Gertrude et Geoffrey arrivent au laboratoire dans une sorte de rituel montrant la force des habitudes et la dévotion de Geoffrey pour Gertrude, il peut l’aider à mettre sa blouse par exemple et tirer la chaise de son bureau pour qu’elle s’asseye…
Geoffrey a généralement un ton bienveillant, voire mielleux et infantilisant. Quant à Gertrude, elle reste mesurée dans le ton, plutôt distante, et redouble d’amabilité quand elle critique justement.
Gertrude : Quel est le programme ?
Geoffrey : Euh nous avons : l’inventaire, les commandes et le bilan comptable.
Gertrude : Bien, bien…c’est tout ? Pas de projet en cours ?
Geoffrey : Non, c’est bien dommage. Mais j’ai une idée…
Gertrude : L’inventaire d’abord…Merci.
Geoffrey : Pour la répartition ?
Gertrude : What ?
Geoffrey : La répartition ?
Gertrude : Oui.
Geoffrey : On fait comment ?
Gertrude : Vous commencez et…faites-moi signer quand ce sera terminé, mais ne tardez pas trop cette fois-ci.
Geoffrey : Bien, bien…Et vous ? Je veux dire si nous avions partagé le travail, ce serait aller plus vite et puis, c’est bon pour votre maintien en activité…c’est bon pour votre santé et c’est un ordre d’Etat, nous ne pouvons déroger à la…
Gertrude : Mais j’ai du travail moi. Je gère le laboratoire, si vous croyez que c’est facile, je vous laisse ma place ? (Elle fait mine de se lever).
Geoffrey : Non, non, je sais bien…hum, toutefois, excusez-moi platement mais vous avez quoi à faire aujourd’hui ?
Gertrude : Comment ? Je ne vous ai jamais vu si effronté… arrêtez le thé Geoffroy, ça ne vous réussit pas. J’ai quoi à faire ? J’ai quoi à faire ? Est-ce que ça vous regarde ?
Geoffrey fait « oui » de la tête.
Gertrude : Et bien, j’assure la com du laboratoire, si vous croyez que c’est facile, je vous laisse ma place ? (Même jeu).
Geoffrey : Non, non, je sais bien…cependant je me pardonne d’insister mais concrètement ?
Gertrude : Et les appels d’offres, ah ah, c’est vous qui les surveillez peut-être ?
Geoffrey : Cela fait plus d’un an que vous n’avez rien…
Gertrude : Comment ? Que je n’ai rien ? Vous croyez que c’est fa… (même jeu).
Geoffrey : Non, restez assise.
Gertrude : Allez donc plutôt vérifier les stocks.
Geoffrey : Nous n’avons plus de stock !
Gertrude : Justement, il faut faire la liste de ce que nous devrions avoir.
Geoffrey : Ah oui, comme ça je suis d’accord. Je pense en avoir pour deux heures. Pendant ce temps, vous pourriez…
Gertrude : Tsss ! Je sais ce que j’ai à faire, merci Geoffroy.
Il sort en emportant un dossier. Gertrude, une fois seule, consulte une revue, finit par s’assoupir et se met à rêver.
(Eclairage 2 pour ambiance onirique et/ou musique et/ou gestuelle…pour les scènes rêvées par les personnages.)
Geoffrey : Aujourd'hui, lundi 1er ! Ça commence bien.
Gertrude : Qu'est-ce qui commence bien ?
Geoffrey : La semaine : lundi 1...mardi 2...mercredi...
Gertrude (brusquement) : Oui, bon dimanche 7 ... on a compris ! Et ça suffit pour vous réjouir, ça ?
Geoffrey : Hop, hop, hoptimiste ! C'est ma devise, et hop, au boulot !
Gertrude : C'est ça, ne vous gênez pas pour travailler, dois-je vous rappeler le retard de compta ? Les finances Geoffroy, les finances, vous avez fait le point ?
Geoffrey (brandissant un dossier rouge) : J’AI ! Bien sûr...bien sûr, voici le compte-rendu : (il s’est levé en brandissant le dossier et il lit très vite en mélangeant grommelot... et jargon de compta avec grandiloquence, il s’emballe, fait de grands gestes, sautille…) : alors...vendu...hors taxe...chiffre d'affaires et en comptant les soldes intermédiaires de gestion, les consommations factices...les prestataires extérieurs...(en même temps, il se reprend et rature sa feuille à plusieurs reprises)...euh, donc, sans oublier héhé, les contrats d'assurances, la valeur ajoutée, les salaires, les cotisations sociales...on obtient, tiens ? Ah non, il est là, on obtient donc...EBE (prononcer Hébé)
Gertrude : Hébé ?
Geoffrey (reprenant encore plus vite mais se mélangeant dans ses nombreuses pages) : E.B.E. : Excédent Brut d'Exploitation ...patati patata...amortissement...résultat brut de spoliation, ça on l'a dit ah non...et voilà et voilà, sachant que le résultat et aussi les placements financiers et... et... et... hop la suite la voi...ci : intérêts, emprunts, résultat courant...charge ou produit exceptionnel...(il s'emballe...) EXCEPTIONNEL Mesdames et Messieurs, euh Madame Gèretrude,
Gertrude : Et donc ? Au fait Geoffroy, au fait !
Geoffrey : GeoffrEY, frey comme Hugo !
Gertrude : Bof, question de ressenti. Alors ce bilan ?
Geoffrey : Vous voulez que je saute les détails, que dis-je les détails, le contenu, la substantifique moelle de nos finances, vous ne voulez pas savoir le mal que je me suis donné pour … ?
Gertrude : Si si, je...et donc ?
Geoffrey : Vous voulez un bilan du bilan en quelques sorte ? Héhé...
Gertrude : C'est ça !
Geoffrey : J'y viens, j'y viens, je termine, j'arrive, me voilà : alors, j’en étais où moi avec tout çà… bon, heureusement que je garde le cap : résultat courant...résultat net avant impôt...impôt sur les sociétés et té pardi, et résultat net : 0 ! la tête à Toto. Et ça tombe juste ! Trop fort !
Gertrude (médusée, sans voix) : !
Geoffroy : Négatif ! Nous sommes dans le rouge (regardant la chemise du dossier, rouge aussi)...tiens, c'est amusant, je n'avais pas remarqué...
Gertrude : Vous croyez que si votre assistante avait choisi une chemise bleue, les finances seraient au beau fixe ? Ce que vous êtes naïf, Geoffroy...je vais devoir mettre la clé sous la porte et c'est tout l'effet que ça vous fait ?
Geoffrey : Et bien, mettez là ailleurs...
Gertrude : Quoi ?
Geoffrey : La clé...mettez-la dans le pot à clés par exemple, héhéhé (content de lui).
Gertrude : Vous aimez l'ordre vous...
Geoffrey : Charité bien ordonnée commence par soi-même, je vais me faire un petit thé au jasmin, en voulez-vous Gèretrude ?
Gertrude : GUERtrude ! Guer...pas Ger..
Geoffrey : - Oh si, vous gérez si bien !
Gertrude : Ah ah, au secours, au secours !
NOIR
(Eclairage 1)
Gertrude (seule, assise à son bureau, se réveillant.) : J'ai encore fait un rêve démolitoire…(elle s’étire, déplace quelques objets, puis se met à chercher sur l’ordinateur)…Tiens, çà, voyons, balance bénéfice-risque...préjudice moral. Bon sang, il doit bien y avoir un moyen...
Geoffrey (entrant) : Il y a toujours un moyen ! Tenez, voici la liste.
Gertrude : Ah vous êtes revenu !
Geoffrey : Un moyen de…? Pour…?
Gertrude : Et bien…le bilan ! J’y ai pensé cette nuit et…
Geoffrey : Négatif, cheffe !
Gertrude : Ça, je sais.
Geoffrey : Vous savez ??
Gertrude : Pas besoin d'être Madame Irma pour...
Geoffrey : Madame Irma ? (Il note quelque chose furtivement sur un petit carnet qu’il a toujours dans sa poche)…Non, mais les détails, vous ne les avez pas vus. Tenez, vous les voulez ? (cherchant un dossier, l'ouvrant, faisant tomber les feuilles, se mettant à quatre pattes pour les ramasser…)
Gertrude : NON ! Non, ça va, je sais très bien, je me rends parfaitement compte que nous devons mettre la …………. (elle le regarde attentivement...il semble avoir une idée et...) Ne dites rien ! Allez chercher le courrier !
Geoffrey : Comme vous êtes dure, Gertrude !
Gertrude : Comme vous être mou, Geoffroy !
Geoffrey sort ; elle reste seule et téléphone :
Gertrude (appelant sa voyante) : « 9.9.9, quoi de neuf ? » allo, oui, c’est moi…ah…ok…mon numéro ? Oui, vous pouvez l’utiliser...