Les Tontons farceurs

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14 juillet 1962.
C’est l’effervescence au célèbre cabaret Le Glamour. L’affriolante chanteuse Lola-Lola débute un nouveau tour de chant : on affiche complet. Mais stupeur et catastrophe ! Au sous-sol, dans les toilettes tenues par l’acariâtre Pénélope, on découvre un cadavre chez les “Ladies”.
“Il faut absolument le faire disparaître !” hurle M. Dédé, le directeur, affolé, tandis que la salle se remplit… Mais qui est le mort ? Et surtout : qui a commis ce meutre ? La soirée qui débute va se montrer bien plus chaude et agitée que prévu…

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Acte I

Pénélope est assise derrière la table et parcourt un journal de courses. On entend deux coups de pistolet, qui la font sursauter.

Pénélope. – Bah ?… C’était quoi ce boum ?

Maud, en off. – Quoi ?

Pénélope. – Y a eu un boum ! Deux, même.

Maud, en off. – Deux boum ? Vous êtes sûre ?

Pénélope. – Permettez ? Je suis dame pipi, mais quand même, je sais encore compter jusqu’à deux. Et là, y a eu deux boum !

Maud, en off. – C’est le 14-Juillet, je vous rappelle.

Pénélope. – C’est pas encore l’heure du feu d’artifice !

Maud, en off. – Peut-être qu’ils répètent ? (Un petit temps.) Bon, vous êtes prête ?

Pénélope. – Ça dépend. À quoi ?

Maud, en off. – À en prendre plein les mirettes !

Pénélope. – Vous bilez pas ! Je suis assise, il peut rien m’arriver.

Maud, en off. – Alors, j’y vais !… Trois… Deux… Un… Et hop ! (Elle tire le rideau d’un geste théâtral et nous apparaît, vêtue d’une robe fendue ultra-moulante.) Tada ! (Elle tournoie sur elle-même.) Alors, verdict ?

Pénélope. – J’ai pas de mots…

Maud. – Mince ! Pour une pipelette comme vous, c’est mauvais signe !

Pénélope. – Ah non ! Non, au contraire, vous envoyez du bois !

Maud, faisant quelques pas en ondulant des hanches. – C’est vrai ? Vous dites pas ça pour me charrier ?

Pénélope. – Parole ! Même moi, je suis à deux doigts de vous faire du gringue. (L’observant.) Vous êtes un beau p’tit lot, mam’zelle Maud ! Y a de quoi réveiller un eunuque mort, là !

Maud. – Tant mieux, parce que ce soir, c’est le grand jour !

Pénélope. – Quel grand jour ? Le feu d’artifice, les flonflons, tout le barda ?

Maud. – Je vous parle pas de la fête nationale.

Pénélope. – Vous causez de quoi, alors ?

Maud. – De Lola-Lola. Notre vedette se fait une petite angine. Elle est clouée au paddock, avec les amygdales comme des boules de bowling.

Pénélope. – La tuile ! Et pour chanter, comment qu’elle va faire ?

Maud. – Justement, elle va pas faire ! Bye-bye la diva, et… (S’autodésignant.) place aux jeunes ! M. Dédé m’a demandé de prolonger mon numéro pour la remplacer. J’ai droit à deux chansons de plus !

Pénélope, tiède. – Ah ?… Ben, c’est chouette, alors…

Maud. – Cachez votre joie, surtout, Péné !

Pénélope, corrigeant. – Lope ! Pénélope !

Maud. – Lope ou pas lope, vous ne me croyez pas capable de remplacer cette morue ?!

Pénélope. – Elle a un sacré filet de voix, quand même.

Maud, acide, faisant un geste de surpoids. – Ouais, mais c’est comme avec les sardines : y a le filet, mais y a l’huile autour !

Pénélope. – Oh ! vous êtes vache !

Maud. – Moins qu’elle. Si elle continue à bâfrer autant, elle va nous péter l’estrade !

Pénélope. – Bon, donc, c’est votre grand jour ?

Maud. – Ouais, madame ! Y a un producteur, dans la salle, qui se radine exprès pour moi.

Pénélope. – Un producteur ? De spectacles ?

Maud. – Ben oui, pas de céréales !… Ça fait deux fois qu’il vient. Il m’a promis qu’il pourrait faire de moi une vedette.

Pénélope. – Méfiez-vous. Si vous saviez le nombre de fois que j’ai entendu ce refrain ! Des filles belles comme vous, à qui on promettait la lune, et manque de bol, c’était jour d’éclipse !

Maud. – Moi, je crois à ma bonne étoile.

Pénélope, sarcastique. – Ah ça ! Vous risquez de bien la voir, votre étoile, allongée sur le dos, les pattes en l’air !

Maud, haussant les épaules, philosophe. – Faut ce qu’il faut. Y a des fois où c’est nécessaire de se sacrifier, pas vrai ? Et puis, si le type est pas dégueu…

Pénélope, laissant échapper un soupir d’envie. – Oh ! même s’il l’est, hein… (Se reprenant, rouge de confusion.) Pardon ! Qu’est-ce que je raconte, moi ?!

Maud, riant. – Eh ben, dis donc, Pénélope, on se lâche ! On a des fourmis là où je pense, hmm ?

Pénélope, comme pour se défendre. – C’est que ça fait tellement longtemps, mam’zelle Maud !

Maud. – Ah bon ? C’est étonnant, avec la place stratégique que vous occupez !

Pénélope. – C’est-à-dire ?

Maud. – Ben, de là où vous êtes, vous voyez tous les types qui passent en se débraguettant. C’est quand même pitié qu’y en ait pas un seul qui s’arrête pour vous faire un petit plaisir, non ?

Pénélope. – C’est que je craque pas comme ça pour le premier venu, moi ! Je me conserve.

Maud. – Faites gaffe : même les conserves ont des dates de péremption. (Elle rit – seule.) Désolée… M’en voulez pas : j’ai un trac monstre, et je me suis sifflé deux Suze pour décompresser. Je suis légèrement paf !

Pénélope. – Vous inquiétez pas, ça va rouler.

Maud, avisant le magazine. – Vous lisez Paris-Turf ? Vous vous y connaissez en canasson ?

Pénélope, rectifiant. – En cheval, s’il vous plaît ! C’est une bête qui mérite notre respect… Mon vieux disait toujours que c’était « la plus belle conquête des femmes sans hommes » ! J’ai jamais su pourquoi, d’ailleurs.

On entend M. Dédé hurler. Il ne fait que passer au-dessus des marches.

M. Dédé. – Bon, faut buter qui pour avoir un cendrier, dans c’te boîte ?! Je l’écrase où, moi, mon clope ?

Pénélope. – Ah ! v’là le patron ! Et il a l’air d’une humeur à décoller les murs !

Maud, demandant, en confidence. – Eh, entre nous : y a des fois où ça lui arrive d’être aimable ? Parce que ça fait quinze jours que je suis là, et je l’ai pas encore vu balancer un sourire, ce teigneux…

Pénélope. – M. Dédé a son caractère.

Maud, ricanant. – De merde. Son caractère de merde ! Excusez-moi de le dire… Et puis, si encore il payait grassement ! Mais même pas ! Il a des tapettes à souris dans le portefeuille, le sagouin !

Pénélope. – Ça, c’est vrai qu’il est sacrément radin… Mais pour ce qui est de pas sourire, c’est pas sa faute. Il a, comme qui dirait, un petit embarras.

Maud. – Quel genre ?

Pénélope, doucement, après avoir vérifié que personne ne l’entendait. – Il a quatre ratiches en or, et il veut pas que ça se voie !

Maud, s’esclaffant. – Mais non ! Il nous joue sa coquette ?

Pénélope. – On l’appelle Dédé la Dorure, c’est pas pour rien ! C’est plus une mâchoire qu’il a, c’est un stand de bijoutier !

Maud, pensive. – Quatre patates dans la bouche, c’est vrai que ça fait un petit bas de laine…

Pénélope. – Ah ! ben, le jour où il calanchera, sa veuve du moment a intérêt à jouer de la tenaille avant qu’on le mette en boîte !

Maud, riant, complice. – C’est dingue !… Bon, allez, faut que je me remue, j’ai mon mécène qui veut me causer avant le spectacle. (Très star.) Si on me cherche, je me prépare dans ma loge. (Rupture.) Je me maquille aux chiottes, quoi !

Pénélope, riant à son tour. – J’avais compris, merci !

Maud pousse la porte battante des toilettes côté « Ladies », et disparaît. Pénélope, de son côté, passe derrière son rideau. Un court instant, puis un homme en imperméable, avec le col remonté, apparaît en titubant et râlant. Il s’accroche désespérément à la porte battante, et semble mal en point. Maud sort alors précipitamment et, en poussant brusquement la porte, elle envoie dinguer l’homme du côté des « Gentlemen ». Elle ne s’en rend pas compte, et va se planter devant le rideau.

Maud. – Pénélope, j’ai oublié de vous dire !

Pénélope, sortant de derrière le rideau, avec des rouleaux de papier toilette. – Quoi donc ?

Maud. – Ça y est, j’ai enfin échangé deux mots avec les entraîneuses !

Pénélope. – Ah ! très bien ! Et alors ?

Maud. – Y en a une qui m’a l’air très chouette.

Pénélope. – C’est la petite Nadège, certainement. Une chic fille, vraiment ! Et pis, avec une conscience professionnelle en béton ! Une vraie besogneuse ! Elle vous alpague le chaland gentiment, en souriant ; puis elle le dépouille de manière très délicate. Un vrai rayon de soleil, cette fille ! Et avec des goûts simples : une feuille de laitue, un bout de saucisson, elle est aux anges !

Maud. – En revanche, l’autre, j’ai moins accroché.

Pénélope, haussant les épaules avec mépris. – Paloma ? Pff ! De l’export ! Arrivage direct de Rio !

Maud. – Elle est surtout vachement refaite, non ?

Pénélope. – Ah ! ben je sais pas s’il reste encore des pièces d’origine ! Et puis, c’est qu’elle est ingérable, en plus ! Dès qu’elle a un verre dans le nez – c’est-à-dire tout le temps –, ça tape des scandales, ça gueule… en espagnol, en plus, on ne comprend rien…

Maud. – Mais elle n’est pas brésilienne ?

Pénélope. – Ben si, justement ! De toute façon, on n’y comprend rien. Une vraie plaie ! Je sais vraiment pas pourquoi M. Dédé l’a pas déjà foutue dehors.

Maud. – Allez ! On jacte, on jacte, et moi j’ai toujours pas fini le ravalement… (Pénélope lui tend deux rouleaux de papier.) C’est très gentil, mais qu’est-ce que vous voulez que j’en fasse ?

Pénélope, caustique. – M’obligez pas à être grossière !… Vous pouvez les poser chez les « Ladies », please ?

Maud prend les deux rouleaux et retourne chez les « Ladies ».

Maud. – OK, miss, I put it in the water !

Pénélope, restée seule. – Elle a pas inventé la machine à cambrer les bananes, mais elle m’a pas l’air méchante… (Elle retourne derrière son rideau. Quelques secondes plus tard, M. Dédé apparaît. Il se précipite vers la malle et l’examine sous tous les angles. Pénélope revient avec une pile de serviettes sur les bras.) Vous cherchez quelque chose, monsieur Dédé ?

M. Dédé, sursautant en l’apercevant. – Aah !… La vache ! Tu veux me faire péter l’aorte ou quoi ?!

Pénélope. – Vous avez vu cette chaleur ? On va avoir un été terrible.

M. Dédé. – Mais non, c’est moi qui ai poussé le chauffage.

Dans son dos, on voit Maud sortir sans se faire voir de lui, et s’éclipser sur la pointe des pieds en direction de la salle.

Pénélope, incrédule. – Vous avez poussé les radiateurs ? Un 13 juillet ?! Z’êtes branque ou quoi ?

M. Dédé. – Ça fait tourner la boîte, t’occupe…

Pénélope. – Je comprends pas.

M. Dédé. – Plus les clients ont chaud, et plus ils consomment. C’est un vieux truc qu’on apprend dans les écoles hôtelières.

Pénélope. – Parce que vous avez fait une école hôtelière, monsieur Dédé ?

M. Dédé. – Ça te regarde ?!

Pénélope. – En tout cas, c’est peut-être mieux pour le patron, mais c’est horrible pour ses employés. J’ai l’impression de bosser dans un hammam.

M. Dédé. – De quoi tu te plains ? T’es idéalement placée entre deux points d’eau. Dans ce désert, c’est toi la plus près de l’oasis !

Pénélope, après un petit temps. – Dites, monsieur Dédé…

M. Dédé. – Quoi, encore ?

Pénélope. – Le moment est peut-être mal choisi mais…

M. Dédé. – Allez, accouche ! J’ai pas le week-end, non plus !

Pénélope. – C’est que… Y a deux mois, vous m’aviez promis une réponse dans les quarante-huit heures…

M. Dédé. – À propos de quoi ?

Pénélope. – De ma prime de sous-sol.

M. Dédé. – Nan mais t’as sniffé ta Javel, toi, ou quoi ?! Y a pas de prime, ici ! Y en a jamais eu !

Pénélope. – Mais le progrès social, les revendications salariales légitimes, vous en faites quoi ?

M. Dédé. – Je m’en fais un coussin ! Et je m’assois dessus !

Pénélope. – On peut pas discuter, alors ?

M. Dédé. – Si...

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