Y a plus de vieillesse

Genres :
Thèmes : · · · ·
Distribution :

Un hall d’immeuble comme on en trouve beaucoup dans les cités HLM, le contexte social est tendu, surtout quand quelques troublions qui ne respectent rien y boivent, fument des substances illicites et écoute leur stéréo à tue-tête ! Ah, ces jeunes, on ne sait plus les tenir. Le problème, c’est que ceux-là ont plus de 65 ans.
Y’a plus d’vieillesse est une comédie décalée et déjantée, touchant les préoccupations de la génération des néo-retraités, les baby-boomers, celle qui a tenu les barricades en 68, la génération du rock’n’roll et de la contestation qui ne se retrouve pas aujourd’hui dans les structures réservées au troisième âge.

Prologue

Le maire

 

Le maire, arrivant à la tribune. – Mes chers administrés… Oui, la situation actuelle est grave ! Oui, toute l’équipe municipale a conscience des problèmes qui vous concernent ! Nous vivons actuellement un contexte particulièrement délicat : vous m’avez interpellé à propos des nuisances que vous subissez au quotidien. Je sens votre appréhension de plus en plus marquée. J’ai fait preuve sans doute à un moment de trop de laxisme, j’ai été naïf en croyant que la prévention suffisait pour obtenir la paix dans certains quartiers. Mais aujourd’hui, ça suffit, tout va changer. Place à la plus grande fermeté, nous serons intransigeants. Nous ne l’avions pas été jusqu’ici ? C’était un choix malheureux et je vais prendre les dispositions qui s’imposent ! Nous ne pouvons plus nous voiler la face, nous cacher derrière le discours politiquement correct, celui de l’angélisme qui nous conduit dans une impasse. On ne peut plus tolérer toutes ces incivilités, les halls d’immeubles vandalisés et occupés abusivement par des gens qui ne respectent plus leur voisinage, avec toutes les nuisances qui peuvent en découler. Que veut-on nous faire croire ? Que le fait de ne pas travailler les autorise à toutes les dérives sous prétexte qu’ils s’ennuient ? Ce n’est pas une excuse, d’autant plus que nous avons créé des structures pour les accueillir, investi beaucoup d’argent pour leur proposer des activités, et même si la plupart ont un comportement exemplaire, il y a toujours dans cette catégorie de la population une poignée de réfractaires pour semer le trouble, pour importuner les honnêtes citoyens qui ne demandent qu’à vivre dans le calme et la sérénité. J’avais alerté les autorités et le ministère de l’Intérieur sur ce fléau qui menaçait nos cités. Cette vague massive était prévue depuis longtemps et pourtant le pouvoir est resté sourd, et n’a pas anticipé ce problème, laissant une situation se dégrader quotidiennement. Habitants de la commune, je vous sais excédés de voir une partie de la population qui touche des revenus sans travailler et qui, de surcroît, ne respecte pas les règles nécessaires au vivre ensemble… Les plus jeunes n’osent plus sortir à la tombée du soir, de peur de croiser une de ces bandes de voyous… Aussi ai-je décidé de décréter un couvre-feu à partir de vingt-deux heures pour toute personne de plus de soixante ans.

 

 

 

Acte 1

Scène 1

Marie-France, Norbert

 

Hall d’immeuble. Une femme est assise par terre. Arrive un homme qui tient un poste à la main. On entend « Time Is On My Side » des Rolling Stones.

Norbert. – Ça va, Marie-France ?

Marie-France. – Bien, et toi ?

Norbert. – Ça va. Quoi de neuf ? Du passage ?

Marie-France. – Non, ce soir c’est calme, les flics ne sont pas encore venus m’emmerder… Une petite mousse ?

Norbert hoche de la tête, elle lui sert une canette.

Norbert. – Pas envie d’aller faire un tour dehors ?

Marie-France. – Non, je suis mieux dedans. Ça caille dehors !

Norbert. – Oui, mais à propos du dedans, t’as vu que le maire veut nous empêcher de traîner dans le hall d’immeuble ? Il a dit qu’il allait nous faire la vie dure, nous nettoyer au karcher !

Marie-France. – Alors là, il rêve, le pécore ! De Gaulle n’a pas su me dégager de la Sorbonne avec des CRS en 68, c’est pas pour me faire virer de mon squat par cinq Playmobil municipaux !

Norbert. – Ça y est, c’est reparti avec tes barricades ! T’en as pas marre de jouer les anciens combattants ?

Marie-France. – Ah non ! Et même j’en suis fière, parce que pendant que monsieur fumait du haschich à Woodstock, moi je me battais contre le grand capital ! Excuse-moi d’avoir un idéal !

Norbert. – Tiens, en parlant de chichon… (Il sort un joint.)… j’ai acheté celui-là aux gamins de la cité Berlioz. (Il l’allume.) Waouh ! Ils se sont pas payé ma tête ! Tiens, goutte.

Marie-France s’empare du joint et prend une bouffée.

Marie-France, après un silence. – Oui, ça déchire grave !

Norbert. – Au fait, t’as pas vu Robert ?

Marie-France. – Robert ? Comment, t’es pas au courant ?

Norbert. – Ben non, quoi ?

Marie-France. – La fin tragique.

Norbert. – Il est mort ?

Marie-France. – Pire… En maison de retraite !

Norbert. – Non ?! (Un temps de réflexion.) Un type de ce calibre, je ne compte pas le nombre de conneries qu’on a pu faire ensemble, si c’est pas triste ! Finir au bouillon de poule et au Scrabble… On est peu de chose quand même ! (Il reprend une bouffée de fumée.)

 

 

Scène 2

Marie-France, Norbert, Nicole

 

Marie-France. – Tiens, voilà Nicole… Ça va, ma grande ?

Nicole. – Bien, et vous ?

Norbert. – Ben, écoute, pas terrible… T’es au courant pour Robert ?

Nicole. – Oui, j’ai vu la camionnette du béguinage qui venait le chercher. Ben, soixante-quinze ans quand même !

Marie-France. – On est peu de chose !

Norbert. – M’en parle pas ! Mais moi j’ai tout prévu…

Marie-France. – Tout prévu quoi ?

Norbert. – Une capsule de cyanure. Si mes rejetons veulent me foutre au mouroir, hop, j’avale !

Nicole. – Du cyanure ? Mais t’es complètement fou !

Norbert. – Ils verront, les morveux, que papy c’est un fondu !

Nicole. – Norbert, ne fais pas ça, jure-moi que tu ne le feras pas.

Norbert. – Et comment que je le ferai !

Marie-France. – T’affole pas, Nini, le cyanure ne suffira pas !

Norbert. – Pourquoi ?

Marie-France. – Ben, quand on a survécu à quelqu’un d’aussi toxique que...

Il vous reste 90% de ce texte à découvrir.


Connectez vous pour lire la fin de ce texte gratuitement.




Donner votre avis !

Retour en haut
Retour haut de page