Nous sommes à l’intérieur d’un appartement cossu. Style de mobilier propre à ce genre d’appartement qui se compose de : un canapé de style anglais en cuir. Deux fauteuils club. Quelques tableaux. Une jolie bibliothèque murale dans laquelle trônent des maquettes de solex. Un bar américain. Une table basse.
Sonnerie !
- Voilà ! Voilà ! Une seconde.
En passant, Pierre pose un rouleau de scotch de forte résistance sur le bar, qu'il contourne. Il sort une bouteille de whisky et un verre, qu’il considère avant d’opter finalement pour boire une grosse gorgée directement à la bouteille. Encore plusieurs coups de sonnettes à la file. Il consulte sa montre.
Le temps qu’il se dirige vers la porte d’entrée, plusieurs coups insistants retentissent encore. Il ouvre. Une jolie femme, élégante, lui fait face.
BEATRICE - Bonjour, pardonnez-moi de vous déranger. Je suis votre voisine du dessus. Je me suis fait couler un bain et comme une idiote, je l’ai laissé déborder.
PIERRE - ...ah ? C’est ennuyeux mais je suis navré, je n’ai aucune compétence en la matière. Je sais à peine planter un clou.
Il tente de refermer la porte mais elle l’en empêche avec son pied.
BEATRICE - Je ne vous demande pas d’aide. J’ai pu couper l’eau. Je souhaitais simplement m’assurer qu’il n’y a pas de dégâts chez vous. Comme je m’en suis rendu compte un peu tard, il serait bon que vous alliez jeter un oeil.
PIERRE - C’est gentil. Merci.
Elle s’engouffre dans l'appartement
BEATRICE - C’est la moindre des choses, entre voisins.
PIERRE reste un instant sur place à regarder cette jolie femme qui, sans être aguicheuse, ne paraît pas farouche.
- Ne tardez pas. Avec l’eau c’est toujours délicat.
PIERRE - ...oui. Vous avez raison.
PIERRE va dans sa salle de bain. Béatrice trébuche légèrement dans un sac d'une marque très célèbre posé dans l'entrée en se dirigeant vers le salon. Elle en profite pour jeter un coup d'oeil circulaire à la pièce. Elle s’approche du bar, saisit la bouteille de whisky et le verre posé sur le comptoir, repose le verre et boit au goulot une grande lampée. Elle repose la bouteille puis la saisit de nouveau et boit une plus grosse lampée. PIERRE réapparaît, constate la progression de la femme dans son appartement.
- ...Vous pouvez être rassurée. Pas la moindre infiltration.
BEATRICE - Je le suis. Merci.
PIERRE - C’est moi.
Pierre l’invite à se diriger vers la porte d’entrée et lui ouvre le passage comme le ferait un policier. Elle ne bouge pas.
BEATRICE - Je peux vous poser une question ?
PIERRE - Oui ?
BEATRICE - Pourquoi avez-vous autant de maquettes de la même mobylette ?
PIERRE - Ce ne sont pas des mobylettes, mais des solex et aucun n’est le même. J’ai les originaux dans ma cave. Tous des pièces de collection. Du 1er au dernier modèle. De 1947 à 1974. Certains ayant appartenu à des célébrités. C’est la raison pour laquelle j’ai mis une porte blindée.
BEATRICE - Quel est l’intérêt d’avoir des maquettes de ce que vous possédez en taille réelle dans votre garage ?
PIERRE - Le plaisir de les contempler encore plus longtemps.
BEATRICE - ...Mise à part votre collection de Solex. Nous avons des goûts communs. Je buvais également de ce whisky quand je me suis rendue compte que ma baignoire avait débordé. 18 ans d’âge c’est bien pour ce genre de whisky.
PIERRE - Avec quelques années de moins, ce ne serait pas du whisky.
BEATRICE - Le côté tourbé et quelques notes iodées sont du plus bel effet.
PIERRE - Vous êtes connaisseuse.
BEATRICE - Depuis hier…
PIERRE - Vous aimez le whisky depuis hier ?
BEATRICE - J’ai commencé beaucoup de choses depuis hier. Bien plus que ces 20 dernières années. Et j’ai bien envie d’accélérer encore.
PIERRE - Si telle est votre envie, je vous le souhaite.
BEATRICE - Merci.
PIERRE - Je vous en prie.
Pierre lui ouvre le passage mais elle ne s’y engage pas.
BEATRICE - Vous permettez ?
PIERRE (contraint) - ...Je vous en prie.
Beatrice va pour se servir un verre du fameux whisky, mais finalement se rétracte et boit au goulot une grosse lampée sous les yeux ébaubis de Pierre.
BEATRICE - ...Seulement pour accélérer encore, j’ai besoin de vous.
PIERRE - De moi ?
BEATRICE - Oui.
PIERRE - Je ne vois pas de quelle façon je pourrais ?
BEATRICE - C’est très simple. Faites-moi des compliments.
PIERRE - Pardon ?
BEATRICE - Faites-moi des compliments.
PIERRE - Des compliments ?
BEATRICE - Ça vous paraît insurmontable ?
PIERRE - Non. Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire. C’est que...je ne sais pas sur quoi vous souhaitez que je vous complimente ?
BEATRICE - Eh bien sur moi évidemment !
PIERRE - Oui, bien sûr…
BEATRICE - Alors ?
PIERRE - ...ce n’est pas facile, comme ça.
BEATRICE - Peut-être pourriez-vous m’inviter à m’assoir sur votre canapé, et m’offrir un verre de ce pur malt écossais.
PIERRE - Encore ! Enfin, je veux dire...avec ce que vous venez d’avaler, ce ne serait peut-être pas raisonnable. Et puis...(Pierre consulte sa montre ) il se fait tard.
BEATRICE - Tard ? Nous sommes en début d’après-midi.
PIERRE - Justement !
BEATRICE - Justement quoi ?
PIERRE - Eh bien...à cette heure... on ne boit pas autant d’alcool.
BEATRICE - C’est marqué où ?
PIERRE - Pardon ?
BEATRICE - C’est marqué où que ce n’est pas le bonne heure pour boire du whisky ?
PIERRE - ...Nulle part.
BEATRICE - Ben alors...
Elle s'empare de la bouteille et avale une profonde gorgée.
PIERRE - Belle descente !
Elle avale une seconde gorgée encore plus profonde. Pierre lui saisit la bouteille.
- ola ! Faut arrêter maintenant !
La femme, légèrement dans l’ivresse.
BEATRICE - Pas touche ! Attention j’ai suivi durant deux ans des cours de taekwondo. Alors...distance !
Pierre garde ses distances. Elle lui passe devant et va s’assoir sur le canapé, puis, elle invite Pierre à l’y rejoindre. Il demeure statufié.
- C’est tout ce que je vous inspire ?
PIERRE - C’est à dire que...je garde mes distances.
BEATRICE - Pas quand je vous invite à me rejoindre.
PIERRE - Ah...
Il s’approche à petits pas vers le canapé. Une fois devant, il demeure debout. Elle lui saisit le bras et l’attire prestement sur le canapé. Pierre s’écarte doucement vers le bout opposé du canapé. Elle bascule son bassin et, avec ses jambes, l’entoure et le bloque.
- qu’est-ce qui vous prend ?
BEATRICE - J’attends !
PIERRE - Mais quoi donc ?
BEATRICE - Vous le faites exprès ou bien ?
PIERRE - Je suis désolé, je ne vois pas...
BEATRICE - Mes compliments !
PIERRE - ah oui...heu...bien sûr...mais, vous allez être étonnée par ma question mais... pourquoi tenez-vous à ce que je vous fasse des compliments ? Une belle femme comme vous ne doit pas avoir trop de mal à en recevoir.
BEATRICE - Détrompez-vous. A partir d’un certain âge les compliments ne pleuvent pas ou alors sont toujours suivi d’un «pour votre âge» qui balaie aussitôt le compliment qui l'a précédé.
PIERRE - Ah bon ?
BEATRICE - Une goutte ?
PIERRE - Non, merci.
BEATRICE - Allez ! Une petite goutte.
PIERRE - Bon alors, juste un fond. Vite fait et après...
Elle remplit les deux verres, force Pierre à trinquer et boit cul sec. Pierre avale sa première gorgée...
BEATRICE - Vous aimez mes seins ?
Pierre crache sa gorgée
PIERRE - Vos... seins ?
BEATRICE - Oui ! Mes seins ? Vous savez ce que c’est que des seins quand même ?
PIERRE - Oui...
BEATRICE - Alors ? C’est pas compliqué. Vous aimez ou pas ?
Béatrice poitrine en avant
PIERRE (troublé) - Oui...Non...Ce n’est pas le...le...
BEATRICE - Ils durcissent encore très vite et très bien.
PIERRE - J’en suis ravi...mais...
Il consulte sa montre
BEATRICE - Vous ne voulez pas poser vos mains dessus ?
PIERRE - Mais non !
BEATRICE - Vous êtes homosexuel ? C’est bien ma veine tiens !
PIERRE - Non, pas du tout. Ecoutez madame, je ne sais pas ce que vous voulez mais je ne dispose pas de temps. Voila...une autre fois peut-être.
BEATRICE - Donc, vous n’aimez pas mes seins...Très bien. Je prends note.
PIERRE - Je n’ai jamais dit ça. Et puis...que me voulez-vous ?
Long silence dans lequel Beatrice cherche le regard de Pierre qui fait tout pour l’éviter.
BEATRICE - Vous n’auriez pas envie de me faire l’amour ?
PIERRE - Quoi ? !!!!
BEATRICE - Vous m’avez parfaitement comprise.
PIERRE regarde en direction de la pièce voisine.
PIERRE - Mais...Ce n’est pas possible.
BEATRICE - Pourquoi ?
PIERRE - Mais parce que !
BEATRICE - Parce que quoi ?
Il regarde autour de lui
PIERRE - c’est à dire que...
BEATRICE - Que quoi ?
PIERRE - ...C’est gênant quand même. Comme ça...
BEATRICE - Je ne vois pas ce qui est gênant. Nous sommes chez vous, je suis plutôt une jolie femme, vous êtes plutôt... dans la moyenne, la moyenne supérieure, si vous préférez. Vous avez un petit côté cocker attendrissant…
PIERRE - Je vous remercie. Mais, il n’empêche que je ne peux donner suite à votre demande. Et puis...on ne se connaît pas.
BEATRICE - Justement, ne perdons pas de temps et faisons connaissance.
PIERRE - Je suis désolé madame.
BEATRICE - Ah non ! Pas de madame ! J’en ai assez des «madame». Béatrice.
PIERRE - Je suis désolé, Béatrice...
BEATRICE - Vous pensez que c’est indécent qu’une femme vous propose cela ? Je suis certaine que si j’avais vingt ans de moins vous m’auriez déjà sauté dessus. Vous êtes tous les mêmes les hommes. Qu’est-ce que vous croyez ? Moi aussi j’en...