à aller pour payer. Vous pushez le truc à fond !

Nico

:

Génial ! Il y a un gadget tout nouveau, qui est sorti : des lunette équipées d’une caméra intégrée HD dernier cri, tellement miniaturisée, qu’elle est totalement indétectable ! Ça le ferait grave, pour filmer.

Alexandre

:

Oui, ben on va voir. Le nouveau business plan prévoit aussi des frais de reportages divisés par deux, watch out. Send-moi toujours la doc par mail, que je voie what can be done.

Servane

:

On aura un bon contact, sur place ?

Alexandre

:

The best. Pas difficile : il n'y en a qu'un seul de répertorié, dans ce bled. C'est le même depuis des décennies. Everybody le connaît, et il connaît everybody, là-bas. Il s’appelle Ahmedegun Rostach. Il se prétend avocat.

Servane

:

OK.

Alexandre

:

By the way : vous l’appelez « Docteur », hein ? Pas «Maître». La-bas, dès qu’ils savent un peu lire et écrire, ils se font tous appeler Docteur. Ha ! Ha ! Ha !

Bon.

...Et je veux qu’on sente bien la guerre, derrière, hein, dans votre reportage ! Filez-nous du blood and guts ! Ça helpera à bien dramatiser le topo.

Servane

:

Au fait... Il a quoi, dans le ventre, le nouveau seigneur et maître de notre chaîne ? On dit qu’il nous rachète juste pour mieux nous revendre, une fois toutes les branches pas rentables dégagées à la tronçonneuse.

Alexandre

:

Alors là, je vous arrête tout de suite. Le nouveau big boss nous a fait un speech hier, pour nous dire qu’ils étaient là for a long long time, qu’ils voulaient construire sur le long terme. C’est un mec génial, dynamique, avec des idées visionnaires sur le métier. Don’t be négative, comme ça, . Les syndicats disent que des bullshits, comme d’habitude.

Servane

:

OK... Ben tant mieux... Parce que le marché du travail, hein, c’est un peu le bordel, en ce moment !... Mais bon. J’ai rien dis, alors.

ACTE I Scène 4

Servane, Nico.

Chambre de à Kaboum, décors minimaliste, vieillot et sans goût. (Dont une armoire à glace).

(Nico frappe à la porte.)

Servane

:

(le nez dans sur son téléphone portable, durant toute la scène) Entre, putain !

Nico

:

Alors ?... Ça va, ta chambre ?

Servane

:

Les chiottes à la turc sont dégueulpif, mais ça va.

Nico

:

Par mesure d'économie, on aurait pu en prendre qu'une...

Servane

:

Même pas en rêve, mon chéri. Et t'excites pas : t’as aucune chance de tirer ton coup, avec moi.

Nico

:

(se regardant dans la glace) Pourquoi ? Je suis pas mal, non ?

Servane

:

Non.

Nico

:

"Non"-je-suis-pas-mal, ou... "non"-non ?

Servane

:

"Non"-non.

Nico

:

Et c'est quoi, qui bloque les ardeurs de ton désir, à mon niveau ?

Servane

:

BORDEL, JE SUIS EN TRAIN DE PRENDRE CONTACT AVEC LE FIXER QUE NOUS A DONNÉ LE NOUVEAU PETIT RÉDAC-CHEF, LÀ !!! J’ESSAYE DE MONTER UNE PREMIÈRE ENTREVUE !!! APRÈS FAUT QUE JE RASSURE TOUS MES BANQUIERS POUR LE CRÉDIT SUR L’ACHAT DE MA NOUVELLE BARAQUE, QUI VA ME COÛTER UN BRAS, ET ENCORE APRÈS, FAUT QUE JE FASSE UNE COM' GÉNÉRALE A MES FANS SUR MON RÉSEAU TWITTER !!! ALORS TU ME LÂCHES ET BASTA !

Nico

:

OK, OK...

(Silence. Rafales de mitraillettes au loin.)

Servane

:

T’as pas des trucs à faire ?

Nico

:

Si.

Servane

:

ALORS VAS-Y, MON BON !!! TON TOUT NOUVEAU MATÉRIEL DE TRANSMISSION SATELLITE, LÀ, IL ME FOUT LES JETONS. C’EST PAS LE MOMENT DE FOIRER !

Nico

:

NON MAIS JE RÊVE ! C'EST LE DERNIER MODÈLE QUI VIENT JUSTE DE SORTIR ! 120 GIGABITS DE TRANSMISSIONS D'INFORMATIONS PAR SECONDE ! À 5,8 GIGAHERTZ EN HDMI !!! COMPATIBLE AVEC LE NOUVEAU DÉCODEUR G9 !!! … TU N'EN AS PAS ENCORE CONSCIENCE, MAIS TU AS LIÉ TON DESTIN AU JAMES BOND DU GRAND REPORTAGE, MA PUCE !

Servane

:

JE NE SUIS P A S TA PUCE !!! ... VA T’OCCUPER À BRANCHER CES GIGABITS... AU LIEU DE BRANLER LA TIENNE ! … qui doit être toute petite !

Nico

:

(souriant, pas ému pour un sou) Ouais, elle était facile, celle-là. OK, j'y vais.

(Il sort.)

(Puis repasse la tête.)

Nico

:

Au fait : pourquoi une belle fille comme toi, tu es toujours vulgaire, quand tu parles en privé ?

(Servane fait mine d’exploser, il referme la porte précipitamment.)

(Elle lit à haute vois en tapant son SMS).

Servane

:

"Cher Docteur Rostach. C’est avec plaisir que mon associé et moi aimerions réfléchir avec vous au principe de cette commission en votre faveur, sur toutes les commandes que nous recevrons grâce à vos bons offices. Nous acceptons donc le rendez-vous que vous nous proposez demain à votre étude, à 14h30, pour une première prise de contact. Inutile, je pense, de vous rappeler le caractère extrêmement confidentiel de nos négociations, au regard des... matières premières exceptionnelles, que notre organisation commercialise. Cordialement, Madame Roy, propriétaire de la société Génélec-Roy-P.A.S."

(Une détonation toute proche retentit, sans la faire sursauter d’un millimètre.)

Servane

:

Mais vos gueules, putain !!!

ACTE I Scène 5

Émeline, Nico, Dr Rostach.

Cabinet du docteur Rostach, à Kaboum.

(Une voix féminine dans un interphone annonce : " Votre rendez-vous de 13h30 est arrivé, Docteur".)

Dr Rostach

:

Faites entrer.

Émeline

:

(se jetant sur lui et l'étreignant) DOCTEUR !!! SAUVEZ MA MISÉRABLE VIE !!!

Dr Rostach

:

Pardon ?

Émeline

:

(bramant) JE VEUX UN ENFANT !!!

Joseph

:

(à Émeline, à mi voix) (N'en fais pas trop, non plus.)

Joseph

:

Bonjour Docteur Rostach. Pardonnez ma femme : elle est un peu à cran, comme vous pouvez le voir.

Dr Rostach

:

Oui, c'est normal. Ce n'est qu'une femme. Avez-vous fait bon voyage ?

Joseph

:

Excellent, je vous remercie. Les onze heures d’attente à la douane ont défilé beaucoup trop vite.

Dr Rostach

:

Que voulez-vous, c'est la guerre, n'est ce pas ? … Je vous sers du thé ? ... Du café ?

Émeline

:

NON !!! JE VEUX UN ENFANT !!! MAINTENANT !!! N'IMPORTE LEQUEL, BLOND OU BRUN, GARÇON OU FILLE, MÊME TRANSGÉNIQUE, C'EST PAS GRAVE, LE TORRENT DE MON AMOUR EMPORTERA TOUT !!!!

Dr Rostach

:

(consultant ses notes) Monsieur... Lambert, c'est bien cela ?

Joseph

:

Tout à fait.

Dr Rostach

:

Et bien, monsieur Lambert, mon intuition, alliée à mes 20 ans d'expérience dans ce cabinet, me chuchotent à l’oreille le but de votre visite dans notre beau pays.

Émeline

:

N'IMPORTE QUEL ÂGE !!! BÈGUE, BOITEUX, MIRO, ACCROC DEPUIS DIX ANS AUX JEUX VIDÉOS, JE PRENDS TOUT !!!!

Joseph

:

Il faut vous dire que ma femme et moi avons tout essayé, ces dernières années, pour concevoir un enfant, hélas sans résultats.

Émeline

:

OUI !!! LES FILMS PORNOS, LES BOITES ÉCHANGISTES, LES VACANCES PRÈS DUNE CASERNE DE SÉNÉGALAIS, RIEN N'Y A FAIT !!!

Joseph

:

Vous êtes donc notre dernier espoir, Docteur...

Dr Rostach

:

Comment ça ? … Vous voulez que je... Écoutez... S'il le faut... (il se lève) Votre femme a la beauté des roses d’Ispahan par un matin d’avril, je le reconnais...

Joseph

:

Docteur Rostach !

Dr Rostach

:

(se déboutonnant) Attendez nous dans le couloir, Monsieur Lambert, ça ne sera pas long.

Joseph

:

Docteur Rostach, vous vous égarez !

Émeline

:

HOP ! HOP ! HOP ! ON SE CALME !!! OUI, JE VEUX UN ENFANT, MAIS... MAIS... DEPUIS QUE J'AI FAIT MES IMPLANTS À PRIX D’OR ET MA LIPOSUCCION AU BRÉSIL, JE… JE PRÉFÉRERAIS EN AVOIR UN TOUT FAIT !... VOILÀ… pour ne pas ruiner mes atouts... C’est que j'ai une carrière dans les médias à mener, moi !!!

Dr Rostach

:

Hein ? ... Euh... Oui, pardon. (il se rajuste) Excusez ce... débordement inexcusable de mes sens. J'ai eu une journée très chargée. Une semaine de folie. Nous sommes tous sous tension, ici, avec cette guerre terrible. On vit un peu comme si on devait tous mourir demain, dans cette ville, vous voyez.

Joseph

:

Oui oui, je connais bien.

Dr Rostach

:

Ha bon ? En tant que... (Il relit la note sur son bureau) ...qu’ostréiculteur à Mont de Marsan, vous connaissez bien la guerre ?

Joseph

:

Heu… NON ! … Bien sûr ! ... Enfin SI !... Je veux dire : la guerre des huîtres !!! Terrible ! Le jour de l'an, la concurrence, tous les coups sont permis !! C'est sanglant !!

Émeline

:

Bon, les anciens combattants, et mon enfant ?!?! JE VEUUUUX UNNNN EN-FANNNT !!!!

Joseph

:

Oui, revenons à notre proposition de transaction, Maître. Enfin, Docteur. Pouvez-vous oui ou non nous mettre en contact avec des intermédiaires à même de satisfaire notre désir de choyer un petit être innocent ? Le prix importera peu.

Dr Rostach

:

Mmmmh... Je suis conscient de la réputation mondiale que notre beau pays a réussi à acquérir sur cette activité, et je ne voudrais pas décevoir de si nobles aspirations, au risque de ruiner notre image. Néanmoins, je ne vous cacherai pas que dans la situation actuelle, avec ces troubles, ces incertitudes... Les tarifs ont nettement enchéris...

Joseph

:

Aucun problème. S'il le faut, je me reconvertirai dans les huîtres perlières à Tahiti. Quel sont les prix actuels ?

Émeline

:

OUI !!! ON VEUT UN ENFANT !!!

Dr Rostach

:

(prenant sa calculette) Alors... Pour un enfant en bonne santé... Vous ne prenez pas les sidaïques, n'est ce pas ?

Joseph

:

Si on peut éviter...

Dr Rostach

:

Bien sûr... Disons que les prix du marché tournent actuellement autour de 26 millions, pour un enfant d’environ 10 ans, si vous le prenez nu, sans les options...

Les deux

:

(Joseph et Émeline en chœur) 26 MILLIONS ?!?!?

Dr Rostach

:

26 millions de Zum-Zums. Notre monnaie Azerbalistanaise, naturellement.

Émeline

:

Aaaaah, bon ! ... Et ça fait combien, en vrai argent ?

Dr Rostach

:

Dans les 300 Euros...

Joseph

:

Parfait.

Dr Rostach

:

Enfin... Je vous parle de ce que j'ai entendu dire, n’est-ce pas. Je ne trempe en aucune façon dans ce genre de commerce. Ce sera à vous de négocier, en fonction du spécimen qui vous sera proposé.

Joseph

:

Naturellement... Et quand pourrez-vous nous faire rencontrer un intermédiaire ?

Émeline

:

OUI !! C'EST TRÈS URGENT !!! JE VEUX UN ENFANT !!!

Dr Rostach

:

Je vous contacte dès que j'ai trouvé quelqu'un de confiance. (Il regarde sa montre et se lève) Monsieur et Madame Lambert, je suis désolé de devoir mettre un terme à cet entretien si agréable, mais j'ai un autre rendez-vous qui m'attend. Puis-je vous raccompagner ?

Joseph

:

Ne vous donnez pas cette peine, Dr Rostach , nous vous laissons. Et nous comptons sur vous.

Émeline

:

OUI ! ET J'ESPÈRE QUE ÇA VA PAS PRENDRE DES SEMAINES, HEIN ?

Dr Rostach

:

Que sont deux semaines, lorsqu'il s'agit de s'engager pour toute un vie, chère Madame ? A très bientôt.

(Le couple se lève.)

Joseph

:

(chuchotant à Émeline) (Tu t’en est pas mal tirée, mais fais-en quand même un poil moins).

Émeline

:

(sur le même ton) (Oui, mais moi, je SENS le personnage comme çà ! Là !)

(La porte se ferme. Le prend son téléphone.)

Dr Rostach

:

Allô, Maître ? … C’est moi. Je viens de les recevoir.

(...)

Dr Rostach

:

Vu comme ça, ils ont l'air vraiment bons à prendre, mais je ne sais pas, j'ai comme un doute... Est-ce que vraiment on fait des huîtres, à Mont de Marsan ?

(...)

Dr Rostach

:

Ce sera fait, Maître. Je fais des recherches et on laisse venir, si Dieu le veut. Merci. Longue vie à la famille.

(Il raccroche.)

ACTE I Scène 6

Servane, Nico, Dr Rostach.

Cabinet du docteur Rostach, à Kaboum.

(Une voix féminine dans un interphone annonce : " Votre rendez-vous de 13h30 est arrivé, Docteur".)

Dr Rostach

:

Faites entrer.

(Le couple de ZFM rentre dans le bureau du Docteur Rostach. Ils portent tous les deux d'épaisses lunettes de soleil et ont des airs de conspirateurs.)

Dr Rostach

:

Enchanté. Monsieur... Martin et Madame Roy, de la société Génélec-Roy-P.A.S., c'est bien cela ?

Servane

:

Tout à fait. Nos respect, Docteur Rostach.

Dr Rostach

:

Puis-je vous offrir du thé ? Ou du café ?

Servane

:

Merci, Docteur. Si vous le permettez, j'aimerais en venir directement au fait.

Dr Rostach

:

Dans ce cas, je vous en prie. Exposez-moi votre problème.

Servane

:

La société Génélec-Roy-P.A.S. n'est en fait que l'une des nombreuses couvertures de notre… organisation. Organisation qui a des ramifications dans le monde entier, mais dont je ne suis pas autorisé à vous parler plus avant. Sachez simplement que notre puissance... n’a d’égale que notre discrétion.

Dr Rostach

:

Je connais le monde des affaires, Madame Roy. La discrétion fait également partie de mes premiers services, en tant que conseiller. Comment puis-je vous être utile ?

Servane

:

Voici. Nous avons décidé de démarrer une implantation, sur l'un des marchés les plus porteurs de votre beau pays.

Dr Rostach

:

Mais bravo ! Comme vous le savez, nous sommes ouvert à tous les investissements, d'où qu'ils viennent, afin de mettre en valeur nos réels atouts économiques, et améliorer ainsi à terme le bien-être de nos populations. Dans lequel de nos domaines d'excellence souhaitez-vous investir ? Trafic d'armes ? Drogues ? Prostitution ? Tueurs à gages ? Blanchiment de capitaux ?

Servane

:

Disons que pour l'instant, nous visons plutôt un marché de niche. Compte tenu du dynamisme de notre branche en l'Europe de l'est (je parle d'une croissance à deux chiffres, ces-dernières années), ainsi que de notre récente percée dans la livraison du dernier kilomètre, nous envisageons une implantation chez vous... sur la traite d'enfants.

Dr Rostach

:

Excellente idée !!! Il est vrai que l'enfant blond est assez rare, par ici. Un approvisionnement régulier en fillettes nubiles caucasiennes serait certainement très apprécié de notre clientèle moyen orientale, par exemple.

Servane

:

Alors combien ?

Dr Rostach

:

Je vous demande pardon ?

Servane

:

Quelle commission exigez-vous, pour chaque client que vous nous présenterez ?

Dr Rostach

:

Madame Roy. N'allons pas si vite. Je dois réfléchir. La guerre civile qui déchire notre pays bien-aimé ne facilite pas actuellement les transactions, et les bons clients se font aussi rares que les dattes sur le palmier au soleil de juillet.

Servane

:

10% sur toutes nos transactions.

Dr Rostach

:

Les tracasseries internationales sur les faux papiers qui accompagnent nos beaux enfants se multiplient de mois en mois, nous obligeant à toujours plus de sophistications dans leur fabrication. C'est hors de prix.

Servane

:

15%.

Dr Rostach

:

Un reportages parus récemment dans la presse américaine, a nuit à notre réputation si durement établie, de discrétion. Certains de nos plus gros et fidèles clients Européens ont fuit.

Servane

:

20%. C'est notre dernier mot.

Dr Rostach

:

20%, c'est entendu. Je vais voir ce que je peux faire. Mais je ne puis rien vous promettre !

Servane

:

Nous connaissons l'étendue de votre carnet d'adresse en Azerbalistan, Docteur Rostach. Nous ne doutons pas de votre capacité à nouer de fructueux échanges avec notre organisation. Nos produits de haute qualité sont faits pour une clientèle que nous savons de plus en plus exigeante.

Dr Rostach :

 :

Alors tout est parfait.

(Il se lève et les raccompagne.)

Dr Rostach

:

Merci, merci de votre confiance. À très bientôt.

(Servane sort la première.)

Dr Rostach

:

(sur le ton de la confidence, à ) Monsieur Durand, vous avez là une dirigeante extrêmement experte et... dure sur l’homme, dans l'art de le négociation.

Nico

:

(sur le même ton) Je sais, mais j'arriverai quand même à me la faire, à la fin. J'en suis sûr. Allez, au revoir !

(Le ferme la porte, songeur, et empoigne son téléphone.)

Dr Rostach

:

Allô, Maître ? Oui, c’est Ahmetegun... Dieu nous a envoyé une nouvelle épreuve, j’en ai peur. Ils veulent s’installer sur le créneau des enfants.

(...)

Dr Rostach

:

Franchement, je ne sais pas. Ils sont curieux, ces gens-là.

(...)

Dr Rostach

:

En plus, ils semblent me faire confiance. Ce sont peut-être des amateurs, après tout.

(...)

Dr Rostach

:

C’est une superbe idée, Maître ! … Entendu… Je les fait se rencontrer d’ici quelques jours, si Dieu le veut, et on voit comment ça se passe.

(...)

Dr Rostach

:

Bien sûr !… On n’aura peut-être même pas besoin d’intervenir… Parfait… Que Dieu accorde une longue vie à la famille…. Je vous tiens au courant.

(Il raccroche.)

ACTE II

ACTE II Scène 1

Servane, Nico, Émeline, Joseph.

Un petit salon oriental, sombre et désuet.

(Servane et Nico attendent Émeline et Joseph. Ils ont leur lunettes de soleil relevées sur le front. Lui, tape sur un ordinateur portable.)

Servane

:

Bon, alors on n’essaye pas de filmer, avec ta putain de caméra actuelle ? T’es sûr ?

Nico

:

Oui. Il est bien gentil de nous avoir filé ce petit salon pour le rendez-vous, le Dr Rostach, mais il y a à peine 50 lux, là. Même en mode manuel et avec une vitesse d'obturation entre 5 et 10 secondes, impossible de shooter. Faudrait un flash.

Servane

:

Génial, pour la discrétion… Fait chier.

Nico

:

De toutes façons, il faudra au moins un autre rendez-vous, pour conclure. C’est là qu’on les chopera.

(On frappe à la porte.)

(Les deux rabattent leur lunette de soleil sur leurs yeux comme un seul homme.)

Servane

:

(d’une voix sépulcrale) Entrez.

(Ils se lèvent quand Émeline et Joseph pénètrent dans la pièce.)

(Joseph tend la main à Servane, qui l’ignore.)

(Les quatre s’assoient sans un mot.)

Servane

:

(aussi sinistre que possible) Bonjour. Le Dr Rostach, que nous connaissons favorablement, nous a informé que vous cherchiez… du matériel.

Émeline

:

OUI ! NOUS VOULONS UN ENFANT !

Nico

:

(le nez sur son ordinateur, sinistre aussi ) OK. Sachez que nous sommes membres d’une organisation dont la puissance... n’a d’égale que notre discrétion, mais aussi notre sophistication technologique. Notre puis de données digitales contient 900 térabits de mémoire, lues par un ordinateur central cadencé à 20.000 hertz, lui-même boosté par...

(Servane lui donne un coup de coude.)

Nico

:

BREF ! Je vais donc entrer vos désirs dans ce tout nouveau logiciel, puis nous lancerons une requête dans nos bases de produits disponibles, afin de trouver l’article le plus à même de vous satisfaire.

Joseph

:

D’accord.

Nico

:

(Entrant les données sur son portable durant toutes les questions) Bien ! L’article que vous cherchez entre donc dans la catégorie : Enfants.

Servane

:

(toujours sinistre) C’est justement.. notre spécialité.

Nico

:

Aloooors… Quels sexe souhaitez-vous ?

Émeline

:

TOUS !!!

Nico

:

Heu… Bien. Quelle tranche d’âge ?

Émeline

:

ON S’EN FOUT !!!

Nico

:

Je le note. Quelle taille préféreriez-vous ?

Émeline

:

N’IMPORTE LAQUELLE !

Nico

:

OK... Désirez-vous une origine certifiée particulière ?

Émeline

:

NON !!!

Nico

:

Paaaarfait... La couleur, maintenant. Nous avons blanc, jaune, marron clair ou noir, en stock disponible rapidement. Le marron clair est très à la mode, en ce moment.

Émeline

:

AUCUNE IMPORTANCE !!! JE VEUX UN ENFANT !!!

(Joseph la calme.)

Nico

:

Bien... Vous visez quelle gamme de prix, pour votre achat ?

Joseph

:

A quoi correspondent les différences ?

Servane

:

Il y a trois tranches. La plus chère est celle des enfants de couleur blanche, bien entendu.

Les 3 autres

:

(comme un seul homme) Bien entendu !!!

Nico

:

Et… il y a aussi ceux élevés sous la mère, qui sont plus chers que les orphelins de naissance. Ils sont généralement moins stressés, plus cool, plus heureux de vivre.

Émeline

:

Ha bon ? Pourtant… si on les a arraché à leur mère, ils devraient être plus tristes que ceux qui n’en ont jamais eu, non ?

Servane

:

Heu ! … Non ! Pas du tout... Là, on est dans un échange standard ! Ils avaient une mère, le destin la leur retire, le destin leur en trouve une autre. Point. Tandis que ceux qui n’en ont jamais eu, ils ne sont pas habitués, à la vie de famille. Ce sont de vrais petits sauvages. Ils sont un peu plus longs à dresser. Donc, ils sont moins chers.

Joseph

:

Ah, d’accord.

Nico

:

En résumé : niveau haut, les enfants blancs, complets, sans aucune pannes, origine certifiée « élevés sous la mère ». Niveau le plus bas : les enfants noirs qui sont amputés et/ou malades, et/ou orphelin de longue date. Le niveau intermédiaire, c’est pour tous les autres.

Servane

:

Nous ne faisons pas de garantie sur les niveau deux et trois. Les niveau un sont garantis trois mois par nos services, moyennant supplément.

Émeline

:

ON ACHÈTE !!!

Joseph

:

Je pense que nous allons pouvoir faire affaire. Nous choisissons les enfants aux prix le plus élevé. Ma femme mérite le meilleur, après tout ce qu’elle a souffert, à cause de son manque de maternité.

Émeline

:

Ha oui. Un véritable enfer. On peut le dire.

Nico

:

Parfait. Alors, je lance la requête… Ah, pardon ! J’oubliais ! Il y a les options, maintenant. Vous le voulez avec ou sans papiers ?

Joseph

:

Quels types de papiers ?

Nico

:

Nous pouvons fournir avec supplément un vrai faux passeport valide. Nous avons tous les certificats que vous pourriez désirer, en fait. Comme les faux certificats de vaccination, par exemple. Très utiles. Je vous les conseille.

Émeline

:

ON PREND TOUTES LES OPTIONS !!!

Nico

:

Ah ? C’est noté... Vous préférez récupérer l’enfant dans un colis en « clic and collect » directement à nos hangars, ou par « livraison en mains propres » ?

(Lourd silence. Juste les tirs sporadiques, au loin.)

Nico

:

Enfin je veux dire : « par livraison à domicile », à votre hôtel ?

Joseph

:

Livraison à domicile. C’est mieux, oui.

Servane

:

Nous avons habituellement un délai de 8 jours ouvrés maximum, pour ce genre d’article.

Nico

:

Bien. Encore un peu de patience, c’est bientôt fini. Le paiement, à présent. Vous réglez comment ? La norme, chez nous, c’est le bitcoin, versé par internet sur notre magnifique site officiel flambant neuf de 300 gigaoctets, dans le dark web.

Servane

:

Sinon, nous venons de sortir une nouvelle formule de paiement à crédit. Très attrayante. Au taux usuraire de 80 % par mois. (Elle sort un flingue énorme, le pose sur la table et ajoute, hyper sinistre) Mais attention : un crédit vous engage et doit être remboursé.

Joseph

:

Vous nous donnerez votre adresse sur le dark web. On payera comme çà.

Nico

:

Aloooors, je récapitule votre commande, avant de lancer définitivement l’achat sur notre logiciel : vous acceptez de payer 260 millions de Zum-Zums Azerbalistanaises, soit la somme de 500 Euros, payables en Bitcoins, pour : un enfant, de sexe indéterminé, d’âge indéterminé, de taille indéterminée, de couleur blanche, sans malformation, ni aucun membre amputé, sans maladie connue, avec le label certifié « élevé sous la mère ». Vous avez également souscrit les options « garantie trois mois », « vrai faux passeport », « vrai faux certificat de vaccination », et « livraison à domicile dans un délai de 8 jours ouvrés, sous emballage discret ». Nous sommes bien d’accords ?

Les deux

:

(Émeline et Joseph) OUI !!!

Nico

:

Parfait... Et… J’AJOUTE QUE TOUS CEUX QUI ONT FAIT CE TYPE D’ACHAT ONT AUSSI AIMÉ NOS PETITES FILLES NUBILES ! POUR CINQ ACHETÉES, LA SIXIÈME EST GRATUITE !!!

(Stupéfaction générale.)

Joseph

:

Ah ? Heu… Et bien… nous allons réfléchir. Cette proposition est évidemment très alléchante. Mais... on ne va pas se décider sur un coup de tête. N’est-ce pas, mon amour ?

Émeline

:

Heu… Non, tu as raison, mon cœur.

Nico

:

BIEN !!! Je mets donc cette offre exceptionnelle, valable dans la limite de nos stocks disponibles, sur la liste de vos désirs. Et si vous voulez, nous pouvons nous revoir d’ici quelques jours, pour mieux en reparler ?

Joseph

:

Tout à fait.

(Il se lève, imité par Émeline, et tend la main à Servane, qui reste encore de marbre.)

(Ils sortent un peu précipitamment.)

Émeline

:

(à part à Joseph) Ils sont horribles…

Joseph

:

(à mi-voix) De fieffées ordures.

(Petit silence, une fois la porte refermée, bruits de sirènes, au loin.)

Nico

:

Lamentables !... Ils n’ont pas l’ombre d’un scrupule !

Servane

:

Tu m’étonnesQuel égoïsme !

...

Mais d’où t’as sorti cette putain d’idée de fillettes nubiles en treize à la douzaine ?!?!

Nico

:

Sais pas. C’est venu de nulle part. Comme une illumination.

Servane

:

T’es vraiment un putain de grand malade dans ta tête, toi !

ACTE II Scène 2

Servane, Nico.

La chambre de Servane.

(Servane fait face à une petite caméra sur un trépieds, connectées à l’ordinateur de Nico. Elle se tient devant la fenêtre ouverte, pour avoir l'air d'être en extérieur, à l’image.)

Servane

:

Je suis prête... C’est bien ce gros connard de Patrick, qui présente, cette semaine ?

Nico

:

Oui. Ça tourne.

(Nico siffle, gronde et fait clignoter la lumière de la chambre, pendant la captation, pour simuler des bombes qui tomberaient sévèrement aux alentours. Il donne un petit coup à la caméra à chaque explosion supposée.)

Servane

:

(criant) BONJOUR À TOUS ! EFFECTIVEMENT, PATRICK, NOTRE ENQUÊTE EXCLUSIVE SUR LE TERRAIN, ALORS QUE LA GUERRE FAIT RAGE, NOUS A PERMIS, APRÈS MAINTES DIFFICULTÉS, DE METTRE À JOUR LE SUMMUM DU TRÉFONDS DE L'HORREUR : DES DIZAINES ET DES DIZAINES DE COUPLES EUROPÉENS SANS ENFANTS PROFITENT HONTEUSEMENT DE LA DÉRÉLICTION IN-AMENDABLE DES SERVICES PUBLIQUES DE CE PAYS MARTYRE POUR ACHETER, OUI, JE DIS BIEN ACHETER, D'INNOCENTS ENFANTS ORPHELINS, QUI APPELLENT ENCORE LEUR MÈRE, LA NUIT, AU CŒUR DE LEURS DÉLIRES PROVOQUÉS PAR LA FAIM QUI LES TENAILLE, ALORS QU'ILS SONT SEULS, ABANDONNÉS DE TOUS, COMME DES CHIENS SUR LEUR TAS DE CAILLOUX TRÈS AIGUISÉS, AU MILIEU DES RUINES FUMANTES, AVEC LES CADAVRES ENCORE CHAUDS DE LEURS PARENTS SE DÉCOMPOSANT À CÔTÉ D'EUX. JE PENSE QU'ON PEUT DIRE QUE NOUS NE SOMMES PAS LOIN DE POUVOIR AFFIRMER QUE C'EST UNE TRAGÉDIE, QUI SE DÉROULE SOUS NOS YEUX, ICI, EN AZERBALISTAN ! À VOUS, PATRICK !

Nico

:

C’est dans la boite... Tu vois, qu’en fait, tu peux très bien parler sans dire un gros mots à chaque phrase !

Servane

:

Tu me lâches, Ducon ! Je parle comme je veux !

Nico

:

Et le coup des bombes, c’est pas un peu too much ?

Servane

:

L’autre abruti à Paris veut du blood and guts, je lui en donne ! J’ai BESOIN de ce boulot, moi.

ACTE II Scène 3

Nico, Servane, Alexandre.

Chambre de Servane

(La tête d’ Alexandre apparaît sur l’écran du portable de Nico.)

Alexandre

:

Hello, Nico. Hello, Servane. Vous me readez bien ?

Nico

:

Hello, Alex. Super. Tu as bien reçu nos images, par la liaison satellite ?

Alexandre

:

Impeccable. Ton nouveau matos fonctionne très bien. Congratulations.

(Nico, très fier, regarde Servane.)

Alexandre

:

Bon, Servane, TU ME REFAIS PLUS JAMAIS ÇA, HEIN !?!... NEVER !... "DÉRÉLICTION INAMENDABLE" !!!... TU CROIS QUE J'AI QUE ÇA À FAIRE, D’ALLER DEUX FOIS DANS LE DICTIONNAIRE POUR DÉCRYPTER CE QUE TU NOUS DIS ? ON EST PAS À L’ACADÉMIE DES BELLES LETTRES, ICI !!!

Servane

:

Oh, fait chier. Désolés, boss.

Alexandre

:

Bon, sinon vous continuez, hein ! J'en veux plus. More ! On devrait avoir un très bon retour d'audimat sur le segment Half Aged Women. Ça va les faire chialer, ces connes. Tu m'as pas dit dans ton mail qu'ils vous prenaient six moutards de plus ? Dites que vous leur faites un super deal et proposez-en encore d’autres ! On va voir jusqu'où ils vont, ça va être top !

Nico

:

D’accord... T’as aussi reçu ma doc, sur les lunettes caméra ?

Alexandre

:

Correct. I saw it avec le service Achats, ça devrait le faire, on va te les envoyer, tes spy glass.

Nico

:

Génial !

Alexandre

:

Bon. J'ai un peu boosté ton montage, au fait. Rien de méchant. Business as usual. On va passer ça direct après le dernier spot de pub, ça va kicker leur ass, bien comme il faut ! Ha ! Ha ! Ha !

Servane

:

Pendant ce temps, je téléphone à Rostach, pour qu’il se magne de nous monter un autre putain de rendez-vous avec nos deux gogos.

Alexandre

:

Parfait. So long, team !

(Son image disparaît de l’écran.)

ACTE II Scène 4

Servane, Patrick.

Les infos du matin sur la chaîne ZFM apparaissent sur un grand écran.

(Des bombes qui tombent ont été ajoutées en arrière plan. Les passages « du summum » « du tréfonds », et « de l’horreur » ont été grossièrement dupliqués au montage, à travers tout le commentaire.)

Patrick :

 :

Des nouvelles d’Azerbalistan, à présent. J’appelle tout de suite Servane, notre correspondante à Kaboum :

Servane

:

BONJOUR À TOUS ! EFFECTIVEMENT, PATRICK, NOTRE ENQUÊTE EXCLUSIVE SUR LE TERRAIN, ALORS QUE LA GUERRE FAIT RAGE, NOUS A PERMIS, APRÈS MAINTES DIFFICULTÉS, DE METTRE À JOUR LE SUMMUM DU SUMMUM DU TRÉFONDS DU TRÉFONDS DE L'HORREUR : DES DIZAINES ET DES DIZAINES DE COUPLES DE L'HORREUR SANS ENFANTS PROFITENT HONTEUSEMENT DES SERVICES PUBLIQUES DE L'HORREUR DE CE PAYS MARTYRE POUR ACHETER D'INNOCENTS ENFANTS ORPHELINS, QUI APPELLENT ENCORE LEUR MÈRE, LA NUIT DE L'HORREUR, AU CŒUR DE LEURS DÉLIRES PROVOQUÉS PAR LA FAIM QUI LES TENAILLE, ALORS QU'ILS SONT SEULS, ABANDONNÉS DE TOUS, COMME DES CHIENS DE L'HORREUR SUR LEUR TAS DE CAILLOUX TRÈS AIGUISÉS, AU MILIEU DES RUINES FUMANTES, AVEC LE CADAVRES ENCORE CHAUDS DE LEURS PARENTS DE L'HORREUR SE DÉCOMPOSANT À COTE D'EUX. JE PENSE QU'ON PEUT DIRE QUE NOUS NE SOMMES PAS LOIN DE POUVOIR AFFIRMER QUE C'EST UNE TRAGÉDIE DE L'HORREUR QUI SE DÉROULE SOUS NOS YEUX, ICI, EN AZERBALISTAN ! À VOUS, PATRICK !

ACTE II Scène 5

Émeline, Joseph.

Chambre d’Émeline et Joseph.

(Joseph est derrière sa caméra, branchée à son ordinateur. Émeline est devant l’objectif. Elle se pomponne.)

Joseph

:

Bon, tu es prête ?

Émeline

:

Oui oui. On est à l’antenne dans combien de temps ?

Joseph

:

Émeline, c’est plus la météo, là. On envoie par satellite quand on est prêts, c’est tout.

Émeline

:

Bien sûr, bien sûr.

Joseph

:

Tu as fini d’écrire ton compte-rendu ?

Émeline

:

Oui, il est là.

Joseph

:

Très bien. On en fait une pour rien. Comme çà, toi tu t’échauffes, et moi je fais mes réglages, OK ? Je te rappelle que le présentateur, chez nous, en ce moment, c’est cet idiot de Jean-Pierre.

Émeline

:

Je sais.

Joseph

:

Alors c’est parfait. On y va.

Émeline

:

(lisant) Bonjour à tous. Et bien oui, Jean-Pierre, en plus du ciel nuageux avec de brèves éclaircies, qui annonceront une nuit froide dans le nord du pays... et de la guerre... nous venons de découvrir, ici, QU'ON VEND DES ENFANTS !!!... Des enfants prétendument sages et adorables, mais il faut voir s'ils seront si parfaits et s'ils rangeront leur chambre quand on le leur demandera, comme le fait croire la pub locale. Moi, j'ai des doutes, hein ! Bon. Enfin. Ne zappez pas. On vous tient au courant dès qu'on a du nouveau… Et surtout, restez couverts !

C’est bon ?

Joseph

:

Écoute, Émeline, moi, le contenu, à priori, c’est pas mon rayon. Mon boulot, c’est la technique. Mais là, l’intonation, ça fait pas pro.

Émeline

:

Comment ça ?

Joseph

:

C’est trop lié… trop naturel... J’ai une idée : pour faire comme eux, tu vas inspirer puis expirer, tous les quatre ou cinq mots maximum. Ça fait des coupures qui permettent aux téléspectateurs de s’imprégner de l’image, tu vois. Et puis, dramatise, un peu ! Par exemple, après « Jean-Pierre », tu ajoutes, « Incroyable mais vrai ! », ou « Et là, c’est le drame ! », des expressions comme çà. Vas-y. Redémarre à « Et bien oui ».

Émeline

:

OK. (comptant laborieusement les mots) "Et bien oui, »... Heu... « Jean-Pierre », ça compte pour un mot ou pour deux ?

Joseph

:

Fais comme tu sens ! Faut que ça reste naturel.

Émeline

:

"Et bien oui, Jean-Pierre... incroyable mais vrai... en plus du ciel nuageux... avec de brèves éclaircies... qui annonceront une nuit... froide dans le nord du pays... et de la guerre… nous venons de découvrir, ici… QU'ON VEND DES ENFANTS !!! "

Joseph

:

NONNNN !!! TU FAIS TROP DE SENTIMENTS !!! C’est pas journalistique. Ne t’exclame pas, comme çà. Fais carrément comme s’il n’y avait pas d’intonation, dans tes phrases : « de découvrir, ici... qu'on vend des enfants… des enfants prétendument sages... »

Émeline

:

(Pfou ! C’est compliqué !)… Qu'on vend des enfants… Des enfants prétendument… sages… Et là, c’est le drame !!!

Joseph

:

NON !!! Tu continues ! Tu dis « Et là, c’est le drame », MAIS SANS AUCUN SENTIMENT !!! Sinon ça fait pas pro ! … Tu comprends ???

Émeline

:

Alors, faut que je dise « Et là, c’est le drame », mais… pas dramatique, quoi...

Joseph

:

EXACTEMENT !!! Tu lis un texte qui doit être hyper fort, pour agripper le spectateur, mais sans dramatiser le ton, pour garder le côté journaliste détaché et objectif !!!

Émeline

:

(d’une voix grave et caverneuse) « Et là, c’est le drame. »

Joseph

:

C’est mieux ! On recommence depuis le début !

Émeline

:

Pfou-la-la !!! Quel métier !!!

ACTE II Scène 6

Michel, Émeline, Joseph.

Chambre d’Émeline et Joseph.

(Michel apparaît sur l’écran de l’ordinateur de Joseph.)

Michel

:

Salut, vous deux !

Les deux

:

Bonjour !

Michel

:

Bon, ma chérie, j’ai reçu votre petit film. Il est à chier, ton commentaire. Mais c’est pas grave, je vais tout réécrire et filer çà à cet imbécile de Jean-Pierre, qui le lira en direct. Tu vas bien ?

Émeline

:

Chouchou, quand est-ce que je rentre ?

Michel

:

Hou la la, pas tout de suite, pas tout de suite, ma puce. Tu est une vraie journaliste d'investigation, maintenant. Une grande pro ! Je suis fiers de toi. Là, il faut que tu creuses, sur cette histoire, ma puce ! Tu tiens un truc énorme, là. Énorme. Moi, je vois venir le Pulitzer, je te le dis !

Émeline

:

Mais on fait quoi, maintenant ?

Michel

:

Ben je sais pas, moi... Tiens : ils ont proposé des fillettes ?… Allez-y ! Vous prenez ! Et vous en demandez d'autres ! On va voir jusqu'où ils vont.

L'essentiel, c'est que vous restiez là-bas. Enfin je veux dire : que vous restiez sur le coup, OK ?

Et tant que vous y êtes, j'ai appris qu'il y avait un immense champs de mines, au nord de la ville. Il parait que tous les jours, des paysans perdent des jambes et des bras, en traînant dans ce coin. Ça serait bien que vous alliez y faire un tour, histoire de voir de quoi ça a l’air, et de me faire un compte-rendu. Les spectateurs ont le droit de savoir.

Allez, je t’embrasse, mon trésor.

Joseph

:

Michel !!! Pas si vite. Tu en es sûr, de ce fixer ? Je sens pas bien les gars qu’ils nous a présenté.

Michel

:

(soupirant) C’est quoi, ton problème ?

Joseph

:

Les sources ont bien été croisées, pour savoir ce qu’il vaut, ce Rostach ?

Michel

:

Joseph, tu me fatigues. Je te rappelle qu’en tant que plus gros salaire parmi tous les cameramans de la boite, tu es sensé être constructif et nous aider à faire avancer les choses ! T’as enregistré l’entrevue, au moins ?

Joseph

:

Non. Pas ce coup-là. J’avais besoin de savoir avant quelles précautions ils allaient prendre. Et tu vois, ils ne nous ont même pas fouillés ! C’est louche, je te dis !

Michel

:

Mais nonnnnn ! La caution de Rostach leur a sûrement suffit… Arrête avec ta parano, Joseph ! … Bon, écoutez les cocos, je suis débordé, là, actuellement. On en reparle, OK ? Allez, je t’embrasse fort, ma puce. À très vite !

(La transmission est coupée.)

(Petit silence, bruits de bombes, au loin.)

Émeline

:

C’est quoi, qui te gène, avec nos vendeurs, Joseph ?

Joseph

:

J’ai passé une partie de la nuit sur le dark web, j’ai trouvé aucun site qui colle vraiment avec nos deux oiseaux...

Émeline

:

Mais il doit faire assez… sombre, dans le dark web, non ? … peut-être que tu les as pas vu, s’ils étaient bien dans le noir...

Joseph

:

Ça doit être çà...

(Son téléphone vibre. Il le prend et lis son message.)

Émeline

:

C’est qui ?

Joseph

:

C’est Rostach. Il nous propose un nouveau rendez-vous avec les gars.

Émeline

:

Jo ?

Joseph

:

Oui ?

Émeline

:

Ils me font peur, ces gens-là... Je veux rentrer chez moi...

ACTE II Scène 7

Jean-Pierre.

Les infos du matin sur CQQ NEWS apparaissent sur un grand écran.

Jean-Pierre

:

Nouvelles du monde, à présent. C'est une information exclusive CQQ NEWS (*) : en Azerbalistan, petite région rurale ou tout le monde se connaît, et qui est mondialement connue pour sa spécialité de sabots peints à la main, une tradition ancestrale transmise depuis des générations, nos reporters d'investigation auraient mis à jour un trafic d'enfants. Un désagrément de plus dans ces petites bourgades fleuries déjà endeuillées par une guerre, qui prive ces artisans millénaires d’une main d'œuvre autrefois abondante et aujourd’hui sinistrée.

(*) Prononcer « Ci quiou quiou niouze »

ACTE III

ACTE III Scène 1

Servane, Nico, Émeline, Joseph.

Le petit salon sombre et désuet du Dr Rostach.

( Servane et Nico et ont toujours leur lunettes sur le front, en attendant l’arrivée d’Émeline et Joseph. Nico est toujours sur son ordinateur.)

Servane

:

Bordel ! Mais quand est-ce qu’elles arrivent, tes lunettes caméra ?

Nico

:

Je sais pas. C’est trop dommage : elles, elles peuvent filmer dans ce noir, en plus. Suffit que je mette en ISO 6400 avec ouverture de diaphragme au max et une balance des blancs qui...

Servane

:

C’est bon, c‘est bon, on le sait que tu es le James Bond du reportage !... Du coup, faut qu’on trouve un truc pour finaliser une prochaine fois, putain. On peut pas conclure aujourd’hui...

(On frappe à la porte. Ils remettent leurs lunettes de soleil sur leur nez.)

Nico

:

Entrez !

5Émeline et Joseph pénètrent dans la pièce. Servane et Nico restent assis. Joseph commence à tendre la main vers une Servane de marbre, mais se ravise maladroitement. Ils s’assoient en silence.)

Servane

:

(toujours très « parrain corse ») Alors. Vous avez bien réfléchi à notre proposition ?

Joseph

:

Oui. Nous sommes preneurs.

Nico

:

Y compris pour notre super promotion des six fillettes nubiles ?

Émeline

:

OUI !!! J’ADORE TROP LES ENFANTS !!!

Nico

:

C’est un achat que vous ne regretterez pas. Il va vous durer des années. C’est de la super qualité.

Émeline

:

Et… heu… Tant qu’on y est, vous en auriez d'autres ?… En fait, J'AI FAIT UN RÊVE : JE… JE VEUX OUVRIR UN ORPHELINAT !

(Servane et Nico se regardent.)

Nico

:

Et bien… j'ai eu un arrivage de bébés hyper bien portants, hier. Faux certificats de naissance indétectables, tout ! Je les fais en promo. Je vous en mets cinq pour commencer ?

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