Acte I
(Sur scène Hildegarde, Roxane et Madeleine. Elles sont assises autour d’une table. Elles se disputent. Roxane est habillée en punk)
MADELEINE – Tu abuses maman… Ce n’est pas nôtre… Mais MON héritage. Et il est entre de bonnes mains…
HILDEGARDE – Nous sommes au bord du gouffre financier… Nous n’innovons plus…
MADELEINE – Innover ?
ROXANE – Avec Des lorgnons ?
HILDEGARDE – Eh oui… Au siècle dernier, tout le monde n’en avait pas… C’est ton grand-père qui, en premier a eu l’idée de les démocratiser.
MADELEINE – Il ne faut pas pousser !
HILDEGARDE – Demandes aux gens si ce n’est pas un luxe que d’avoir des lunettes confortables… (Hildegarde parle au public et désigne deux spectateurs porteurs de lunettes).
HILDEGARDE – Regarde le monsieur là-bas, il en a… Et la dame à côté aussi… N’est-ce pas Madame ?
MADELEINE – Maman… Laisse le public en dehors de ça s’il te plaît !
HILDEGARDE – (Continue de parler au public) Vous en utiliserez tous… J’en suis sur… Rien de mieux qu’une lunette « Lux »
(Hildegarde sort deux grandes publicités une avec des lunettes de WC qu’elle montre au public et l’autre encore cachée avec la balayette à crans d’arrêt)
MADELEINE – C’est bon ils ont compris…
HILDEGARDE – Et ton père a su faire tripler le chiffre d’affaires avec son invention phare… La balayette… À crans d'arrêt !
MADELEINE – C’est papa qui a inventé cette…
ROXANE – Cette… « Chose… »
(Hildegarde exhibe fièrement l’affiche avec la balayette à crans d’arrêt)
HILDEGARDE – Et oui… Si ça, ce n’est pas de l’innovation, je ne m’appelle plus Hildegarde !
MADELEINE – Si tu le dis…
HILDEGARDE – (Nostalgique) Et oui… Et tout allait bien jusqu’à ce que…
MADELEINE – Tu ne vas pas remettre l’accident sur la table ?
ROXANE – C’est vrai ça… C’est la loose cette histoire.
HILDEGARDE – (Énervée) Pas un accident… Un meurtre… C’est d’un meurtre dont on parle !
MADELEINE – Non… C’est la fatalité…
HILDEGARDE – C’est facile… C’est quand même ton abruti de mari qui a appuyé sur la gâchette et envoyé une balle à ailette dans la poitrine de ton pauvre père.
MADELEINE – Il pensait que c’était un sanglier… C’est une terrible méprise…
HILDEGARDE – (D’un ton ironique) Oui… Une méprise qui l’a tout simplement propulsé patron de notre entreprise…
MADELEINE – Richard n’est pas un assassin…
ROXANE – Papa est juste… Distrait et destroy c’est dans les gènes Regardez-moi !
HILDEGARDE – Ce n’est pas faux… Mais, c’est ce qu’il veut vous faire croire… Il a tout calculé, et je le prouverai !
(Richard arrive sur scène)
HILDEGARDE – (A l’arrivée de Richard. Hildegarde se lève d’un bond) Je te laisse avec « ton mari » Je dois rejoindre Gilbert… Nous reprendrons notre discussion plus tard…
(Hildegarde sort rapidement par la porte d’entrée)
RICHARD – De quoi parliez-vous ?
MADELEINE – De mon père et de son invention…
ROXANE – Tu sais la balayette à crans d’arrêt…
RICHARD – Ne cherchez pas à m’embrouiller… C’est encore de moi dont vous parliez… Et en mal…
MADELEINE – Pas du tout…
RICHARD – Si… Ta mère me déteste…
ROXANE – Je ne crois pas. Elle te kiff… Mais la vioque, elle ne veut pas l’admettre c’est tout !
RICHARD – Pense-tu… Et c’est pire depuis l’accident… Elle a décidé de me faire porter le chapeau mais je n’y suis pour rien… Ton père est le seul responsable !
MADELEINE – C’est quand même toi qui as tiré !
RICHARD – Il ne portait pas le gilet orange qui devait le signaler. À croire qu’il voulait se suicider… Je te rappelle que l’enquête de la gendarmerie m’a totalement disculpé !
MADELEINE – C’est vrai…
RICHARD – Elle n’admet pas que je n’aie pas été mis en examen et incarcéré… Depuis le début elle ne m’aime pas et maintenant c’est pire… Mais je vais t’avouer que je m’en fous… Je m’en contrefous… Puisque c’est réciproque !
MADELEINE – Au fond d’elle, ma mère t’apprécie !
RICHARD – (Énervé) Alors, ce doit être tout au fond… Elle n'arrête pas de me contredire devant « Mes » ouvriers. Elle est sans arrêt en train de fricoter avec ce « Gilbert » le délégué syndical de l’usine. Et ça, uniquement pour me faire du tort… Ce n’est pas sain tout ça…
ROXANE – Cesse de te prendre la tête…
RICHARD – Elle et son « roquet » sont prêts à tout pour me nuire. Je suis sûr qu’ils sont en train de me préparer un coup fourré… Je ne sais pas lequel, mais je sens les problèmes arriver. J’ai du nez pour ça.
MADELEINE – Tu vois le mal partout.
RICHARD – Tu trouves ? Les ouvriers me détestent… Pourtant je fais des efforts en étant sympathique avec eux… Et eux en retour, ils ne me parlent que de ton père… Si « Monsieur » était toujours là… Du temps de « Monsieur » ça ne se passait pas comme ça… Avant, avec « Monsieur » Blablabla… Blablabla…
MADELEINE – Tu deviens aigri…
ROXANE – Tu te shoote au champi hallucinogènes …
MADELEINE – Roxane… Un peu de respect envers tes parents… (A Richard) Je vais te prendre rendez-vous avec le docteur Ferrand.
RICHARD – Ce charlatan ? Sûrement pas ! Il n’est pas près de me psychanalyser celui-là !
MADELEINE – Ça a bien fonctionné pour moi.
RICHARD – Ce n’est pas comparable. Tu es influençable et rêveuse… Moi je suis pragmatique… Tu es perturbée alors que moi je n’ai aucun problème psychosomatique… Prends plutôt rendez-vous pour ta mère… Avec un peu de chance elle finira à l’asile et j’en serai enfin débarrassé… (Il rit) Le rêve !
MADELEINE – (Choquée) OH…
ROXANE – - (Morte de rire) Il est vénère l’ancien… La crise !
RICHARD – (Il crie) Non… C’est réaliste… Je te dis que tout ça, va mal se terminer… J’en ai marre d’elle et de l’ensemble de ces ouvriers à la gomme… Je sors… J’ai rendez-vous à la mairie…
(Richard sort en claquant la porte d’entrée)
(Marie entre en scène. Elle est bien habillée)
MARIE – Madame m’a fait demander ?
MADELEINE – Pas du tout…
MARIE – J’ai entendu mon nom !
MADELEINE – Absolument pas, c’est Monsieur qui nous parlait.
MARIE – Il criait Marie…
MADELEINE – Vous vous êtes trompé…
ROXANE – Mon daron parlait de la Mairie !
MARIE – Autant-pour-moi…
MADELEINE – (Dévisageant Marie) Quelle classe… Vous sortez ?
MARIE – Oui…
MADELEINE – Dans cette tenue vous allez faire des ravages !
MARIE – C’est que j’ai… Un rendez-vous galant…
MADELEINE – Tiens, tiens…
ROXANE – Et avec qui, nous pouvons savoir ?
MARIE – Ce n’est plus un secret… J’ai rendez-vous avec Fernand.
MADELEINE – Vous lui trouvez quoi à ce garçon ?
MARIE – Il est gentil et attentionné…
MADELEINE – (D’un ton moqueur) Effectivement il est gentil… Très gentil même…
MARIE – Vous insinuez quoi ?
MADELEINE – Rien… Il n’est que… Balayeur… Vous méritez mieux !
MARIE – (Marie monte le ton) Ma mère disait toujours « il n’y a pas de sot métier, il n’y a que de sottes gens » Regardez, moi, Je fais le ménage et vous, vous fabriquez des abattants pour toilettes alors…
ROXANE – Ca c’est bien vrai… Marie un à zéro !
MADELEINE – Je me suis mal exprimée… Excusez-moi !
(On sonne à la porte)
MADELEINE – (Soulagée) Allez ouvrir Marie…
MARIE – Voilà, voilà… J’arrive…
(C’est Fernand il a un bouquet de fleurs à la main)
FERNAND – Bonjour Marie (Il lui fait le baisemain)
MARIE – C’est pour moi ?
FERNAND – Bien sûr.
MARIE – Des roses, tu es adorable.
FERNAND – Ce n’est rien… (Voyant Madeleine) Bonjour Madame Barallon… Bonjour Roxane
MADELEINE et ROXANNE – Bonjour Fernand.
MARIE – Entres je vais les mettre dans l’eau…
FERNAND – N’en mets pas trop et coupe les queues en biseau… Tu les garderas plus longtemps.
MARIE – Tu es un amour…
(Marie part à la cuisine avec le bouquet)
MADELEINE – Alors comme ça, vous êtes experts en fleurs ?
FERNAND – Non… Je suis un simple jardinier amateur. Mais ma vraie passion, je vous l’avoue, c’est l’astronomie et la cartomancie…
MADELEINE – Vous lisez dans les cartes ?
FERNAND – Je me défends…
MADELEINE – Je ne savais pas que vous aviez ce don…
FERNAND – (Sur le ton de la confidence) Je suis aussi médium à mes heures…
MADELEINE - (Madeleine se lève) Médium… Tiens-donc…
ROXANE – Bonne soirée les lovers…
(Madeleine et Roxanne quittent la scène par la porte des chambres. Marie parle de la cuisine)
MARIE – Ne t’impatiente pas, j’arrive…
FERNAND – J’ai tout mon temps…
(Fernand flâne dans la pièce. Il regarde des photos posées sur un meuble. Madeleine passe la tête par l’encadrement de la porte et assiste à toute la scène. Fernand fait semblant de ne pas la voir)
(Marie revient au salon)
MARIE – Je suis prête !
FERNAND – (Une photo à la main) C’est qui sur la photo ?
MARIE – C’est Monsieur !
FERNAND – Monsieur qui ?
MARIE – (Parlant doucement) Monsieur Marius… Le père de Madame Barallon… L’ancien patron de l’entreprise…
FERNAND – Celui qui a pris un coup de tromblon ?
MARIE – (Elle fait le signe de croix) Oui… Une bien triste histoire !
FERNAND – Qui arrange certains…
MARIE – (Offusquée) Ce n’est pas vrai… C’était un terrible accident !
FERNAND – Je ne fais que répéter ce que tout le monde dit.
MARIE – Ce sont des médisances… Monsieur adorait son beau-père !
FERNAND – Je ne suis pas en mesure de juger, je n’étais pas là à l’époque… Mais l’ensemble des ouvriers est persuadé que c’est son gendre qui l’a assassiné… Et comme on dit. Il n’y a pas de fumée sans feu…
(En reposant la photo il s'arrête brusquement il garde les mains sur la photo. Il est figé tout droit les yeux dans le vague pendant de longues secondes).
MARIE – (Affolée marie le secoue jusqu’à ce qu’il retrouve ses esprits) Fernand… Fernand… Que t’arrive-t-il ?
FERNAND – Je viens d’avoir… Une vision…
MARIE – Une vision ?
FERNAND – J’ai vu Monsieur Lux.
MARIE – C’était lui, tu en es sûr ?
FERNAND – Oui… Sûr et certain… Il m’a parlé…
MARIE – Incroyable !
FERNAND – Je te jure… Il m’a dit des choses…
MARIE – (Affolée) Quoi ? Il t’a dit quoi ?
FERNAND – Tu ne le répéteras pas ?
MARIE – Promis… De toute façon, personne ne m’écoute jamais !
FERNAND – Il m’a dit que sa mort n’était pas accidentelle…
MARIE – Et puis ?
FERNAND – Qu’il allait se venger !
MARIE – Et c’est tout ?
FERNAND – Oui… Après j’ai perdu la connexion… N’en parle à personne.
MARIE – Juré !
MARIE – On sort… L’atmosphère devient pesante…
(Marie et Fernand sortent main dans la main. Madeleine revient sur scène elle est livide)
MADELEINE – Mais à dire vrai… À qui profite le crime ? Qui en a tiré les bénéfices ? Et s’ils avaient tous raison… Si Richard était un assassin et qu’il avait tiré sur papa délibérément pour hériter plus vite… Je dois réfléchir… Je me sens mal… J’appelle le Docteur Ferrand…
(Madeleine quitte la scène en titubant. Elle sort par la porte desservant les chambres)
(Richard revient. Il trouve la pièce vide. Il s’assoit à table et parle seul)
RICHARD – Je me demande bien quelle vacherie est en train de me préparer cette peste d’Hildegarde ?
(Madeleine arrive des chambres. Elle trouve richard en pleine réflexion)
MADELEINE – Tout s’est bien passé avec le maire ?
RICHARD – Pas de problème. Il m’a promis son soutien plein et entier.
MADELEINE – C’est une excellente nouvelle !
RICHARD – En tant que premier employeur de la commune et il est normal que le maire nous soutienne…
MADELEINE – Alors pourquoi as-tu l’air soucieux ?
RICHARD – Rien d’important…
MADELEINE – Tu sais que tu peux tout me confier !
RICHARD – C’est ta mère… Je sens que les ennuis vont arriver…
MADELEINE – (Madeleine monte le ton) Tu vas arrêter de te monter la tête avec maman… Chaque fois qu’il y a un problème qui surgit c’est à cause d’elle !
RICHARD – Je ne la sens pas !
MADELEINE – Elle a tout simplement du mal à oublier que c’est toi qui as appuyé sur la détente et criblé de balles papa…
RICHARD – (Il se tient la tête) Pas criblé… Une seule balle… Une seule… Je suis tellement désolé…
MADELEINE – Tu n’es pas un tireur d’élite pourtant ?
RICHARD – Non… Habituellement je loupe toujours ma cible… Je n’ai jamais ramené le moindre gibier… C’est la première fois que je fais mouche…
MADELEINE – Comment ça s’est passé ? Tu ne m’en as jamais parlé…
RICHARD – C’est tout bête… Ça a bougé dans les buissons… J’ai appuyé sur la...