Dodie Smith
Chère Pieuvre
(Dear Octopus)
Version française de
Catherine Romensky et Jean-Joël Huber
Editions du Brigadier
14, rue du Quai - 59800 Lille
Personnages
Charles Randolph
|
Dora Randolph
|
Hilda Randolph
|
Margery Harvey
|
Cynthia Randolph
|
Nicholas Randolph
|
Hugh Randolph
|
Gwen (Flouncy) Harvey
|
William (Bill) Harvey
|
Kathleen (Scrap) Kenton
|
Belle Schlessinger (leur belle-sœur)
|
Edna Randolph (la mère de Hugh)
|
Laurel Randolph (l’épouse de Hugh)
|
Kenneth Harvey (l’époux de Margery)
|
Grace Fenning (Fenny) (la dame de compagnie de Dora)
|
Nanny Patching (une nounou)
|
|
|
Gertrude (une femme de chambre)
|
L’action de la pièce se déroule en 1938, dans la maison de campagne des Randolph, dans le nord du comté d’Essex, en Angleterre, lors d’un week-end à la fin de l’automne.
Acte 1
Le salon de la maison de campagne des Randolph, dans le nord du comté d’Essex.
La maison a été construite au début de l’époque victorienne mais dans un style moins sévère et, bien qu’une grande partie du mobilier soit lourde et démodée, l’atmosphère générale est agréable et confortable.
Deux hautes fenêtres encadrent une porte qui mène au porche et à la porte d’entrée. À droite du mur du fond se trouvent des portes doubles menant à la salle à manger et, à gauche de ce mur, un bel escalier, au détour duquel on voit une figure en plâtre tenant une lampe. À gauche, il y a une grande cheminée ouverte, près de laquelle se trouvent un canapé, plusieurs chaises et un tabouret. Il y a une table ronde au centre-droit de la pièce, une autre table plus petite près de l’escalier, et divers autres meubles, dont une grande horloge. La pièce est décorée de nombreux tableaux ; un tableau représentant un jeune officier est accroché au-dessus de la cheminée.
Il est neuf heures et demie, un vendredi soir de la fin du mois d’octobre.
Lorsque le rideau se lève, la pièce est vide. Elle est éclairée par la lumière de trois lampes à paraffine, qui brillent très faiblement, et par la lueur du feu. Des rires proviennent de la salle à manger. En bas de l’escalier arrive Bill Harvey, un beau petit garçon d’une dizaine d’années, vêtu d’une robe de chambre en flanelle. Il s’approche du feu et actionne le soufflet. On entend à nouveau des voix dans la salle à manger. Bill continue à actionner le soufflet jusqu’à ce que les bûches brûlent intensément. Il s’installe alors sur le tabouret et pose le soufflet sur le sol, sous le tabouret.
Grace Fenning (Fenny) entre par la porte d’entrée à droite. C’est une femme mince de vingt-neuf ans, d’une élégance discrète, avec des manières agréables et sans affectation. Elle porte de vieux habits en tweed et tient des chrysanthèmes dans ses mains.
Bill. — Bonjour, Fenny.
Il se lève.
Fenny. — Bonjour, Bill. Quel feu magnifique ! (Elle allume la lampe sur le bureau, prend la corbeille à papier sous le bureau et la place sur la table. Elle prend ensuite les roses qui sont dans un vase sur la table.) Oh là là, plus de roses. J’espérais qu’elles dureraient tout le week-end.
Elle commence à arranger les chrysanthèmes.
Bill. — J’aime les chrysanthèmes. (Il prend une fleur, la sent et la met dans le vase.) Les gens disent qu’ils n’ont pas d’odeur, mais ils en ont une.
Fenny. — Ils sentent l’automne. Il y a de la brume dehors. (On entend à nouveau des rires dans la salle à manger.) Mon Dieu, comme ils ont l’air de s’amuser. Tout s’est bien passé ?
Bill. — Tout à fait, je crois. J’ai été renvoyé au moment du dessert.
Fenny. — Pourquoi ?
Bill. — Pour avoir parlé à Grand-Mère de moi et des bananes. (Se penchant vers Fenny :) Saviez-vous que si je mange une banane, je suis immédiatement malade ?
Fenny. — Alors, vous ne devriez pas en manger.
Bill. — Je n’en mange pas. Mais j’ai pensé que cela intéresserait Grand-Mère de le savoir. Je le lui ai dit, juste comme ça, parce qu’elle était en train de manger une banane.
Fenny. — Vous avez donc été renvoyé de table.
Bill. — Oui. C’est drôle, non ? Beaucoup d’enfants reviennent à table au moment du dessert, et moi je sors de table, juste à ce moment.
Voix provenant de la salle à manger.
Fenny. — J’aimerais qu’ils se dépêchent. Les femmes de chambre n’auront jamais fini.
Bill. — On peut entendre le piétinement de Gertrude qui s’impatiente. (Il met les roses dans le panier et en sort une enveloppe de télégramme dorée.) C’est bien de mettre les télégrammes pour des Noces d’Or dans des enveloppes dorées, même si on pourrait aussi, si on le voulait, utiliser ces enveloppes pour des enterrements.
Il remet l’enveloppe en place et s’assied sur l’accoudoir droit du canapé.
Fenny. — Voilà. Il va bien falloir que ça fasse l’affaire. Que dois-je encore faire ? (Elle se dirige vers le fauteuil.) Je me demande si les chambres sont en ordre. (Elle se laisse tomber dans le fauteuil.) Oh là là, je n’aurais pas dû m’asseoir. Aidez-moi à me relever.
Bill, se dirigeant vers Fenny et s’agenouillant près d’elle. — Restez là un moment. Vous semblez bien fatiguée. Voulez-vous un peu de chocolat ?
Il sort une barre de chocolat de la poche de sa robe de chambre.
Fenny. — J’aimerais beaucoup en avoir un peu.
On entend des voix en provenance de la salle à manger.
Bill, lui donnant un morceau de chocolat. — Pourquoi n’êtes-vous pas venue dîner ?
Fenny. — Par une soirée pareille ? Il n’y a jamais eu autant de monde à la maison depuis que je suis ici.
Bill. — Aimez-vous être la dame de compagnie de Grand-Mère ?
Fenny. — Vraiment beaucoup.
Bill, se levant en mangeant du chocolat. — Moi, je n’aimerais pas. Je préférerais être une femme de chambre. Les femmes de chambre ont des soirs de libre.
Fenny. — Je pourrais aussi avoir des soirs de libre, si je le voulais. Dépêchez-vous de grandir pour m’emmener au cinéma.
Bill. — Cela ne me dérangerait pas du tout. Je pense que vous êtes une femme très bien, Fenny.
Fenny. — Merci, Bill.
Bill. — Encore un peu de chocolat ?
Fenny. — Non, merci. (Elle se lève, se dirige vers le feu et replace le soufflet. Bill remet le chocolat dans sa poche.) Je prendrai des sandwichs quand Cynthia et grand-tante Belle arriveront.
Bill, se tournant vers Fenny et s’agenouillant sur l’accoudoir gauche du canapé — Je n’ai jamais vu grand-tante Belle. Je parie que c’est un numéro. Oh, bonjour !
Kathleen Kenton (Scrap) est apparue dans l’escalier. C’est une fille petite, mince, d’environ neuf ans, un peu pâlotte, d’allure très timide. Bill se lève et se dirige vers le centre de la pièce.
Fenny. — Vous vous sentez mieux, Scrap ?
Elle s’assied sur le canapé.
Scrap. — Je n’étais pas malade — je ne voulais juste pas dîner.
(À Bill :) Tante Cynthia n’est pas encore arrivée ?
Fenny. — Pas encore — mais la voiture est partie à sa rencontre.
Bill. — Pourquoi as-tu particulièrement envie de la voir ?
Scrap, se dirigeant vers le centre de la scène — J’en ai envie, c’est tout.
Bill. — Mais tu ne l’as jamais vue.
Scrap. — Eh bien, j’ai envie de la rencontrer. Oh !
Elle voit les roses dans la corbeille à papier.
Fenny. — Elles sont mortes.
Scrap. — Pas celle-ci — pas tout à fait. (Elle en choisit une.) Les choses ne devraient pas mourir avant d’y être obligées.
Elle sent la rose.
Fenny. — Avez-vous vu le télégramme que votre père a envoyé ?
Scrap. — Oui. J’aimerais bien le relire.
Bill, traversant la pièce jusqu’à la table. — Il est ici. (Lisant :) « Félicitations pour vos Noces d’Or. Tout mon amour à Scrap. David Kenton. »
Scrap le prend.
Fenny. — Aimeriez-vous l’avoir ?
Scrap. — Cela ne dérangerait pas Grand-Mère ?
Fenny. — Bien sûr que non.
Scrap. — Alors j’aimerais bien. Vous vous rendez compte — il a fait tout le voyage depuis Singapour.
Bill. — Pas vraiment, tu sais. Ils les écrivent sous la dictée au bureau de poste.
Scrap. — Je le sais bien ! (Elle rend le télégramme.) Finalement, je ne pense pas le prendre, merci.
Elle se dirige vers l’escalier.
Fenny. — C’est l’intention qui compte, vous savez. Et ça, ça ne vient pas de la poste.
Scrap. — Je ne pense pas avoir besoin d’un morceau de papier pour me souvenir de l’intention. (Elle monte en courant à l’étage.) J’aimerais savoir quand tante Cynthia va arriver.
Elle disparait.
Fenny. — Bill, vous êtes un vaurien.
Bill. — Elle est tellement pleurnicharde.
Fenny. — Sa mère lui manque toujours.
Bill. — Cela fait deux ans que tante Nora est morte. Je crois qu’elle pense que tante Cynthia sera comme elle, parce qu’elles étaient jumelles. Est-ce le cas ?
Fenny. — Comme Nora ? (Regardant la photographie sur la table à gauche du canapé.) Pas du tout. Oh, pauvre Scrap.
Bill. — Oh, je suppose que je vais donc devoir être gentil avec elle. J’aimerais qu’il n’y ait pas de morts dans la famille. Ça gâche un peu la fête. (Nicholas Randolph entre par la droite. Il a trente-cinq ans, il est séduisant, mais n’a pas une beauté conventionnelle. Il traverse le salon et dépose sa valise sur le sol.) Hourra, hourra — Oncle Nick.
Nicholas. — Bonjour, Bill. (Bill court vers lui et lui donne un coup de tête.) Ne me donne pas de coup de tête dans l’estomac. Fenny, ma chère — vous êtes très occupée, je suppose ?
Il va vers Fenny, enlève son chapeau, son manteau et son écharpe et les donne à Bill, qui les pose sur le fauteuil.
Fenny. — C’est effectivement un peu la bousculade. Où avez-vous mis la voiture ?
Nicholas. — Derrière, au fond. Où est tout le monde ?
Fenny. — Toujours en train de dîner. Vous pouvez y aller — mais oh, ne le faites pas, ou ils ne sortiront jamais.
Nicholas. — De toute façon, je ne suis pas présentable — je n’ai quitté le bureau qu’après huit heures. Nous venons de décrocher le contrat pour toute la publicité de Gusto.
Bill. — Quoi, cette sauce horrible ?
Nicholas. — La sauce est peut-être horrible, mais la publicité est excellente. Nous allons créer pour eux une nouvelle série de slogans. Avez-vous entendu mon émission de la semaine dernière ?
Il s’assied sur l’accoudoir droit du canapé.
Fenny, devant le feu. — Chaque mot. C’était limpide.
Bill. — Vous avez parlé si vite qu’ils ont été obligés de faire une pause de deux minutes après vous.
Nicholas. — Ils m’ont effectivement dit que j’avais été un peu rapide. (Bill prend la valise de Nicholas, l’ouvre et en sort un manteau de tweed.) Mais ils m’ont demandé de revenir — pour un débat, sur l’éthique de la publicité — Mais que diable es-tu en train de faire ?
Bill, occupé à déballer la valise de Nicholas. — Je cherche mon cadeau.
Nicholas. — Un cadeau ? Mais ce n’est pas Noël.
Bill. — Je suis pourtant sûr qu’il y en a un. Est-ce que c’est ça ?
Il brandit un paquet.
Nicholas. — Non, c’est celui de Flouncy. (Bill sort un autre paquet.) Et ça, c’est pour Scrap. D’ailleurs, comment va Scrap ?
Bill. — Un peu gnangnan. Nous devons tous être très gentils avec elle.
Nicholas, se levant, allant vers sa valise et s’agenouillant. — Hé, fais attention, c’est ma chemise de soirée. Voilà pour toi, vilain garçon (Il déterre le cadeau de Bill.) Et ça, c’est pour Fenny.
Il tend une petite boîte à Fenny, qui se penche et la prend. Bill se lève.
Fenny. — Pourquoi devrais-je recevoir un cadeau ?
Nicholas. — J’ai juste pensé que cela vous plairait.
Fenny, qui a ouvert la boîte. — Merci, Nicholas. C’est charmant.
Fenny prend une fleur dans la boîte et l’attache à sa robe, en posant la boîte sur la table. Bill essaie d’ouvrir son paquet.
Nicholas. — Ça, c’est le cadeau pour les Noces d’Or de Mère, et ça, c’est pour Père.
Il ouvre un coffret de bijoutier et montre également trois vieux livres reliés en cuir. Fenny s’est agenouillée à gauche de la valise.
Fenny. — Vous êtes une personne généreuse.
Nicholas, lui tapotant la main. — Ne dites pas de bêtises. Ma chère, vos mains sont toutes rugueuses. Avez-vous fait beaucoup de travaux durs ?
Fenny. — Oh, des bricoles. Nous avons été un peu bousculés.
Elle se lève et s’éloigne.
Nicholas. — Il faut que je vous achète de la glycérine qui sent bon. Nous faisons de la publicité pour un produit appelé « Lily Hands », mais il est vraiment dégueu.
Bill. — Moi, je n’ai pas le droit de dire « dégueu ».
Il défait enfin son paquet.
Nicholas. — Moi, j’en ai le droit. Cela montre à quel point la vie est injuste.
Il remet les cadeaux dans la valise, la referme et se lève.
Bill, laissant tomber du papier et de la ficelle sur le sol. — Une boîte de peinture — Vous êtes super !
Gertrude, la femme de chambre, une femme d’une cinquantaine d’années à la carrure imposante, entre.
Nicholas, serrant la main de Gertrude. — Bonsoir, Gertrude. Comment allez-vous ?
Gertrude. — Bonsoir, monsieur. (À Fenny :) Ne pouvez-vous pas les faire sortir de la salle à manger, mademoiselle ?
Fenny. — Gertrude, essayez de ne pas trop vous tracasser. Je vous aiderai à faire la vaisselle.
Gertrude — Non, vous ne le ferez pas, mademoiselle — vous devez être vous-même complètement lessivée. M. Nicholas — passer d’une famille de deux personnes à une famille de quatorze personnes, avec seulement deux filles du village pour aider, qui en plus n’ont même pas assez de bon sens pour ramasser les choses qu’elles laissent tomber — cela ne se fait pas.
Nicholas, la regardant en face. — Gertrude, vous qui êtes toujours de si bonne humeur, je ne vous reconnais pas.
Gertrude — C’est vrai, monsieur. Et si nous nous sentons déjà comme ça maintenant, qu’est-ce que ce sera lundi ! Vous devriez voir les varices de la cuisinière.
Bill. — Moi, je les ai vues, n’est-ce pas, Gertrude ?
Gertrude — Et comme si cela ne suffisait pas, il y a ce bal demain — avec trente personnes attendues —
Fenny, à Nicholas — Gertrude a été formidable. C’est juste d’avoir à travailler si tard, à cause de ce dîner qui n’en finit pas.
Nicholas, se dirigeant vers la droite. — Bon, je vais les faire sortir.
Fenny. — Non, laissez-moi faire et allez-vous rafraichir.
Nicholas, tapotant Gertrude. — Courage, Gertrude. (Bill soulève la valise.) Lâche ça, tu vas te fatiguer.
Il la prend des mains de Bill.
Bill, qui le suit à l’étage. — J’ai jeté un œil ; le feu de votre cheminée a bien pris.
Ils disparaissent à l’étage, Bill prenant la boîte de peinture.
Gertrude — Des feux allumés dans toutes les pièces.
Fenny, ramassant le papier et la ficelle et les mettant dans le panier. — Je sais que c’est une malédiction. Mais la maison est si froide et humide. C’est moi qui ai allumé la plupart des feux.
Gertrude — Vous vous usez les doigts jusqu’à l’os, mademoiselle. La façon dont la maîtresse vous fait travailler est scandaleuse.
Fenny, fermement. — Absolument pas. C’est un amour et M. Randolph aussi. Vous ne laisseriez personne dire du mal d’eux, n’est-ce pas ?
Elle ramasse le panier.
Gertrude — C’est vrai, mademoiselle. (Elle se dirige vers Fenny.) Et voilà, à cause de vous, maintenant, j’ai honte.
Fenny. — C’est absurde, Gertrude — vous êtes notre roc. (Elle l’entoure de son bras.) Je suis sûre que nous voulons toutes les deux que tout se passe magnifiquement bien, ce week-end.
Elle traverse la pièce et met le panier sous le bureau, puis revient ranger les télégrammes posés sur la table.
Gertrude — Oui, bien sûr, mademoiselle. Ils ont tant attendu cet événement —avoir sous leur toit chacun de leurs enfants encore en vie et Miss Cynthia qui n’est pas venue à la maison depuis sept ans. Je dis toujours que fêter des Noces d’Or est très beau — (Des voix proviennent de la salle à manger.) — seulement, ils devraient sortir de cette salle à manger.
Fenny. — Attendez — ils arrivent. Allez-y, je reviens dans une minute pour vous aider. (Elle va vers la droite pour allumer la lampe sur la bibliothèque, puis à la table pour prendre la boîte qui contenait le bouquet. Gertrude prend le manteau de Nicholas et ses autres affaires posées sur le fauteuil, puis va derrière le canapé.) Dites, Gertrude, avez-vous de la lotion pour les mains ?
Elle se frotte la main.
Gertrude — C’est d’avoir lessivé la nursery ce matin. J’ai de la Crème de Bourgeons de Lotus ; je vous en prêterai. (Elle se dépêche de partir vers la gauche.) Annie — ils sortent —
Fenny s’empresse d’allumer la lampe à gauche du canapé. Charles, Dora, Hilda, Margery, Kenneth, Flouncy, Edna, Hugh et Laurel arrivent de la salle à manger au milieu d’une conversation générale. L’ordre d’entrée est le suivant : Kenneth et Hugh ouvrent les portes. 1) Dora va vers l’accoudoir droit du canapé. 2) Edna vers le centre. 3) Hilda et Laurel, bras dessus bras dessous avec Charles. 4) Margery et Flouncy, vont vers le fauteuil au centre. 5) Kenneth et Hugh, les rejoignent après avoir fermé les portes. Tous deux fument. Kenneth va derrière le canapé, Hugh et Laurel à la table au centre à droite et Hilda au bureau à droite.
Dora, soixante-douze ans, petite femme aux cheveux blancs, toujours jolie, habillée de façon charmante. — Nous sommes affreusement en retard, Fenny. Gertrude est-elle très contrariée ?
Fenny. — Tout va bien, Mme Randolph. Je vais juste lui donner un coup de main.
Fenny va dans la salle à manger.
Dora. — Merci, ma chère. Allons-nous nous asseoir ici ou dans le salon ?
Edna, quarante-cinq ans, belle et très intelligente. — Il y a un feu magnifique ici, Mme Randolph.
Elle s’en approche en frissonnant.
Dora. — Très bien, ma chère — pouvez-vous nettoyer un peu le foyer de la cheminée, s’il vous plaît.
Elle s’assied sur le canapé.
Charles, soixante-quinze ans, un très beau vieux monsieur. — Nous allons avoir besoin de quelques chaises supplémentaires.
Il reste debout au centre.
Laurel, vingt-deux ans, une très belle jeune fille blonde — M. Randolph, pouvons-nous en prendre dans le salon ?
Charles. — Merci, Laurel. Voyons voir maintenant —
Edna s’assied sur le tabouret devant la cheminée.
Margery, quarante ans, belle, jolie, mais en surpoids. — Ne comptez pas Flouncy, parce qu’elle va aller se coucher.
Elle s’assied dans le fauteuil au centre.
Flouncy, douze ans, avec des boucles dorées, potelée et à l’air un peu affecté. — Oh, maman, je ne peux pas. J’ai beaucoup trop mangé.
Elle s’assied sur le bras du fauteuil de sa mère.
Dora. — L’enfant a tout à fait raison, Margery — elle ne devrait pas aller se coucher après ce repas si copieux. Elle ferait mieux d’aller faire une bonne marche dans le jardin.
Flouncy. — Je n’ai pas envie d’aller faire une bonne marche. Je veux juste rester assise.
Dora. — Rester assise ne te permettra pas de digérer ton dîner. Vas-y maintenant. Et Hilda, accompagne-la.
Hilda, quarante-deux ans, un physique ordinaire, intelligente et plutôt nerveuse. — Je dois passer un appel, Mère.
Elle a pris des notes, assise au bureau. Edna se lève du tabouret et s’assied sur une chaise. Elle prend une cigarette dans son sac et l’allume.
Dora. — À qui, ma chère ?
Hilda. — À ma secrétaire.
Dora. — Envoie-lui une carte postale — le téléphone coûte si cher.
Hilda. — Chère Mère, je paierai moi-même les appels. C’est une affaire extrêmement importante.
Elle retourne à ses notes.
Kenneth, quarante-cinq ans, d’apparence agréable et un peu corpulent. — Je t’emmène, Flouncy. Un peu d’exercice me fera du bien.
Dora. — Va avec ton père, ma chérie.
Flouncy se lève.
Margery. — Ton manteau est au vestiaire.
Dora. — Et mets des galoches.
Flouncy. — Je n’ai pas de galoches.
Dora. — Alors emprunte les miennes. Tu les trouveras dans le range-bottes.
Flouncy. — Je n’aime pas les galoches, Grand-Mère. Elles enlaidissent affreusement les pieds.
Dora. — Je suis sûre que ton père ne se formalisera pas de l’aspect de tes pieds.
Kenneth. — Venez, Ô Reine de Saba.
Il l’emmène.
Dora. — Cet enfant devient vaniteuse.
Laurel, levant les yeux des télégrammes qu’elle est en train d’examiner avec Hugh. — Cela lui passera. À son âge, j’étais affreusement vaniteuse.
Hugh, vingt-trois ans, très beau. — Et tu l’es toujours, affreusement.
Charles, s’approchant de la table. — Quel dommage que vous ayez tous les deux un physique aussi ordinaire ! Cela ne donne pas beaucoup de chances dans la vie à votre bébé.
Hugh. — Nous sommes tous les deux affreusement mignonnets. Nous espérons que le bébé héritera plutôt de la beauté classique de ma mère.
Dora. — Ça vous plaît d’être grand-mère, Edna ?
Edna. — Merci, Mme Randolph, je trouve cela comparativement relativement indolore.
Dora. — Nanny et moi pensons que le bébé a quelque chose de Peter.
Hugh. — De Père ? J’aimerais pouvoir me rappeler de lui.
Margery, regardant le tableau au-dessus de la cheminée. — C’est drôle de penser que Peter aurait été grand-père. (Dora se tamponne soudain les yeux avec un mouchoir.) Pourquoi, chère Mère —
Charles la rejoint rapidement.
Dora. — Ce n’est rien, ma chérie. J’aurais juste aimé qu’il soit là — et Nora aussi. Tout va bien maintenant. (Kenneth et Flouncy reviennent, prêts pour leur promenade. Flouncy s’avance.) As-tu mis tes galoches ?
Flouncy, s’arrêtant et se tournant vers Dora. — Oui, Grand-Mère.
Dora. — Elles sont splendides — je t’en enverrai une paire. Maintenant, allez-y et marchez d’un bon pas.
Margery. — Ne restez pas dehors trop longtemps, Ken.
Kenneth. — Nous allons juste faire un petit tour à la taverne du « Géant Vert ».
Ils sortent par la droite.
Dora. — Il ne voulait sûrement pas dire ça ?
Margery. — Bien sûr que non, maman chérie.
Dora. — Je crains que son sens de l’humour ne soit pas tout à fait le même que le nôtre. C’est peut-être parce que vous vivez à Birmingham.
Margery. — Nous ne vivons pas à Birmingham. Nous vivons à l’extérieur de la ville — pratiquement à la campagne.
Dora. — Mais ce n’est pas tout à fait la même chose qu’ici, n’est-ce pas, chérie ?
Hilda se lève.
Charles. — Maintenant, qu’en est-il de ces chaises —
Dora. — Assieds-toi, Hilda.
Hilda. — Mère, je dois aller...