Jeu de rôle au château

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Nous sommes dans un château, en Italie, au bord de mer. Turaï, un auteur dramatique, Gál, son complice et Ádám, un jeune compositeur d’opérette plein de talent, ont décidé de faire une surprise à Anna, la primadonna et fiancée d’Adàm. Ils ont pour cela réservé la chambre à côté de celle d’Anna. Malheureusement, les murs sont très fins et la scène d’amour qu’ils entendent de l’autre côté bouleverse tous leurs plans… Dans cette pièce de boulevard, drôle et subtile, les dialogues fusent et les quiproquos se succèdent, l’auteur mêlant joyeusement le réel et l’imaginaire, dans une mise en abyme du théâtre dans le théâtre.
Ferenc Molnár (1878-1952) est un journaliste, romancier et dramaturge hongrois. Emigré en Suisse, puis aux Etats-Unis, pour échapper aux persécutions nazis, il est ensuite devenu scénariste à Hollywood. Depuis les années 1910, Molnar était une célébrité internationale, de sorte que Jeu de Rôle au Château a été créée en 1926 à New York au Henry Miller’s Theatre, dans une adaptation de P. G. Wodehouse, sous le titre The Play’s the Thing. Le succès dans les pays anglo-saxons ne s’est jamais démenti, puisqu’en 1984, Tom Stoppard en a fait un nouvelle adaptation sous le titre Rough Crossing.

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Ferenc Molnár

Jeu de Rôle

au Château

(Játék a kastélyban)

Adapté du hongrois par
Marc Martin

Editions du Brigadier
14, rue du Quai - 59800 Lille

Personnages

Turaï

Gál

Ádám

Anna

Almády

Un secrétaire

Un valet (Dvornicsek)

Dans un château, sur la côte italienne.

Note de l’auteur : Cette pièce peut autant se jouer sur une scène de théâtre que dans un grand ou petit salon. Salle et scène partagent alors le même espace. La scène proprement dite occupe une partie du salon, et ne se compose que d’un tapis où sont disposés un canapé, une table et quelques fauteuils. L’action nécessite deux portes : celle par où l’on entre ou sort, et celle qui mène à la chambre voisine. Sur la table, un téléphone. Voilà tout le décor des trois actes. Pas besoin de rideau. Les spectateurs peuvent être assis dans un joyeux désordre, comme s’ils prenaient part à une soirée ou écoutaient un concert de salon. Faute de rideau, on peut signaler la fin des actes en éteignant la lumière dans la partie du salon faisant office de scène.

Premier acte

Chambre d’ami somptueuse dans un magnifique château de bord de mer. Une porte à gauche et à droite. Au milieu de la scène : un canapé, une table avec un téléphone et deux fauteuils. Grande fenêtre au fond. Nuit étoilée. Scène plongée dans le noir. Quand le rideau se lève, des voix d’hommes qui conversent filtrent par la porte d’entrée, côté gauche. Celle-ci s’ouvre et livre passage à trois messieurs en smoking. L’un d’eux allume aussitôt la lumière. Sans un mot, ils gagnent le centre de la pièce puis s’arrêtent autour de la table. Tous trois se mettent à fumer, puis s’asseyent en même temps. Gál dans le fauteuil de gauche, Turaï dans celui de droite, Ádám sur le canapé au milieu. Très long silence presque gênant. Nuages de fumée. Chacun s’installe à son aise. Silence. Puis :

Gál. Tu es silencieux depuis plus de dix secondes, il y a quelque chose qui cloche. Quelle pensée profonde t’occupe l’esprit ?

Turaï. Je songe à quel point il est difficile de commencer une pièce de théâtre. De présenter d’emblée, dès le début de la pièce, les personnages principaux.

Ádám. Ça doit être dur, en effet.

Turaï. Et même terriblement. Les trois coups retentissent. La salle fait silence. Les acteurs entrent en scène, et le supplice commence. Il faut une éternité, parfois même un quart d’heure entier, avant que le public sache qui est qui et ce que chacun veut.

Gál. Je n’ai jamais vu un gars comme toi ! Tu n’es pas fichu d’oublier ton métier, même l’espace d’un instant.

Turaï. Non, impossible. C’est pourquoi je suis un si grand auteur dramatique.

Gál. Il ne se passe pas une demi-heure sans que tu ne causes théâtre, pièces, acteurs. Il n’y a pourtant pas que ça au monde.

Turaï. Bien sûr que si — si ton métier est d’écrire des pièces. C’est même un terrible fléau. Tiens, dans ses mémoires, Alphonse Daudet écrit que même à la mort de son père, il n’a pas pu ne pas penser à l’effet poignant que cette scène produirait au théâtre.

Gál. Oui, mais quand même, on ne peut pas être à ce point l’esclave de son métier.

Turaï. Faute de maîtrise absolue, on le peut, si. Il n’y a pas ici de milieu. Crois-moi, bien commencer une pièce donne du fil à retordre. J’y vois même l’une des pires difficultés de l’écriture théâtrale. Présenter les personnages sans trop tarder. Prenons par exemple cette scène-ci : nous trois. Voilà donc trois messieurs en smoking. Lesquels seraient, disons, non pas entrés dans la chambre de ce château seigneurial, mais sur une scène de théâtre, au moment même où le rideau se lève. Il nous faudrait alors bavarder d’une foule de choses sans intérêt, avant que l’on devine qui nous sommes. Et pourtant, ne serait-il pas bien plus simple, pour entrer en matière, qu’on s’avance et se présente tout de go ? (Il se lève et s’adresse au public :) Bonsoir. Invités dans ce château, nous venons tous trois de sortir de table, où nous avons excellemment dîné et bu deux bouteilles de champagne. Je m’appelle Sándor Turaï, auteur dramatique, voilà trente ans que j’écris des pièces et que j’en vis, très confortablement. Stop. À toi, maintenant.

Gál, se levant et s’adressant au public. Mon nom est Gál, je suis moi aussi auteur dramatique, j’écris également des pièces de théâtre, et ce toujours et sans exception en compagnie du monsieur ici présent. Car nous formons à nous deux une entreprise renommée d’écriture théâtrale. Sur la couverture de tous les bons vaudevilles ou livrets d’opérette trône ainsi la mention « écrit par Gál & Turaï ». Naturellement, j’en vis confortablement, moi aussi.

Gál & Turaï, en chœur. — Quant à ce jeune homme...

Ádám, se levant à son tour et s’adressant au public. — Quant à ce jeune homme, permettez, il se nomme Albert Ádám, vingt-cinq ans, compositeur. J’ai signé mon premier opus pour la scène en écrivant la musique de la toute nouvelle opérette de ces deux aimables messieurs — de ces deux anges d’âge mûr qui m’ont découvert, et sur l’aide desquels je compte maintenant pour devenir célèbre. Je leur dois aussi l’invitation dans ce château. Tout comme le frac et le smoking qu’ils m’ont fait faire. Car pour l’instant, je suis seul au monde, sans argent, ni réputation.

Turaï. Mais tu es jeune.

Gál. Et plein de talent.

Ádám. Et je suis amoureux de la primadonna.

Turaï. Ça, c’est dommage que tu l’aies dit, le public s’en serait rendu compte de lui-même. (Tous trois se rasseyent.) Eh bien, ne serait-ce pas là le moyen le plus simple de commencer une pièce ?

Gál. Si tel était le cas, écrire des pièces serait d’un facile !

Turaï. Crois-moi, ça n’a rien de si difficile. Tiens, regarde : toute la chose...

Gál. Bon, bon, très bien, mais cessons de causer théâtre. J’en ai par-dessus la tête. Reparlons-en demain, si tu y tiens.

Turaï. Tu as raison. Enfin quelques heures de bonheur et d’insouciance. On a fait si bonne route ! Ah, l’Italie ! Adieu, bureau et machine à écrire, adieu, coulisses malodorantes, acteurs sans talents et directeurs acariâtres ! Oui, vraiment, je me réjouis toute l’année de ces deux semaines que j’ai coutume de passer ici. Quel endroit merveilleux, et quel hôte magnifique, véritable ami et vrai gentleman, qui accorde à tous ses invités une entière liberté d’action. Et puis, j’aime ce riche et luxueux décor dont même le pire livret d’opérette ne saurait se passer. Sans parler de l’essentiel, messieurs : le travail est terminé ! La nouvelle opérette est fin prête ! Et c’est l’été, la nuit est belle, la grande bleue s’étale sous nos yeux, après un dîner succulent... (il consulte sa montre) et il n’est même pas très tard. Deux heures dix. Oui vraiment, une belle journée, digne des annales.

Gál. Un vendredi ١٣.

Turaï. Effectivement.

Gál. Si seulement ça n’était pas le cas.

Turaï. Pfft ! Tu te tortures encore, avec tes superstitions.

Gál. Tu sais bien qu’on ne doit jamais prendre la route un vendredi ١٣.

Ádám, rêvassant, bienheureux, sur le canapé. — Allons donc, messieurs... peu importe... Vendredi, samedi ou dimanche, printemps, été, automne ou hiver, tout est beau !

Il ferme les yeux.

Turaï. Moi, mon mauvais jour tombe le mardi. (À Gál :) Tiens, par exemple, tu es né un mardi.

Gál. Je t’en prie. Tu as beau dire, rien qu’à cause du vendredi ١٣, voici les déboires que nous avons dû subir jusqu’à maintenant. Vers midi, à San Martino, pluie battante et pneu défaillant, du coup : une heure de retard. L’après-midi, à Fiero, la voiture heurte un chien : arrêt en catastrophe, attroupement, dispute et versement d’un bakchich. Du coup, arrivée ici à vingt-deux heures au lieu de vingt heures : vendredi ١٣. Qui trouvons-nous ? Personne. Notre hôte magnifique et toute la compagnie, y compris celle pour qui nous sommes, au fond, venus ici, tous partis en excursion : vendredi ١٣. Où donc est la primadonna, la jeune et talentueuse, la plus tendre, la plus belle, la plus notable invitée du château ? Elle aussi en excursion. Est-elle revenue dans la soirée ? Non. Quand reviendra-t-elle ? Nul ne sait : vendredi ١٣.

Turaï. Elle finira bien par rentrer.

Gál. Quand bien même elle rentrerait bientôt, on serait déjà samedi.

Ádám, rêveur. — Ah ! L’attendre ainsi jusqu’à demain... toute une longue, longue nuit... pour la revoir enfin...

Gál. Vendredi ١٣.

Turaï. Bon, bon. À mon tour maintenant. Vendredi ١٣ : succulent déjeuner à San Martino, puis expresso insurpassable. Grosse averse pendant le repas, j’en conviens. Mais au café, éclaircie soudaine, et donc air frais et route sans la moindre poussière. Chien renversé, attroupement : c’est vrai. Mais là encore, deux coups de veine : le chien est vivant et nous évitons les coups. Arrivée tardive au château, certes, mais nous avons à nouveau de la chance : personne n’est au logis, si bien que les voyageurs harassés évitent la corvée de devoir faire la conversation, et en prime, on leur sert un goulash sublime, sur la côte italienne, si loin de leur Hongrie natale. Et providence suprême : on nous loge dans cette chambre-ci, qui est voisine de celle de l’ange de beauté, avec une porte communicante... Ádám, insistant :) avec une porte communicante... chambre que grâce à ma vieille amitié avec le maître d’hôtel, on nous a gracieusement attribuée. Bref, bonne fortune sur toute la ligne.

Gál, désignant Ádám. — Mais rien que pour lui.

Turaï. Erreur, car sa bonne fortune est aussi la nôtre. Si ces deux-là sont heureux, les plus belles mélodies lui viendront à l’esprit, et l’ange de beauté chantera mieux encore. Le succès et les royalties seront partagés avec nous, qui avons écrit le livret.

Gál. Tu es une brute, aucun sens poétique.

Turaï. J’ai le sens des réalités, sonnantes et trébuchantes. Elle est absente ? Fort bien, la surprise n’en sera que plus grande : au cours de la nuit, l’ange de beauté, de retour d’excursion, va, sans se douter de rien, entrer dans sa petite chambre, se glisser dans son petit lit...

Gál. Pas si petits que ça, malheureux ! Elle dispose d’un immense lit dans une belle et grande chambre. Je connais les lieux.

Turaï. Peu importe. L’essentiel, c’est qu’elle va rentrer sans se douter que nous sommes à côté, venus lui apporter son opérette, l’opérette fin prête dont nous allons lui chanter la valse, qui n’est pas encore mondialement célèbre mais qui est vouée, c’est certain, à un succès planétaire, le clou du spectacle, la grande valse qui ravit jusqu’aux cieux, la valse des valses dont cet innocent enfant, avec tout l’enthousiasme de son jeune cœur amoureux...

Gál, l’interrompant. — Assez ! Il va prendre la grosse tête. (Il consulte sa montre.) Bientôt deux heures trente. Messieurs ! J’ai une suggestion. Allons-nous coucher. Je suis mort de fatigue. Chantons plutôt demain. Vu l’heure avancée, de toute façon, elle ne paraîtra pas avant le lever du jour. Nous nous sommes levés à cinq heures du matin, les quatre cents kilomètres me bourdonnent dans la tête, et l’innocent enfant dort déjà.

Ádám. Pas du tout. J’ai entendu chaque mot.

Gál. Qu’ai-je dit, alors ?

Ádám. Cinq heures du matin, quatre cents kilomètres, je ne sais trop quoi dans ta tête...

Gál. Tiens, tu vois.

Turaï. Remettre la surprise au matin ne me dérange pas. Nous la réveillerons au son de la valse.

Ádám. Pourvu qu’elle n’ait pas vent de notre venue, d’ici là.

Turaï. Fais-moi confiance. J’ai donné l’ordre au vieux portier de garder notre arrivée secrète jusqu’au matin. Ádám :) Ici, le portier est presque aussi important que notre hôte.

Ádám, se levant. — Bon, alors je vais me baigner.

Turaï. Splendide, parfaitement logique ! Qu’a donc à faire le portier avec la baignade ?

Ádám. La logique, je déteste.

Gál. Tu veux te baigner maintenant ?

Ádám. Oui.

Gál. Dans la mer ?

Ádám. Non, dans la baignoire. M’étendre dans l’eau tiède, fourbu, somnolent, plein d’espoir, bienheureux, les yeux clos... j’adore ! Tiens, j’y vais de ce pas.

Turaï. Vas-y donc, mon p’tit. Fais-toi plaisir. L’artiste, en phase de création, doit être chouchouté. — Eh oui, la plupart des jeunes artistes d’aujourd’hui doivent lutter un peu, beaucoup, et même énormément avant de percer. Mais toi, tu as la chance d’avoir un homme avisé qui veille sur ton destin.

Gál. Deux hommes avisés.

Turaï. Quoi ? Oui, bien sûr, deux hommes avisés. Ainsi donc, vas-y vite, mon petit, baigne-toi, endors-toi, réjouis-toi de ta fiancée, réjouis-toi de cette vie de château !

Gál. Tu vas le transformer en doux rêveur. Il faudra pourtant bien qu’il affronte un jour les déboires de l’existence.

Turaï. Est-ce une urgence à tes yeux ?

Gál. À mes yeux ? Non.

Turaï. Aux siens, encore moins. Va, petit, repose-toi bien, et sois frais et fringant au matin.

Ádám, regardant autour de lui. — C’est donc ça, ma chambre ?

Turaï. Pour sûr, cher petit ange. (Significatif :) Et derrière ce mur-là, ne loge nulle autre que l’heureuse fiancée. Configuration très classique. Exactement la même que pour Pyrame et sa fiancée Thisbé dans Le Songe d’une nuit d’été. Seul un mur sépare les deux amoureux. Que dit Pyrame, déjà ? Ah oui ! « Et toi, ô Mur, ô doux, aimable Mur / Qui te dresses entre le terrain de son père et le mien... »

Gál. Et allez donc, encore du théâtre, toujours du théâtre !

Ádám. Et vous deux ?

Gál. Rassure-toi. Nous dormons de l’autre côté. Notre chambre se trouve par là-bas.

Il montre où.

Ádám. Vous partagez la même chambre ?

Turaï. Toujours. D’authentiques coauteurs ne se quittent jamais, ne fût-ce qu’une seconde. Pas question de laisser se perdre la moindre idée. D’autant plus que je parle souvent en dormant. Je lance alors, paraît-il, mes meilleures réparties. Et vu que lui dort éveillé, il note toujours tout.

Ádám, au seuil de la porte. — Mes bons pères ! Je souhaite faire une déclaration : je vous aime, la vie est belle et je suis heureux !

Il s’incline et sort.

Turaï, après un bref silence. — Après cette déclaration claire et nette, je boirais bien un bon petit verre de cognac.

Gál. — Avec moi, ça fera deux.

Turaï, sonnant. — J’ai le cœur en joie de voir cet enfant si heureux. Lorsque, comme moi, on n’a jamais eu de gamin, la cinquantaine venue, on se sent plein de tant d’amour paternel qu’il faut une sorte d’enfant de substitution. D’autant que le pauvre a bien besoin de soins paternels. (Il sonne à nouveau.) J’espère que le personnel n’est pas encore couché. (Songeur :) Ça oui... sa mère était une belle jeune femme, timide et tendre. (Il regarde par la fenêtre.) On danse encore sur la plage devant l’hôtel. Des projecteurs éclairent les couples de danseurs... Quel beau tableau ce serait dans une opérette, pour le final... tu sais, avec ce beau ciel bleu tout étoilé en arrière-plan... et la mer constellée d’une foule de petits points de lumières colorés... quel décor magnifique ! (Il quitte la fenêtre.) Il faut croire que le garçon a raison : la vie est belle !

Il se rassied, l’air heureux.

Gál. Dis, je n’ai pas voulu t’en parler plus tôt, mais le vendredi ١٣ nous réserve encore autre chose.

Turaï. Quoi donc ?

Gál. Une tuile. J’ai une nouvelle à t’apprendre. Une sacrée tuile !

Turaï. Tu es bizarre. Dès qu’on est bien cinq minutes, il faut que tu trouves quelque chose.

Gál. Écoute-moi, tu vas voir.

Turaï. Eh bien vas-y, mon vieux. Gâche ma bonne humeur. Qu’y a-t-il ?

Gál. En consultant le registre des invités auprès du portier, pour savoir qui est là, je suis tombé sur un nom. Une tuile, et de taille, je te dis.

Turaï. Tu veux m’effrayer ?...

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