SCÈNE 1
Paul X seul en scène
Paul X : Quelle tristesse quand on lit les informations à propos des migrants ! (Il lit différents journaux) « Une embarcation avec une centaine de migrants a chaviré en mer, il semble qu’il n’y ait pas de survivants. Un millier de migrants restent bloqués à la frontière dans des camps de transit et ne savent pas quand ils pourront repartir. Les réfugiés ont dû quitter leurs campements de fortune, ils sont montés dans des cars pour se rendre vers une destination inconnue. » J’imagine que les familles de ces migrants sont la plupart du temps sans nouvelles de ceux qui ont choisi de quitter leur pays. (réfléchissant) Imaginons qu’un de ces jours une famille me demande de retrouver un mari, un frère, une fille qui ont émigré. (Une courte pause) Allons c’est stupide, car ce serait pour ces pauvres gens un luxe de se payer un détective alors qu’elles ont déjà tellement économisé pour rétribuer les passeurs. (s’adressant au public) Oh, excusez moi je ne me suis pas présenté. C’est moi, le luxe avec un grand X. Je m’appelle Paul X, je suis détective privé. Pourquoi Paul X ? C’est pour garder l’anonymat sur toutes les affaires que je traite et pour que mes clients soient assurés de ma discrétion. (pour lui-même) Je voudrais bien pouvoir mener une enquête pour retrouver une de ces personnes disparues. (pour lui-même et au public) Mais pour le moment on me demande de rechercher Miss Minette la chatte de l’épicière qui a quitté le domicile de sa maîtresse, Titi le canari de la mamie du cinquième étage qui s’est envolé, le compagnon de la blonde hystérique du troisième qui lui aussi s’est envolé tel un oiseau migrateur. Autant dire que je n’ai aucune affaire intéressante à traiter et que je m’ennuie copieusement. (Il commence à bailler) L’inaction me pèse et m’entraîne souvent à la somnolence. Bon, je vais faire une petite sieste en attendant un éventuel client. (Il baille et il s’endort, on entend des ronflements. La musique baisse et une musique l’accompagne)
SCÈNE 2
La cliente, Paul X
Voix off de la cliente en coulisses : Monsieur Paul X ! Monsieur Paul X ! (Elle entre en scène)
Paul X : (Il se réveille en sursaut) Hein ? Quoi ? Qu’est ce qui se passe ?
La cliente : Vous êtes bien Monsieur Paul X le détective privé ?
Paul X : Tout à fait. Que voulez vous ?
La cliente : Mon amie Alice est partie depuis plus d’un mois et je n’ai plus de ses nouvelles. Je suis inquiète. Je voudrais que vous la retrouviez, car j’ai peur qu’il ne lui soit arrivé malheur.
Paul X : Calmez- vous. Calmez-vous. Si votre amie est partie en vacances elle doit profiter de celles-ci et elle reviendra en pleine forme. N’ayez aucune crainte, elle vous enverra prochainement une carte postale.
La cliente : Elle n’est pas partie en vacances, elle est partie travailler au pays des merveilles, comme elle disait.
Paul X : Au pays des merveilles ?
La cliente : Elle est partie là-bas (geste vague) en me disant qu’elle pourrait mieux réussir sa vie là-bas qu’ici. Alice est modiste et elle a vu sur Facebook qu’un chapeler proposait du travail de création artistique là-bas. Elle a noué des contacts avec lui et elle est partie, depuis elle ne m’a pas contacté. S’il vous plaît, retrouvez-la. (Elle sort des billets qu’elle donne à Paul X) Tenez voici une avance sur vos frais.
Paul X : Oh, c’est beaucoup.
La cliente : (Elle reprend 1 ou 2 billets) Bon, j’en reprends un peu.
Paul X : (pour lui-même) J’aurais mieux fait de me taire. (à la cliente) Auriez-vous une photo de votre amie ?
La cliente : J’ai trouvé une photo d’Alice à son domicile. Tenez. (Elle lui donne la photo)
Paul X : (Paul X prend la photo et la regarde recto et verso) Elle a été déchirée. Il y a écrit Cha (Il épèle) c-h-a et 000123. C’est peut être le début d’un numéro de téléphone ? (à la cliente) Mais comment me rendre là bas ?
La cliente : Chez les gens d’ici ?
Paul X : Je ne comprends pas. Là-bas (faisant un geste vague) les gens s’appellent les gens d’ici ? Et ici comment s’appellent donc les gens ?
La cliente : Les gens d’ici bien sûr.
Paul X : (sur un ton fataliste) Bien sûr.
La cliente : Pour vous rendre là bas…
Paul X : (sur un ton ironique) Chez les gens d’ici.
La cliente : Tout à fait…. il suffit de fermer les yeux très fort et de faire preuve d’un peu d’imagination. (s’enflammant) Oh, ramenez Alice, Monsieur Paul X, je vous en prie.
Paul X : Je ferai tout mon possible, soyez en certaine. (Elle sort)
Quelle drôle d’histoire. (Un temps) Mais comme je n’ai pas d’autres affaires en ce moment je ne peux qu’accepter celle-ci. Partons chez les gens d’ici. Fermons les yeux… (Il ferme les yeux. Un court temps, puis il dit) quant à l’imagination… on verra ça plus tard.
NOIR
SCÈNE 3
Panneau : COMITÉ D’ACCUEIL
Les 2 contrôleurs et Paul X
(Les contrôleurs entrent en scène en discutant)
Le contrôleur : (s’adressant à la contrôleuse) Tu vois le problème avec les nomades c’est qu’on ne sait jamais où ils sont et où ils vont. Moi, je pense qu’il faudrait les parquer dans un endroit sûr afin qu’on puisse surveiller de plus près leurs agissements.
La contrôleuse : Comme qui dirait un camp de concentration, chef ?
Le contrôleur : Eh, doucement, doucement, je n’ai pas utilisé ce mot là. Il faut faire attention avec les appellations non contrôlées. Non, vois tu, il faudrait une espèce de campement dans un emplacement réservé aux gens qui aiment le voyage.
La contrôleuse : Du camping sauvage en quelque sorte.
Le contrôleur : Si tu veux, mais un camping sauvage surveillé.
La contrôleuse : Evidemment.
Le contrôleur : Attention nous avons de la visite. (Entrée de Paul X en trottinette portant un petit sac à dos) Stop, individu non identifié, tu es en train de pénétrer par effraction volontaire sur un territoire étranger. (à Paul X) Descends de ton véhicule. (à la contrôleuse) Fouille-le tout en respectant les règles du gentleman’s agreement, telles qu’elles sont rappelées dans notre code de bonne conduite policière. Vérifie qu’il n’a sur lui ni ceinture d’insécurité bourrée d’explosifs, ni bombe à raser à retardement, ni kriss, ni rasoir, ni canif.
La contrôleuse : Il n’a rien chef.
Le contrôleur : Bien. (à Paul X) Montre-nous les papiers du véhicule. Dis, tu as vu comment ils débarquent chez nous maintenant ? En trottinette ! (Il s’esclaffe ainsi que la contrôleuse) C’est incroyable.
La contrôleuse : Vous croyez qu’il parle notre langue, chef ?
Le contrôleur : (dubitatif) Eh bien…
Paul X : Tenez, voici le certificat de location du « véhicule ».
La contrôleuse : (s’exclamant ravie) Il parle notre langue, chef !
Le contrôleur : Oh, ils sont très forts, tu sais, ils peuvent parler plusieurs langues pour nous embrouiller sur leur réelle nationalité.
La contrôleuse : Je trouve qu’il parle franglais avec un léger accent.
Le contrôleur : Ah oui ? et quel accent ?
La contrôleuse : Un accent plutôt … européanisant.
Le contrôleur : Ma foi, tu as raison. Tu as de l’oreille, toi. (à Paul X) Puisque tu parles notre langue, étranger européanisant, dis nous où tu as trouvé ça ? (Il montre la trottinette)
Paul X : On me l’a loué à la frontière.
Le contrôleur : Véhicule confisqué. On ne peut pas rouler avec ce genre d’engin sur notre territoire. Et as-tu ton permis de conduire ?
Paul X : Pour une trottinette ?
Le contrôleur : Bien sûr.
Paul X : Non, je n’en ai pas. Le service de location ne me l’a pas demandé.
Le contrôleur : (à son adjointe) Evidemment ils savent fort bien qu’il est formellement interdit de circuler avec une trottinette. (à Paul X) Tu t’es fait arnaquer par ce service de location… (à son adjointe) certainement clandestin.
La contrôleuse : (approuvant) Certainement.
Le contrôleur : D’où viens-tu ?
Paul X : Eh bien …
Le contrôleur : Je suppose que tu viens… de là-bas ?
Paul X : En effet et je…
Le contrôleur : Et tu viens ici pour retrouver un parent, un ami qui doit t’héberger … (à son adjointe) le refrain habituel.
Paul X : Eh bien …
Le contrôleur : Et, évidemment, tu n’as pas de papiers d’identité, hein ? (à son adjointe) Ils ont l’habitude de les déchirer et d’en faire des confettis pour qu’on ne sache pas d’où ils viennent.
Paul X : Si, si, j’ai ma carte d’identité. Tenez. (Il tend une carte d’identité)
Le contrôleur : Il a dû la voler. Voyons voir ça. (Il lit la carte d’identité) Paul …X. Tu te moques de nous. Tu appelles ça des papiers d’identité.
Paul X : Je suis détective. Si je m’appelle Paul X c’est pour garder l’anonymat sur toutes les affaires que je traite. Je recherche…
Le contrôleur : (l’interrompant et s’adressant à son adjointe) Il croit que nous allons croire à ces balivernes. Détective ? Ah, oui. (à son adjointe et à Paul X) Monsieur le détective est en fait venu ici pour rechercher … de vrais papiers d’identité, mais quand je dis rechercher je veux plutôt dire chaparder.
Paul X : Mais je croyais qu’il y avait la libre circulation des individus d’un pays à l’autre.
Le contrôleur : Ah, tu veux parler des accords de chewing-gum sur les frontières. (à son adjointe) Il parle des accords de chewing-gum. (Ils rient)
Paul X : Les accords de chewing-gum ?
Le contrôleur : A cause de ces accords de chewing-gum la frontière est devenue molle et élastique. Si tu mets du chewing-gum dans le trou d’une serrure tu ne pourras plus passer une clé, d’accord, mais tu peux faire sauter la porte. On va supprimer les accords de chewing-gum.
La contrôleuse :...