L’action se déroule dans une rue d’Harlem à New-York en 1927, dans le sous-sol du Cotton Club. Le Cotton Club est un célèbre Club de Jazz et dancing D’Harlem. Le Club a été fermé et son propriétaire emprisonné pour trafic et vente d’alcool. Malgré tout, dans le sous-sol du bar, des soirées clandestines sont encore organisées par la fille de l’ancien propriétaire. Dans cette ambiance fumeuse et jazzy, des noctambules, que parfois tout oppose, s’y fréquentent.
Intro: La renaissance du Cotton Club
CHARLIE MADDEN
(Charlie sort un client du Cotton Club en le virant par le colbac)
Et Hop ça dégage !
Pour profiter d’une soirée au Cotton Club, il y 3 règles à respecter mon gaillard. (Elle lui retire son chapeau) 1 : (Elle lui colle une claque - bruitage)
On paye ses consos !
2 :
(Elle lui envoie son poing dans le ventre – bruitage - le faisant chuter sur les genoux, elle lui parle à l’oreille)
On n’embête pas les demoiselles !
Et 3 : (Elle lui colle un coup de genou dans le visage - bruitage)
On relève la lunette avant de pisser !
(Pointant le public du doigt)
Et ça, ça vaut pour tout le monde !
(Elle le fait chuter de la scène en le repoussant du pied et lui jette son manteau)
Tiens mon veinard, la maison t’offre le vestiaire ! (Elle se met une cigarette à la bouche)
La vache, il y a foule ce soir ! Cody, t’as prévenu que tout le monde ne rentrera pas ? Oh bordel… Il est sympa ce vieux Roosevelt mais on regretterait presque la Prohibition… A croire que les gens étaient assoiffés…
Un conseil : Ne restez pas là à vous les geler, rentrez chez vous messieurs dames, c’est complet !
(Une femme en manteau de vison et grand chapeau arrive de dos et rentre)
Miss Kate Hepburn ! En voilà une surprise ? Ça fait plaisir de vous voir! Rentrez au chaud, on va vous trouver une table ! Cody? Avec de beaux p’tits serveurs, je sais… Ah, Ah… Bonne soirée. (Elle ouvre et referme le rideau derrière elle) Elle ne perd pas le nord, elle…
Ah on ne peut pas dire que ça se bousculait autant au portillon il y a deux ans de ça. Bon quelqu’un a du feu ?
Je vous fais peur ou quoi ?
(Une personne se lève pour lui allumer) Merci, Tu t’appelles comment toi? (« Michel ») Un bon nom de grenouille ça, tu viens du vieux continent toi? (…) C’est ça l’odeur… Moi c’est Charlie, Charlie Madden. C’est moi qui tenait le bar clandestin au sous-sol pendant la Prohib… T’es jamais venu toi Michel ? T'avais pas d’autorisation de sortie? Ah ah…
(2 silhouettes apparaissent, on comprend rapidement qu’il s’agit de Laurel et Hardy)
Stanley ! Oliver ! Vieilles canailles ! Vous venez tester vos nouveaux numéros ? Cody installe les comiques sur la table centrale qu’ils amusent la galerie (…) Et mollo sur les amuse-gueules toi !
(Elle ouvre et referme le rideau derrière eux)
Bon merde, qu’est-ce que je disais moi ?
Ah oui… Le business des heures sombres… C’est vrai que cette foutue loi nous a permis, un temps, de faire notre beurre mais faut avouer qu’elle nous a apporté aussi son lot d’emmerdes. j’en veux pour exemple cette soirée de Juillet 1927 ou tout a failli basculer, tu veux que je te raconte Michel ? En plus, vu tes sapes, tu ne rentreras jamais autant t'occuper 5 minutes… Tu seras pas venu pour rien… Écoutes bien : une nuit de 1925, l’inspecteur Miller de la brigade de prohibition a vidé son colt dans le plafond du Club (rumeur de coups de feu). « Fini la bamboche ! » qu’il gueula… Mon pater, le proprio Owney Madden, fut incarcéré à la prison Sing-Sing et le Club fermé. Alors de mon bord, il m’a bien fallu me remonter les manches pour garder, secrètement, le business à flots… Ne dit-on pas que les interdits poussent aux délits ? Si, si, on le dit “Michel”…. Quoiqu'il en soit, jusqu’à cette soirée-là, on peut dire qu’on réussissait tant bien que mal à passer du bon temps…
(Le rideau s’ouvre – Effet Flash-back)
Scène 1 : le Speakeasy
(On découvre l’intérieur d’un bar clandestin dans le sous-sol du Cotton Club, L’ambiance est chaude et fumeuse. Le Maire Walker est assis sur une chaise en centre scène à regarder Mae West allongée sur le bar comme une diva poserait sur un piano à queue. Elle chante « Minnie l’empotée » accompagné par un pianiste en chapeau melon. Charlie retire son manteau, son écharpe et sa casquette et se poste derrière le bar torchon sur l’épaule. Un homme est avachi ivre mort sur un amas de caisses à côté du bar)
Hé les gens ! Voici l'histoire de Minnie l’empotée
Elle est belle et rousse mais dénuée de fiancé
Et pour cause la maladresse de Minnie
Sans cesse elle se prend les pieds dans le tapis
Elle dit Aïe, dit Aïe, dit Aïe
(Hidehidehidehi)
Elle dit Oh dit oh dit oh
(Hodehodehodeho)
MAE WEST
Elle dit hi, dit hi, dit hi
(Hedehedehedehe)
Elle dit Aïe, dit oh, dit oh
C’est fou ce que ça donne soif de chanter !
(Charlie tend un verre à Mae qui s’apprête à descendre du bar en marchant sur des caisses empilées en guise d’escalier. La musique se stoppe, Mae West et Walker se figent et Charly prend le relais)
CHARLIE MADDEN
(S’adressant au public, la lumière s’estompe - le focus est sur Mae)
Elle c’est Mae West, la coqueluche du cinéma et la diva des planches. C’était une fidèle cliente aux grandes heures du Cotton Club. Jusqu’à ce soir-là, elle continuait de se pointer, par nostalgie sûrement… Je l’aime bien Mae…
(La musique reprend)
Minnie boiteuse décide de clouer son tapis
Elle embauche un Handyman du nom de Smocky
Smocky l’étourdi se met au boulot
Mais résonne son cri à chaque coup de marteau
Il dit Aïe, dit Aïe, dit Aïe
(hi-dee hi-dee hi-dee hi)
MAIRE WALKER
(Cigare entre les dents)
Divine !!!
MAE WEST
Whoa-a-a-a-ah
(whoa-a-a-a-ah)
Il dit hi, dit hi, dit hi
(Hedehedehedehe)
Il dit Aïe, dit Aïe, dit Aïe
MAIRE WALKER
Mae, vous êtes l’oasis dans la chaleur du Désert !!!
(Les persos se figent)
CHARLIE MADDEN
Et voilà Jimmy Walker, le Maire de New York en personne. En voilà un qui n’est pas bouffé par l’honnêteté. Il fréquentait le sous-sol du Cotton car c’était devenu le speakeasy le mieux caché de la ville. Son « havre de paix » qu’il l’appelait, la suite lui prouva le contraire…
(Mae West se déplace et tourne autour du Maire en usant de ses charmes)
Minnie accourt pour soigner le tâcheron
Mais dévale l’escalier bobiné dans l’jupon,
Smocky relève les dentelles de ses doigts boursouflés,
Nez à nez, on entendit leurs cœurs collés
Qui disaient Aïe, dit Aïe, dit Aïe
(hi-dee hi-dee hi-dee hi)
Oh dit oh dit oh dit oh dit oh dit oh
(Hodehodehodehodehodehodeho)
Scoodley-woo-scoodley-woo-scoodley-woodley-woodley-woo(...)
Zit-dit-dit-dit-dittle-but-but-duttleoo-skit-dit-skittle-but-dit-zoy(...)
Qui dit Aïe, dit Aïe, dit Aïe (hi-dee hi-dee hi-dee hi) Ho-dee-ho-dee-ho-dee ho (ho-dee-ho-dee-ho-dee ho)
MAIRE WALKER
Bravo ! Mais alors Bravo ! Je suis aux anges ! Quel honneur ! Un spectacle privé de la grande Mae West en chair et en os !
MAE WEST
(lui jetant son châle)
J’imagine que vous préférez ma chair à mes os (S’adressant au pianiste) Merci Lester, tu as des doigts de fée mon chou ! Tu as bien mérité un verre.
CHARLIE MADDEN
En même temps c’est son seul salaire…
(Jingle de présentation – les persos se figent)
(Elle se dirige vers le pianiste avec un verre et une bouteille. Elle lui sert un verre durant son explication)
Lui, c’est Lester! Le taiseux mélomane. Il a toujours fait partie des meubles alors à la fermeture bah on l’a descendu à la cave. On raconte qu’il ne se nourrit que de musique et de vodka mais c’est faux! Je le nourris de temps en temps…
MAIRE WALKER
Je crois tout aimer chez vous Miss West… Mais je dois avouer que vous êtes une énigme que j’aimerais déchiffrer…
MAE WEST
Arrêtez Walker ! Les hommes aiment la profondeur chez les femmes, mais seulement dans leur décolleté.
MAIRE WALKER
Ah Ah! Quelle verve! Vous m’aviez manqué.
MAE WEST
Mais oui, où étiez-vous donc ces derniers jours ?
(Elle s’enfile un verre resté sur le bar)
CHARLIE MADDEN
On se demandait si vous n’aviez pas changé de crémerie
MAIRE WALKER
Oh vous savez, la politique, en ce moment, me donne bien du fil à retordre!
MAE WEST
(A Charlie)
Il faut bien qu’il s’accorde une « pause-travail » de temps en temps
MAIRE WALKER
Ah vous et votre humour décapant… Laissez-moi, par pitié, vous offrir un verre.
MAE WEST
(S’approchant langoureusement du maire)
Oh avec moi nul besoin de dissimuler vos intentions monsieur le Maire
MAIRE WALKER
Ohhh mais vous lisez en moi comme dans un livre ouvert…
MAE WEST
Je m’ennuie vite en lisant. (Elle lui rejette sa cravate avec dédain et part rejoindre Charly au bar)
CHARLIE MADDEN
Ah Ah, bien envoyé ! Ça vous la coupe hein ? (Servant un verre à Mae) Allez celui-ci il est pour moi !
MAIRE WALKER
(Écrasant son cigare)
Oh mais il serait présomptueux de juger avant d’y avoir goûté, très chère !
MAE WEST
(Accoudé au bar en regardant Walker)
Je ne goûte pas, moi… Je dévore…
Mais tu vois Charlie, si par nature l’homme est une bête de sexe, je crois n’avoir toujours eu que des animaux de compagnie…
MAIRE WALKER
Rohh… Mais c’est un défi ?
MAE WEST
Non un constat… Allez Charlie servez donc un verre à Mr Le Maire afin qu’il noie son orgueil !
CHARLIE MADDEN
(Secouant une bouteille vide)
Oh je n’ai pas assez de stock pour ça… Et puis avec votre descente, on va vite être à court de gasoil…
MAIRE WALKER
Décidément, vous entretenez votre réputation miss West…
(Charlie s’en va récupérer la bouteille de la main de l’ivrogne et sert Lester et les verres sur le bar)
MAE WEST
En effet, j’ai à cœur de ne pas ternir ma mauvaise réputation
Scène 2 : Les fonds de bouteilles
CHARLIE MADDEN
(Regardant sa montre et se parlant à elle-même)
Qu’est-ce qu’il fout ce con ? J’aurais déjà dû être livré…
MAE WEST
Et que voulez-vous ? Quand je me conduis bien, je suis bien, mais quand je me conduis mal, je suis encore mieux.
CHARLIE MADDEN
(servant des verres avec la bouteille de Dunnegan)
Désolé, il ne reste plus que son… brûle-babines à l’autre là…
MAE WEST
Allez à ce brave Owney !
CHARLIE MADDEN
Ouais bien vu, Au pater !
TOUS
A OWNEY !
(Ils boivent tous, se regardent et crache tous en même temps, Lester s’agrippe aux touches de son piano)
MAE WEST
Pouah… c’est…
MAIRE...