JE SUIS GROS
Sur l’avant-scène d’un théâtre.
GILBERT : Ça fait cinq minutes qu’on te cherche ! Qu’est-ce que tu fais ?
MICHEL : Je suis gros… J’ai vu, tout à l’heure, dans la glace de la loge, quand on s’est changé… c’est moi le plus gros…
GILBERT : Mais enfin, Michel, c’est pas le moment ! On va jouer ! Les gens arrivent !
MICHEL : Les gens, je m’en fous. D’abord, je ne jouerai pas.
GILBERT : C’est pas possible ! Premièrement, tu n’es pas gros… tu es fort, tu es…
MICHEL : Non. Je suis gros.
GILBERT : Et puis d’abord, c’est pas un mal d’être gros. Regarde-moi, est-ce que tu me trouves bien avec mon air chétif, mes bras en fil de fer, ma tête de cadavre, mes cinquante kilos tout habillé ?
MICHEL : Non, c’est sûr, t’es pas mieux…
GILBERT : Je ne te le fais pas dire… À l’école, j’ai eu tous les surnoms : Fil de fer, D’mie-portion, Sac d’os, Crevard !... Buchenwald qu’on m’a même appelé !... La cruauté du regard d’autrui, c’est pas toi qui vas m’apprendre ce que c’est…
MICHEL : T’as raison… C’est vrai, t’as raison, j’pense...