ACTE 1
EPISODE 1 - LE SALON DE L’AUTO
Le brouhaha du salon de l’automobile se fait entendre dans la grande salle de la cité des congrès de Nantes. Marc Castillo, le ministre de l’économie, après avoir profité d’un bain de foule et serré quelques mains, monte à la tribune pour déclamer un discours. (Il fait un signe des mains pour capter l’attention et se lance)
MARC CASTILLO
Bonjour à toutes et à tous ! Alors, je vous rassure: je serais bref. Et oui je vais donner tort à mes détracteurs sur ce point, car j’en suis capable, croyez-moi !
C’est avec une immense joie et beaucoup de fierté que je suis, aujourd’hui, à Nantes pour inaugurer le premier salon de l’automobile mobile, et non, non je ne bégaye pas en disant cela, car en effet il s’installe cette année, et c’est une première, en province, dans la magnifique ville de Nantes. Nous avions à cœur avec Mme Delfond, ministre de la cohésion des territoires, de décentraliser cet événement et de l’organiser, chaque année, dans une ville différente, pour le rendre plus mobile et par ce fait plus accessible aux français. Et c’est aussi l’occasion de rompre avec ce qui pourrait être interprété en province comme du parisianisme dans l’organisation des grands événements, comme celui du salon de l’automobile. Pourquoi n’y avons-nous pas pensé avant? Quoiqu’il en soit, c’est aujourd'hui chose faite et je m’en réjoui. Le président Pompidou disait “L'automobile est le signe de la libération de l'individu” et en effet, il avait raison, c’est une facteur important de l’émancipation d’une nation, l’ouverture à une forme de liberté. Et la France, qui est une nation qui “aime sa bagnole” pour rester dans les citations présidentielles, a su avec agilité adapter son industrie automobile aux contraintes et défis de notre temps, j’entends évidemment par-là, la concurrence du marché international, bien sûr… Mais aussi et surtout à l’enjeu euh… (il tousse) climatique… avec notamment (il tousse) la mise circulation des moteur hybride et électrique (Il tousse) pardon… qui représente aujourd'hui pas moins de 5% du parc automobile français. Voilà… Je suis d’autant plus fier, mais ça c’est à titre personnel, que cette première édition ait lieu à Nantes, car ma femme, Cécile, a fait ses études à Nantes et c’est elle qui m’a initié aux douceurs des Berlingots nantais, je ne parle pas ici de la voiture, qu’on s’entendent bien, Ah Ah ah! Et je peux l’avouer maintenant, cette ville a très certainement participé au succès de notre rencontre, à défaut de la pluie bretonne qui s’invite un peu trop souvent ici quand-même… Je taquine bien évidemment, je taquine ! Et loin de moi l’envie de relancer, ici, des vieilles guerres de clocher ou vous prendre en otage en vous racontant ma vie, je ne vais pas monopoliser plus longtemps les projecteurs qui n’attendent qu’à être braqué sur les véritables vedettes de ce salon, à savoir : les voitures évidemment! Je pense avoir tenu ma promesse et qu’il nous reste un peu de temps pour, si vous le souhaitez, répondre à quelques questions.
(En arrière-plan on aperçoit la cheffe de cabinet du ministre qui fait signe que ça n’est pas une bonne idée. Un mini larsène de micro se fait entendre et la voix d’une journaliste retentit)
JOURNALISTE
Monsieur le ministre, si les français, selon vous, aiment la bagnole comme vous dites, ils aiment aussi la transparence. Pourriez-vous, dans ce sens, nous éclairer sur la récente parution de Médiapart sur l’affaire de dissimulation de patrimoine qui vous met en cause?
(Un léger larsène se manifeste une seconde fois avant de laisser place à un silence un peu gênant)
MARC CASTILLO
Ecoutez… Il y a une autre chose que les français ont à cœur, madame: c’est la présomption d’innocence. J’ai une confiance aveugle en la justice et je sais qu’elle saura me disculper de ces accusations ridicules. D’ici là, je vous prierai de vous concentrer sur le sujet d'aujourd'hui et de quitter votre robe de magistrat du tribunal populaire pour vous recentrer sur votre mission de journaliste…
JOURNALISTE
Vous parlez de notre mission d’informer de manière factuelle la population ou celle de questionner nos élus sur leur intégrité et leur sens du devoir?
MARC CASTILLO
Euh… (Petite toux nerveuse) Alors… Je… Je vais vous dire une chose… Et… Parce que… Bon… Attention, attention avec ce petit ton vindicatif madame… Vous savez…
SYLVIE (Cheffe de cabinet)
(...) Allez allez, merci pour vos questions mais monsieur le ministre est attendu sur les stands et le temps n’est malheureusement pas élastique. Mesdames et messieurs, merci et bonne visite du salon…
(On entend le chahut des appareils photos et les vociférations journalistiques, le chef de cabinet entraîne le ministre dans un endroit calme, il ouvre une porte et la referme - Le bruit extérieur s'atténue au claquement de la porte)
MARC CASTILLO
Écoutes Sylvie, je sais très bien ce que tu vas me dire… Alors ne te fatigue pas ! Et puis ça va, je n’ai plus l’âge de me faire remonter les bretelles comme un écolier dans des arrières cuisines… En plus, j’allais la remettre à sa place, cette petite connasse…
SYLVIE
On ne peut pas, Marc! On ne peut pas se laisser piéger comme ça! Pas en ce moment! Vous n'avez pas le droit de glisser comme ça ! Pas maintenant… C’est une erreur de débutant, ça . Non! Non! (Elle regarde son téléphone) Et merde, bon bah voilà c’est parti…
MARC CASTILLO
Qu’est ce qui est parti? Ça tweete? Déjà? Ce n’est pas vrai? Putain! Ils dégainent plus vite que leurs ombres ces salopards(Il sort, lui aussi, son téléphone mais la cheffe de cabinet lui prend des mains)
SYLVIE
Hop hop hop… Allez, on reste focus sur le salon et on oublie ça. Maître Cougnaud est sur le dossier, on va bien… (Elle observe le ministre qui se gratte nerveusement le cuir chevelu) Ne grattez pas! Après ça vous fait des… des chipsters sur les épaules ! Et puis c’est pas bon, ça ressort à l’image, ça… (Elle frotte les épaulettes du costume du ministre)
MARC CASTILLO
(Il dénoue sa cravate)
J’en peux plus là! J’ai l’impression d’être un cerf traqué pendant une chasse à courre. J’ai beau essayer de faire profil bas ou de me planquer j’ai toujours ces… ces putains de bois, là, qui dépassent des buissons. Vous voyez?
SYLVIE
Oui oui je vois bien. L’image est belle…
MARC CASTILLO
Je ne vais pas pouvoir tenir comme ça longtemps, Sylvie… J’ai l’impression de faire des sauts de cabri, là, pour éviter les bastos.
SYLVIE
Bon à un moment, Marc, les chargeurs seront vides et ils sonneront la fin de la chasse! D’ici là… On rase les bosquets et on ARRÊTE! On arrête de leur offrir des fenêtres de tir ! Entendu? L’objectif c’est qu’ils changent de proie (...)
(Le ministre acquiesce tout en se grattant, Sylvie sort une petite pochette en tissu et la donne discrètement au ministre)
Bon allez, assez parlé “Chasse et pêche” je vais vous laisser dix minutes, pas plus, pour souffler un peu. Allez vous fumer votre p’tit joint de CBD discrètement sur le quai de chargement des cuisines. Je vais temporiser en attendant. Et arrêtez de vous gratter par pitié !(Elle le frotte en soufflant)
MARC CASTILLO
Merci Sylvie…
SYLVIE
Allez Marc, la tête haute (Il se redresse) L'œil vif (Il écarquille les yeux) le sourire conquérant (Il sourit à pleine dents) Le monde est à vous !!!
Il est à qui le monde?
MARC CASTILLO
A moi!
SYLVIE
A qui?
MARC CASTILLO
A moi!
SYLVIE
A qui? A qui? A qui?
MARC CASTILLO
A moi ! A moi! A moi!
SYLVIE
Voilà… Allez demain, il fera beau, Marc… Et ARRÊTEZ DE GRATTER !!
EPISODE 2 - UN INVITÉ
La lumière s’estompe - La musique se lance - Le rideau s’ouvre sur l’intérieur d’un appartement.
(Des sirènes de police retentissent, on aperçoit la silhouette d’Anna dans la pénombre qui pénètre dans l’appart en traînant ce qui semble être le corps d’un homme. Elle l’installe sur une chaise, allume la radio et court à la cuisine chercher des bandages. Elle s’installe en face de lui. Il est inconscient. Elle le recoud et lui bande la tête. Elle ferme la fenêtre pour ne plus entendre les sirènes de police. Elle s’allume une clope et reste là à le fixer)
“Et nous poursuivons cette édition spéciale. Les recherches s’étendent à présent sur plusieurs quartiers du centre-ville de Nantes. Les barrages filtrants qui ont été installés aux abords de la ville dégradent considérablement les conditions de circulation. La place Beauvau a indiquée, il y a quelques heures, qu’une cellule de crise avait été ouverte et qu’une antenne de la DGPN était actuellement en route pour prendre la direction des opérations sur place afin de retrouver au plus vite le ministre Marc Castillo qui, on le rappelle, aurait mystérieusement disparu en fin de journée lors du salon de l'automobile organisé à la cité des congrès de Nantes. Le ministre de l’intérieur rappelle qu’il est encore trop tôt pour parler d’enlèvement mais tout porte à croire, ce soir, que…”
(Anna coupe la radio)
PIERRE
(Il entre dans l’appartement en tenue de cycliste-livreur Deliveroo. en poursuivant une conversation au téléphone, tout en grignotant dans un sac en papier kraft. Il salut Anna et pose son casque de vélo et ses affaires, il ne remarque rien)
Je sais bien que c’était le deal maman mais je ne pense pas que tu te rendes compte du boulot! C’est un vieil appart, faut tout rafraîchir (...) Oui, les peintures sont bientôt finies. On a fini la sous-couche dans la chambre de mamie mais on n’a pas encore évacué le lit médicalisé parce qu'on… Quoi? Quand est-ce qu'ils veulent venir visiter? (...) Cette semaine? Attends, attends, c’est un peu juste là… Je sais bien, je sais bien…
Écoutes, je te garantis rien mais on va essayer de tout cleaner mais c’est pas.... Nos recherches d’appart? Bah… écoute heu… Oui ça avance bien… Moi j’aiiii euh… plusieurs touches…
Oui voilà… Et le travail, bah oui le travail, pareil j’ai eu plusieurs touches aussi mais… Maman je te le redit : un bon infographiste c’est un infographiste qui… (Il attend la réponse) se fait désirer voilà…
Je vais devoir te laisser maman, j’viens de rentrer et… Anna? Oui elle est là… (Anna fait signe que non) Ouiiii bien sûr je te la passe.
(Il lui jette malicieusement son téléphone. Pendant ce temps, il se déshabille et boit sa gourde)
ANNA
Ouiiii maman… Très bien. Voilà… Ok… Je ne sais pas… Hum… Si tu veux… Ok… C’est ça… bisou
(Elle raccroche)
PIERRE
Putain mais comment tu fais toi? Moi elle barbe pendant une heure et toi tu l’expédie en deux secondes! C’est quoi ton arme secrète?
ANNA
Tu es trop laxiste… Si tu ne poses pas un cadre et tu montre une pointe de faiblesse, elles le sentent, les daronnes, et puis après elles s’infiltrent et c’est l’engrenage… Elles viennent te faire la...