Le rideau s'ouvre sur un salon traditionnel. Clara entre par la porte de la chambre. Le téléphone sonne. Elle décroche.
CLARA (au téléphone) - Oui ?... aujourd'hui ?... dans une demi-heure ?!... cela ne me laisse pas beaucoup de temps... et vous croyez que... si l'ordinateur le dit... merci, bien sûr. Au revoir.
(Elle raccroche visiblement heureuse. Elle se regarde dans le miroir, remet rapidement sa chevelure en place. Elle sort par la porte du centre. Elle appelle.)
Emilie ! Tu peux venir. Emilie !
(Clara revient et plonge dans le canapé. Elle saisit un coussin et l'étreint. Emilie entre par la porte du centre, surprise de voir Clara dans cette attitude.)
EMILIE - Ta position donne à penser qu'un homme va arriver.
CLARA - Je suis heureuse.
EMILIE - C'est confirmé.
CLARA - Il arrive dans une demi-heure.
EMILIE - Ici ?
CLARA - Oui.
EMILIE - Chez toi ?
CLARA - Oui... un homme.
EMILIE - Tu es folle. Tu as perdu la tête.
CLARA - Faut toujours que tu coupes mes élans. Tu es jalouse.
EMILIE - Oh l'amoureuse, faudrait peut-être toucher terre et sortir le train d'atterrissage.
CLARA - Moi qui voulais te faire partager ma joie.
EMILIE - Et moi, tour de contrôle, je te dis que tu es folle d'avoir donné rendez-vous chez toi à un inconnu.
CLARA (jouant) - O.K, tour de contrôle, je m'envole vers l'amour.
EMILIE - Clara, arrête de jouer.
CLARA (vive) - Je ne joue pas, je vis. Emilie, cela fait des semaines que j'attends ce moment. Des semaines que je subis les interrogatoires d'une agence de rencontres. Ils connaissent tout de moi, toutes mes données sont dans leur ordinateur. L'agence m'a assuré qu'en un seul rendez-vous, je tomberais sur l'homme de ma vie, mon homme !
EMILIE - Reviens à la réalité. Je te signale que ça fait des semaines que tu vides ton compte en banque pour le transférer sur celui de l'agence.
CLARA - L'amour n'a pas de prix.
EMILIE - Ma meilleure amie, Clara, a perdu le sens des réalités.
CLARA - Emilie, laisse-moi rêver. J'ai payé pour ça.
EMILIE - Je ne peux pas te contredire. (Exaspérée) Inviter un homme chez soi pour une première rencontre, avec plus si affinité ! Le gaillard, il doit se frotter les mains.
CLARA - Moi aussi, je me frotte les mains. Mon prince charmant arrive !
EMILIE - S'il ne te plaît pas ?
CLARA - Impossible.
EMILIE (poursuivant) - Il va te harceler. Il sonnera à ta porte tous les jours.
CLARA - Mon prince ne peut pas faire ça.
EMILIE - Toutes les nuits.
CLARA - Je lui demanderai de respecter mon sommeil.
EMILIE - En attendant, il est temps de te réveiller. Un premier rendez-vous, cela se donne hors de chez soi. Moi mes rencontres, c'est toujours dans un jardin public, sur un banc et à côté de la sortie... pour m'échapper !
CLARA - Ton dernier rendez-vous, dans un beau jardin enchanté... raconte.
EMILIE - Il s'est mis à pleuvoir et au bout d'une demi-heure, sous l'eau, sans parapluie, je suis devenue une vraie serpillière.
CLARA - Et tu ne l'as jamais rencontré. Moi, je n'admets pas qu'une goutte d'eau perturbe mon rendez-vous.
EMILIE - Clara, j'ai une idée géniale !
CLARA - Géniale ?
EMILIE - Je prends ta place.
CLARA - Qu'est-ce que je fais pendant ce temps, je compte les points.
EMILIE - Tu écoutes, tu observes.
CLARA - J'ai déjà vu ça dans un film.
EMILIE - Oui et alors ?
CLARA - Dans le film, elle se fait piquer son mec par la copine.
EMILIE - Je ne tombe plus amoureuse.
CLARA - Et si tu lui plais ?
EMILIE - Attends. Je suis totalement différente de toi, on ne se ressemble en rien. Alors si je lui plais, c'est que le fameux ordinateur de ton agence a besoin de sérieux réglages. (Lui prenant la main) Sincèrement, laisse-moi prendre ton prénom, c'est plus prudent. Je verrai tout de suite si c'est un coureur de jupon.
CLARA - Je sais également reconnaître un dragueur.
EMILIE - Toi ! tu es déjà amoureuse sans l'avoir vu.
(Coup de sonnette.)
CLARA - Déjà ! Je ne suis pas prête. Qu'est-ce que je fais ?
EMILIE - Je prends ta place. Je gère la situation.
CLARA - Mon prince charmant est derrière la porte. Je sens que je vais...