Au lever du rideau, le grand-père est assis à la table en train de lire pendant que la grand-mère s'active à nettoyer les chaises et la table. La scène se passe en 1952 à la campagne.
Auguste - Arrête donc de tournicoter ! Tu vas tourner bourrique et, en plus, tu m'empêches de lire.
Ernestine - Lire, écouter la TSF, il y a plus que cela qui compte depuis que Monsieur est à la retraite.
Auguste (tendant l'oreille à la manière d'un sourd) - Hein ? Qu'est-ce que tu dis ?
Ernestine - Rien ! Je parle pas à un demi-muet qui fait semblant d'être sourd quand ça l'arrange.
Auguste - Eh bien, ça y est : t'es devenue complètement bourrique.
Ernestine - Il faut bien que quelqu'un travaille dans cette maison. Et puis, Jean, le fils du voisin ne va pas tarder à arriver.
Auguste (regardant sa montre) - Dis donc, le fils du voisin, Jean devrait pas tarder à arriver, pas vrai ?
Ernestine - C'est c'que j'te dis. Tiens, toi qui aimes lire, lis sa lettre, ça t'occupera.
Auguste (lisant la lettre qu'elle lui a tendue) - Paris, le 23 avri1 52,
Chère Ernestine et Auguste,
Juste un petit mot pour vous dire que je reviens passer quelques jours au pays. J'aimerais bien vous rencontrer et bavarder un peu avec vous. J'ai en effet une nouvelle très importante à vous confier. Je pense qu'elle vous fera plaisir.
A part cela, depuis plusieurs mois, je suis titularisé. Maintenant, je suis donc un vrai facteur. C'est un métier qui me plaît beaucoup. Je suis sur la tournée de Saint-Germain-des-Prés. Vous en avez peut-être entendu parler.
En attendant le plaisir de vous rencontrer,
Je vous embrasse bien fort,
Votre ancien petit voisin,
Jean.
Ernestine - Comme il est mignon, ce petit ! Y'a bien des jeunes d'ici qui feraient pas pour nous le quart de ce qu'il nous a fait. Oh ! Oui, j'en connais plus d'un. (Haussant la voix.) C'est quoi, d'après toi sa grande nouvelle ?
Auguste - Peut-être qu'il a rencontré des gens importants sur sa tournée, comme Juliette Gréco, par exemple.
Ernestine (sur un ton ironique) - Depuis que tu as le nez fourré dans tes journaux et l'oreille collée à la TSF, tu ne penses plus qu'à ta Paulette Gréco.
Auguste - Juliette, pas Paulette.
Ernestine - Oui, enfin ta chanteuse qui miaule et qui a le nez tordu.
Auguste - Elle l'a pas tordu. Arrête de dire du mal d'elle ou je te casse le nez. Comme ça, tu ressembleras à Juliette Gréco. En moins aguichante, évidemment.
Ernestine - Y'a qu'elle...