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N° enregistrement SACD : 1171710 - Visa 2018
PREAMBULE
(Le préambule n’est pas obligatoire. Il n’est constitué que de 6 répliques d’un plus long dialogue qu’on retrouvera en acte III. Ce préambule est juste là pour être placé tel un flash-back et mettre le public en haleine et dans l’ambiance de ce qui va suivre)
A peine le rideau ouvert, on entend Elodea qui chante, pardon, qui « hurle ». Elle paraît littéralement ivre, carrément « bourrée ». On ne la voit pas. Elle est derrière le comptoir. Il fait nuit car il n’y a pas de lumière sur scène. On ne le voit pas encore, mais son aube est déchirée par moitié sur jambe gauche à hauteur du genou. On apercevra donc l’une de ses jambes, dénudée jusqu’au genou. Elle chante une chanson à boire. Elle a une grosse voix ou à défaut une « grande goule » comme on dit. Sa cornette est complètement de travers. (Petit conseil de mise en scène, l’actrice doit parler « bourré » mais tout en s’exclamant clairement et doucement de telle sorte que le public comprenne bien tous les mots.)
Elodea (Qu’on ne voit pas) – « Iiiiiil est des nôoooooootres, il a bu son verre comme les ôooooootres. C’est un ivrooooooooogne, ça se voit rien qu’à sa troooooooogne…. » (Si possible, émettre un grand rôt fort pour que le public entende). (Puis elle parle ou bredouille) C’est où qu’elle est la marche ?
Il fait toujours nuit sur la scène. Entre soudain Patricia qui allume une lumière très faiblarde au-dessus du comptoir pour ne pas trop révéler le décor. Elle cherche à comprendre ce qui se passe. Elle ne va pas trouver du premier coup. Entre temps, l’effet de la lumière a stoppé Elodea.
Elodea (Qui a stoppé net en même temps que la lumière s’allume) – Oooooohhh !
Patricia (Vêtue d’un habit de gendarmette mal foutu, décoiffée une robe de chambre mal fermée par-dessus) – Mais c’est quoi ce vacarme ! Alors déjà que j’ai du mal à m’endormir… Oh quelle soirée et quelle fête… Il est quelle heure ?
Elodea (Qui se remet à chanter bruyamment et surtout chante faux) – « Jolie bouteille, sacrée bouteille, veux-tu me laisser tranquiiiiiiiilleeeeeee »…
Patricia (Qui comprend d’où venait le bruit se dirige derrière le comptoir et aperçoit Elodea, par terre) – Oh mon dieu ! Mais qu’est-ce que tu fais là toi ? Tu as vu l’heure. Il est 4 h 30 du matin !
Alors Patricia va aider Elodea à se relever et à l’emmener vers le centre de la pièce. Elodea tient ferme sa bouteille d’alcool et ne veut pas la lâcher…
Elodea (Qui tente un salut militaire) – A vos ordres chef !
Rideau
Soit une annonce sono, soit un présentateur arrive au rideau
Et se place devant le public pour expliquer ça :
ACTE I
A l'ouverture du rideau, on voit apparaître un décor d'accueil d'hôtel-restaurant de province. Il est évident que tout vient d’être refait à neuf. Quelques objets ont encore leur protection. L'accueil consiste en un comptoir d'hôtel avec toutes ses clefs rangées derrière le comptoir. D'un petit salon d'attente avec petit meuble sur lequel sont posées des publicités. Des portes bien étiquetées donnent accès aux toilettes, à l'étage pour les chambres et vers le bureau du patron, ou à la salle de restaurant et cuisine, etc. Côté cour, une porte sert d'entrée de l'hôtel. A son opposé, tout droit devant, une porte donne vers les cuisines...
Une fois le rideau ouvert, Clément, stressé, donne quelques consignes à l’intendante. Natouille est vêtue d’une blouse un peu hors d’époque et complètement ringarde sans être vulgaire. Ca doit choquer d’entrée de jeu. Le style du décor est beaucoup plus soft et chic. Il est environ 13 heures à la grosse pendule. On peut lire un petit panneau au-dessus du comptoir, pas trop grand, où il est indiqué « changement de propriétaire ».
Clément (A Natouille) – Ca va aller Natouille ? Voulez-vous que je vous fasse un petit papier mémo pour vous souvenir de tout ?
Natouille (Vexée par la remarque avec un regard au public sidéré. Elle tient dans sa main un porte papier pour WC sur lequel sont entassés plusieurs rouleaux de papier toilette les plus moches possibles et, dans l’autre main, un abattant pour toilettes, le plus moche ou le plus rigolo possible, quitte à le décorer soi-même (quelle troupe aura le plus moche ???) – Et puis quoi encore ! Je sais que j’ai l’air con. Mais quand même. Je devrais arriver à me rappeler de tout. (Puis, soudain très franche) Je vous le dis tout net, réouverture après travaux ou pas réouverture demain : c’est un truc de ouf votre histoire… Ca ne le fera pas. Pas possible !
Clément (Surpris par les éléments de WC et se saisissant de l’abattant pour mieux le montrer au public) – Vous comptez faire quoi avec ces ustensiles ?
Natouille (Pas aimable) – A votre avis ? Je vais les mettre en décoration sur le comptoir à l’entrée… ?
Clément (Vexé) – Va pour les rouleaux. Mais l’abattant ? Auriez-vous avez repéré un abattant défectueux dans notre hôtel ? De toute façon je ne veux pas de cette horreur dans les toilettes de notre clientèle…
Natouille – M’en fous de vos clients. Ce sont ceux qui sont dans les toilettes du personnel qui sont moches. Ca ne me plait pas du tout. C’est un truc de ouf que vous avez mis. Alors je les change… ! Na !
Clément – Je ne comprends pas. (Se saisissant d’un rouleau de papier toilettes et le regardant de près très nerveusement) On n’est pas chez les clowns ici. Rangez-moi ça ailleurs. (Au moment de redonner le rouleau à Natouille, Clément est si nerveux qu’il lui échappe des mains et il va se dérouler jusqu’au bout de la scène et, si possible, descendre de la scène sur le public).
Natouille – Ne cherchez pas à comprendre, c’est trop compliqué pour vous. (Changeant de sujet rapidement) Bon, on va peut-être se mettre au boulot… Ca commence fort. (Au public) Hé petit, tu me redonnes ça, ce n’est pas à toi le papier ! (Elle ramasse tout en vrac et en chiffon) On ne perd rien ici.
Clément (Stressé mais qui préfère passer sur la remarque) – Merci de votre collaboration. Donnez-moi tout ce papier. Vous n’allez pas garder ça. Je vais le jeter. (Clément récupère le trop plein de papier chiffonné en vrac et le pose près du comptoir, mais sans se rendre compte que c’est à côté d’un ventilateur. Je comprends votre stress Natouille. Mais aujourd’hui reste un jour exceptionnel. Le dernier jour avant la réouverture officielle. Ce n’est seulement samedi, que nous ferons l’inauguration officielle. Donc pas de panique. Tout va bien se passer.
Natouille (Qui dodeline de la tête pour exprimer son incompréhension) – Raison de plus. Quelle idée de faire la fête avant un jour d’ouverture. Un truc de ouf. Moi je vous le dis, c’est (A dire avec beaucoup d’appui et comme une rengaine lancinante) un truc de ouf ce que vous faites !
Clément (Qui n’a pas envie de s’étaler sur le sujet) – Il y a des choses qu’un patron n’a pas à expliquer à son personnel. Chacun à sa place ! Je vous abandonne à l’accueil deux secondes, il faut que j’aille voir si tout va bien en cuisine et s’ils ont réussi à remettre en marche le four principal…
A ce moment, Natouille va vers le ventilateur et tapote plusieurs fois dessus comme si l’engin avait du mal à fonctionner. Le ventilateur se remet alors à fonctionner et bien entendu tout le papier toilette se met à voler partout.
Natouille – Eh bien voilà, il fonctionne de nouveau le ventilo. Je l’avais dit qu’il y avait un problème de connexion…
Clément (Qui se revient précipitamment pour arrêter le ventilo et rattraper tout le papier qui s’envole partout) – Merde ! Hop là. Allez, j’emmène tout ça dans les poubelles.
Natouille – Vous avez les mots justes patron… Vous êtes doué.
Clément quitte la scène vers cuisine.
Natouille (Se met à parler toute seule et de temps en temps se tourne vers le public) – Complètement ouf le brave garçon. On dirait qu’il ne se rend compte de rien. C’est bien de faire la foire, mais qui c’est qui va se taper le nettoyage après. Et puis d’abord, c’est qui toutes ces gonzesses qu’il a invitées ? C’est vrai quoi, j’aime bien savoir moi.
Le téléphone sonne et, après plusieurs sonneries, Natouille se décide à aller répondre puisque personne ne vient décrocher.
Natouille (Décrochant, pas contente et répondant sèchement de manière pas aimable du tout) – Allô !
Tél… (Laisser un certain temps) - …
Natouille (Toujours mal aimable) – Alors ça je n’en sais rien moi. Je sais qu’on rouvre après-demain pour de vrai. Le reste, hein, comme dit l’autre… Moi je m’en balance !
Tél… - …
Natouille – Je ne peux pas vous dire. Je ne suis pas d’ici. J’embauche depuis avant-hier seulement.
A ce moment, le cadre tableau avec les tarifs suffisamment grand et visible du public situé juste à côté du comptoir tombe par terre. Natouille, qui ne sursaute même pas, répond au client qui d’évidence a entendu un bruit bizarre.
Tél… - …
Natouille (A propos du cadre tombé) – C’est quoi ce bruit ? C’est rien, c’est la maison qui commence à se casser la figure. Et puis qu’est-ce que ça peut bien vous faire. Vous n’êtes pas de la police.
Tél… - …
Natouille – Ca ! Vous demanderez au patron quand vous viendrez. (Peu engageante envers le client) Si vous voulez toujours venir.
Tél… -…
Natouille (A la limite d’enguirlander le client au téléphone) – Bon alors je fais quoi moi. Je note ou je note pas ? Faudrait savoir parce que je n’ai pas que ça à faire moi…
Tél… - …
Natouille (Contente d’avoir menacé le client pour obtenir une réponse) – Ben voilà ! Quand vous voulez… (Redevenant peu aimable) C’est à quel nom ?
Tél… - …
Natouille – Oh là ! Pas si vite. Avec un « é » accent aigu ou pas ?
Tél… - …
Natouille (Qui note avec beaucoup de difficultés et en épelant) – B.E, sans accent aigu D.E.T, C.O.2M.I.2 S.E accent grave, R.E… (Après un instant) Vous devriez travailler dans la police avec un nom comme ça vous… C’est un truc de ouf !
Tél… -…
Natouille (Qui se reprend puisqu’elle a fait une erreur) – A.I.R.E. à la fin ? Oui, oh ça fait pareil de toute façon. C’est noté. Au-revoir. (Elle raccroche sèchement sans avoir pris d’autres renseignements.)
Retour de Clément. Il ne sait pas que Natouille vient de raccrocher avec un futur client et pense que celle-ci vient de l’appeler.
Clément (Questionnant) – Vous me vouliez quoi Natouille ?
Natouille – Comment ça je vous voulais quoi ?
Clément – Vous venez de m’appeler là. Je vous ai entendu parler toute seule.
Natouille – Ah mais non. Je ne parle pas toute seule. Je ne suis pas encore cécile (céCIle).
Clément (Après un temps de réflexion) – Vous avez voulu dire SéNILE… Mais j’ai quand même bien entendu des voix !
Natouille – Ben c’est normal, puisque vous ne vous déplacez pas pour répondre au téléphone. Il a bien fallu que je le fasse à votre place.
Clément – C’était encore un représentant ?
Natouille – Non. Un futur-éventuel-peut-être client qui me demandait si votre hôtel rouvrait toujours après-demain…
Clément – Ah très bien. Parfait. Merci Natouille. Vous avez pris sa réservation pour quand ?
Natouille (Qui fait la moue puisqu’elle ne sait pas) – Ah ben j’en sais rien. Il ne m’a pas dit…
Clément – Mais c’était qui ?
Natouille – Un émissaire !
Clément (Qui ne comprend rien) – Un émissaire ? Mais un émissaire de quoi ?
Natouille – J’en sais rien moi. Un émissaire de police je crois.
Clément – Vous voulez dire un commissaire de police… Mais pourquoi la police s’intéresse à nous ?
Natouille – Ah oui ! C’est plutôt ça, un commissaire de police. Mais c’était pour réserver une chambre, pas pour vous coffrer… (Qui éclate de rire un peu bêtement) Enfin pas encore !
Clément – Expliquez-vous mieux. Vous m’avez fait peur. Donnez-moi la fiche de réservation…
Natouille (Qui tend un petit bout de post-it mal écrit) – Voilà. C’est un truc de ouf ça.
Clément (S’apercevant qu’il n’y a quasiment rien de noté) – Mais vous n’avez pas noté pour quand ni pour combien de personnes ?
Natouille (Qui semble sûre de son coup) – Ben il ne me l’a pas dit non plus. Je ne suis pas devin.
Clément – Vous ne lui avez pas demandé ?
Natouille – Ben non. Pourquoi faire ?
Clément (Qui veut rattraper le coup) – Ce n’est pas grave. Donnez-moi son numéro de téléphone, je vais le rappeler.
Natouille – Ah ben il ne me l’a pas donné non plus ! Il m’a juste dit qu’il venait ici depuis la création de l’établissement et qu’il avait connu tous les anciens patrons…
Clément (Qui décide de se passer de Natouille pour rattraper le coup) – Bien. Je crois que je vais y arriver tout seul. Il faudrait que vous montiez au premier étage parce que la petite jeune stagiaire qui va vous aider est perdue dans tous les produits de nettoyage. J’ai peur qu’elle fasse n’importe quoi.
Natouille (Qui laisse tout pour se diriger vers le couloir menant aux étages) – Ah les jeunes, ça veut tout faire mais ça ne sait rien faire. Et en plus, ça voudrait commander. Un truc de ouf !
Elle quitte la scène. Pendant ce temps, Clément se dirige derrière son comptoir. Il constate que le tableau des tarifs est tombé par terre et se contente de le remettre en place. Celui-ci tombera à nouveau plus tard.
Clément (Se parlant à lui-même et raccrochant le tableau) – Voilà ! (S’amusant de la situation) On ne va pas commencer à mettre les prix au plancher, sinon on va faire faillite très vite. (Se recadrant sur le téléphone) Normalement, si je fais consultation des appels, je dois retrouver le numéro du dernier appelant… (Après un instant et quelques manipulations) Ah voilà, je l’ai, ça doit être le 06 17 18 15 69… (Puis, alors qu’il a refait le numéro avec haut-parleur, celui-ci sonne occupé). Mince. Pas grave. Je rappellerai plus tard. Il va falloir que j’essaie de savoir comment elle s’est débrouillée au téléphone cette Natouille. Je n’aime pas son sens du contact avec le client. Elle m’inquiète. La clientèle, il faut la faire venir, pas la faire fuir.
Entrée de Nathalie qui admire les changements et les travaux tout en avançant vers le comptoir. Elle est vêtue très à l’ancienne et hors de la mode.
Nathalie (Tenant une valise hors d’âge et qui s’exclame sans vraiment regarder Clément. Elle porte un chapeau à plumes usé par le temps) – Hé ben dis donc ! Quel changement. C’est quand même très différent. (Elle laisse tomber sa valise par terre puis après quelques longues secondes d’admiration générale et applaudissant) Bravo mon fils.
Clément (Sortant de derrière son comptoir et venant à la rencontre de Nathalie) – Ah maman ! Je suis content que ça te plaise. Tu dois avoir trouvé du changement.
Nathalie (Serrant exagérément fort Clément dans ses bras, étreinte quasi étouffante, de telle sorte que Clément est limite en asphyxie et a du mal à respirer. Ne pas hésiter à exagérer. Clément souffrant) – Je suis fière de toi mon Clément. Tu as bien travaillé. De plus je trouve que c’est fait avec goût... Discret, mais chaleureux.
Clément (S’essuyant ostensiblement la bouche, puis le front, respirant très fort) – Tu m’as serré tellement fort que j’en ai bavé maman ! C’est vrai qu’avant, c’était peut-être un peu plus (appuyer sur le mot) « gai ». Ca tirait vraiment trop sur le rose. Enfin, chacun ses goûts. (Après un instant) Ludwig n’est pas avec toi ?
Nathalie – Non. Il est très pris par son travail. Il m’a dit qu’il doit éliminer plein de petits soucis. Il ne faudra pas que tu lui en veuilles si tu ne le vois pas. Au pire il passera plus tard dans la saison.
Clément – Ce n’est pas grave. On s’en accommodera. Tu es venue en train si j’ai bien compris ?
Nathalie – Pour une fois qu’il n’y a pas de grève SNCF. En voiture ça faisait loin pour conduire. Et puis je n’aime pas la voiture que Ludwig m’a achetée. C’est trop gros pour moi un engin comme ça.
Clément – Ben oui. Je comprends. Mais quelle idée il a eu de t’acheter un gros 4 x 4 allemand ? Déjà que tu as des problèmes rien que pour te servir d’un petit téléphone portable, alors j’imagine avec des vitesses palettes au volant et toute l’électronique embarquée…
Nathalie (Qui n’a pas compris) – Ah non, il n’a pas mis de palettes dedans. (Hésitant) Enfin je ne crois pas. Il a prétendu que c’était une affaire à ne pas rater. Tu sais avec son métier, il a parfois de drôles de combines. Je n’y comprends rien les trois quarts du temps…
Clément – Donne-moi ta valise maman. Je vais te montrer ta chambre. Tu verras, je t’ai réservé la meilleure. Tu as une vue magnifique sur l’église Saint-Claude à droite et sur le presbytère et le cimetière à gauche… Suis-moi…
Nathalie (Aux anges) – Allez. C’est parti. Vas mon gars…
Clément (Alors que la valise s’ouvre toute seule, laissant tomber quelques minuscules fringues) – Ah merde ! (Clément se précipite pour tout ramasser à la va-vite et remet tout...