Gueules de bois

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Julien, Matteo, Ugo et Quentin, quatre potes trentenaires qui se réunissent régulièrement chez Quentin pour jouer au poker. Soirées bruyantes et très arrosées qui ne sont pas du goût de Clara, la nouvelle voisine du dessous, ni de Véro la copine de Quentin. Ce matin-là, le réveil est difficile. Matteo et Julien ont passé la nuit sur place. Ugo est rentré chez lui mais revient inopinément car il s’est fait jeter dehors par sa copine, ulcérée de ses rentrées tardives et alcoolisées. Mais où est bien passé Quentin ? Et où est passée la reconnaissance de dette signée en fin de partie?
Le groupe de ces quatre copains, bruts de décoffrage et parfois à la ramasse, machos et parfois versatiles, résistera-t-il aux aléas de ce poker menteur version embrouilles et coups tordus ?

Décor (1)

Gueules de bois Décor unique. Un salon meublé genre IKEA. Une table basse sur laquelle sont éparpillées des cartes à jouer, des cendriers pleins et surtout beaucoup de bouteilles vides. Il y en a aussi par terre. Un bar. Un canapé. Côté jardin : porte donnant sur le couloir d’entrée Côte cour : porte donnant sur le couloir accédant à la chambre de Quentin, la cuisine, la salle de bains et les toilettes.

 

 

Scène I :

 

Julien

Matteo

 

(Allongé sur ce canapé, face public, Matteo qui y a passé la nuit, tout habillé et qui dort encore. Derrière le canapé apparaît la tête de Julien, qui lui non plus n’a pas l’air très frais. Il a un coussin sous le bras. Après avoir vu Matteo sur le canapé, il regarde autour de lui, s’approche de la table et semble chercher quelque chose. Matteo ouvre les yeux, se redresse péniblement et voit Julien qui est de dos.)

 

Matteo (embrumé) – Salut.

 

Julien (sursautant) – Oh putain !

 

Matteo (regardant autour de lui) – Hein ? Quoi ?

 

Julien (s’approchant du canapé) – C’est toi, tu m’as fait peur. J’pensais que tu dormais.

 

Matteo – Ouais, moi aussi.

 

Julien – Putain, ta gueule. Ça craint.

 

Matteo – T’as pas vu la tienne !

 

Julien – Ben quoi ?

 

Matteo – Complètementdéformée on va dire.

 

Julien – C’est parce que tu me vois d’en bas. C’est mon mauvais angle. C’est ton haleine cette odeur infecte ?

 

Matteo – Non, c’est la tienne. Ça s’échappe vers moi quand tu parles.

 

(Julien met la main devant sa bouche pour sentir son haleine.)

 

Julien – Non, c’est pas moi.

 

Matteo– Ok, mais arrête de parler et expire par le côté, ok ?

 

            (Ils regardent autour d’eux.)

 

Matteo – Et Quentin ?

 

Julien – Pas vu. Moi aussi j’comatais.

 

(Matteo essaie de se lever, mais se rassied aussitôt avec une grimace.)

 

Matteo – Quelle heure il est ?

 

JulienSais pas.

 

(Chacun cherche son téléphone dans sa poche.)

 

Julien (regardant son téléphone, en riant) – Oh oh !

Matteo (regardant son téléphone) – Batterie à plat ! Fait chier ! (Avec une grimace.) Oh putain ! Ça tangue.

 

Julien – Tu devrais prendre un Doliprane. Et un pour moi parce que moi aussi j’ai mal.

 

Matteo – C’est où ?

 

Julien – Le dos et le cou. C’est pas cool de dormir par terre.

 

Matteo – Oui, mais le Doliprane, c’est où ?

 

Julien – Merci de compatir.

 

Matteo – Hein ?

 

Julien (lui indiquant la direction) - Doliprane, salle de bains. Tu vas pouvoir ?

 

Matteo – Tu veux pas y aller pour moi ?

 

Julien – Non. T’as pris le canapé, maintenant tu bouges.

 

Matteo – Merci de compatir.

 

(Matteo se lève avec difficulté et se dirige vers le côté jardin.)

 

Julien – Où tu vas ?

 

Matteo – Doliprane salle de bains.

 

Julien (indiquant le côté cour) – L’autre côté.

 

Matteo – Hein ?

 

Julien (désignant le côté cour) – Salle de bains, Doliprane, par là.

 

Matteo – T’es sûr ?

 

Julien – Arrête de faire le con pour que j’y aille à ta place.  Tu le sais très bien, même si « ça tangue ». Salle de bains Doliprane, cuisine, chambre Quentin, par là.

 

Matteo – Ok, j’vais en profiter pour aller pisser un coup.

 

(Matteo sort.)

 

Julien (répétant pour lui) - Salle de bains Doliprane, cuisine, chambre Quentin, par là.

(Désignant l’autre sortie.) Couloir, rue, gens, monde réel, emmerdements, par là.

(Il fait quelques mouvements pour s’étirer péniblement, va vers la table, prend un papier qui traînait, le regarde, n’en croit pas ses yeux, semble faire un effort pour se souvenir.)

Emmerdements ici aussi.

 

(Matteo revient avec la boîte de Doliprane à la main.)

 

Matteo – Bingo !

 

Julien (surpris, chiffonnant le papier et le cachant comme il peut) – Hein ?

 

Matteo – Le Doliprane ! C’était bien dans la salle de bains.

 

Julien – Ben oui.

 

(Matteo regarde sur la table, comme pour chercher quelque chose.)

 

Matteo – Y aurait pas un… ?

 

Julien (d’une façon brusque) – Non y’a rien !

 

(Matteo le regarde, surpris.)

 

Julien – Tu voulais quoi, là ?

 

Matteo – Un verre propre. Pour le Doliprane.

 

Julien – Les verre propres, c’est dans la cuisine.

 

Matteo – Ben oui. Dans la cuisine.

 

(Il remarque que Julien est troublé.)

 

Matteo – Qu’est-ce que t’as ?

 

Julien – Moi ? Rien. Pourquoi ?

 

Matteo (faisant un geste vers le visage de Julien) - T’es tout...

 

Julien – Déformé, je sais. Comme toi.

 

(Un temps de gêne.)

 

Julien – La cuisine, par là. En face de la salle de bains.

 

Matteo – Je sais, j’y vais. Le verre propre. Et de l’eau. Tu crois que c’est bien conseillé de boire de l’eau tout de suite après la bière et la vodka ?

 

Julien – C’est pas « tout de suite après ».

 

Matteo – Je sais (Il ricane bêtement.)

 

(Il sort avec la boîte de Doliprane.)

 

Julien (bas, pour lui) – Connard.

 

(Après un instant, Julien sort le papier de sa poche, le pose sur la table et le lisse pour vérifier ce qu’il y a lu. Il le prend rageusement, le déchire en deux et le remet prestement dans sa poche.)

 

Julien – C’est pas vrai. Quel con ! Mais quel con !

 

(Matteo revient avec un verre d’eau et avale deux Doliprane. Matteo met prestement le papier dans sa poche.)

 

Matteo – Y’a un truc pas normal quand même.

 

Julien – Tout est normal, c’est bon ! Et le mien ?

 

Matteo – Le mien quoi ?

 

Julien – Mon Doliprane. Je t’ai demandé d’en prendre un pour moi aussi.

 

Matteo – Ben je viens de les prendre.

 

Julien – Les deux ?

 

Matteo – Ben oui. Un pour moi, un pour toi.

 

Julien – Putain, Matteo, tu fais chier.

 

Matteo – J’ai laissé la boîte dans la cuisine. Tu peux y aller si tu veux.

 

Julien - Tu fais vraiment chier.

 

Matteo – Je sais. Mais par contre, ce que je sais pas c’est pourquoi Quentin il est pas dans sa chambre.

 

(Un temps.)

 

Julien – Quentin n’est pas dans sa chambre.

 

Matteo – Ben non. Les draps sont défaits mais il est pas dedans. Ni dessus.

 

Julien – Il est peut-être en train de prendre une douche, je sais pas moi.

 

Matteo – Salle de bain, Doliprane seulement, et chambre, draps défaits, lit vide, pas de Quentin.

 

Julien – Il est peut-être sorti faire un tour pendant qu’on comatait.

 

Matteo – Sorti faire un tour, avec ce qu’il tenait hier soir ! Comme il s’est pris la tête avec ce con d’Ugo qui voulait qu’on se finisse avec un strip poker. Toujours prêt à montrer son cul celui-là.

 

Julien (faiblement) – Ouais.

 

Matteo – Mais on n’a pas fait de strip poker.

 

Julien (répétant pour lui) – Non, on n’a pas fait de strip poker.

 

Matteo – Malheureusement pour toi.

 

Julien – Hein ?

 

Matteo – T’aurais peut-être préféré te retrouver à poil plutôt que…

 

Julien – Plutôt que quoi ?

 

Matteo - En vrai, tu t’es quand même retrouvé à poil, non ?

 

Julien – Hein ?

 

Matteo – Le papier que t’as signé, ne me dis pas que tu t’en souviens pas.

 

Julien – Quel papier ?

 

Matteo – Celui qu’était sur la table et qui n’y est plus.

 

Julien – Je vois pas de quoi tu veux parler.

 

Matteo – Ne me prends pas pour un con, Julien. J’ai peut-être la gueule de bois mais (Désignant sa tête du doigt.) mais ça fonctionne quand même dans les neurones.

 

Julien – Ça n’a aucune valeur, on avait bu !

 

Matteo – Dette de jeu, dette d’honneur.

 

Julien – On était bourrés ! Ça compte pas !

 

Matteo – Dette de jeu, dette d’honneur.

 

Julien – Arrête avec ça, c’est nul !

 

Matteo – Ah oui ? L’honneur, c’est nul ?

 

Julien – L’honneur, c’est quand on est clair dans sa tête.

 

Matteo – T’as signé !

 

Julien – Ça vaut rien !

 

Matteo - C’est ce que tu vas lui dire à Quentin, quand il reparaîtra.

 

Julien – Il s’en souviendra pas !

 

Matteo – Admettons. Et Ugo ?

 

Julien – Je nierai ! De toute façon, y’a pas de preuve.

 

Matteo – Tu l’as mis où ?

 

Julien – Quoi ?

 

Matteo – Ben le papier.

 

Julien – Il existe plus ! Il a jamais existé.

 

Matteo – Ben moi, je pense qu’il a existé, et même qu’il doit continuer à exister quelque part, (S’approchant de Julien.) Où tu l’as mis ?

 

Julien - Dans ton cul !

 

Matteo – Ah non ! Le cul, c’est Ugo.

 

Julien (se reculant) – T’es pas obligé de le dire aux autres !

 

Matteo – Ça supposerait que je nie moi aussi.

 

Julien – Ça te coûterait quoi ?

 

Matteo – Y’a des choses qu’on doit pas se faire entre potes, c’est tout.

 

Julien – J’ai pas le fric, voilà.

 

Matteo – T’as pas le fric voilà.

 

Julien – Non, j’ai des problèmes en ce moment.

 

Matteo – T’es pas le seul. Mais on a tous joué et toi t’as signé.

 

Julien – Bon ça va.

 

Matteo – Juste une question : si tu avais gagné, toi, tu aurais accepté que les autres perdent la mémoire ?

 

Julien – Tu pourrais être un peu plus solidaire, non ?

 

Matteo – Pourquoi je serais solidaire ?

 

Julien – Tu veux que je te donne une bonne raison ?

 

Matteo – Essaie toujours, on verra bien.

 

Julien – J’te préviens, ça va m’obliger à te dire quelque chose qui va pas te plaire.

 

Matteo – Ah oui ?

 

Julien – Ecoute, Matteo, tu leur dis qu’ils ont halluciné et on n’en parle plus.

 

Matteo – Hallucination collective à la bière/vodka, peu crédible, mais bon. Et ce qui va pas me plaire, c’est quoi ?

 

(Un temps.)

 

Julien – Tu l’auras voulu. Si tu me suis pas, je dis tout à Quentin pour toi et Véro.

 

(Un temps.)

 

Matteo – Tu lui dis quoi ?

 

Julien – Tu sais très bien de quoi je parle.

 

Matteo – Non, pas du tout.

 

Julien – J’vous ai vus vous tripoter à la terrasse du Morrison, ça te suffit ?

 

Matteo – Tu nous as vus ?

 

Julien - Vous auriez pu faire plus discret. A la terrasse d’un pub… Franchement.

 

Matteo – C’était pas nous ! Tu… tu as confondu !

 

Julien – Faire ça à Quentin. Tu te sens pas un peu gêné ? Ce serait pas le genre de chose qu’on doit pas se faire entre potes, ça ? Enfin, moi je dis ça je dis rien.

 

Matteo – Justement, dis rien, tu connais pas toute l’histoire et c’est pas parce que…

 

                                    (Sonnette.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène II :

 

Julien

Matteo

Clara

 

 

Julien – C’est peut-être Quentin qui rentre.

 

Matteo – Quand tu rentres chez toi, tu sonnes à ta porte, toi ?

 

Julien – Il a peut-être oublié ses clés. Tu devrais aller voir.

 

Matteo – Pourquoi moi ?

 

Julien – Vous vous partagez la même nana, tu peux aussi le remplacer pour aller voir qui sonne à sa porte, non ?

 

Matteo – Enfoiré !

 

(Sonnette à nouveau. Un temps. Matteo s’apprête à sortir pour aller ouvrir.)

 

Julien – Matteo !

 

Matteo – Quoi ?

 

Julien – N’oublie pas. C’est donnant donnant.

 

(Matteo sort côté jardin. Julien reprend le papier qu’il avait fourré dans sa poche, cherche où il peut s’en débarrasser, ne trouve pas, puis il sort du côté de la chambre.)

 

Matteo (dans les coulisses) – Puisque je vous dis qu’il n’est pas là.

 

Clara (dans les coulisses) – Je ne vous crois pas !

 

Matteo ((dans les coulisses) - Mais qu’est-ce que vous faites ? Je vous ai pas dit d’entrer !

 

Clara – J’ai décidé que j’allais parler à M. Derbois, je parlerai à M. Derbois !

 

(Elle entre, très décidée et s’arrête en voyant le désordre.)

 

Matteo – Mais non ! Vous ne…

 

Clara – Oh mon dieu !

 

Matteo – Quoi ?

 

Clara – Alors, c’est ici que ça se passe.

 

Matteo – Attendez, vous…

 

Clara – Et j’imagine que vous faites partie de la bande.

 

Matteo – Quelle bande ?

 

Clara – Il n’y a qu’à voir la tête que vous avez, ça ne fait aucun doute.

 

Matteo – On va tout recommencer. Vous allez retourner devant la porte, je vais la fermer derrière vous, la porte, vous allez sonner, mais je n’irai pas ouvrir, ok ?

 

Clara – C’est encore pire que ce que j’imaginais.

 

Matteo – Je sais pas ce qui vous dérange ici, mais si c’est vraiment à ce point, il suffit de fermer les yeux, ou mieux encore de retourner à la case départ, je sais pas où, mais je sais que c’est par là.

 

(Il lui montre la direction de la porte.)

 

Clara – Je ne partirai pas d’ici sans avoir parlé à M. Derbois.

 

(Julien revient et s’arrête.)

 

Julien (désignant Clara) - C’est qui ?

 

Matteo – Bonne question.

 

Clara – Je suis la personne qui viens d’emménager juste en dessous, et je viens vous avertir que je ne tolérerai pas une fois de plus le tapage que vous avez fait la nuit dernière avec votre… bande.

 

Matteo – Ok, d’accord. Merci pour l’explication, maintenant vous pouvez disposer, on transmettra à M. Derbois. Dès qu’il rentrera, on lui transmettra.

 

Clara – Pardon ?

 

Matteo (détachant les mots, comme s’il parlait à une sourde) – Quand M. Derbois rentrera, on lui transmettra.

 

Clara (désignant Julien) – Mais…

 

Matteo – Non, lui, ce n’est pas M. Derbois. C’est Julien. Julien l’enfoiré.

 

Julien (à Matteo) – Toi…

 

Clara (à Matteo) – Alors c’est vous et vous me mystifiez, depuis le début.

 

Matteo – Ah non, pas plus que lui.

 

Clara – Pourtant c’est bien vous qui m’avez ouvert la porte, non ?

 

Julien – Bonne déduction.

 

Clara – Je vous préviens, si vous vous payez ma tête tous les deux, ça risque de vous coûter très cher !

 

Matteo – On vous a déjà dit qu’il était sorti, M. Derbois.

 

Clara (à Julien) – Ce n’est pas vous, vous confirmez.

 

Julien – Non, c’est pas moi, mais (désignant Matteo) lui aussi c’est un enfoiré !

 

Clara – Quelle confusion ! Quelle vulgarité !

 

Matteo – Oui, c’est ça, et maintenant, vous allez rentrer gentiment chez vous.

 

Clara – Pas question. Puisque personne ici n’admet être Monsieur Derbois, je vais attendre. Et je resterai le temps qu’il faudra.

 

(Elle prend une chaise qu’elle époussette et s’assied.)

 

Clara – Vous m’avez empêchée de dormir une bonne partie de la nuit. A mon tour de vous pourrir la vie.

 

(Un temps. Il est clair que Clara est très déterminée.)

 

Matteo (à Julien) – Dis quelque chose, toi.

 

Julien – Tu es au courant que la porte des chiottes est bloquée ?

 

Matteo – Ah bon ?

 

Julien – Tu n’en étais pas aperçu ?

 

Matteo – Ben non.

 

Julien – T’es pas allé pisser tout à l’heure ?

 

Matteo – Ben si, mais ça urgeait et j’ai pissé dans le lavabo de la salle de bains.  T’as qu’à faire comme moi si t’as envie.

 

(Réaction dégoûtée de Clara.)

 

Mais si ça te dégoûte de passer après moi, t’as aussi l’évier de la cuisine.

 

           (Matteo se dirige vers le côté cour.)

 

Julien – Où tu vas ?

 

Matteo – Prendre un autre Doliprane. Et je t’invite à me suivre. On a une conversation à finir. Sans témoin.

 

(Il sort côté cour.)

 

Julien (après avoir hésité, à Clara) – Euh… excusez-moi, juste une question. Est-ce que les toilettes marchent chez vous ?

 

Clara – Chez moi, tout est normal, Monsieur, mais si vous voulez me demander d’aller chez moi pour utiliser mes toilettes parce que celles de M. Derbois sont bouchées, c’est non. Sans compter que je ne suis pas sûre que ce ne soit pas vous, M. Derbois. Rien n’est clair ici.

 

Julien – Les chio… Les toilettes ne sont pas bouchées, c’est la porte qui est bloquée. Et je ne suis pas M. Derbois.

 

Clara – C’est non.

 

Julien – C’est juste un papier à jeter.

 

Clara – Un papier. Pour boucher mes toilettes à moi aussi !

 

Julien – Juste un petit papier de rien du tout !

 

Clara – Quel genre de papier ?

 

(Julien sort du côté cour, exaspéré.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène III :

 

Clara

Ugo

 

(Clara regarde autour d’elle, elle fait le tour de la pièce avec un air désapprobateur.     Entre Ugo par le côté jardin. Il s’arrête net en la voyant.)

 

Clara – Ah ! Vous voilà enfin !

 

Ugo – Euh…

 

Clara – Je n’irai pas par quatre chemins. Je suis tout simplement scandalisée par ce qui s’est passé ici cette nuit.

 

Ugo – Oui, bon. Où est Quentin ?

 

Clara – Qui est Quentin ?

 

Ugo – Euh… Vous êtes chez lui, vous devriez le savoir.

 

Clara – Vous êtes M. Derbois, n’est-ce pas ?

 

Ugo – Ah non, pas du tout. M. Derbois, c’est Quentin. Moi, c’est Ugo.

 

Clara – Vous n’êtes pas M. Derbois.

 

Ugo – Pas du tout.

 

Clara – Je ne vous crois pas. Vous essayez de m’abuser. Comme les autres !

 

Ugo – Hein ? Quoi ? Quels autres ?

 

Clara – Ne me poussez pas à bout ! Ne me poussez pas à bout !

 

Ugo (secouant la tête de droite à gauche) – Putain ! J’le crois pas ! Ici aussi !

 

Clara - Si vous n’étiez pas M. Derbois, vous auriez sonné. Or vous êtes entré directement, sans sonner. Donc vous êtes M. Derbois.

 

Ugo – C’est quoi ce raisonnement à la con ?

 

Clara – Moi, j’ai sonné.

 

Ugo – Pourquoi ? Vous aviez peur qu’on vous confonde avec M. Derbois ?

 

Clara – Je… J’ai… Soyez correct ! Je suis correcte, moi.

 

Ugo – Sauf que vous me sautez dessus comme une hystérique, alors que je ne vous connais même pas !

 

Clara – Cessez ce genre d’insulte machiste ! Je suis simplement et légitimement furieuse contre M. Derbois !

 

Ugo – Je suis rentré parce que la porte était entrouverte, mais je ne suis pas M. Derbois. C’est clair ?

 

Clara – Les deux hommes à qui j’ai eu affaire jusqu’à maintenant ont prétendu qu’il allait rentrer, mais il est possible que l’un d’eux mente, avec la complicité de l’autre, bien sûr, parce qu’ici c’est pétaudière et compagnie.

 

Ugo – Où ils sont ces « deux hommes » ?

 

Clara – Dans la cuisine en train de faire des saletés, parce qu’en plus, ils ont bouché les toilettes et ils voudraient jeter leur papier dans les miennes !

 

            (Ugo se dirige d’un pas décidé du côté cour, mais se retourne.)

 

Ugo – Et vous, c’est qui déjà ?

 

Clara – Une personne mécontente, ulcérée contre… contre vous ! Car, qui que vous soyez, c’est évident que vous aussi vous faites partie de la bande d’hier soir ! Vous sentez l’alcool à dix kilomètres !

 

Ugo– Vous voudriez pas y aller à dix kilomètres, juste pour vérifier.

 

Clara – Vos amis ont voulu se débarrasser de moi ! Mais je suis toujours là et je compte bien y rester jusqu’à ce que je voie Monsieur Derbois. L’opiniâtreté, je connais, croyez-moi.

 

Ugo – Moi j’le connais pas. C’est quoi votre problème à vous ?

 

Clara – Le tapage toute la nuit ! J’habite en dessous ! Ces cris, que dis-je ? Ces hurlements d’animaux, c’était… c’était intolérable.

 

Ugo – Putain ! elles nous font toutes la misère, même à domicile !

 

Clara – C’est vous qui m’avez importunée jusqu’à mon domicile !

 

Ugo – Vous avez pas encore compris que les mecs, de temps en temps, ils ont besoin de se retrouver entre eux pour boire des canons et décompresser. Et pourquoi ils veulent décompresser ? Parce que les nanas les font chier !

 

Clara – Monsieur, je ne vous permets pas…

 

Ugo – J’ai pas besoin de votre permission pour vous dire ce que je pense ! Et on ne vous demandera pas la permission non plus pour continuer à faire le bocson deux fois par mois, enfin deux fois les mois pairs. Les mois impairs c’est trois fois, vous devriez le savoir depuis le temps !

 

Clara – Je viens juste d’emménager et...

 

Ugo – Eh ben va falloir vous y faire, parce qu’on changera pas nos habitudes pour vous.

 

Clara – C’est une déclaration de guerre ?

 

Ugo – Exact, et si nécessaire, vous vous ferez confirmer par Quentin !

 

Clara – Vous avez tort ! Vous ne savez pas à qui vous parlez !

 

Ugo – Vous êtes présidente des féministes en colère ? Vous avez des « relations » c’est ça ? Un avocat ? Un policier ? Le syndic ? Oui, c’est ça, vous couchez avec le syndic et vous allez vous plaindre auprès de lui ! Manque de bol pour vous, lui aussi, des fois il vient jouer au poker avec nous !

 

(Il la plante là mais se ravise et revient.)

 

Et moi aussi je couche avec le syndic !

 

(Entre Matteo qui a entendu cette dernière réplique.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène IV :

 

Clara

Ugo

Julien

Matteo

Quentin

 

Ugo – Matteo !

 

Matteo – Qu’est-ce que tu fous là, toi ?

 

Ugo – Et toi ?

 

Matteo – Dormi sur le canapé. Mal dormi.

 

Ugo – Et Julien ?

 

Matteo – Par terre. Il rumine dans la cuisine.

 

Ugo (à Clara) – C’est eux « les deux hommes » ?

 

Clara – Exactement.

 

Ugo (à Matteo) - C’est bien que vous soyez là tous les trois. J’ai besoin de parler à mes potes.

 

Matteo – C’est pas le moment.

 

Ugo – Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?

 

        (Matteo ne répond pas.)

 

Ugo (désignant Clara) – C’est à cause d’elle ? Elle m’a pris pour Quentin.

 

Matteo – Elle fait ça à tout le monde. Laisse tomber.

 

Ugo – Julien aussi ?

 

Matteo – Julien, c’est un enfoiré.

 

Ugo – Pourquoi tu dis ça ?

 

Matteo – Pas envie de répondre maintenant.

 

Ugo – Comme tu veux. Et Quentin, il est où ?

 

Matteo – Disparu Quentin !

 

Clara – Pfuuu… Quelle gabegie.

 

Ugo – Ecoute mon vieux, je sais pas pourquoi t’es vénère avec Julien, mais moi je suis dans la merde. Sofia vient de me pourrir sous prétexte que je suis rentré trop tard. En...

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