Les calissons d’Aix
Sur le quai d’une gare, plusieurs passagers attendent le train depuis longtemps.
Luce, à un autre passager, Léon. — Pardonnez-moi, monsieur, savez-vous si le train passera ?
Léon. — Je l’attends comme vous, je n’en sais trop rien, cela va bientôt faire dix minutes de retard.
Luce. — Merci. (Silence.) Vous connaissez bien cette ligne ?
Léon. — C’est-à-dire ?
Luce. — Vous prenez souvent ce train ? Il est souvent en retard ?
Léon. — Ma foi, non, je dirais que c’est exceptionnel. Il viendra, tranquillisez-vous. (Silence.) Oui.
Luce. — Pardon ?
Léon. — J’ai oublié de vous répondre tout à l’heure : oui.
Luce. — Ah ! très bien.
Silence.
Léon. — Oui : je connais bien cette ligne et je prends souvent ce train.
Luce. — Oui, d’accord. Merci.
Silence.
Léon. — Je le prends pour aller à mon travail. Je suis secrétaire.
Luce. — D’accord.
Léon. — Je travaille à Aix.
Luce. — D’accord, d’accord.
Silence.
Léon. — Je suis secrétaire dans un cabinet médical.
Luce. — Mm.
Léon. — Un cabinet de radiologie.
Luce. — Très bien.
Silence.
Léon. — Je prends ce train tous les matins, je peux…
Une troisième passagère lui coupe la parole ; c’est Monique.
Monique, à Léon. — Vous voyez bien que vous l’importunez ! Vous ne pouvez pas rester dans votre coin et ne parler à personne, comme tout le monde ? Rhôô…
Léon. — Je… J’ai…
Luce, à Monique. — Merci, madame, mais je sais très bien me défendre toute seule.
Monique. — Quel lourdaud, celui-là !!! C’est un comble !!!
Luce. — Ça va aller, madame.
Monique. — Franchement ! Et je prends le train tous les jours ! Et je travaille à Aix ! Et je suis cardiologue ! Suffit ! On a compris !
Léon. — Mais je…
Monique. — Mon mari a travaillé trente-cinq ans à Aix, et il en fait pas tout un fromage ! (Son mari opine en silence.) Patientez tranquillement et vous serez récompensé de foutre la paix à votre monde, croyez-moi ! Oh !
Silence.
Un randonneur arrive.
Le randonneur, à...