Il s’agit d’une pièce provençale. L’accent du Sud (sinon marseillais) y est donc impératif pour en extraire toute la saveur des répliques. Seul le docteur est exempté de cet exercice.
ACTE I
Nous sommes dans un petit cabanon de Provence. Il domine le village de ses grosses tuiles rouges. La porte d’entrée se trouve côté jardin. C’est une grossière porte en bois. Le cabanon se compose d’une seule pièce à vivre, rustique, avec un petit lit à gauche et un tabouret en guise de table de nuit. Au fond, une fenêtre ouvre sur la pinède et les collines arides. Elle est flanquée d’un petit buffet, une cuisinière, un évier encombré de vaisselle et surmonté d’un petit miroir. Quelques ustensiles de cuisine, une cafetière, des casseroles sont éparpillés sur ces éléments. Deux petits tableaux ornent la pièce, un de chaque côté à gauche et à droite. Ils représentent des paysages d’ici. Quelques canettes de bière vides traînent. Décentré vers le côté cour : une vieille table en bois, deux chaises et un tabouret. La porte de ce côté là donne sur un grand débarras qui sert aussi de cellier, de salle de bain, de buanderie... En Provence, on appelle ça un cafoutche.
Scène 1
Titin, Félicie
Le chant des cigales envahit la salle.Le rideau s’ouvre sur la scène plongée dans le noir. On entend une voix off avec un fort accent du midi.
VOIX OFF ― Dans le midi, il y a les cigales. Il y a les pins, les vignes et quelques chèvres qui résistent encore à l’élevage industriel. Il y a ces senteurs enivrantes nulle part ailleurs comparables, un délicat coquetel mêlant le thym, le romarin, le fenouil, la sarriette, la lavande… Et puis il y a ce ciel si bleu qu’on le dirait tout droit sorti d’un tableau de Van Gogh. Et ce soleil implacable qui vous assassine, qui vous escagasse et vous cuit comme un bistèque si vous n’êtes pas suffisamment prévoyant pour vous préserver aux heures les plus meurtrières.
La lumière se fait sur la scène, on découvre Titin, jeune célibataire, qui dort sur le petit lit, un chapeau de paille sur le visage. Le chant des cigales s’atténue, remplacé par ses ronflements. On frappe à la porte.
FÉLICIE, crie à l’extérieur. ― Titin !... Oh ! Titin !... (Elle tambourine.) Titin !... Qu’est-ce que tu fais, Titin ?
Titin sursaute, se redresse à demi.
TITIN, hagard. ― Hè ! Qu’èsse c’est ?
FÉLICIE, tambourine. ― Titin !... Tu vas m’ouvrir, oui ?
TITIN, en se levant difficilement. ― Voilà, voilà ! J’arrive !... Y a pas le feu !...
Il part ouvrir le gros verrou de la porte. Félicie entre. Elle a la cinquantaine, elle est la mère de Titin.
FÉLICIE ― Tu en as mis du temps ! Tu dormais ?
TITIN ― Eh, non ! Je travaillais.
FÉLICIE, lorgne le lit. ― C’est ça, tu travaillais couché. Il y a encore le creux sur le lit.
TITIN ― Je réfléchissais.
FÉLICIE ― Ah, oui !... C’est vrai que ça fatigue de reufléchir. Mais je ne savais pas que ça rendait sourd.
TITIN ― Maman ! Tu es venue jusqu’ici pour me dire des méchancetés ?
Il s’assied, s’accoude à la table.
FÉLICIE ― Non. Je suis venue parce que ça fait quinze jours que je ne t’ai pas vu. Je pensais qu’il y avait une femme là-dessous, mais non, ça ne risque pas… Ça sent le sanglier ici, aucune femme ne résisterait.
TITIN ― Et tu appelles ça comment, si c’est pas des méchancetés ?
FÉLICIE ― C’est la vérité, tout simplement. Mon fils vit dans une porcherie, c’est la vérité et ça ne me fait pas plaisir.
TITIN ― Bon ! Et à part ça, tu vas bien ?
FÉLICIE ― Je suis contente que tu te soucies de la santé de ta vieille mère. Mais j’aurais préféré que tu viennes t’en soucier à la maison.
Elle s’assied en face de Titin, pousse deux canettes de bière vides tout en abusant de mimiques dégoûtées au contact de la table, sale.
TITIN ― Quinze jours, c’est pas la lune. Je suis à deux kilomètres du village, je ne suis pas parti aux antipodes…
FÉLICIE ― Justement ! En quinze jours, tu n’as pas eu un quart d’heure pour venir me voir ?
TITIN ― Mais qu’est-ce que tu me fais, là, maman ? Ce n’est pas la première fois que je passe mes vacances au cabanon… (Il se lève, va chercher des verres dans l’évier.) Tu veux boire quelque chose ?
FÉLICIE ― Je te remercie, je ne suis pas venue pour m’intossiquer. Tes verres, on n’y voit pas à travers !
TITIN, ne relève pas la raillerie. ― Je suis bien, ici, c’est reposant, je me ressource. (Il se sert à boire et revient se mettre à table.) Tu peux comprendre que j’ai besoin de m’isoler un peu, je ne suis plus un gamin…
FÉLICIE ― Vouaïe. Et moi aussi, je ne suis plus toute jeune. Tu aurais pu éviter de me faire grimper deux kilomètres en plein cagnard. Je coule l’eau.
TITIN ― Qu’est-ce que tu racontes ? D’abord, je ne t’ai rien demandé, tu es venue de ton propre chef. Et ensuite tu es en pleine forme. La preuve, c’est qu’après deux kilomètres en plein soleil, il te reste assez de souffle pour m’engueuler.
FÉLICIE ― Même sur mon lit de mort, je serai encore capable d’engueuler mon fils !
TITIN ― Hè bè ! Ça promet !
FÉLICIE ― Et ne détourne pas la conversation ! Je suis montée à pied parce que tu ne réponds pas au téléphone. Si j’attrape l’insolation, ce sera de ta faute.
TITIN ― Maman, tu sais très bien que je coupe mon portable quand je suis en vacances…
FÉLICIE ― Et tu ne penses pas à ta mère qui se fait un sang d’encre ?
TITIN ― Au bureau, je travaille toute l’année avec le téléphone, permets-moi de l’éteindre lorsque je suis en vacances.
FÉLICIE ― Je te permets, mon fils, mais allume-le de temps en temps, tu m’éviteras des cheveux blancs.
TITIN ― Oh coquin ! Un sang d’encre, des cheveux blancs… et j’allais oublier l’insolation. Tu crois que tu survivras ?
FÉLICIE ― Et voilà ! (Elle tape sur la table.) Bah !... (S’avise qu’elle vient de souiller sa main.) C’est bien l’ingratitude des enfants, ça ! On les torche jusqu’à vingt ans, on se décarcasse, on se met en quatre pour les élever et ils vous tournent le dos dès qu’ils ont un peu de poil au menton. Ah ! Elle est belle la jeunesse d’aujourd’hui !
TITIN ― Arrête, maman… Je te sais gré de m’avoir « torché », bien que le terme « élevé » soit plus approprié, mais aujourd’hui, à vingt-huit ans, je pense pouvoir faire ma vie sans avoir à te demander une autorisation.
FÉLICIE ― Je t’en ficherai, moi, des autorisations ! Un bon fils a le devoir d’assiduité auprès de sa vieille mère, qui l’a torché conformément au Petit Larousse, même si ça t’égratigne les esgourdes.
TITIN, bras au ciel. ― Alors, si c’est le Petit Larousse qui le dit…
FÉLICIE ― Je ne te demande pourtant pas grand-chose, juste un petit coup de fil si ça t’escagasse de te déplacer. (Elle prend un air pincé.) Mais je peux bien mourir, ça ne te tracasse pas plus que ça !
TITIN, abattu. ― Non, tu me l’as déjà fait ce coup là. Tu es sur le point de mourir chaque fois que je pars en vacances…
FÉLICIE ― À qui la faute ?... (Grandiloquent :) Si ce n’est à l’ingratitude filiale !
Elle se lève, fait le tour du propriétaire.
TITIN ― Je te rassure, maman, tu vas très bien, tu vas parfaitement bien, tu tiens la forme olympique, crois-moi, il y avait longtemps que je ne t’avais pas vue en si bonne forme.
FÉLICIE, retape le lit défait. ― Tu dis ça pour me faire plaisir.
TITIN, désabusé. ― Oh, non ! Je le pense sincèrement.
FÉLICIE ― Ça t’arrive d’aérer, ici ?
TITIN ― Bien entendu, mais pas au plus gros de la chaleur.
FÉLICIE ― C’est bien ce que je pensais. Ça pue !
Titin se contente de hausser les épaules. Félicie a trouvé une éponge, elle débarrasse la table et l’essuie.
FÉLICIE ― Et ton linge ?
TITIN, désigne le débarras. ― Dans la machine à laver, à la buanderie.
FÉLICIE ― Le cafoutche ! Tu appelles ça une buanderie, toi ? Elle sert à tout cette pièce : garde-manger, débarras, salle de bain, séchoir à champignons… Ça doit sentir bon là-dedans aussi.
TITIN ― Tu sais, c’est rien qu’un cabanon, pas un hôtel quatre étoiles.
FÉLICIE ― Merci de la précision. Et encore, maintenant il y a l’électricité !
TITIN ― Oh ! Ça n’a pas été sans mal. On a transpiré quelque chose, l’automne dernier, pour transporter le chauffe-eau, la machine à laver, le compteur et tout le fourbi… Avec la brouette, tu imagines ! Ici, la brouette est un moyen de transport indispensable, vu qu’il n’y a pas de route... Une chance, l’électricien est un ami, sinon ça aurait coûté les yeux de la tête.
FÉLICIE ― C’est pour ça que tu ne fais pas la vaisselle, pour économiser le matériel ! (Elle entreprend de faire la plonge. Titin soupire.) Heureusement, je veille sur mon Titinou…
TITIN, révolté. ― Ah, non ! S’il te plait ! Tu sais que je ne supporte pas ce sobriquet. Titin, c’est déjà bien assez tarte. Tu n’imagines pas combien on a pu se foutre de moi à l’école avec un surnom pareil.
FÉLICIE ― Mais ici, il n’y a personne pour nous entendre. Et puis, ce n’est pas un surnom, Titinou, c’est un diminutif gentil.
TITIN ― Gentil, tu parles ! Couillon, oui ! Il faut dire qu’avec un prénom comme Baptiste, c’est difficile de faire mieux.
Félicie abandonne sa vaisselle.
FÉLICIE ― Et qu’est-ce qu’il a ton prénom ? Il n’est pas honteux que je sache. C’était le prénom du frère de mon père, et aussi ton parrain. C’est un beau prénom, bien de chez nous. La tradition veut qu’on transmette les prénoms des parents aux enfants. Toi, c’était ton parrain Baptiste, moi, c’était mon père, donc ton grand-père, Félicien.
TITIN ― Félicien, Félicie. Quelle imagination !
FÉLICIE ― Qué imagination ? On parle de tradition, pas de poésie. Ça te défrise aussi, Félicie ?
TITIN ― Ça me plait beaucoup, maman. Mais tu sais, de nos jours, la tradition…
FÉLICIE ― Tè, bien sûr ! On se fiche de tout maintenant, c’est pour ça que le monde va si bien. Tu aurais peut-être préféré que je te baptise d’un prénom à la mode ? Comme Kevin, Bryan ou Enzo… (Elle prononce Kevain et Brillant.) Quand j’étais petite, on a eu un chien qui s’appelait Enzo à la maison. Un brave bastard pas bien futé, peuchère. Une grosse bestiasse qui s’immobilisait en travers de la porte quand on lui demandait de sortir. La truffe dehors, il se croyait tout entier à l’estérieur alors que son cul était encore dedans. Il ne se rendait pas compte de la distance qui séparait sa tête de sa queue, peuchère, on était obligé de le pousser...
TITIN ― Et quand il s’agissait de rentrer, il faisait pareil ?
FÉLICIE, hésitante. ― Euh !... Maintenant que j’y pense…
TITIN ― Alors, ton Enzo, il n’était pas aussi banaste que tu le crois. (Félicie hausse les épaules, s’en retourne terminer sa vaisselle. Un silence s’installe. Titin semble perplexe.) Tu as quelque chose à me demander, maman ?
FÉLICIE, piquée au vif. ― Qu’est-ce que tu veux insinuer par là ?
TITIN ― Rien… Mais je trouve que tu en fais des tonnes aujourd’hui, un peu comme si tu tournais autour d’un pissadou sans savoir par quel bout l’aganter.
FÉLICIE ― Il manquerait plus que ça, tiens ! Que je n’ose pas demander à mon fils s’il a une femme dans sa vie.
TITIN ― Ah ! Nous y voilà, tu es venue voir si j’étais seul ou accompagné… J’aurais dû comprendre, à ta façon d’entrer, de furer, d’espincher… Bon, alors tu dois être rassurée.
FÉLICIE, abandonne sa vaisselle définitivement. ― Et pourquoi je serais rassurée ?
TITIN ― Hè bè… parce que, manifestement, il n’y a pas trace d’une présence féminine ici.
FÉLICIE ― Et cette constatation devrait me transporter de joie ?
TITIN, interloqué. ― Quoi ! Ce n’est pas le cas ?
FÉLICIE, prend une grande respiration et se lance. ― Titin, mon petit Titin, à ton âge, il serait temps de penser aux choses sérieuses.
TITIN, inquiet. ― Qu’est-ce que tu appelles des choses sérieuses ?
FÉLICIE ― C’est des choses qu’une mère a du mal à dire à son enfant… (Silence embarrassé. Félicie trépigne.)… Ne m’aide pas, surtout, vaï ?
TITIN ― Comment veux-tu que je t’aide ? Je ne comprends pas où tu veux en venir !
FÉLICIE ― Je t’esplique que tu ne peux plus continuer ta vie de patachon !
TITIN ― Qué vie de patachon ?
FÉLICIE ― Ta vie de célibataire avec les copains, le pastaga, la chasse, le foot, (Grand geste qui englobe les murs.) et le sacro-saint cabanon ! (Titin reste médusé.) À vingt-huit ans, on se marie, on achète une jolie maison avec des tuiles rouges et un petit jardin pas trop grand parce que sinon c’est trop de travail, le chauffage central, des meubles en bois patinés à l’ancienne, la cuisine intégrée, la télévision à écran plat comme une esquinade… Et hop, on fait des enfants ! On se range, quoi !
TITIN, médusé. ― Tu veux que j’épouse une femme ?
FÉLICIE ― Ah, ça oui, j’aimerais mieux que ce soye une femme, oui !
TITIN, avec un calme terrible. ― Tu te fiches de moi, maman ? Depuis le jour où j’ai eu mon premier bouton d’acné sur la figure, tu me mènes une vie pas possible dès qu’une fille m’approche, tu m’as embrouillé avec toutes mes conquêtes, tu as fait de ma vie amoureuse un enfer…
FÉLICIE ― Tu galèjes ou quoi ? J’ai juste surveillé tes fréquentations pour que tu ne t’entiches pas d’une radasse. Maintenant, à vingt-huit ans, il te faut une femme, une vraie.
TITIN, violent. ― Alléluia ! Je ne suis plus un minot, ma mère me proclame adulte. À vingt-huit ans !... Encore un effort, et à cinquante je serai peut-être majeur… Merci petit Jésus !
FÉLICIE ― Oh ! On ne peut pas parler, avec toi. De suite, tu montes sur tes grands chevaux.
TITIN ― Parler ? Tu appelles ça parler ? Tu viens comme le KGB espincher mes relations amoureuses, tu me joues la grande scène de la mère abandonnée qui se meurt de languissemment, tu me fais des manières avec des Titinou longs comme le bras, tu dénigres ma façon de vivre… et tu finis par me commander de me marier ?
FÉLICIE ― Et alors ? Il n’y a pas de honte à se marier.
TITIN, révolté. ― Avec tout le respect que je te dois, maman, je t-t… je te dis plus rien, vé ! Je préfère m’escaper avant que ça tourne au massacre.
Il sort à grandes enjambées.
FÉLICIE, appelle. ― Titin ! Reviens !
Titin claque la porte.
Scène 2
Félicie, Jojo
FÉLICIE, soupire. ― Boudiou ! Qué caractère il a, ce petit !... (Elle rumine et tournique, redresse un tableau légèrement penché.) Tè, c’est comme ce tableau ! Ça fait vingt ans qu’il est bancaou, et escrime que tu t’escrimes, il veut rien savoir… Lui aussi, il a son caractère. (Indécise, elle s’en va dans le débarras.) Ça emboucane pas trop là-dedans… (Elle en ressort avec un balai.) C’est même mieux rangé qu’ici, il doit y aller moins souvent… (Elle commence à balayer sans conviction.) Il me rendra folle, ce niston !... (Après quelques coups de balai peu efficaces, elle s’assied, accablée.) Ça me coupe les jambes, moi, toutes ces cagades !... Je lui demande pas la lune, pourtant… Quoi ! Il ne va pas se faire ermite, tout de même ! Frère Titin, il manquerait plus que ça !... Aie ! Je le savais, on devient fada à vivre comme un vieux sanglier. Mais il ne m’écoute jamais. Vé, il est peut-être déjà fada en plein, peuchère !... Et si j’appelais le docteur ?... Non !... Non, il le mettra dehors ! Et puis les docteurs, moins on les voit, mieux on se porte… C’est surtout les remèdes, moi, je n’ai pas beaucoup confiance… Je préfère les tisanes… Malheureusement, les tisanes, si c’est bon pour le foie ou la cagagne, ça n’a jamais rendu quelqu’un sociable… C’est la mouscaille, qué !... Le problème, c’est ce cabanon. Qu’est-ce qu’il lui trouve à ce cabanon, hè ? Il le quitte plus… Quand il a eu sa période discothèques et balèttis, ça ne me plaisait guère. Il sortait, il guinchait, il buvait… Ça ne me plaisait guère, mais au moins il était normal. C’était de son âge. Maintenant, ce n’est pas de son âge de s’enfermer dans ce boui-boui, je regrette, ce n’est pas de son âge… (Elle a une soudaine illumination :) Oh, coquin de sort !... Puisque le problème c’est le cabanon, il suffit de supprimer le cabanon... Plus de cabanon, plus de problème. En voilà une idée qu’elle est bonne !... (On frappe à la porte. Félicie se lève en sursaut pour reprendre le maniement du balai. Elle crie, croyant au retour de Titin :) Entre, couillon ! Tu ne vas pas faire des manières, non ? (Entre Jojo, sexagénaire imposant. Il porte un chapeau de paille sur la tête. Félicie, le dos tourné ne le reconnaît pas.) Alors, ça y est, tu ne boudes plus ?
JOJO ― Si je comprends bien, ça s’est mal passé.
FÉLICIE, se retourne. ― Ah, c’est toi, Jojo ! Qu’est-ce que tu fais ici ?
JOJO ― Je suis venu aux nouvelles. Je me doutais qu’avec ton caractère, ça ferait des étincelles.
FÉLICIE ― Qué caractère ? Et lui, il n’en a pas du caractère, peut-être ?
Jojo s’évente avec le chapeau.
JOJO ― Pour sûr qu’il en a ! Les chiens ne font pas des chats, il tient de sa mère, c’est normal. D’ailleurs, on a tous du caractère dans la famille. Le père Félicien Labri, il n’a pas oublié de le distribuer. Mais il faut avouer que c’est toi qui as eu la plus grosse part. Moi, j’ai eu les miettes. Alors forcément, ton fils…
FÉLICIE ― Vé, l’hôpital qui se fout de la charité ! Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre, mon frère qui a loupé la distribution de tempérament ! Si tu n’avais pas mis le chapeau, je croirais que tu as pris un coup de soleil sur la coucourde.
JOJO, moqueur. ― Oh, mais, ne te tracasse pas, je ne te ferai pas un procès pour réclamer ma part d’héritage. Tu peux tout garder.
FÉLICIE ― Tu te moques de moi, Jojo ?
JOJO ― Mais bien sûr, ma Félicie, que je me moque de toi. Tu le vois bien que tu as un sale caractère, tu prends tout de travers. Alors que moi, j’use de diplomatie.
Il s’assied. Félicie, excitée, tournera en rond autour de lui.
FÉLICIE ― Vouaïe. Tu fais tellement dans la diplomatie que ta dernière intervention au conseil municipal, elle est parue dans le journal. Et pas qu’un peu, en première page, avec ta photo ! En couleur !
JOJO ― Là, c’est différent, je suis dans l’opposition. C’est mon rôle…
FÉLICIE ― Et avec Rafini, le bleu qu’il a sur la pommette, c’est de la diplomatie ?
JOJO ― Le garagiste, cet escroc ? Il m’a fait payer une réparation qui est ni faite ni à faire… (Agacé :) Oh ! Tu vas m’en sortir beaucoup des comme ça ?
FÉLICIE ― Oh Bonne Mère, non, que demain on y serait encore ! C’était juste pour te montrer que tes miettes, elles sont grosses coùmé aco (Elle écarte les mains exagérément.) Alors, tes leçons de diplomatie, tu peux te les mettre où je pense…
JOJO ― Tu ne peux quand même pas nier qu’avec Titin, je m’en sors mieux que toi. Je sais lui parler, moi, à ce pitchoun, alors que toi tu lui cries dessus sans arrêt.
FÉLICIE ― Parce que je suis sa mère. Et que je l’aime.
JOJO ― Moi aussi je l’aime. Je suis son oncle, mais je l’aime comme si j’étais son père, vu que son père, peuchère, il n’en a pas eu et qu’avec ta permission, je l’ai un peu remplacé, moi qui n’avais pas d’enfant. Je l’ai élevé comme mon propre fils et je l’aime pareil. Pour autant, je ne l’engueule pas à longueur de journée, parce que je ne crois pas que l’amour se mesure à coups de décibels… D’ailleurs, je ne crois pas qu’il se mesure tout court.
FÉLICIE ― Tè ! Ça te va bien la philosophie… Ça te va mieux que la diplomatie.
JOJO ― Cette fois, c’est toi qui galèjes.
FÉLICIE ― Un peu. Et si on revenait à nos moutons. J’ai eu une idée…
JOJO ― Oyayaïe ! Tes idées, je m’en méfie. D’abord, raconte-moi ce qui s’est passé, que j’estime les dégâts.
FÉLICIE ― Il s’est passé comme d’habitude. On s’engatse pour des...