Le Coucou

À la veille de Noël, le retour imprévu d’un grand-père qu’on croyait mort bouleverse la routine d’une famille d’apparence ordinaire. Une comédie loufoque et cruelle sur le lien familial. Allez directement en enfer… ou tirez une carte chance.

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Liste des personnages (4)

WilliamHomme • Adulte • 226 répliques
JudithFemme • Adulte • 197 répliques
FaustoHomme • Âgé • 76 répliques
NinaFemme • Jeune • 86 répliques

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Acte 1

Un salon ouvrant sur une terrasse. Quelques décorations de Noël mais pas de sapin. Judith, quarante à cinquante ans, assise dans un fauteuil, lit un journal titrant sur l’éruption d’un volcan islandais perturbant le trafic aérien. William, son mari, même âge, prend soin d’une plante dans une jardinière. Il l’arrose, la vaporise, la taille... À court d’imagination, il s’installe dans un autre fauteuil. Silence. Un grand coucou à l’ancienne en forme de pendule de parquet, situé entre eux, chante trois fois.

William – Le coucou chante toujours trois fois…

Judith – Il est quelle heure ?

William – Je ne sais pas. Pas trois heures, en tout cas.

Judith – Il faudrait le faire réparer.

William – Ou s’en débarrasser. C’est quand les encombrants ?

Judith – C’est la seule chose qui te vient de ta famille.

William – Oui ben c’est encore trop encombrant…

Un temps.

William – C’est incroyable, ce temps, pour un mois de décembre.

Judith – C’est l’été indien.

William – Noël au balcon…

Judith – En tout cas, heureusement qu’on n’avait pas prévu de partir en vacances aujourd’hui. Tu as lu ça ? Tous les aéroports sont bloqués.

William – On se croirait revenus au temps des caravelles. Pour qu’un avion décolle, maintenant, il faut attendre que les vents soient favorables.

Judith – Tout ça à cause d’un volcan dont on ne peut même pas prononcer le nom.

William – Comme celui du diable…

Judith – Pardon ?

William – Le diable non plus, on ne peut pas prononcer son nom ! Ça prouve bien qu’il y a quelque chose de diabolique dans cette histoire.

Judith – Bon, ce n’est pas la fin du monde, non plus.

William – Je me demande si ce ne sont pas les millénaristes qui ont raison. Et si l’apocalypse était vraiment pour le 25 décembre de cette année ?

Judith – Parce qu’un volcan est entré en éruption ?

William – Pour les dinosaures aussi, ça a commencé comme ça !

Judith – Il ne faudrait jamais réveiller un volcan qui dort…

William – Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait?

Judith – En attendant la fin du monde ?

William – Quand le petit oiseau aura quitté son nid…

Judith – Il y a un nid ? Où ça ?

William – C’est une métaphore ! Je parle de Nina, notre fille ! Quand elle sera vraiment partie, et nous aura laissés tout seuls dans cette maison avec une chambre en trop.

Judith – Elle ne part pas pour toujours. Et elle ne va qu’à Paris. Elle reviendra.

William – Oui, en transit.

Judith – Je préfère ne pas y penser. Pas tout de suite…

William – Ça fait plus de vingt ans que nos journées sont rythmées par elle. Que notre vie tourne autour d’elle. Qu’est-ce qu’elle a mangé ? Qu’est-ce qu’elle va manger ? Qu’est-ce qu’elle a fait ? Qu’est-ce qu’elle va faire ? Il va falloir s’habituer à l’idée que maintenant, notre fille unique sait manger et aller aux toilettes toute seule.

Judith – Il faudra trouver d’autres repères, se créer de nouvelles habitudes.

William – Comment on faisait avant ?

Judith – Je ne sais plus.

William – Il va falloir réapprendre.

Judith – Mais ce ne sera plus jamais comme avant.

William – Alors il va falloir réinventer.

Judith remarque la jardinière.

Judith – Tu fais des plantations ?

William – Juste un ou deux plans de cannabis, pour notre consommation personnelle.

Judith – Non ?

William – On a dit qu’on devait changer nos repères, non ? Un petit pétard de temps en temps, ça devrait au moins nous aider à nous défaire de nos anciens repères. (Elle le regarde interloquée.) Je déconne, c’est des tomates cerises. J’ai trouvé ça chez le fleuriste.

Judith – Chez le fleuriste ? C’est très délicat de ta part, mais il ne fallait pas. J’espère que tu ne t’es pas ruiné, au moins…

William – Dix euros. J’y allais pour acheter un sapin de Noël. Mais il paraît que ça peut avoir un rendement incroyable, les tomates cerises. Plus que l’épicéa en tout cas. Tu as vu le prix des tomates cerises ? C’est presqu’aussi cher que le cannabis.

Judith – Et en plus c’est légal…

William – Si je fais vraiment partie de la charrette de licenciement, à la banque, je pourrais toujours faire dealer de tomates cerises.

Judith – Mmm…

William – Bon, pour l’instant je n’ai encore rien récolté, mais je l’ai acheté il y a une heure.

Judith – Oui, et on est quand même au mois de décembre.

Ils restent tous les deux silencieux un instant.

William – Tu vois, je ne sais même plus si je le redoute ou si je l’espère, ce licenciement.

Judith – Ça pourrait être l’occasion d’évoluer...

William – Ou le début de la fin, comme pour les dinosaures. Eux, ils n’ont pas réussi à évoluer...

Judith – On a de quoi voir venir. Tu toucherais une indemnité. Et puis je travaille, moi.

William – Je sais. C’est ça qui me déprime. Il y a vingt ans, on n’avait rien, et on n’avait peur de rien. Surtout pas de l’avenir. Aujourd’hui on a une maison, deux voitures, une assurance-vie chacun... On a tout, et on a peur de tout. Même des volcans. On est devenus des dinosaures, je te dis...

Un temps.

Judith – Tu aurais enfin le temps d’écrire ton roman. Tu en parles depuis des années. Comment ça s’appelait, au fait ?

William – « Mémoires d’un amnésique ».

Judith – C’est un bon titre.

William – Malheureusement, depuis le temps, il a déjà été pris.

Judith – Tu pourrais appeler ça « Mémoires d’un...

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