Molière en urgences

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Une metteur en scène et sa troupe d’acteurs trouvent, grâce à la complicité de deux infirmières, un lieu de répétition dans un local situé dans un hôpital. C’est le point de départ d’une folle comédie où docteurs, malades, père avare, se croisent et s’affrontent dans un tourbillon incessant, sous l’œil du Docteur Leroy, grand mandarin, personnage imbu de lui-même et dont les décisions burlesques vont endiabler le spectacle.
Outre ses ballets, sa musique et ses chansons (de Lully), cette comédie est écrite… avec les mots de Molière… En effet on découvre divers personnages des comédies de Molière dans des situations totalement détournées et c’est un plaisir de retrouver les répliques connues adaptées à d’autres situations. Et on constate que l’on peut faire dire aux mots tout autre chose en les sortant de leur contexte. Un hommage à l’œuvre de Molière et à sa fantaisie qui réjouit tout public.

Lucrèce Sabine

Lucrèce Psyché

Un malade (Hervé) Sabine
Lucrèce

Sabine Sabine Lucrèce

MOLIERE EN URGENCES

De

Yves Carlevaris

ACTE I

Scène 1

Hall des Urgences. Un malade est assis sur les escaliers. Sabine entre en chantonnant et commence à ranger son bureau.
Lucrèce entre en tenant un chat « d’expériences », plein de fils électriques par la queue. Elle en menace Sabine en riant.

Le petit chat est mort.

C’est dommage; mais quoi, nous sommes tous mortels, et chacun est pour soi.
(Elle jette le chat dans une poubelle. Les infirmières soupirent et s’asseyent. Elles chantonnent la chanson de Sabine « Paissez »..)

Enfin un instant de repos entre deux invasions de malades...

(C’est une malade qui est bandée jusqu’à la taille. elle joue avec une bande Velpeau à laquelle elle a attaché une rose)

Je suis enflée de partout. C’est quantité de sériosités que j’ai dans le corps.)

( id) Moi, je cherche un bon médecin.
C’est une denrée fort rare de nos jours. Il y a Leroy.

Ah Leroy, capable de faire rendre gorge à véroles, fièvre, pleurésies, flux du sang et dysenteries...

Leroy, c’est le plus beau des médecins ! Notre teint de lis et de rose...

Notre nez bien fait, notre bouche rouge et nos grands yeux vifs... sont pour toi, Leroy.

1

Sabine Lucrèce Sabine Lucrèce

Sabine

Madame Lucette (Sophie)

Les infirmières

Almanzor (Thomas) Lucrèce
Sabine
Les infirmières

Colin (Hervé) Almanzor
Les infirmières

Un malade (Pascal) Sabine
Lucrèce
Les infirmieres Tous

Taisons-nous. Je rougis.
C’est ma foi vrai. Comment faites-vous ?
Je n’ai pas de mérite. C’est une vieille habitude.

Cela vous va très bien.

( elle chante) Paissez, chères brebis

Bee

Dans un coin, un malade en pyjamas, monsieur Almanzor, regarde la scène. Il a un goutte à goutte accroché à un pied à perfusion. On le verra circuler ainsi tout au long de la pièce.

(elle joue avec une bande Velpeau à laquelle elle a attaché une rose) Je suis enflée de partout. C’est quantité de sériosités que j’ai dans le corps.

Les herbettes naissantes Bee

( montrant sa fesse) Moi j’ai un entracte là. Là ? Un entracte ?

Il est fort mal placé !...

ces prés et ces ruisseaux, ont de quoi vous charmer bee

( id) Moi, j’ai des lassitudes dans les mufles des jambes... Ah bon ?...

Mais pour être toujours contentes

) Ma sœur est malade d’hypocrisie !
D’hypocrisie ? ( à Lucrèce) L’hypocrisie est un vice à la mode. Et tous les vices à la mode passent pour vertus.
toujours contentes en tes

bee bee bee

2

Sabine Lucrèce

Sabine Lucrèce Sabine La grange Tous

Almanzor Lucrèce Almanzor Sabine Lucrèce

Sabine Lucrèce Sabine Lucrèce

Scène 3

(un groupe composé de 7 personnes entre dans la salle des Urgences) Ils ont avec eux, une panière en osier, une table à repasser, un perroquet, un manequin. Ils traversent la salle et montent sur le plateau)

Seigneur ! Je m'étonnais bien si nous aurions longtemps du repos.

Criquet ! (elle lui fait signe de faire disparaître les malades) C’est Madeleine. (elle salue une femme de la main) Elle est en

compagnie de ses acteurs...
C’est ma foi vrai. (elle salue la femme à son tour) Mais chut !
Oh oui, chut !

mais on va où ????

CHUT !

Sabine et Lucrèce désignent une porte au fond La petite troupe l’ouvre, s’y engouffre et disparaît.

Scène 4

Et quel mal ont ceux-ci, s’il vous plaît ? Ne vous mettez pas en peine.
Est-ce quelque mal ?...
Les médecins sont obligés au secret.

Almanzor ! Va-t-en te faire pendre. Dehors !

(Almanzor s’écarte sans hâte, visiblement habitué à être rabroué . Il sort avant J)

Où en étions-nous avant d’être dérangées dans notre discussion ?

( elles chantent) Paissez, chères brebis Bee
Les herbettes naissantes

3

Sylvestre (de l’extérieur)
Lucrèce
(Sottenville entre en fauteuil roulant poussé par son fils)

Sottenville Sylvestre

Lucrèce Sylvestre Sottenville Sylvestre Sottenville

Sylvestre Lucrèce

Sylvestre Sottenville Lucrèce Sottenville

Ah traître ! (la main à son cœur) Ahhhhh ! N’as-tu pas de honte ? Fils indigne d’un père comme moi !

Monsieur de Sottenville, homme riche, est malade... A l’aide ! Quoi? La médecine serait-elle la seule à n’accorder aucun privilège aux gens d’importance ? Je ne puis le croire.

Mais non, soyez en repos.

Ah tout de même !

Ah ! tu m’as tué, tu m’as assassiné. Je meurs.

Vous me mettez au désespoir, mon père !

Il n’est plus temps et tu auras ma mort sur la conscience ! Ahhh ! (hoquet) Mon cœur s’arrête !

Ces dames vont le faire repartir.

Nous ne réussissons pas à tous les coups. ( à Sottenville) Donnez-moi votre pouls. Ouais! ce pouls-là fait l'impertinent. Allons donc, que l'on batte comme il faut. Je vois bien que vous ne me connaissez pas encore. Ah! je vous ferai bien aller comme vous devez.

Madame...
Ahhh
Pouvez-vous vous taire que j’entende battre le cœur. ( moins fort) Ahhh !

Scène 5

Entre Sylvestre poussant un fauteuil dans lequel est assis un vieux monsieur, une canne à la main, accompagné de son fils. Des malades passent.

Hola ! Quelqu’un !
Eh bien, qu’est-ce cette fois ?

4

Lucrèce Sottenville

Lucrèce Sottenville Sabine Lucrèce Sottenville

Sylvestre Sabine Lucrèce Sylvestre

Lucrèce Sabine Sylvestre Lucrèce Sylvestre

Lucrèce Criquet

Mieux que cela...

( très faiblement) Ahhh ! S’aller marier sans le consentement de son père ! Ah traître de fils !

Avalez.
( bas) Qu’est ce que c’est ? (bas) Un julep soporatif Pour faire dormir monsieur.

Je ne veux pas dormir,(L’infirmière lui pince le nez) s je ne veux pas et je veux crier tout mon soûl après mon pendard de fils qui s’est marié sans...
Il s’endort brusquement.

L’effet est rapide.
Il y a là dedans ce qu’il faut.
Il en a pour plusieurs heures. Qu’est ce qui s’est passé ?

Mon père a appris que je m’étais marié sans le prévenir. Soudain je l’ai vu comme atteint d’une vive douleur, je l’ai vu pâlir et changer de couleur, j’ai pensé le voir mourir d’apoplexie. Alors je l’ai conduit ici. C’est grave ?

C’est un simple échauffement de la bile.

C’est un homme en pleine santé.

Quoi ?

Il vous enterrera vous et vos enfants.

Tant mieux, je l’aime tellement. ( à part) Le traître, il feint d’être à l’agonie, pour que je rompe mon mariage.

Scène 6

(à une infirmière qui passe par fond J, montrant Sottenville)

Criquet, Oui

5

Lucrèce Criquet

Sabine Lucrèce Criquet

Sabine

Conduis monsieur dans une des chambres pour clients fortunés.
Il en reste une. La 7. (Elle s’appuie sur le dossier de la chaise de

Sottenville)

La 7 ? Nous y avons là bas nos petites affaires.

Bien rangées dans un placard. Faut-il qu’on les débarrasse ?

N’en faites rien. Si le malade devait rester plusieurs jours, nous aviserions. (Sylvestre sort avec son père et l’infirmière)

( désignant Sottenville) Pourquoi garde-t-il la main posée sur le cœur ?

NOIR

Scène 7

L’intérieur d’une remise, « le local des acteurs »
Ils déballent des costumes, d’autres font des exercices d’articulation : d’autres se maquillent.

Décidément nous aurons travaillé partout. Dans des caves, des greniers et toutes sortes de places inappropriées...

Et à présent dans ce lieu...
Indigne de nous.
En avez-vous un autre à proposer ? Certes non...
Je trouve qu’il règne ici une... Une quoi ?

Une odeur de... Ne sens-je point le lavement ? Voyez, je vous prie.

Eh il y a quelque petite chose qui approche de cela.

J’ai l’odorat et l’imagination toute remplie de cela, et il me semble que je vois une douzaine de lavements qui me couchent en joue.

6

La Grange

Pierrot
La Grange Madeleine Béjart La Grange
Melle du Parc Pierrot
Melle du Parc

Pierrot
Melle du Parc

MadeleineBéjart

Marie Claveau Madeleine Béjart

Pierrot Madeleine Béjart Jodelet Madeleine Béjart Jodelet
Melle du Parc Pierrot
Melle du Parc

Pierrot
Melle du Parc Marie Claveau

Lucrèce

Pierrot Madeleine Béjart Pierrot
La Grange

Si ma proposition vous déplaisait tant, que ne l’avez-vous écartée ?

Nous connaissons l’état de nos finances.
Eh oui, l’argent nous manque, c’est pourquoi... A titre personnel, je me réjouis d’être ici.
Et toi, Jodelet ?
Moi ?
Oui.

( désabusé comme toujours) Oh moi !

Pour moi qui joue avec succès les coquettes...

( perfide) Depuis trente ans.

Eh bien ? Où est le problème d’avoir trente années de coquetterie derrière soi ?

C’est qu’il vaut mieux les avoir devant. (effrayée) Ce lieu ne laisse pas d’être inquiétant.

Cette nuit, j’ai rêvé d’un poisson mort et le poisson mort signifie malheur.
Entrent les deux infirmières, Lucrèce et Sabine.

Scène 8

(à Madeleine) Alors, très chère amie, trouvez-vous l’endroit à votre convenance ?

Nous en parlions justement.
J’en pense tout le bien du monde ! Comme nous tous ici. Grâces vous soient rendues.
Nous vous sommes obligés.

7

Madeleine Béjart Lucrèce

Madeleine Béjart Sabine
Lucrèce Madeleine Béjart

Lucrèce
Sabine Madeleine Béjart Lucrèce

Sabine

Melle du Parc La Grange Sabine

La Grange Sabine Pierrot Sabine

La Grange Lucrèce Madeleine Béjart

Ici, nous allons pouvoir travailler notre art sans débourser un liard.

(à Madeleine) Le mal de votre affaire, c’est que vous êtes dans l’état où l’on voit souvent les artistes de nos jours. Vous êtes dénués d’argent.

C'est quelque chose à peu près de cela. Vous regardez autour de vous ?
C’est une pièce où l’on mettait les fous.

Jadis les fous. A présent les comédiens. La différence est petite car il faut être un peu fou pour être comédien.
(Coup de sifflet).
Excusez-moi, nous devons prendre congé.

Leroy est là. Le roi ?

C’est un médecin admirable. Le plus grand médecin de tous les temps.

Une femme était tenue pour morte il y avait quatre heures. Elle était prête à ensevelir lorsqu’avec une goutte de quelque chose ; il la fit revenir et marcher. Adieu.

Ciel !

Par quel miracle !

Il y avait un homme qui, depuis six jours, était à l’agonie. : on ne savait plus que lui ordonner. Tous les remèdes ne faisaient rien : Leroy s’avisa à la fin de lui donner de l’émétique.

Il réchappa ?
Non, il mourut. L’effet est admirable.

( à des acteurs qui veulent sortir) Où allez-vous ?
Remercier ce grand homme pour les bontés qu’il a pour nous. N’en faites rien. Leroy ignore tout de votre présence ici. Quoi ? Vous voulez dire que...

8

Sabine

Madeleine Béjart Lucrèce

Madeleine Béjart

Nous avons pris la chose sous notre bonnet. Demeurez ici, travaillez et que la discrétion soit votre règle.

Nous ferons comme vous dites.
Ainsi tout ira bien. Vous avez ici un assuré refuge.

( les deux infirmières sortent)

Attaquons Tartuffe, s’il vous plaît.

.

NOIR

Scène 10

9

Hall des Urgences.

Psyché

(Assise avec sa rose) Si vous n’êtes pas favorable au penchant de mon cœur, au moins, ne me forcez pas à en aimer un autre.

Entrent les infirmières Sabine, Lucrèce,...

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