John Osborne
d’après le roman d’Oscar Wilde
Le Portrait de
Dorian Gray
(The Picture of Dorian Gray)
Traduction française
de Catherine Romensky et Jean-Joël Huber
Editions du Brigadier
14, rue du Quai - 59800 Lille
Personnages
Basil Hallward
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Lord Henry Wotton
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Dorian Gray
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Lord Fermor
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Lady Agatha
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La duchesse de Harley
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Sir Thomas Burdon
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Mr. Erskine
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Sibyl Vane
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Mrs. Vane, la mère de Sibyl
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James Vane, le frère de Sybil
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Victor, le valet français de Dorian
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Mr. Hubbard, un encadreur
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Francis, le valet de Dorian
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Alan Campbell
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La duchesse de Monmouth
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Deux policiers
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Acte premier
Scène 1
L’atelier de Basil Hallward. Dans un coin, sur un divan de type persan, est assis Lord Henry Wotton. Il fume, comme toujours, d’innombrables cigarettes. Dans une autre partie de la pièce, Basil Hallward est en train de peindre devant un chevalet. Lord Henry est le premier à prendre la parole.
Lord Henry. — Ça ne fait aucun doute, Basil — c’est la meilleure chose que vous ayez jamais faite. Il faudra l’exposer au Grosvenor. L’Académie est un lieu trop grand et trop vulgaire. Chaque fois que j’y suis allé, il y avait soit tellement de monde que je ne pouvais pas voir les tableaux, ce qui était épouvantable, soit tellement de tableaux que je ne pouvais pas voir qui était là, ce qui était encore pire. Le Grosvenor est vraiment le seul endroit possible.
Basil. — À bien y réfléchir, je ne crois pas que je l’exposerai où que ce soit. Non, je ne l’exposerai nulle part.
Lord Henry. — Mon cher ami, pourquoi ? Vous êtes bizarre, vous les peintres ! Vous faites tout votre possible pour acquérir une réputation. Puis, dès que vous en avez une, vous semblez vouloir vous en débarrasser.
Basil. — Je savais que vous vous moqueriez de moi, mais c’est simplement que je ne peux pas l’exposer. J’y ai mis trop de moi-même.
Lord Henry. — Vraiment, Basil, je ne vous savais pas si vaniteux. Et je vous assure que je ne vois pas la moindre ressemblance entre vous, votre visage, et cette créature. Votre visage exprime l’intelligence, et la véritable beauté disparaît là où commence l’intelligence. L’intelligence est en elle-même une sorte d’exagération. Elle détruit, en effet, complètement l’harmonie d’un visage ; on n’est plus qu’un nez, qu’un front, bref quelque chose d’affreux. Regardez les hommes qui se distinguent par leur savoir : ils sont tous laids. Excepté bien sûr les gens d’Église. Mais c’est que, dans
l’Église, on ne pense pas. Un évêque continue à dire à quatre-vingts ans ce qu’on lui a dit de dire quand il avait dix-huit ans, aussi les gens d’Eglise gardent-ils une apparence absolument charmante. Je suis certain que le jeune et mystérieux ami dont vous avez fait ce fascinant portrait illustre mon propos à merveille. C’est une très belle créature sans cervelle, qu’il faudrait toujours avoir à ses côtés en hiver quand nous n’avons pas de fleurs à contempler, et toujours en été, quand nous avons besoin de quelque chose pour rafraîchir notre intelligence. Non, ne vous flattez pas Basil, vous ne lui ressemblez pas le moins du monde.
Basil. — Je le sais très bien. À vrai dire, je serais désolé de lui ressembler. Mieux vaut ne pas être trop différent de ses congénères. Ce sont les laids et les sots qui ont la meilleure part sur cette terre. Ils peuvent prendre leurs aises et assister au spectacle. Quant à nous... Votre rang et votre fortune, Henry ; mon art — quelle que soit par ailleurs sa valeur ; la beauté de Dorian Gray — oh, nous paierons cher les dons que les Dieux nous ont prodigués.
Lord Henry. — Dorian Gray ? C’est donc là son nom ?
Basil. — Oui. Je n’avais pas l’intention de vous le dire.
Lord Henry. — Mais pourquoi donc ?
Basil. — Les gens que j’aime — je ne dis jamais leur nom à personne. Je croirais sinon livrer une partie d’eux-mêmes. J’en suis venu à aimer le secret. C’est, je crois, la seule chose qui puisse commencer à rendre la vie plus mystérieuse ou même plus agréable. Je ne dis par exemple jamais où je vais. Vous devez me trouver un peu toqué ?
Lord Henry. — Pas du tout, mon cher Basil. Vous semblez oublier que je suis marié ; or, le seul charme du mariage est qu’il rend le mensonge absolument indispensable aux deux parties. Je ne sais jamais où est ma femme, et ma femme ne sait jamais ce que je fais. Nous nous racontons les histoires les plus invraisemblables avec le plus grand sérieux. Ma femme est très forte à ce jeu — bien plus que moi.
Basil. — Je crois que vous êtes en réalité un très bon mari, mais que vous avez honte de vos qualités. Vous êtes pétri de contradictions : tout ce que vous dites est immoral, mais vos actes sont irréprochables. Votre cynisme n’est qu’une pose.
Lord Henry. — Être naturel est aussi une pose et la plus irritante que je connaisse. Basil, je veux que vous m’expliquiez pourquoi vous n’exposerez pas le portrait de Dorian Gray. Je veux en connaître la vraie raison.
Basil. — Je vous l’ai dite.
Lord Henry. — Non, vous avez dit que c’était parce que vous y aviez mis trop de vous-même, ce qui est puéril.
Basil. — Harry, je pense que tout portrait qui a une âme est un portrait de l’artiste, plutôt que du modèle. Le modèle n’est qu’un prétexte, un hasard...
Lord Henry. — Je peux croire ce que vous voulez, à condition que ce soit suffisamment invraisemblable...
Basil. — C’est tout simple. Il y a deux mois, j’ai assisté à une réception chez Lady Brandon — vous savez bien que nous, les artistes, devons de temps en temps nous montrer en société, juste pour rappeler au public que nous existons — et bien, j’étais dans le salon depuis une dizaine de minutes, quand j’ai soudain pris conscience que quelqu’un me regardait. Je me suis à moitié tourné et c’est là que j’ai vu Dorian Gray pour la première fois. Quand nos regards se sont croisés, j’ai été envahi par un étrange et terrifiant pressentiment. Quelque chose semblait me dire que ma vie était sur le point d’être bouleversée. Je me suis détourné pour sortir de la pièce. Ce n’était pas par acquit de conscience, mais plutôt par une sorte de lâcheté.
Lord Henry. — Basil, conscience et lâcheté ne sont qu’une seule et même chose. Simplement, le mot conscience sonne mieux.
Basil. — Je ne le crois pas, Harry, et vous non plus d’ailleurs. Cependant, quel que soit mon motif - peut-être était-ce l’orgueil - j’ai essayé de me frayer un chemin jusqu’à la porte. Mais, bien sûr, je me suis fait happer par Lady Brandon : « Vous n’allez pas partir si tôt, Mr. Hallward ? » m’a-t-elle crié de cette voix si particulière qui est la sienne.
Lord Henry. — Elle a effectivement tout du paon, sauf la beauté.
Basil. — Impossible de me débarrasser d’elle. Et soudain, je me suis retrouvé face à face avec le jeune homme dont la — personnalité m’avait si fortement ébranlé. Nous étions tout près l’un de l’autre, si bien que j’ai demandé à Lady Brandon de me présenter à lui.
Lord Henry. — Et comment a-t-elle décrit ce personnage hors du commun ? Elle a l’habitude de traiter ses invités comme un commissaire-priseur traite les biens qu’il met aux enchères. Soit elle les décrit jusque dans les moindres détails, soit elle en dit tout, sauf ce qu’on voudrait en savoir.
Basil. — Vous êtes plutôt dur avec elle, Harry.
Lord Henry. — Mon cher ami, elle a tenté de créer un salon et n’a réussi qu’à ouvrir un restaurant. Comment pourrais-je l’admirer ? Mais, dites-moi, que vous a-t-elle finalement dit ?
Basil. — Oh, quelque chose comme « j’ai complètement oublié ce qu’il fait — j’ai bien peur qu’il — ne fasse rien — oh, si, il joue du piano — ou bien est-ce du violon, Mr. Gray ? » A ce moment, aucun de nous deux n’a pu s’empêcher de rire et nous sommes immédiatement devenus amis.
Lord Henry. — Le rire n’est pas un mauvais moyen pour débuter une amitié, et c’est de loin le meilleur moyen de la terminer.
Basil. — Vous ne comprenez pas l’amitié, Harry. Ni la haine d’ailleurs, pour la même raison. Vous aimez tout le monde, c’est-à-dire que tout le monde vous indiffère.
Lord Henry. — Je choisis mes amis pour leur belle allure, mes relations pour leur belle réputation et mes ennemis pour leur belle intelligence. On n’est jamais trop prudent dans le choix de ses ennemis. Je n’en ai pas un seul qui soit un sot. Ce sont tous des hommes d’une certaine puissance intellectuelle et qui, par conséquent, m’apprécient.
Basil. — En vertu de cette classification, je ne dois être pour vous qu’une simple connaissance, au mieux une sorte de frère éloigné.
Lord Henry. — Oh, les frères ! Je n’aime pas les frères. Mon frère aîné s’obstine à ne pas mourir et mes frères cadets semblent ne faire que ça. (Basil secoue la tête pour montrer qu’il ne croit pas un mot de ce que dit Lord Henry.) Chaque fois que l’on soutient un raisonnement face à un Anglais - ce qui est toujours imprudent - il ne songe jamais à se demander s’il est juste ou faux. Tout ce qui l’intéresse est de savoir si vous y croyez vous-même. Mais passons, j’aime mieux les personnes que les principes. Parlez-moi encore de Dorian Gray.
Basil. — Il est devenu absolument indispensable à mon art — je le vois presque quotidiennement. Je pense parfois qu’il y a seulement deux types d’évènements décisifs sur le plan artistique. Le premier, c’est l’apparition d’un nouveau moyen d’expression ; le deuxième, c’est l’apparition d’une personnalité qui permette d’en révéler la puissance. Dorian Gray est bien plus pour moi qu’un modèle. Croyez-moi, le portrait que j’ai fait de lui est le meilleur travail de ma vie. Jusqu’alors, j’oscillais en permanence entre un réalisme vulgaire et un idéalisme creux. Dorian Gray incarne une nouvelle harmonie. Elle est là, alors qu’elle m’avait toujours manqué.
Lord Henry. — Basil, c’est extraordinaire ! Je dois le rencontrer...
Basil. — Il est la source de mon inspiration. Vous pourriez ne rien voir en lui. Moi, je vois tout. Tout.
Lord Henry. — Alors pourquoi ne pas exposer le portrait ?
Basil. — Parce qu’il pourrait apparaître à certains regards superficiels et indiscrets comme une idolâtrie artistique bien curieuse. Nous vivons à une époque où les gens considèrent l’art comme une forme d’autobiographie. Je ne veux pas de ça, ni pour lui, ni pour moi.
Un temps.
Lord Henry. — Dorian Gray vous aime-t-il beaucoup ?
Basil. — Je crois qu’il a de l’affection pour moi... Même si, de temps en temps, il semble prendre un réel plaisir à me faire souffrir. Je flatte sa vanité.
Lord Henry. — Peut-être vous lasserez-vous avant lui. Le génie dure plus longtemps que la beauté. C’est pourquoi nous prenons tant de peine à accumuler du savoir. Devenir une encyclopédie vivante, voilà l’idéal de l’homme moderne. Comme dans un magasin de bric-à-brac, où chaque objet est affiché à un prix bien au-dessus de sa vraie valeur. Ce que vous m’avez raconté est une histoire d’amour, d’amour artistique j’entends, et comme toute histoire d’amour, elle vous laisse à la fin, désabusé.
Basil. — Pas moi, Harry. Vous ne pouvez pas ressentir ce que je ressens ; vous êtes trop inconstant.
Lord Henry. — Ceux qui sont toujours fidèles ne connaissent de l’amour que son côté prosaïque. Ce sont les infidèles qui en connaissent les tragédies. (Un temps.) Je me souviens maintenant...
Basil. — De quoi ?
Lord Henry. — Du nom. Ma tante, Lady Agatha, m’a dit qu’elle avait découvert un jeune homme merveilleux qui allait l’aider dans ses bonnes œuvres. Elle n’a pas précisé qu’il était beau.
Basil. — Je ne veux pas que vous le rencontriez.
Lord Henry. — Je crois que je le vois arriver. Maintenant, vous allez devoir me présenter.
Basil. — Dorian Gray est une nature simple et belle. N’essayez pas de le pervertir. Pour l’amour de moi, et de mon travail. Rappelez-vous, Harry, je vous fais confiance.
Lord Henry. — Vous dites des sottises ! Allons !
Dorian Gray entre.
Dorian. — Je vous demande pardon, Basil. J’ignorais que vous n’étiez pas seul.
Basil. — Voici Lord Henry Wotton, Dorian. Un vieil ami d’Oxford.
Lord Henry. — Basil vient de me dire à quel point vous étiez un modèle remarquable. Vous êtes aussi, je le crains, une des victimes préférées de ma tante.
Dorian. — Je suis actuellement en disgrâce auprès de Lady Agatha. J’avais promis de l’accompagner à Whitechapel mardi dernier. Et savez-vous quoi — j’ai complètement oublié.
Lord Henry. — Vous semblez sincèrement désolé. Bah, je vais vous réconcilier avec ma tante. Elle vous adore. Et je ne pense pas que vous lui ayez vraiment manqué. Vous êtes bien trop sérieux pour vous adonner à la philanthropie, Mr. Gray. Et bien trop profond.
Lord Henry s’installe sur le divan et ouvre son étui à cigarettes, tandis que Basil prépare ses couleurs et ses pinceaux.
Basil. — Harry, je voudrais finir le portrait aujourd’hui. Pourquoi n’allez-vous pas faire une autre visite...
Lord Henry, à Dorian. — Il semble que je sois devenu indésirable.
Dorian. — Ne partez pas. Basil est seulement dans une de ses humeurs boudeuses. Et j’aimerais savoir pourquoi vous pensez que je ne devrais pas « m’adonner » à la philanthropie.
Lord Henry. — Cela ne vous dérangera pas, Basil, si je reste ? Vous m’avez dit si souvent, que vous aimiez que vos modèles aient quelqu’un avec qui bavarder.
Basil. — Il ne me reste plus qu’à m’incliner. Les caprices de Dorian sont des lois pour tout le monde, sauf pour lui. Restez assis, Harry, et vous, Dorian, montez sur l’estrade et ne bougez pas trop. Et ne prêtez aucune attention à ces propos. Il a une très mauvaise influence sur tous ses amis, sauf moi...
Dorian monte sur l’estrade.
Dorian. — Votre influence est-elle vraiment si mauvaise que ça ?
Lord Henry. — Aucune influence n’est bonne. Se laisser influencer, c’est donner libre accès à son âme. Celui qui se laisse influencer n’est plus lui-même. Ses pensées, ses passions, ses vertus ne sont pas réellement les siennes. Ses péchés même sont des péchés d’emprunt, il joue un rôle qui n’a pas été écrit pour lui. Non, notre raison d’être, c’est de réaliser aussi parfaitement que possible notre personnalité propre. Les gens ont oublié que le plus grand de tous les devoirs, c’est le devoir envers soi-même. Bien sûr, ils pratiquent la charité. Mais leurs âmes sont affamées et nues. Notre espèce a perdu tout courage. Peut-être n’en avons-nous jamais vraiment eu.
Basil. — Dorian, soyez gentil, tournez la tête légèrement à droite...
Lord Henry. — Pourtant, je continue à penser que si un homme pouvait vivre sa vie de manière pleine et entière...
Dorian. — Oui ?
Lord Henry. — ... pouvait donner une forme à chacune de ses pensées, une expression à chacune de ses idées et ainsi de suite, eh bien, le monde pourrait guérir de ses infirmités passées. Nous sommes punis, car nous renions qui nous sommes. On pèche une fois, puis on s’en tient là, alors que l’action est purificatrice. Il ne reste que le souvenir du plaisir. Ou le luxe du regret. C’est dans notre cerveau, et dans notre cerveau seul, que se produisent les plus grands péchés. Vous aussi, Mr. Gray, vous le savez ; vous devez avoir connu des passions qui vous ont effrayé, des pensées qui vous ont rempli d’épouvante... des rêves diurnes et nocturnes dont —
Dorian. — Arrêtez, s’il vous plaît... Il y a certainement une réponse à tout ce que vous dites. Je le sais, mais elle ne me vient pas à l’esprit. Laissez-moi y réfléchir. Ou plutôt non... (Il y a un silence pendant lequel Dorian se tient debout, Basil travaille sur sa toile et Lord Henry observe. Puis :) Basil, je commence à être fatigué de rester debout.
Basil. — Encore un peu —
Dorian. — On étouffe ici. Il faut que je prenne l’air.
Basil. — Je suis vraiment désolé. Lorsque je peins, je ne pense à rien d’autre. Vous n’avez jamais aussi bien posé. Une expression... Je ne sais pas de quoi Harry parlait, mais vous aviez l’air...
Dorian. — Je vous assure qu’il ne m’a pas fait le moindre compliment, si c’est...
Basil. — Quoi qu’il vous ait dit, n’en croyez pas un mot.
Lord Henry. — Pourquoi ne me croirait-il pas ? Basil, il fait terriblement chaud dans l’atelier. Faites-nous porter une boisson glacée, quelque chose avec des fraises.
Basil, concentré sur son travail. — Je vais faire appeler. Je dois d’abord travailler cet arrière-plan. Mais ne retenez pas Dorian trop longtemps. Je ne me suis jamais senti en meilleure forme. Ce tableau sera... ce qu’il est déjà.
Lord Henry et Dorian Gray se dirigent vers un petit espace fleuri, laissant Basil à son chevalet.
Lord Henry. — Il a raison. Vous êtes une créature admirable. Vous en savez bien plus que vous ne croyez ; et bien moins que vous ne désirez savoir. (Dorian ne sait quoi penser.) Il ne faut surtout pas trop vous exposer au soleil. Un teint hâlé ne vous siérait pas.
Dorian, riant. — Qu’est-ce que cela peut bien faire ?
Lord Henry. — Cela devrait avoir une grande importance pour vous.
Dorian. — Pourquoi ?
Lord Henry. — Vous possédez la plus merveilleuse des jeunesses. Et c’est la seule chose qui vaille la peine d’être possédée.
Dorian. — Lord Henry, ce n’est pas ce que je ressens.
Lord Henry. — Ne froncez pas les sourcils, Mr. Gray. La beauté est une forme de génie. Elle lui est même supérieure, puisqu’elle ne nécessite aucune explication. C’est une des grandes merveilles de ce monde. Comme le reflet du soleil sur l’eau ou le passage des saisons. Elle change en princes ceux qui la possèdent. Vous souriez ? Ah, quand vous l’aurez perdue, vous ne sourirez plus... Vous pouvez penser que la beauté est superficielle... mais, pour moi, rien n’est plus superficiel que la pensée. Seuls les esprits superficiels refusent de juger sur les apparences. Le véritable mystère du monde, c’est le visible, et non l’invisible. Oui, Mr. Gray. Les dieux vous ont été propices. Pour le moment. Ne gaspillez pas l’or de vos jours radieux à écouter des fadaises, à fréquenter des ratés et à vous conformer aux faux idéaux de notre temps. Ne gâchez aucune de vos possibilités. N’ayez peur de rien. Notre siècle a besoin de nouvelles perspectives, d’un nouvel hédonisme. Vous pouvez en devenir l’incarnation. Il n’est rien que votre personnalité ne vous...