L’huissier sonne toujours 3 fois.

Ce matin là, Gilbert reçoit un courrier recommandé.
Une lettre du “Ministère de la Morale et des bonnes Moeurs“ lui annonce qu’il a été flashé dans une chambre d’hôtel en compagnie d’une personne avec laquelle il n’avait pas de contrat de mariage et que « sa mauvaise conduite » entraîne la suppression des derniers points de son contrat de mariage…
Un huissier doit venir signifier l’infraction et en informer Juliette, la malheureuse épouse. Gilbert va tenter de manipuler son pote Eric, pour démontrer à sa femme qu’il n’a pas pu se trouver à l’endroit du délit à l’heure indiquée.
Mais Juliette est-elle si malheureuse et surtout si innocente ?
Eric est-il vraiment, comme le croit Gilbert, cet ami naïf et dévoué ?
Et pourquoi Gilbert s’est-il fait flasher avec Brigitte, la meilleure amie non pas de sa femme, mais de sa maîtresse Nathalie ?
Et cet huissier qui débarque à tout bout de champ… N’est-il vraiment dans cette histoire qu’un simple serviteur de la justice ?

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Liste des personnages (5)

GILBERTHomme • Age indifferent
GILBERT – Le mari très volage
JULIETTEFemme • Age indifferent
JULIETTE – La femme de Gilbert.
ERICHomme • Age indifferent
GILBERT – Le mari très volage JULIETTE – La femme de Gilbert. ERIC – Le copain de Gilbert et l’amant de Juliette.
L'HUISSIERHomme • Age indifferent
L’HUISSIER – Spécialisé dans les affaires d’adultères.
NATHALIEFemme • Age indifferent
NATHALIE – N'apparaît que dans la version à 5 personnages.

Décor (1)

DECOR UNIQUEUn salon bourgeois sans excès. Une porte vers la rue, une autre vers l'intérieur de l'appartement.

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ACTE I

 

SCENE 1

Gilbert, Juliette

 

Le rideau s’ouvre. Gilbert est seul sur scène. Il finit de déjeuner prêt à partir au boulot (mallette, costume…). On sonne deux fois.

GILBERT – ça, c’est le facteur. (Au public.) Notre facteur sonne toujours deux fois.

Il va à la porte et sort sur le palier.

LE FACTEUR (Voix off) – Bonjour, j’ai un recommandé pour vous monsieur Michaud.

GILBERT – Un recommandé ? Ah !...

LE FACTEUR – Vous signez là… Voilà !

GILBERT – Merci et bonne journée.

LE FACTEUR – Vous aussi.

Gilbert revient sur scène.

JULIETTE (en coulisses) – Chéri ! C’était quoi ce coup de sonnette ?

GILBERT – Le facteur. Un recommandé.

JULIETTE – Ah ! Et c’est quoi ?

GILBERT – Je sais pas… Attends je regarde. (il lit pour lui-même et le public) “Tribunal d’instance de (Ville de votre choix)………….………., Juge aux affaires conjugales et aux bonnes Moeurs“… Oh merde, ça va pas recommencer !

             Il ouvre et lit. On le voit passer de la stupeur  à la panique.

JULIETTE – Alors, c’est quoi ?

GILBERT – C’est… C’est… Oh rien, c’est l’assurance voiture. Il faut passer déposer une signature pour une nouvelle clause de contrat devenue obligatoire.

Juliette apparaît, prête à sortir. Gilbert range vite fait la lettre dans sa sacoche.

JULIETTE – Si tu veux je peux y passer, c’est à côté du supermarché.

GILBERT – Non, non. Je préfère y aller, je voudrais voir si on peut négocier avec le courtier.

JULIETTE – Comme tu veux. Bon je passe voir ma mère à la maison de retraite, je fais les courses et je suis là vers midi. Et toi ?

GILBERT – J’attends Eric, il doit passer me prendre. On a rendez-vous chez un fournisseur. JULIETTE – A tout à l’heure mon chéri !

Elle l’embrasse et sort. Gilbert, resté seul, regarde par la fenêtre si son épouse est bien partie (on entend la voiture qui démarre et s’éloigne.)

Gilbert téléphone.

GILBERT – Allô… Sylvie ? Oui c’est Gilbert. Ecoute-moi Sylvie, j’ai des emmerd’s, alors tu décommandes tous mes rendez-vous de la journée. .. Oui je sais… Tu dis ce que tu veux, mais que ce soit crédible… M’en fouts ! Invente, invente !... Eric ? Je l’attends d’un instant à l’autre, je le préviens…. C’est ça… Non, non, rien de grave, je viens au bureau dès que c’est arrangé. Voilà, c’est ça Sylvie…. Merci et à plus tard.

Il raccroche et relit la lettre, désemparé.

 

 

 

SCENE 2

Eric, Gilbert

 

             On sonne, il fonce ouvrir et fait entrer son collègue Eric.

ERIC – Alors… En forme ? Parce que négocier nos tarifs avec le père Farnel, ça va pas être une partie de plaisir !

GILBERT – Pas de négociations avec Farnel aujourd’hui.

ERIC – Il a un empêchement ?

GILBERT (il tend la lettre à Eric) – Pas lui. Moi : lis-ça !

ERIC (il lit à voix haute) – Monsieur, vous êtes marié sous contrat n°2002-234-567. Or, le mercredi 11 mai à 15h28, vous avez été flashé dans la chambre 31 de l’hôtel du parc à (ville)………….…. en compagnie d’une personne qui n’est pas Juliette Brémont, épouse Michaud, votre épouse légitime. Cette infraction entraîne le retrait de 2 points sur votre contrat de mariage.

De plus, vous avez été enregistré à 129 pulsations cardiaques par minute, soit 29 pulsations au-delà de la fréquence maximale autorisée dans cet établissement, comme l’indique la signalétique réglementaire apposée à la réception.

Infraction de classe 3 qui justifie la perte supplémentaire de 2 autres points.

A l’examen de votre contrat de mariage, entaché par des infractions antérieures, il s’avère que vous n’avez plus désormais aucun point.

Vous n’avez pas utilisé le délai de 8 jours qui vous était imparti pour contester les faits…

GILBERT – Mais je n’ai rien reçu…. Eh merde ! La semaine en Auvergne avec Juliette : pas de réseau !

ERIC – Eh oui… Donc… (Il reprend la lecture) Pas utilisé le délai de 8 jours qui vous était imparti pour contester les faits qui vous sont reprochés. L’huissier de justice, mandaté pour informer votre épouse de son infortune conjugale, s’est donc présenté à votre domicile à deux reprises, en vain.

Une dernière visite de l’huissier est prévue le 25 mai matin à votre domicile.

A cette occasion, vous pourrez encore produire des témoignages ou des preuves tangibles de votre éventuelle bonne foi. Si votre mauvaise conduite se trouvait avérée, conformément à la loi n° 5678 du 25 octobre 2012, votre épouse sera en droit d’obtenir le divorce, à vos torts exclusifs, en procédure immédiate simplifiée.

Veuillez agréer, blablabla…

Oh merde ! Oh merde !

GILBERT – ça, comme tu dis… Je suis dedans jusqu’au cou !

ERIC – Et… Tu contestes les faits ?

GILBERT – Ben oui… Enfin oui et non !

ERIC – C’est oui ou c’est non ?

GILBERT – Ben je vais contester.

ERIC – Donc c’est une erreur ?

GILBERT – Mais non, j’étais bien à cet hôtel, dans cette chambre…

ERIC – Ben comment tu vas contester alors ?

GILBERT – Justement, il faut que je me débrouille. Tu as vu le courrier, il me faut un témoignage, une preuve… Fausse évidemment.

ERIC – ça va pas être facile s’ils ont une photo.

GILBERT – J’ai lu qu’il y a des avocats spécialisés qui réussissent à interdire la production de la photo au tribunal en cas de contestation.

ERIC – ça devait t’arriver avec toutes tes aventures !

GILBERT – Bon c’est pas le moment hein ! Parce que le 25 mai, la prochaine visite de l’huissier, c’est aujourd’hui ! Ce matin même !

ERIC (vérifiant la date sur sa montre) - Oh la la ! Et… Dis-moi, cette fois… C’était avec qui ?

GILBERT – Ben… Avec euh… Non : tu connais pas ! En attendant j’ai besoin d’aide. De ton aide !

ERIC – A moi ? Mais… Mais comment ?

GILBERT – C’est écrit sur leur courrier là ! Un témoignage, il me faut un témoignage, ton témoignage pour me sortir de là.

ERIC – Mon témoignage ? Pour dire quoi ? Que j’étais assis au pied du lit et que je tenais la chandelle ?

GILBERT -  Mais non réfléchis… Réfléchis mieux…

             Eric retourne visiblement le problème sans trouver la solution jusqu’à ce que…

ERIC – Attends, je vois bien une solution mais c’est pas ça que tu attends de moi hein ?

GILBERT – Eh si !

ERIC – Non ?

GILBERT – Si !

ERIC – Attends… Tu veux que j’aille déclarer que tu n’étais pas avec une femme, mais… Mais avec moi, célibataire, et que  nous couchions toi et moi ensemble à l’hôtel en plein après-midi !

GILBERT – Mais tu fais semblant ou t’es réellement con ?

ERIC – Tu me parles pas comme ça hein ! Surtout si tu veux mon aide. Bon tu veux quoi ?

GILBERT – Mais je te demande de dire que c’est toi qui était dans cette chambre d’hôtel cet après-midi là avec cette femme. C’est pourtant simple !

ERIC – Pourtant simple… T’en as de bonnes toi. Déjà je sais même pas avec qui je suis sensé avoir couché… Et mon permis à moi, hein ? Tu y a pensé ?

GILBERT – Mais tu n’es pas marié et la personne avec qui j’étais est divorcée… Donc tu ne risques aucune pénalité.

ERIC – A part les 2 points de pénalités pour excès de pulsations : 129, t’exagères quand même ! Un jour il t’arrivera un accident.

GILBERT – Bon alors tu es d’accord oui ou non ?

ERIC – J’hésite hein… Si la femme que j’aime découvre demain… Enfin non !... Je veux dire : si une femme que j’aimerai un jour découvre que j’ai perdu mes points…

GILBERT – Toi tu me caches quelque chose… Tu connais une femme et tu es amoureux !

ERIC – Mais non, enfin je sais pas, si, peut-être, et puis non…

GILBERT – Je la connais ?

ERIC – Mais c’est personne, je te dis, il n’y a rien.

GILBERT – Si, si je la connais, je la connais.

ERIC – Oui…

GILBERT – Je sais !

ERIC – Tu sais ?

GILBERT – Sylvie ! Ma secrétaire. J’ai déjà vu comment tu la regardes.

ERIC – Moi ? (Il se met à bégayer.) Je je je… re re regarde Sy sy sy Sylvie ? Et et et  co co co comment que que que je je je la re regarde ?

GILBERT – Eh ! Pas à moi hein. Je te connais… Déjà quand tu passes devant la vitrine du chocolatier, t’as la bouche grande ouverte et quand tu rentres dans le magasin tu bégayes devant le marchand.

ERIC (il semble réfléchir) – …Bon, d’accord… Après tout, va pour Sylvie !

GILBERT – Eh ben voilà ! Ecoute, on trouvera bien une explication pour Sylvie au sujet de tes points si jamais elle venait à devoir en être informée… N’empêche… Sylvie et toi ! Alors là !

ERIC – Ben quoi ! C’est pas toi qui va me la déconseiller non ?

GILBERT – Ah ça non, même que si je n’avais pas déjà perdu quelques points avec elle…. Bon alors ?

ERIC – Alors quoi ?

GILBERT – Tu témoignes pour moi ?

ERIC – Je voudrais bien… Mais…

GILBERT – Mais ?

ERIC – Je peux pas… J’ai déjà plus un seul point moi non plus !

GILBERT – Tu plaisantes là ?

ERIC – Non. Je te le le dis : il me reste que dalle, rien, zéro !

GILBERT – Putain ! J’y crois pas. Au boulot ils sont tous persuadés que t’es puceau.

ERIC – Les salauds !

GILBERT – C’est normal t’as jamais dis à personne que t’avais été marié et divorcé…

ERIC – ça fait plus de 10 ans, j’étais pas encore entré dans la boîte… Pas envie d’en parler !

GILBERT - Et avec l’image que tu te fabriques chaque jour avec insistance, même moi j’ai du mal à te défendre. Ben mon cochon, alors là, tu caches drôlement bien ton jeu !

ERIC – C’est pas un jeu !

GILBERT – Mais j’y pense. C’est pas avec Sylvie que t’as pu perdre des points, vous n’êtes mariés ni l’un ni l’autre…. Ben mon cochon !

ERIC – Non c’est… C’est plus ancien.

GILBERT – Ancien, ancien… Pour être à zéro, c’est quand même 12 points envolés en moins de 2 ans hein !... Ben mon cochon ! Sans compter les fois où tu ne t’es peut-être pas fait flasher… Et avec une femme mariée, enfin… Une ou deux, ou trois ?… Je sais plus très bien maintenant à qui j’ai à faire… Ben mon cochon !

ERIC (ton sec) – Bon, j’ai pas envie d’en parler. Là ! Et… Cesse de répéter “ben mon cochon“ tu veux ?

GILBERT – D’accord, d’accord, t’énerve pas.

 

 

 

SCENE 3

Gilbert, Juliette, Eric

 

Retour soudain de Juliette, pressée.

JULIETTE – Ah ! Eric. Bonjour (Ils se font la bise.)

GILBERT – Ben… T’es déjà là ? T’es pas passée voir ta mère ? Et les courses ?

JULIETTE – Euh non. Je vais y aller. Je me suis aperçue en route que j’avais oublié la carte bleue dans le bureau.

Elle sort vers l’appartement.

JULIETTE (off) – Et vous ? Vous n’êtes pas en rendez-vous ?

GILBERT – Si, si on va y aller. On a juste fait une mise au point sur un dossier. On s’apprêtait à partir. Hein Eric ?

ERIC – Tout à fait.

GILBERT (En confidence à Eric) – Il faut que je sois à la maison ce matin pour attendre l’huissier. Je vais juste faire comme si j’allais bosser et je reviens dans un instant, le temps que Juliette  reparte en courses.

ERIC – Comme tu veux !

GILBERT (à Juliette) – Chérie ! J’y vais, à ce soir ! (A Eric.) Je prends la voiture de la société.

ERIC – Pas de problème. J’ai la mienne ce matin.

Gilbert sort avec sa mallette de travail.

 

 

 

SCENE 4

Juliette, Eric

 

Juliette rejoint Eric sur scène. Ils se regardent un moment, immobiles. On entend la voiture de Gilbert s’éloigner. Ils tombent dans les bras l’un de l’autre.

Leur étreinte passée, Juliette sort une lettre de son sac à main.

JULIETTE – Je n’ai pas oublié ma carte bleue et je ne vais pas chez ma mère. Je viens d’aller chercher un recommandé à la Poste. Regarde… On s’est encore fait flasher !

ERIC – Nous aussi ?

JULIETTE – Comment ça nous aussi ?

ERIC – Non je veux dire : encore ! Mais c’était où et quand ?

JULIETTE – C’était il y presque 15 jours. Tu sais : le matin où on a été à l’hôtel Bellevue….

ERIC (transporté par ce souvenir agréable) – Oh ! La matinée au Bellevue… Oh la la !

JULIETTE – Oui, bon… C’est pas le moment.

ERIC – En tout cas, c’est plus la peine de se faire chier à changer de chambres ou d’hôtels, il y a des radars partout.

JULIETTE – Et c’est pas tout ! L’huissier est déjà passé deux fois à la maison pour informer Gilbert que je le trompe. Comme c’était la semaine dernière, pendant ce foutu séjour en Auvergne… Et tiens-toi bien, l’huissier va revenir et tiens-toi bien…

ERIC – Aujourd’hui je parie ! Ce matin !

JULIETTE – Mais comment tu sais ?

ERIC – Euh… j’ai dit ça comme ça. ça veut dire que l’huissier peut se pointer ici à tout moment.

JULIETTE - Aie, aie, aie ! Nous voilà tous les deux à zéro point ! Tu sais ce que ça veut dire pour moi ?

ERIC – Oui, bon !

JULIETTE – C’est tout ce que ça te fait ?

ERIC – ça va permettre, enfin, de clarifier cette situation avec ton mari.

JULIETTE – Mais tu ne penses qu’à toi !

ERIC – A moi : non ! A nous : oui !

JULIETTE – Et Gilbert, tu y a pensé ? Comment va-t-il prendre la chose quand l’huissier va débarquer pour l’informer ?

ERIC – Je pense qu’il va être sonné, mais moins que tu ne le crois (En aparté au public.) Et qu’il y aura d’autres surprises.

JULIETTE – Son amour va en prendre un coup.

ERIC (au public) – Ben… Son amour propre… ça c’est certain.

JULIETTE – Tu imagines : un huissier qui débarque ici et qui l’informe de… De…

ERIC – De nous.

JULIETTE - Il va en faire une attaque.

ERIC – Je ne crois pas. (En aparté) Quoique 129 pulsations…

JULIETTE – On voit que tu ne le connais pas vraiment !

ERIC – Et je ne suis pas le seul dans ce cas !

JULIETTE – Qu’est-ce que tu insinues ? Toi, tu sais quelque chose que j’ignore sur Gilbert…

ERIC – Euh… Mais non, mais non !

JULIETTE – Tu es sûr ? Je te trouve bizarre ce matin.

ERIC – Il… Il faut que j’y aille. Gilbert va se demander pourquoi je traîne comme ça.

Trois courtes sonneries à la porte d’entrée.

ERIC – Tu attends quelqu’un ?... A part l’huissier ?

JULIETTE – Oh merde… T’as sans doute raison… Je dois ouvrir.

Ils échangent un baiser rapide. Elle sort pour aller ouvrir.

 

 

 

SCENE 5

L’huissier, Eric, Juliette

 

JULIETTE (off) – Monsieur !

L’HUISSIER (off) – Vous êtes bien madame Juliette Michaud ?

JULIETTE (off)  – Oui.

L’HUISSIER (off) – Et bien bonjour madame….Comment dire ? Euh… Je suis chargé de vous entretenir d’une affaire délicate vous concernant.

JULIETTE (off) – Une affaire délicate ? Ah ?

L’HUISSIER (off) – Je crois que nous serions mieux à l’intérieur pour en parler. M’accordez-vous la permission d’entrer ?

Il entre suivi de Juliette.

Permettez-moi de me présenter : Maître Louis Laroque Beaufort, huissier de justice…

L’HUISSIER (à Eric) - Monsieur Michaud, je présume…

ERIC –  Euh… C'est-à-dire que je…

JULIETTE – Vous présumez bien maître : voici mon époux : Gilbert.

ERIC – Hein ? (Coup de coude de Juliette). Euh… Bonjour maître !

Elle tend la main pour lui désigner un siège, l’huissier la saisit et  fait le baisemain.

L’HUISSIER (visiblement mal à l’aise)  – Madame, monsieur, croyez-bien qu’il m’est pénible d’intervenir dans de telles circonstances… Mais, vous savez bien : “dura lex, sed lex !“

ERIC – Pardon ?

JULIETTE – Je sais Maître : la loi !

L’HUISSIER – Et la loi n’est pas toujours bien faite…

JULIETTE – Venez en au fait Maître. Qu’on en finisse !

L’HUISSIER – Soit… Eh bien madame Juliette Brémont, épouse Michaud, j’ai la mission, délicate et désagréable… De… de…

JULIETTE – Maître ! S’il vous plaît ne prolongez pas mon supplice.

L’HUISSIER – Veuillez me pardonner chère madame. (Sensible au charme de Juliette : nouveau baisemain sous les yeux ébahis d’Eric.) Donc il m’échoit de vous informer, madame de la conduite infidèle de votre époux ici présent, monsieur Gilbert Michaud…

JULIETTE – Quoi ? Gilbert ! Il me trompe ? Le salaud !

L’HUISSIER – Je suis désolé madame, mais l’infraction a été dûment constatée et monsieur n’a pas déposé la moindre contestation… (A Eric.) N’est-ce pas monsieur ?

ERIC – Qui ? Moi ? Ah oui ! Enfin non, bien sûr, je n’ai pas contesté !

JULIETTE – L’enfoiré ! (à Eric) Et toi t’étais au courant hein ?

ERIC -  Ben forcément (prenant l’huissier à témoin.) hein maître ?

L’HUISSIER – Forcément puisque c’est votre mari ! Si quelqu’un est au courant… C’est lui.

JULIETTE – Ah oui. Suis-je bête ! Pardonnez-moi maître, l’émotion : je suis désemparée.

L’HUISSIER – On le serait à moins madame. Donc monsieur Gibert Michaud a été flashé le mercredi 11 mai à 15h28 sortant de la chambre 31 à l’hôtel du Parc, 8 avenue de la République à (commune de votre choix) ……

Trop théâtral tout au long de cette scène, Eric campe de façon peu convaincante le rôle du mari infidèle.

ERIC – Euh… Pardonne-moi chérie !

JULIETTE – Jamais ! Et t’étais avec quelle poufiasse, hein ?

ERIC –Ben comment tu veux que je le sache ?

JULIETTE – Comment ça ? Tu veux rien dire hein ? (A l’huissier.) Avec qui ? Dites-le vous !

L’HUISSIER – Désolé, chère madame, mais la loi m’interdit formellement de dévoiler l’identité de la personne qui… qui… qui…. Enfin bref… Qui, qui… Avec votre mari, quoi !

JULIETTE – C’est ça entre mecs, vous jouez la solidarité !

L’HUISSIER – Mais non, je vous assure, c’est la loi… Donc : conduite infidèle de monsieur Gilbert Michaud…

JULIETTE – Le pourri !

L’HUISSIER – Qui, bien que déjà sanctionné à plusieurs reprises….

JULIETTE – Quoi ? C’est un récidiviste et il ne m’a jamais rien dit. Il ne perd rien pour attendre, ce salaud !

Eric, placé derrière l’huissier, fait signe à Juliette, en se désignant du doigt qu’elle doit s’adresser à lui et non parler de son mari à la 3ème personne. Elle rectifie aussitôt.

Gilbert ! T’es un monstre. Me faire ça ! Moi qui t’ai consacré toute ma vie.

ERIC (toujours peu crédible) – Pardon chérie, pardon.

L’HUISSIER – Bien que sanctionné à plusieurs reprises par une perte de points, monsieur Michaud n’a pas pris soin de changer sa conduite…

Juliette fonce sur Eric, stoppée en route par l’huissier.

JULIETTE – Gilbert, je vais t’arracher les yeux… En attendant mieux !

L’HUISSIER – Allons, allons madame, la violence n’arrangera rien. Restons dignes dans la tempête !

JULIETTE – Vous avez raison maître.

             Il lui prend la main et nouveau baisemain.

L’HUISSIER – Lequel Gilbert Michaud se trouve donc aujourd’hui avec un contrat de mariage démuni de tous ses points.

JULIETTE – Pervers ! Avec quelle poufiasse tu m’as fait ça hein ? Et combien ? Une seule ? Deux ? Trois ?... (Elle fonce à nouveau sur Eric,  à nouveau stoppée par l’huissier.)

Allez, réponds ? Tu dis rien hein… Obsédé !

L’HUISSIER – Dans cette situation d’infidélité réitérée de votre mari, vous avez, madame Michaud, la possibilité d’obtenir le divorce, si vous le souhaitez…

JULIETTE – Si je souhaite le divorce ? Elle est con cette question. Je vais quand même pas rester avec ce… cet agité de la zigounette, ce… ce DSK de ligue 2 … Ah oui ! Ah que oui ! Je divorce.

L’HUISSIER – Bien, bien… Donc, le divorce, aux torts exclusifs de monsieur.

JULIETTE –  Ben encore heureux ! C’est quand même pas ma faute, non ?

ERIC – Pardonne-moi ma chérie !

JULIETTE – Jamais !

L’HUISSIER – Aux torts exclusifs de monsieur, en procédure immédiate sur simple signature déposée à l’état-civil de votre mairie.

JULIETTE – J’y vais demain matin !

L’HUISSIER – Bien. Je crois que ma mission s’achève. Si vous voulez bien signer ici pour attester de ma démarche.

Eric et Juliette signent en bas du document.

Mes hommages madame, monsieur !

             L’huissier sort après un dernier baisemain.

 

 

 

 

SCENE 6

Juliette, Eric, Gilbert

 

JULIETTE – Le salaud !... Et toi tu savais ! C’était ça tes sous-entendus tout à l’heure hein ?

ERIC -  Evidemment je savais !

JULIETTE – Mais pourquoi tu m’as rien dit ?

ERIC - C’était surtout pas à moi de le faire. T’aurais apprécié que je me serve de l’infidélité de ton mari ?

JULIETTE – T’as sans doute raison. Je crois que je t’en aurais voulu d’utiliser ça.

ERIC - ça me ressemble pas ! Et puis j’ai d’autres arguments non ?

Il s’approche et la prend dans ses bras.

On entend la porte d’entrée s’ouvrir. Ils ont le temps de prendre une pause convenable avant que Gilbert n’arrive du vestibule.

GILBERT (surpris de voir du monde) – Ah ! Vous êtes encore là tous les deux ?...

JULIETTE – Oui… Mais toi : qu’est-ce que tu reviens faire à la maison ? Tu as oublié

Quelque chose toi aussi ?

GILBERT – Oui, oui… J’ai oublié… Ma mallette…

JULIETTE – Ta mallette ? Mais… Tu l’as sous le bras !

GILBERT (feignant de découvrir sa mallette) – Oh ben merde !

JULIETTE – Monsieur Michaud est bien étrange… Complètement dans la lune ! Monsieur Michaud serait-il amoureux ?

GILBERT – Moi ? Amoureux ? Mais non voyons… Enfin si, bien sûr : de toi ma douce… Comme au premier jour.

JULIETTE (faussement langoureuse) – Oh ! Comme au premier jour ! Comme c’est enivrant ! (Soudain méprisante.) monsieur Michaud !

GILBERT – Mais… Qu’est-ce qui te prend de m’appeler “monsieur Michaud“ ?

JULIETTE – Il me prend que je sais…

ERIC (coupant la parole pour réorienter la conversation) – Oui, Juliette sait que tu as recommencé à jouer au poker.

GILBERT – Hein ?... Mais pas du tout !

JULIETTE – Ah bon ? En plus tu t’es remis à claquer ton pognon, notre pognon ?

GILBERT – En plus de quoi ? Je te jure…

JULIETTE – Ah non ! Ne jure pas !

Trois courtes sonneries à la porte d’entrée.

GILBERT (il regarde sa montre) – C’est qui à cette heure ? Le facteur est déjà passé…

JULIETTE - J’y vais !

Elle sort vers le vestibule.

ERIC – Mais pourquoi t’es revenu ?

GILBERT – Je te l’avais dit : je suis revenu pour attendre l’huissier. Je croyais Juliette partie. Mais qu’est-ce qui t’a pris de remettre sur le tapis cette histoire de poker.

 

 

 

SCENE 7

L’huissier, Gilbert, Juliette, Eric

 

Retour de Juliette, suivie de l’huissier.

L’HUISSIER (à Gilbert) – Bonjour monsieur.

GILBERT – Bonjour ! A qui ai-je l’honneur ?

L’HUISSIER – Maître Louis Laroque Beaufort, huissier de justice. Pardonnez-moi, je suis venu il y a un instant et je n’avais pas réalisé avoir un autre dossier ce matin pour la même adresse.

GILBERT (à Eric et Juliette) – Qu’est-ce qu’il raconte ?

JULIETTE – Ben… Euh… Je sais pas, je suis comme toi.

L’huissier fouille dans sa sacoche.

GILBERT (en aparté au public) – Je suis dans la merde.

JULIETTE (elle prend Eric par le bras et en aparté) – S’il revient… Cette que cette fois, c’est mon tour !

ERIC – Je ne vois, hélas, pas d’autre explication.

GILBERT (il attire Eric dans un autre coin de la scène  et en aparté) – Tu te souviens de ce qu’on a dit hein ? Tu témoignes, tu me sauves la mise !

ERIC (crispé à Gilbert) – On va voir ce qu’on peut faire ! (Au public.) Je vous dis pas la merde !

JULIETTE (résignée) – Bien ! On vous écoute maître.

L’HUISSIER (s’adressant à Eric) – Eh bien monsieur Gilbert Michaud j’ai la mission, délicate et désagréable… De… de…

Juliette sort un mouchoir et prend une mine éplorée. L’huissier la regarde, compatissant.

L’HUISSIER – Veuillez me pardonner chère madame. (Sensible au charme de Juliette : nouveau baisemain sous les yeux ébahis de Gilbert. Puis il se tourne vers Eric.) Donc il m’échoit de vous informer, monsieur Michaud, de la conduite infidèle de votre femme, née Juliette Brémont, ici présente …

GILBERT – Hein ! Quoi ?

L’HUISSIER  -  Croyez bien que je suis vraiment désolé chère madame ! (Il se tourne vers Eric, à ses yeux mari trompé) Monsieur Michaud si vous avez un témoignage pour contester les faits…

GILBERT (à Juliette) – Mais enfin, chérie, dis quelques chose… Dis à cet huissier qu’il s’est trompé d’adresse !

L’HUISSIER – Je suppose, monsieur, que vous êtes de la famille proche ou un ami et votre sollicitude pour la situation de monsieur et madame Michaud vous honore. Mais je pense que c’est à monsieur et madame Michaud de s’exprimer seuls en ces instants difficiles.

GILBERT – Mais justement…

ERIC – Pardonnez maître, j’ai besoin de parler à… A mon beau-frère !

             Eric saisit Gilbert ébahi par le bras et l’entraîne à l’écart

ERIC – Tu m’as demandé de te sauver la mise hein ? Alors tu me fais confiance. Aux yeux de cet huissier, je suis Gilbert Michaud et toi tu es le frère de Juliette, voilà.

GILBERT – Je suis le frère de ma femme ? C’est quoi cette embrouille ?

ERIC – Pas le temps de t’expliquer. Je suis Gilbert et tu es le frangin. OK

GILBERT – OK mais après tu m’expliques hein ?

Eric rejoint l’huissier et Juliette.

 

 

 

SCENE 8

Les mêmes

 

ERIC – Voilà, maître, c’est réglé avec Ange !... C’est le frère de ma femme.

JULIETTE – Oui, oui, oui… Ange, mon frère. (Elle interroge Eric du regard.)

ERIC – La famille de ma femme est d’origine corse. Vous savez comment c’est là-bas... L’honneur de la famille, c’est sacré.

L’HUISSIER – Je vois, je vois très bien même.

L’huissier se met à lire le document officiel, ponctuant ses explications de silences afin de permettre à Eric, supposé mari, de réagir. En vain : Eric conserve un comportement détaché.

Donc conduite infidèle de votre femme, flashée le vendredi 13 mai à 10h07 alors qu’elle sortait de la chambre 12 de l’hôtel Bellevue à (commune de votre choix.)…………………………. Votre femme, qui, bien que déjà sanctionnée à plusieurs reprises… Sanctionnée à plusieurs reprises par une perte de points… N’a pas pris soin de changer sa conduite… Et se retrouve donc aujourd’hui avec un contrat de mariage privé de tous ses points… (Xème regard vers Eric.)

Interloqué par le silence d’Eric, l’huissier sort de sa lecture.

Monsieur, permettez-moi de vous faire part de mon étonnement face à votre calme.

GILBERT (bouillonnant à l’intérieur) – Ah ça ! Comme je vous comprends cher maître.

Eric fait signe à Gilbert de ne pas intervenir.

L’HUISSIER - Si vous saviez comment ce genre de procédure se passe le plus souvent.

JULIETTE – Oh pauvre maître Labreloque Confort !

L’HUISSIER – Laroque Beaufort, madame. Ah si vous saviez ! Des maris qui se mettent à frapper leur femmes, l’autre jour une femme qui a poignardé son mari… Et mes confrères et moi-même, agressés, insultés… Alors que nous n’y sommes pour rien tout de même !

JULIETTE – Pauvre monsieur Laroque Beaufort, quel dure métier, quel courage ! (Nouveau baisemain.)

GILBERT – C’est bien nécessaire le baisemain là ?

             Nouveaux gestes d’Eric pour calmer Gilbert.

JULIETTE - Vous savez, maître, je pense que mon époux est tellement abasourdi par ma conduite inqualifiable qu’il a besoin d’un peu de temps pour réagir.

On voit Gilbert bouillir dans son coin.

L’HUISSIER – Un tel calme… Alors que… Alors…. Une femme comme vous qui, qui…C’est incroyable, invraisemblable ! Comment fait-il ?

JULIETTE – Eh bien il n’y a qu’à le lui demander ! (A Eric.) C’est vrai quoi ! Comment tu fais pour rester aussi calme ? Tu te rends compte quand même que te voilà cocu ? (Placée derrière l’huissier et face à Eric, elle l’exhorte par gestes à jouer le jeu et à s’énerver.) Réagis, fais un effort, merde !

Gilbert regarde ce manège, éberlué.

L’huissier reprend la lecture.

L’HUISSIER – Bon je reprends… Où ça… Voilà ici : donc madame n’a pas pris soin de changer sa conduite…

ERIC (ton insipide) – Vilaine ! (Geste de dépit de Juliette qui aussitôt exhorte Eric par gestes.)

L’HUISSIER - Madame Michaud se retrouve donc aujourd’hui avec un contrat de mariage privé de tous ses points…

ERIC (mièvre) – Si c’est pas une honte ! (Juliette s’énerve du peu de verve d’Eric.)

L’HUISSIER - Situation qui peut vous permettre à vous monsieur d’obtenir le divorce, si vous le souhaitez…

ERIC (toujours mièvre) – Si je souhaite le divorce… Ah oui ! Ah que oui !

JULIETTE – Oh non, non, pas ça !

L’HUISSIER – Bien, bien… Donc, le divorce, aux torts exclusifs de madame…

ERIC (insipide) –  Ben encore heureux ! C’est quand même pas ma faute, non ?

L’HUISSIER – Enfin vu ce dont on a déjà parlé ensemble, je vous conseille quand même d’envisager les torts partagés.

GILBERT (au public) – Je n’y comprends rien, mais alors rien du tout !

JULIETTE – Pardonne-moi mon chéri !

ERIC (pas convaincant) – Jamais !

Gilbert décide de venir en aide à Eric pour lui communiquer sa propre colère.

GILBERT (en colère) – Jamais !

ERIC (s’inspirant de Gilbert mais pas encore convaincu) – Jamais !

GILBERT – Mais non ! Tu n’y es pas là. Ecoute-moi bien… Jamais !

ERIC (prenant sa respiration) – Jamais !

GILBERT (prenant l’huissier à témoin) - C’est mieux hein ?

L’HUISSIER (interloqué) – Euh sans doute, sans doute… Donc, aux torts exclusifs ou partagés, en procédure immédiate sur simple signature déposée à l’état-civil de votre mairie.

Juliette et l’huissier assistent éberlués au jeu qui se met en place entre Gilbert et Eric.

ERIC (il se lâche un peu) – Et comment que je vais signer. La garce !

GILBERT (révolté) – Et comment que je vais signer. La garce !

ERIC (copiant Gilbert à la perfection) - Et comment que je vais signer. La garce !... (Sollicitant l’avis de Gilbert.) Alors ?

GILBERT – Ah oui… C’est mieux là.

JULIETTE – Pardon chéri, pardon !

ERIC (regardant Gilbert pour avoir avis) – Te pardonner ? Te pardonner… Tu rigoles !

GILBERT (prodiguant ses conseils à Eric) – Non ! Non ! Il faut vraiment te mettre en situation. Ecoute : Te pardonner ?... Non mais tu rigoles ! Et là, tu ajoutes : salope !

ERIC – Salope… Tu crois ?

GILBERT – Mais oui : dans ce cas là on dit toujours salope !

Juliette “fait les gros yeux“ à Eric et le met en garde par gestes de l’index.

JULIETTE – Chéri, je t’en prie !

ERIC – Chéri ? Où que t’as vu un chéri ici ? Tu me trompes avec ton mari… Tu voudrais quand même pas…

L’HUISSIER – Avec son amant. Si je peux me permettre, elle vous trompe avec son amant.

ERIC – Ben… J’ai dit quoi ?

L’HUISSIER – Vous avez dit : “elle me trompe avec son mari“

ERIC – Vous voyez elle me rend fou ! (Maladroitement menaçant.) Attends, tu vas voir quand il n’y aura plus de témoin !

L’HUISSIER – Monsieur, je vous en prie ! Votre épouse a certes quelques fautes à se reprocher mais bon… Vous même… (Juliette lui tend une nouvelle fois la main, qu’il embrasse.)

GILBERT (qui pète cette fois les plombs) – Je vais t’en foutre du baisemain moi ! De quoi je me mêle, hein ? Vous venez ici foutre le feu dans notre ménage et maintenant vous voulez éteindre l’incendie ?

             Eric s’interpose entre Gilbert et l’huissier.

ERIC – Voyons Ange… Nous ne sommes pas en Corse, ici c’est le continent.

L’HUISSIER – Bien. Je crois que la situation a pris la tournure normale et habituelle, menaces, insultes et que par conséquent ma mission s’achève. Si vous voulez bien signer ici pour attester de ma démarche.

Gilbert s’approche.

L’HUISSIER – Désolé mais le frère de l’épouse n’a pas à parapher la procédure.

GILBERT (maugréant) – Ah oui… C’est vrai : le frère !

Eric et Juliette signent en bas du document.

L’HUISSIER (prenant congé) – Madame, messieurs.

JULIETTE – Je n’ose pas vous dire “à la prochaine“ ?

Juliette tend la main à plat vers l’huissier qui fait un pas en avant.

GILBERT et ERIC (à l’unisson) – Ah non ! ça suffit maintenant !

L’huissier sort.

 

 

 

SCENE 9

Gilbert, Juliette, Eric

 

GILBERT (un peu agressif) – Bon et ben on m’explique maintenant ?

JULIETTE – Qui commence ? Toi ?

GILBERT – Moi ? Mais… Qu’est-ce que tu veux que j’explique ? Vu ce qu’on vient d’entendre c’est bien à toi de donner des explications sur ton infidélité.

ERIC – Heu… Si je peux me permettre…

GILBERT – Ah non ! Toi tu la fermes… Tiens, tu sais pas là ? Et bien maintenant, c’est à ton tour : c’est toi le frère de Juliette… Tu sais, le Corse….

ERIC – Bon d’accord, mais à mon avis, tu vas pas tarder à me redonner la parole !

GILBERT – Compte là-dessus !

Eric va s’asseoir à l’écart, attentif et prêt à intervenir. Gilbert l’observe.

GILBERT – Attends, t’a beau être mon meilleur pote et mon collègue, tu crois quand même pas que tu vas rester planté là, vautré dans mon canapé pendant qu’on cause des aventures fumeuses de ma femme ?

JULIETTE – Et ben si… Il va rester là !

GILBERT – Et à quel titre s’il te plaît.

JULIETTE – A plusieurs titres. Et pour commencer à celui de…

ERIC – Hum, hum, hum…Au titre de l’ami qui était présent aux côtés de Juliette quand l’huissier est venu pour la première fois.

GILBERT – Pour la première fois ? Tu veux dire que l’huissier était déjà venu avant…

JULIETTE – Oui.

GILBERT – Le même ?

JULIETTE – Oui.

GILBERT (très radouci) – Et… Qu’est-ce qu’il voulait, la première fois… L’huissier ?

JULIETTE – A ton avis ?

GILBERT – Euh… On n’a pas payé le crédit de la maison ?

JULIETTE – Si.

GILBERT – La facture de gaz ?

JULIETTE – Si.

GILBERT – L’assurance auto ?

ERIC – Mais arrête de faire le con !

GILBERT – Toi le Corse, t’as embarqué sur le ferry à Marseille et tu vogues vers Ajaccio !

Eric soupire et  s’allonge sur le canapé.

C’est bien !... Comme ça, allongé sur ton transat, pleine mer, temps calme…

ERIC – Temps calme… Temps calme… (Au public.) ça pourrait ne pas durer..

GILBERT - Tu bronzes et tu la fermes !

JULIETTE – Si on en revenait à la première visite de cet huissier ?

GILBERT (peu convaincu) – Ah, ben oui… quand même !

JULIETTE – Maître Labreloque Machin est un huissier spécialisé dans les procédures d’adultères.

GILBERT – Ah ben oui ! Je suis pas sourd, je l’ai bien entendu m’informer de tes fantaisies extraconjugales.

JULIETTE – Et comme il est venu 2 fois et qu’il est spécialisé, c’est qu’il est venu pour une autre affaire d’adultère.

GILBERT (“dans ses petits souliers“) – Une autre affaire d’adultère ? Ah bon !

JULIETTE – Concernant donc quelqu’un d’autre qui habite ici.

GILBERT (petit silence, le temps de trouver une échappatoire) – … Ta mère !

JULIETTE – Ma mère ! Mais  elle est grabataire ma mère ! Et elle est en pension aux Magnolias depuis 3 mois.

GILBERT – Ah, exact !… Alors qui ?

ERIC – Arrête merde ! Juliette sait tout.

GILBERT (toute petite voix) – Tout… Tout ?

ERIC – Oui, tout tout : l’hôtel du Parc, le flash, les zéro points…

GILBERT – Ah !

JULIETTE – Eh oui 1 partout !

ERIC – Ou plutôt zéro point partout ! Contrat de mariage : pfuit !

GILBERT - (A Eric.) Toi… Le bateau vient d’accoster à Ajaccio, (Il lui indique la porte, en vain.) tu descends sur le quai !… (Silence prolongé et gêné. Puis, il s’adresse à sa femme.) Bon, on fait quoi… Allez, Mamounette ! Balle au centre et on oublie tout ça !

JULIETTE – Ben…

GILBERT – Ben quoi ?

JULIETTE – Y-a un problème.

GILBERT – Ah ?... C’est quoi ?

JULIETTE – Un autre homme dans ma vie.

GILBERT – Je m’en doute un peu… Ecoute Mamounette, tu oublies que j’ai d’autres… Enfin, je veux dire une autre femme, et moi, j’oublie ton autre homme… Et voilà !

JULIETTE – Et voilà !

ERIC (il s’est relevé) – Comment et voilà ?

GILBERT – (A Eric.) Eh ! Oh ! (Il lui montre à nouveau la sortie.) C’est l’heure d’aller visiter la maison de Napoléon ! (A Juliette.) Alors Mamounette ?

JULIETTE – Je ne peux pas oublier. J’aime cet autre homme !

ERIC – (A Gilbert) Ah, tu vois ! Elle l’aime.

GILBERT – Tu… Tu l’aimes ?

JULIETTE – Oui je l’aime.

ERIC – Eh oui !... (Soupir.) Elle l’aime !

GILBERT – Tu l’aimes vraiment ?

ERIC et JULIETTE (à l’unisson) – Vraiment !

GILBERT (A Eric) – Et t’es au courant toi ?

ERIC – Non… Euh enfin oui… Un peu quoi.

GILBERT – Et c’est qui ce type ?

JULIETTE – C’est… C’est …

ERIC – C’est un Corse !

JULIETTE et GILBERT (à l’unisson) – Un corse ?

ERIC – Oui ! … Un docker.

GILBERT – Un docker corse ?

ERIC – Oui, docker sur le port d’Ajaccio.

JULIETTE – Le matin seulement.

GILBERT – Ah ?

ERIC – L’après-midi il fait guide au musée Napoléon.

GILBERT – Un Corse qui travaille le matin ?

JULIETTE – Oui

GILBERT – Et encore l’après-midi ?

ERIC – Oui.

GILBERT – Bizarre !

ERIC – C’est un Corse d’adoption.

GILBERT – Et tu le connais toi ? Tu l’as rencontré ?

ERIC – Moi ? Oh oui !… Enfin finalement juste aperçu, une fois ou deux..

GILBERT (à sa femme) – Mais comment et où t’as pu rencontrer un docker corse le matin et guise touristique l’après-midi ? On n’a jamais été en Corse !

ERIC – Est-ce vraiment important ?

GILBERT (insistant) – Où ?

JULIETTE – Et bien je l’ai rencontré à… A… Sur internet !

GILBERT – J’aurais dû m’en douter ! Une femme seule à la maison avec ce bordel à clavier, vitrine du vice et la fornication… Et tu l’as même jamais vu, ton Corse, je parie ?

ERIC – Mais si !

GILBERT – Ta gueule, je parle à ma femme !

JULIETTE – Mais si, il vient ici pendant ses congés.

GILBERT – Oui bon, une semaine de congés par ci par là…

ERIC – Plus les périodes de grèves des dockers !

GILBERT – Ah merde ! C’est vrai...

ERIC – Du coup, il est là assez souvent.

JULIETTE – Il descend à l’hôtel et c’est là que… Enfin tu vois... Les radars, tout ça quoi !

GILBERT – Et ça dure depuis quand ?

ERIC – Ouh la la !

JULIETTE – Un certain temps.

ERIC – Au moins !

GILBERT – Ah quand même !

JULIETTE – Et toi ?… Mon chéri !

GILBERT – Quoi moi ?

JULIETTE – Et bien tes flashes à toi… Avec qui ?

ERIC – Ah ben lui, ça dépend !

GILBERT – Tu me laisses répondre à ma femme ? Ben moi…

JULIETTE – Oui ?

GILBERT – ça dépend.

ERIC (triomphant) – Ah ! Qu’est-ce que je disais !

GILBERT – Oui, bon… ça va hein !

JULIETTE – Et… ça dépend de qui ? De quoi ?

GILBERT – Des jours où je me suis fait flasher.

JULIETTE – Je vois, je vois…

ERIC (Il peut chanter ou dire le refrain de Pierre Perret : “le représentant en confiture“) -

Le lundi matin avec Yvonne,

Mardi c’est Mélanie,

Le mercredi Momone,

Le jeudi c’est avec Hélèn’

Le vendredi Suzann’

Sam’di Monique

JULIETTE - … et le dimanche avec sa femme.

GILBERT – N’exagérons pas !

JULIETTE – Finalement t’as pas grand-chose à me reprocher, comparé à…

GILBERT – Mais moi c’est moins grave !

JULIETTE – C’est pire !

GILBERT – Mais non, c’est pas de l’infidélité, c’est juste… Comment dire ?

ERIC – Une collection ?

GILBERT – Oui, c’est ça, merci Eric : une collection.

JULIETTE – Mon mari n’est qu’une pauvre victime de son une âme de collectionneur ! Bon Gilbert, je me casse tu entends ! Eric tu peux m’emmener à la gare ?

GILBERT – C’est stupide, tu vas quand même pas…

JULIETTE – Je passerai prendre mes affaires dans quelques jours.

Elle sort. Eric gêné hésite un peu puis sort à son tour.

GILBERT (dépité, il s’affale sur le canapé) – Eh merde !

Le rideau se ferme – On peut faire ici un entracte.

 

 

 

 

ACTE 2

 

SCENE 1

Gilbert, nathalie

 

La sonnette d’entrée retentit. Gilbert arrive sur scène, tenue négligée (pyjama ?) et sort dans le vestibule pour aller ouvrir.

GILBERT (voix off) – Nathalie ! Mais tu es folle de venir ici !

NATHALIE (off)  – Pourquoi ta femme est là ?

GILBERT (off) – Euh… Non ? Mais quand même…

Nathalie entre, suivie de Gilbert.

NATHALIE – “Quand même“ quoi ? Elle doit rentrer, là, maintenant ?

GILBERT – Rentrer ? Euh… Oui, j’espère ! Enfin je veux dire (dépité.)… Euh, non.

NATHALIE – Alors tu vois que j’ai bien fait de passer.

GILBERT – Quand même…

NATHALIE (Elle lui saute au cou) – Oh tu m’énerves avec tes “quand même“.

Elle l’embrasse.

GILBERT – Mais si ma femme avait été là, tu aurais fait quoi ?

NATHALIE – Je sais pas… Je me serais fait passer pour… Pour euh… Si, pour une enquêtrice.

GILBERT – Une enquêtrice ? C’est ça : une enquêtrice !

NATHALIE – Oui, cher monsieur, à la demande d’une grande chaîne d’hôtellerie, notre institut de sondage effectue une enquête sur l’adultère.

GILBERT – Mais c’est n’importe quoi !

NATHALIE – Savez-vous, cher monsieur, que les hôtels SOIFIDEL, lancent une grande campagne promotionnelle à l’intention des couples adultères.

GILBERT – Non ! Mais tu dérailles, Nathalie.

NATHALIE – Deux séjours en chambre double entre 13h et 17h, le troisième offert ! Et… tenez-vous bien : avec fourniture gratuite de 3 préservatifs parfumés au cannabis. La question est donc…

GILBERT – Arrête !

NATHALIE – La question est donc, cher monsieur, combien de fois seriez-vous susceptible d’être intéressé par notre promotion. ?

A : jamais,

B : 1 ou 4 fois par mois,

C : 5 fois par mois ou plus.

GILBERT – Tu sais bien que j’ai horreur d’aller à l’hôtel !

NATHALIE – Avec moi, oui, c’est vrai : tu préfères des endroits plus fantaisistes. Mais… avec une autre ?

GILBERT – Une autre ? Mais quelle autre ?... Ma femme ? Qu’est-ce que j’irais faire à l’hôtel avec Juliette ?

NATHALIE – Ta femme ? Non bien sûr, mais Brigitte ?

GILBERT – Bri… Bri, bri bri… Qui ?

NATHALIE – Brigitte !

GILBERT – Brigitte ? Connais pas !

NATHALIE – Ah bon ! Mais si, voyons, l’hôtel du parc...

GILBERT – L’hôtel du parc ? Il existe un hôtel du parc ? Voyez-vous ça !

NATHALIE – Mais oui l’hôtel du Parc, 8 avenue de la république, souviens-toi… (Gilbert fait celui qui cherche en vain.)(Nathalie sort de sa poche un petit agenda qu’elle consulte.) … Attends… Ah, voilà ! Mercredi 11 mai… 15h28… Brigitte… Chambre 31.

GILBERT – Mercredi 11 mai… 15h28… Ah oui, oui… ça me revient lentement.

NATHALIE – Et avec un flash ça te reviendrait plus vite ?

GILBERT - C’est bon ! D’accord : ton abruti de mari t’a tout raconté ?

NATHALIE – Pas exactement.

GILBERT – Quand je pense que les huissiers sont soumis au secret professionnel !

NATHALIE – En réalité, c’est pas vraiment comme ça…

GILBERT – Secret professionnel, mon cul oui !

NATHALIE – Je te jure que Louis n’y est pour rien !

GILBERT – Tu parles ! Fallait voir sa tronche d’huissier quand il est venu tout à l’heure me déballer les infidélités de ma femme !

NATHALIE – Les infidélités de ta femme ? Ta femme aussi, elle…

GILBERT – J’ai dit ça ? … Mais non, je voulais dire “mes infidélités envers ma femme“.

Bref, tu l’aurais vu, ton mari, faire le baisemain à Juliette et me rabattre plus bas que terre !

Trois courtes sonneries à la porte d’entrée.

C’est quoi ça ? Encore trois coups de sonnettes… Bizarre !

 

 

 

SCENE 2

Gilbert, Nathalie, L’huissier

 

Gilbert sort dans le vestibule pour ouvrir et tombe sur l’huissier (mari de Nathalie).

GILBERT (voix off) – Encore vous !

L’HUISSIER (off) – Désolé cher monsieur, mais je suis d’une étourderie impardonnable. Figurez-vous que…

Gilbert l’interrompt et parle très fort dans le but d’avertir Nathalie de l’arrivée de son mari.

GILBERT (off) – Un huissier étourdi, voyez-vous ça ! Un huissier ! Un huissier, Un huissier !

L’HUISSIER (off) – Euh oui… Donc je disais que plutôt étourdi, j’ai oublié…

GILBERT(off)Un huissier étourdi ! Ah, ah ah ! Elle est bien bonne, étourdi, un huissier !

NATHALIE – Mais qu’est-ce qui lui prend de hurler ainsi ?

Gilbert passe la tête pour voir si Nathalie a compris la situation et la voit campée au milieu du salon. Il lui fait signe de s’esquiver… En vain.

GILBERT (en travers de la porte, continuant à faire des gestes et barrant la route à l’huissier) – Alors comme ça vous êtes huissier ?

L’HUISSIER (off) – Mais oui, huissier… de justice.

GILBERT – Il est huissier de justice, non mais c’est incroyable, non ? Et votre nom c’est comment déjà ?

L’HUISSIER (toujours dehors) – Maitre Louis Laroque Beaufort.

GILBERT – Quel joli nom : “Maître Louis Laroque Beaufort !“

NATHALIE (paniquée) – Louis ! Oh la la, merde !

Elle se dissimule derrière le canapé mais le public devra la voir au moins par intermittence).

GILBERT (il entre enfin, permettant à l’huissier de le suivre) – Mais entrez maître, entrez !

L’HUISSIER – Merci.

GILBERT – Alors qu’allez-vous nous annoncer cette fois ?

L’HUISSIER – Nous ? Vous n’êtes pas seul ? (Il fouille la pièce du regard.)

GILBERT – Mais si, mais si ! Je dis “nous“, c’est façon de parler. Je suis tout à fait seul.

L’HUISSIER – Dommage, car cela concerne plutôt votre sœur, madame Juliette Michaud. (Mine circonspecte de Nathalie.) J’aurais aimé qu’elle soit présente.

GILBERT (agacé) - Alors de quoi s’agit-il cette fois ? Avez-vous surpris notre caniche abusant en levrette le doberman de la concierge dans le local à poubelles ?

L’HUISSIER – Soyez sans inquiétude, c’est beaucoup plus simple cette fois : figurez-vous que j’ai laissé ma grosse chez vous.

Panique et indignation de Nathalie.

GILBERT – Pardon ?

L’HUISSIER – Je dis que j’ai laissé ma grosse chez vous… Quel étourdi je fais !

GILBERT (inquiet, il se positionne entre L’huissier et le canapé) – Mais je vous jure que je suis seul, il n’y a aucune grosse ici.

L’HUISSIER – Voyons, mais qu’avez-vous compris ? La grosse est un document de justice. C’est la copie d'une décision certifiée conforme par le greffier avec valeur exécutoire…

GILBERT (soulagé) – Ah !

L’HUISSIER – C’est un document comme celui que je vous ai remis tout à l’heure. Le langage de la justice, je le sais, est parfois surprenant. Bref, j’aurais du garder un exemplaire de la grosse par devers moi au lieu de vous laisser les deux.

GILBERT (confidence au public) – Une grosse… ça va, deux grosses… (A L’huissier.) Donc, je dois vous restituer mon double de “la grosse“.

L’HUISSIER – C’est cela, oui.

GILBERT – Bien…(Au public, désignant la cachette de Nathalie.) J’ai même l’original s’il veut !

Il part vers un meuble et revient avec le document qu’il  donne à l’huissier. Lequel examine le papier.

L’HUISSIER – Ah ! je crois qu’il y a un problème !

GILBERT – Un problème ?

L’HUISSIER – En effet, vous m’avez remis la grosse qui concerne l’infidélité de votre beau-frère envers votre sœur Juliette…

Tout au long de ce qui quiproquo on voit Nathalie tenter de comprendre, et réagir par gestes et  mimiques aux propos étranges qu’elle entend.

GILBERT – Donc… L’infidélité du mari de ma sœur ?

L’HUISSIER – Oui, vous savez bien…

GILBERT – Ah oui ! Ma sœur et Eric son mari Corse.

L’HUISSIER – Eric ? (vérifiant sur le document qu’il a en main.) Mais non votre beau-frère c’est Gilbert et c’est vous qui êtes Corse, comme votre sœur je présume.

GILBERT – Vous présumez bien, maître. Non mais… Où ai-je la tête ?

L’HUISSIER – Avec toutes ses émotions… Vous qui êtes si attentif aux malheurs de votre charmante sœur.

GILBERT – Oh ça oui !

L’HUISSIER – Bien pour en revenir à l’objet de ma visite, le double que j’ai oublié…

GILBERT –  La grosse !

L’HUISSIER – Exact ! La grosse dont j’ai oublié un exemplaire c’est donc celle qui concerne l’infidélité de votre sœur Juliette envers votre beau-frère.

GILBERT (il parle lentement pour ne pas s’emmêler) – Bien, bien… Résumons … Donc… Il faut le double de la grosse… de ma… ma sœur, au sujet de son infidélité envers mon beau-frère, qui se prénomme Gilbert, et non pas Eric, et qui n’est pas corse.

L’HUISSIER – Tout à fait.

GILBERT –  C’est que ma fem… Ma sœur a emportée ce document avec elle.

L’HUISSIER – Ah ! Et bien vous n’aurez qu’à le lui demander et à me le faire parvenir à mon étude. Mon adresse figure sur le document.

GILBERT –  C’est que je ne sais pas trop quand je vais revoir ma sœur.

L’HUISSIER – Je suppose qu’elle va rentrer ce soir ?

GILBERT –  Pas exactement, avec vos effets d’annonce, elle m’a quitté… Enfin je veux dire elle a quitté mon beau-frère et a fait ses valises.

L’HUISSIER – Donc c’est votre beau-frère qui reste habiter ici ?

GILBERT –  Euh… Oui !

L’HUISSIER – Et vous-mêmes, n’avez pas quitté l’appartement en même temps que votre sœur.

GILBERT –  Euh… Ben… C'est-à-dire que… Non !

L’HUISSIER – Vous restez donc vivre ici… Tous les deux… Vous et votre beau-frère… Je vois, je vois…

GILBERT – Mais… Mais… Qu’allez-vous imaginer ?

L’HUISSIER – Mon métier n’est pas d’imaginer monsieur. Pas de preuve, pas de constat… Cela ne me concerne pas… (Au public.) Enfin… Pas encore !

GILBERT (Pour lui-même) – La galère !

L’HUISSIER – Bien, n’oubliez surtout pas de contacter votre sœur de ma part.

GILBERT –  Pour la grosse, je sais !

L’HUISSIER – Je ne vous dis pas “à bientôt“ ?

L’huissier salue et sort, raccompagné dans le vestibule  par Gilbert.

GILBERT  (off) – Moi non plus, maître. Déjà 3 visites de votre part aujourd’hui…

 

 

 

SCENE 3

Gilbert, Nathalie

 

Nathalie sort de sa cachette.

NATHALIE (au public) – Vous, je sais pas, mais moi, j’ai pas tout compris !

GILBERT (Il revient sur scène) – Et ben ! On a eu chaud ! Tu vois, tu te pointes chez moi la gueule enfarinée, toute confiante et ton mari débarque !

NATHALIE – Bon, d’accord, on est passé tout près ! Mais dis-moi, c’était quoi toutes ces embrouilles ?

GILBERT – Des embrouilles ? Quelles embrouilles ?

NATHALIE – Si j’ai bien suivi les propos de mon huissier de mari, et tu ne les as pas démentis, ta femme est aussi ta sœur, et elle est déjà mariée à un autre homme… Qui se nomme lui aussi Gilbert !

GILBERT (jouant le niais) – Ah bon ? Il a dit ça l’huissier ?

NATHALIE (elle hausse le ton) – Ne me prends ni pour une idiote, ni pour une sourde ! J’ai tout entendu : ta sœur est bigame, toi et elle c’est de l’inceste…

GILBERT – Bigame, inceste ! Mais où tu vas chercher tout ça !

NATHALIE – Ouais et tu n’as rien démenti !... Au contraire ! Tu m’as menti depuis le début ! Même sur tes origines : tu es corse alors que tu m’a toujours affirmé être né à Ploudalmézeau.

GILBERT – Ecoute c’est pourtant simple, enfin non… En vérité, moi-même je n’ai pas encore tout compris.

NATHALIE – La bonne nouvelle c’est que Juliette s’est tirée, la mauvaise c’est que tu te serais aussitôt remis en concubinage avec l’autre mari de ta femme qui es ta sœur… (Elle le toise, méprisante.) Et maintenant tu joues dans “Gilbert et Gilbert“… Pffff… Homo en plus !

GILBERT – Mais tu déconnes là. Tu déconnes ma pauvre Nath !

NATHALIE - Et bien explique-moi, parce que là, franchement…

GILBERT – Et bien voilà… Commençons par le commencement : mon ami Eric s’est fait passer pour moi lorsque ton mari est venu annoncer que j’avais été flashé avec Brigitte.

NATHALIE - Et toi t’as laissé faire ?

GILBERT – Je n’étais pas là ! Je suis arrivé après, lorsque ton mari est revenu la deuxième fois. Tu l’aurais vu ce cocu, comment il jouissait de m’annoncer que je l’étais aussi…

NATHALIE (étonnée et joyeuse) – … Que tu l’étais aussi… Cocu ?... Juliette t’a fait cocu ?... Avec son autre mari, le second Gilbert !

GILBERT – Mais il n’y a pas d’autre Gilbert : je viens de t’expliquer que c’est mon collègue, Eric, qui s’est fait passer pour moi.

NATHALIE (déçue) – Donc tu n’es pas cocu.

GILBERT – Si, mais je ne sais même pas avec qui Juliette…

NATHALIE – Mais c’est merveilleux ! Tu es cocu. Tu es cocu ! (Elle se jette sur lui et l’étreint amoureusement.) Mon cocu adoré !...

GILBERT - Ne retourne pas le couteau dans la plaie, s’il te plaît !

NATHALIE (radieuse) – Mais enfin tu ne te rends pas compte de l’aubaine : tu es Cocu !

GILBERT (en colère) – La salope !

NATHALIE (réjouie) – Je n’aurais jamais cru ça de ta femme.

GILBERT (accablé) – Moi non plus !

NATHALIE – Tu l’a trompes, elle te trompe… Tu es libre.

GILBERT – Libre de quoi ?

NATHALIE – De divorcer et de t’installer avec moi.

GILBERT – Ah ?

NATHALIE – C’est tout ce que ça te fait ?

GILBERT – Ben ça se précipite pas un peu trop ?

NATHALIE – Mais non !... (Songeuse.) J’y pense : si mon mari n’était pas revenu là il y a un instant, tu m’aurais rien dit sur les frasques de ta Juliette !

GILBERT – Ben si tu crois que c’est facile à avouer…

NATHALIE – Quoi ? Que tu es cocu ? Merveilleux je te dis ! Tiens, je suis même prête à oublier la chambre 31, l’hôtel du Parc, Brigitte.

GILBERT – Brigitte… Ah oui, Brigitte !... Mais comment tu sais pour Brigitte, si ce n’est pas ton idiot de mari qui t’a mise au courant ?

NATHALIE – Ben…

GILBERT – Ben quoi ?

NATHALIE – Ben figure-toi que Brigitte est… Une amie.

GILBERT – Une amie… à qui ?

NATHALIE – Ben… A moi !

GILBERT – J’ai couché avec une amie à toi ?

NATHALIE – Oui, ma meilleure amie même.

GILBERT – Attends… J’ai couché avec ta meilleure amie… Par hasard ?

NATHALIE – Par hasard… Par hasard…. Euh…

GILBERT (il l’invite à poursuivre, suspicieux) – Oui…

NATHALIE – Ben… Par hasard… Pas vraiment.

GILBERT – Comment ça “pas vraiment“ ?

NATHALIE – Disons que j’ai un peu arrangé le coup quoi.

GILBERT – Arrangé le coup avec ta meilleure amie. Non !

NATHALIE – Si ! (Gilbert est abasourdi.)... Je pouvais pas organiser le flagrant délit, le flash avec toi et moi sortant de l’hôtel… Tu vois mon huissier de mari découvrir son infortune par lettre du procureur ? Et tous ses collègues au courant ! Sans compter que le divorce à mes torts, j’y perdais trop sur le plan financier.

GILBERT – Mais qu’est-ce qui t’a pris d’imaginer une telle mise en scène ?

NATHALIE – Depuis le temps que tu devais parler à ta femme pour la quitter, je me suis dit que… que… Que tu n’y arriverais jamais. Alors bon… Enfin, tu vois quoi, j’ai voulu t’aider… Un peu !

GILBERT – C’est pas vrai ! T’as joué en douce l’entremetteuse pour que je me fasse sucrer mes derniers points en couchant avec ta meilleure amie.

NATHALIE – Oui ! Et Brigitte a été formidable : elle s’est sacrifiée pour moi !

GILBERT (vexé dans son ego et sa virilité) – Sacrifiée, sacrifiée… (Prenant le public à témoin) Faut quand même pas exagérer non ?... Mais enfin Nath : à quoi tu as pensé ?

NATHALIE (faussement triomphante) – C’est pas une preuve d’amour ça ?

GILBERT – Si, si… Enfin, si l’on veut ! Mais bon, de là à…

NATHALIE (elle se blottit contre lui) – Oh mon chéri !

GILBERT (soupir) – Donc ton mari ne serait au courant de rien ?

NATHALIE – Rien !

GILBERT (moqueur) – Je le vois encore ici, tout à l’heure, déballer avec flegme nos incartades conjugales… Ah le con !

Une sonnerie à l’entrée.

GILBERT – Mais c’est pas possible aujourd’hui !

Il sort dans le vestibule pour aller ouvrir.

 

 

 

SCENE 4

Eric, Gilbert, Nathalie

 

GILBERT (off) – Ah c’est toi ! Entre.

ERIC (off) – J’ai déposé Nathalie. Maintenant que l’huissier est passé faudrait un peu songer à bosser. C’est toi qui a gardé le dossier Farnel, je ne le trouve pas ?

GILBERT (off) – Oui, c’est moi, mais là… Je ne suis pas seul… Bon, après tout… Entre !

Eric entre suivi de Gilbert.

GILBERT – Nath, je te présente Eric, mon collègue et meilleur ami.

NATHALIE – Enchanté Eric. Gilbert me parle beaucoup de vous.

ERIC – Ah ?…Bonjour…

GILBERT – Eric, c’est Nathalie… Ma… Ma… (En aparté à Eric.) Enfin, tu devines quoi !

ERIC  – Euh… Non, oui… Peut-être...

Echange en aparté entre les deux amis.

GILBERT –  C’est elle qui…

ERIC – “C’est elle, qui…“ quoi ?

GILBERT – C’est avec elle que je…

ERIC (Il croit avoir deviné et tout heureux parle à voix haute) – Ah d’accord ! L’hôtel du parc ! C’est avec elle !

NATHALIE (prenant la chose avec humour) – Eh non : perdu ! L’hôtel du parc, ce n’est pas avec moi !

ERIC (paniqué) – Oh merde ! J’ai fait une connerie !

NATHALIE – Mais, non, n’ayez crainte Eric… Je peux vous appeler Eric ?

ERIC – Euh, oui… Bien sûr.

NATHALIE – Merci ! Donc je disais “ne craigniez rien“. Pour l’hôtel du parc je suis déjà au courant.

             Mine rassurée mais aussi  étonnée d’Eric.

GILBERT – Au courant et même plus que ça ! Figure-toi que c’est Nathalie qui a organisé, à mon insu, ma rencontre avec Brigitte, sa meilleure amie.

Mine effarée d’Eric.

C’est une journée riche en émotions hein ?

ERIC – Ouh la la… Oui !

NATHALIE – Brigitte est une fille formidable. Une amie, une vraie, à qui l’on peut tout demander.

GILBERT – Tout… Et même n’importe quoi !

NATHALIE (à Eric) – Vous savez, elle est seule, divorcée, et quand elle a été opérée il y 4 mois, elle est venue passer sa convalescence chez nous, à la maison. Depuis elle ne sait pas quoi faire pour me remercier.

GILBERT – Et elle remercie super bien, je peux te dire… Enfin, non… Je voulais dire…

ERIC – Elle a été opérée il y a 4 mois ?

NATHALIE – Oui,  une vilaine fracture suite à une chute de cheval.

GILBERT – Mais là, elle est bien remise en selle, je vous l’assure.

ERIC (inquiet) – Elle s’appelle Brigitte, elle est divorcée, et elle monte à cheval ? A cheval !

GILBERT – Si ça te pose problème, on peut lui demander de faire plutôt du VTT…

ERIC – Et… C’est quoi son nom à votre amie ?

NATHALIE – Elle a repris son nom de jeune fille : Courbet. Brigitte Courbet.

ERIC – Oh putain ! Oh putain !

GILBERT – Hum… ça, ça m’étonnerait quand même ! C’est vrai qu’elle a des talents, mais de là à penser…

ERIC (il s’affale sur un siège, abasourdi) – Brigitte Courbet !

Nathalie et Gilbert se regardent, surpris par l’attitude d’Eric.

GILBERT (à Eric) – Eh ! ça va ?

ERIC – Mon ex !

NATHALIE – Quoi votre ex ?

ERIC – Brigitte ; c’est mon ex !

GILBERT – Oh putain, oh putain ! J’ai couché avec l’ex de mon meilleur ami, à cause de ma maîtresse qui veut me faire quitter ma femme, qui n’est pas ma sœur !

NATHALIE – Bon, c’est votre ex, soit… C’est pas si grave non ?

GILBERT – Grave non, mais compliqué : oui !

ERIC -  Mais qu’est-ce qui pourrait encore nous arriver aujourd’hui ?

GILBERT – Non mais dans quel monde on vit ! C’est incroyable : tout le monde couche avec tout le monde !

ERIC – Ben, si c’est toi qui dit ça…

GILBERT – C’est pas pour la morale que je dis ça hein, la morale, je m’en fouts…

ERIC – Tu me rassures !

GILBERT – Non mais c’est à cause qu’on ne s’y retrouve plus. Tiens, imagine : tu racontes à ton médecin tout ce qui nous arrive depuis ce matin… Et bien tu peux être sûr qu’il appelle le samu et qu’avant le coucher du soleil tu te retrouves en pension complète aux frais de la sécu.

NATHALIE – L’essentiel est que les choses évoluent dans le sens des sentiments.

ERIC – Ah ça, c’est bien vrai. Regardez : vous deux ! Et Juliette avec… Enfin… Bref !

GILBERT – Au fait… Où t’as déposé Juliette ?

ERIC – Où j’ai déposé…

NATHALIE (agacée) – Mais on s’en fout où il a déposé Juliette.

GILBERT – Euh, oui… Evidemment !

NATHALIE – Ah !

GILBERT – Evidemment qu’on s’en fout… Mais quand même…

NATHALIE – Arrête de dire “quand même“ !

ERIC – J’ai promis à Juliette : top secret !

GILBERT (en colère) – Elle doit être chez son amant !

NATHALIE – Et alors ? Tu es bien avec ta maîtresse !

GILBERT – Attends que je sache qui c’est moi, son amant… Quand je me serai occupé de sa tronche, même  Ribéry à côté, ce sera Alain Delon… Enfin… Alain Delon au temps de sa fraîcheur. Je vais le soigner moi cet enfoiré !

ERIC – C’est pas un enfoiré !

GILBERT – Tu le connais !

ERIC – Mais non !

GILBERT – Si tu le connais, j’en suis sûr !

ERIC – Non !

GILBERT – C’est qui ?

NATHALIE – Puisqu’il te dit qu’il ne le connait pas. Il a dû déposer ta femme à une station de taxi ou un arrêt de bus… Hein Eric ?

GILBERT – Prenez-moi pour un con !

NATHALIE (câline) – Allons Nounours, oublie tout : je suis là moi !

ERIC – Nounours ?

GILBERT – Oui bon… C’est moi.

ERIC – Tu sais Nounours… Je repense à un truc là… Pour ton radar à l’hôtel du parc !

GILBERT – Oui et bien ?

ERIC – Tu voulais que je te sauve la mise devant Juliette en faisant croire que c’était moi qui m’était fait flasher.

GILBERT – Oui… Et alors.

ERIC – Et bien si j’avais joué ton scénario à la con, Nounours, je me serais mis en situation, certes fictive, de recoucher avec mon ex… Brigitte.

NATHALIE – Eh ! ça s’est déjà vu hein. Et plus souvent qu’on ne le croit !

GILBERT – Ce serait même bien… Au lieu de te voir à longueur de temps avec ta gueule d’épagneul en période de fermeture de la chasse.

ERIC – Tu oublies que j’ai quelqu’un dans ma vie.

NATHALIE – Ah c’est bien !

GILBERT – Il dit ça pour qu’on lui foute la paix. Mais en réalité, il est aussi à l’aise dans l’amour qu’un arabo-musulman dans un meeting du Rassemblement National.

ERIC – Pense, ce que tu veux… Nounours !

GILBERT – Non mais t’arrêtes de m’appeler Nounours !

Bruit de la porte d’entrée qui s’ouvre. Quelques secondes puis Juliette apparaît.

 

 

 

SCENE 5

Eric, Gilbert, Nathalie, Juliette

 

GILBERT et ERIC (surpris) – Juliette ?

JULIETTE (ton désolé, à Eric) – ça fait une demi-heure que je t’appelle sur ton portable.

ERIC – Je l’ai coupé. Qu’est-ce qui se passe ?

JULIETTE (à Eric) – Les clés ! Il se passe que t’as oublié de me laisser les clés !

GILBERT – Les clés ? Quelles clés ?

JULIETTE (avisant Nathalie) -  C’est qui elle ?

NATHALIE (défiant Juliette) – Je suis Nathalie.

Eric fait comprendre à Juliette par gestes et mimiques que Nathalie est la maîtresse de Gilbert.

JULIETTE – Nathalie ?... Ah je vois ! Alors c’est vous ! (Elle toise Nathalie avec mépris.)

GILBERT – Oui, bon… Alors les clés ? C’est quoi ce problème de clés ?

JULIETTE (à Eric) – Tu m’as laissée en bas de chez toi, mais sans les clés. Je suis revenue les chercher en taxi.

GILBERT – Comment ça ? (A Juliette.) Tu vas loger chez Eric ?

ERIC (Il sort de sa poche les clés et les confie à Juliette) - Oh merde. Avec toutes ces émotions…

GILBERT – Emotions ? Mais quelles émotions ?

JULIETTE – Sans doute pas celle de t’avoir quitté Gilbert. A propos (à Nathalie.) je tiens à vous remercier pour votre participation active à ce dénouement.

NATHALIE – Et moi, en retour, dois-je remercier Eric ?

GILBERT (à Eric) – Attends… Tu loges simplement Juliette pour la dépanner ou…

ERIC - Tout à fait. Tout à fait, en tout bien tout honneur.

GILBERT (menaçant) – C’est curieux… J’ai comme un doute là !

ERIC -  On se calme Nounours, on se calme !

JULIETTE – Nounours ?

NATHALIE – C’est comme ça que je l’appelle dans l’intimité.

JULIETTE (moqueuse) – Ah c’est bien !... Nounours…

GILBERT (à Eric) –  Mais… Mais t’as qu’un lit chez toi, c’est un studio !

NATHALIE (à Gilbert) – Et alors, Nounours, nous aussi au début…

ERIC (à Gilbert) -  Ah ! Tu vois !

JULIETTE (à Nathalie) – Mais à l’hôtel du Parc, c’était plus confortable je présume ?

GILBERT – Ah oui… Enfin…

NATHALIE – Jamais mis les pieds à l’hôtel du Parc !

JULIETTE (moqueuse à Nathalie) – C’était pas vous l’hôtel du Parc ! J’y crois pas ! Il vous trompe déjà en amenant une fille à l’hôtel !

ERIC – C’est beaucoup plus compliqué !

NATHALIE (défiant Juliette) – En fait j’ai demandé à ma meilleure amie de séduire votre mari, et de se faire flasher avec lui à l’hôtel pour briser votre couple et récupérer Nounours. Alors ? Finement joué non ?

JULIETTE (feignant le mal de tête) – Ouh lala !

ERIC -  Et attends la suite !

GILBERT – Toi, fais-toi discret !

JULIETTE (à Nathalie) – Bravo. Mais  bon… Votre coup a réussi parce que vous avez eu la chance qu’il y ait un radar au bon endroit, au bon moment !

GILBERT – C’est pas de la chance. Elle a des infos sur l’emplacement des radars dans les hôtels : Nathalie… C’est la femme de l’huissier.

JULIETTE – La femme de l’huissier… L’huissier… L’autre là… Louis Labrocante Chose ?

NATHALIE – Oui !

JULIETTE – Oh lala ! ça devient compliqué.

GILBERT – Et c’est pas tout !

ERIC -  La fille de l’hôtel du Parc…

JULIETTE – La meilleure amie de madame ?

GILBERT – Oui

ERIC - C’est Brigitte, mon ex !

JULIETTE – Non !

NATHALIE – Eh si, le monde est petit.

JULIETTE – Comme vous dites... C’est ahurissant. Finalement, cet oubli de clés m’a permis de revenir ici (elle fixe Gilbert.) et en écoutant tout ce déballage d’avoir encore moins de regrets…

Elle s’approche d’Eric et très séductrice l’embrasse.

JULIETTE (voix langoureuse) – A ce soir chéri !

Eric sous le charme est tétanisé.

GILBERT (abasourdi et coléreux à la fois) – Alors cette fois, il n’y a plus de doute !

Il se dirige menaçant vers Eric. Juliette s’interpose avec fermeté.

JULIETTE – Non, il n’y a plus de doute comme tu viens de le dire. Tu n’as que ce que tu mérites. Je n’ai fais depuis 6 mois avec Eric…

GILBERT (il est debout et explose) – Six mois !

JULIETTE – Oui, six mois ! Je n’ai fais depuis six mois avec Eric que te rendre à peine le tiers, le quart, le dixième peut-être, des infidélités que j’ai dû supporter depuis 10 ans. Alors maintenant, tu t’assois et tu m’oublies. (Désignant Eric.) Tu NOUS oublies !

GILBERT (radouci et vaincu) – Mais…

Nathalie prend doucement Gilbert par les épaules et le fait s’asseoir.

NATHALIE – Allons, Nounours, je suis là moi ! Assieds-toi… Doucement, voilà.

JULIETTE – Merci Nathalie. Vous me semblez être la maîtresse avec le caractère trempé qu’il faut pour museler ce chien en rut. Moi j’ai compris trop tard. Je vous souhaite du bonheur et surtout beaucoup de courage.

ERIC – Finalement, je vais peut-être pas rester non plus moi, hein…

Trois courtes sonneries à la porte d’entrée.

 

 

 

SCENE 6

Tous

 

GILBERT – Trois fois… Vous avez entendu ? ça a sonné trois fois : trois !

JULIETTE – Oui bon… C’est pas ça qui va faire exploser la facture EDF !

GILBERT – Vous ne comprenez pas… Trois fois ! L’huissier sonne toujours trois fois !

NATHALIE – Ciel, mon mari !

JULIETTE – Ah non ! Pas cette réplique là, je vous en prie !

NATHALIE – Bon alors… Merde ! Encore ce con !

GILBERT – Ah oui… Là, c’est beaucoup mieux !

JULIETTE – Oui, nettement mieux.

GILBERT (à Juliette) – Tu ne vas pas ouvrir ?

JULIETTE – Moi ? Mais je n’habite plus ici, c’est à toi d’aller ouvrir !

NATHALIE (se dirigeant vers la sortie d’un pas décidé) – Où à moi… Après tout, j’habite ici à partir de cet instant !

GILBERT – Mais voyons Nath… (Trois nouvelles sonneries.)… Tu entends : trois sonneries ! C’est probablement ton mari, tu ne vas quand même pas…

NATHALIE (off) – Nounours ! Je te l’ai déjà dit : arrête de dire “quand même“.

Nathalie est dans le vestibule et ouvre la porte de l’appartement.

L’HUISSIER (off) – Bonjour Nathalie ! Je savais te trouver ici.

NATHALIE (off) – Euh… Bonjour Louis.

L’HUISSIER / LOUIS (off) – Alors… Il t’a déjà mis à la porte ?

NATHALIE (off) – Juste pour venir l’ouvrir Louis.

LOUIS – Bien sûr, bien sûr…

             Il  entre d’autorité sur scène, Nathalie sur ses pas.

Ah je vois, je vois… Je tombe en pleine assemblée générale des adeptes de la roulette russe conjugale. (Regardant Nathalie, fataliste.). Et bien sûr mon épouse… (Aux autres.)  Si vous cherchez une présidente je vous la recommande. Elle a une expérience, je devrais dire des expériences nombreuses et variées, dans le domaine qui est l’objet de votre association. En revanche méfiez-vous d’elle pour le poste de trésorier… Un puits sans fond !

NATHALIE – Louis ! Ta gueule ! Ne commence pas à chercher à impressionner le monde avec ton langage de prétoire.

GILBERT – Et bien… Maître, que nous vaut l’honneur de…

LOUIS - (Il a quelques gestes efféminés montrant ses doutes sur la relation entre Gilbert et Eric) – Voilà ! C’est au sujet de la relation entre vous et votre ami, lui là… (Il désigne Eric.) Le mari de votre sœur Juliette.

GILBERT – Ah non, ça va pas recommencer !

LOUIS – Mais non, je  plaisante voyons. En réalité je sais tout, depuis le début !

GILBERT – Tout ?

LOUIS – Tout je vous dis ! Mais rassurez-vous : tout cela arrange mes affaires et je passais juste pour m’assurer que ma femme n’avait pas l’intention de rentrer ce soir à la maison…

NATHALIE – Pourquoi, t’as changé la serrure ?

LOUIS – J’y pense, j’y pense, figure-toi. Mais pas encore eu le temps ! Tu sais ce que c’est hein : les constats, les saisies, les réunions…

GILBERT – Les grosses !

LOUIS – Exact ! Les grosses. Enfin, le boulot, le boulot… Mais ce soir, j’ai invité une très chère amie à venir passer un moment d’intimité à la maison, alors je ne voudrais pas être dérangé.

NATHALIE – T’as une maîtresse ? Toi ?

LOUIS – Eh oui, chère amie… Que veux-tu ! Tu as fini par dépeindre sur moi.

NATHALIE – Et je m’en réjouis sincèrement. Profite-bien de ta soirée ! Et même plus si affinités.

LOUIS (regardant Nathalie) – Donc je peux être rassuré, j’ai ma soirée libre !

Nathalie acquiesce de la tête.

Merci. Bien (Il regarde sa montre.) permettez-moi de me retirer, je ne voudrais pas faire attendre Brigitte…

ERIC, NATHALIE et GILBERT ensemble – Brigitte ?

LOUIS – Oui Brigitte ! (A Nathalie.) Ta meilleure amie. (A Gilbert.) L’Hôtel du Parc ! (A Eric.) Votre ex, désolé mon vieux !

ERIC – Pas grave !

LOUIS – Je sais.

NATHALIE – Je sais, je sais… Et tu sais quoi au juste.

LOUIS – Tout !

GILBERT – Et vous avez laissé faire… Votre femme, moi…

LOUIS – Mettez-vous à ma place mon vieux !

Ma femme demande à Brigitte, sa meilleure amie, de coucher avec Gilbert.

Brigitte qui est ma maîtresse se confie à moi.

Nous décidons ensemble de jouer le jeu.

Donc Brigitte et Gilbert se font flasher à l’hôtel du Parc.

Donc Juliette quitte Gilbert.

Donc Gilbert est libre.

Donc Nathalie, ma femme, met le grappin sur Gilbert.

Donc je suis libre.

Donc Brigitte peut venir vivre avec moi.

NATHALIE – Mais alors… Brigitte, à l’hôtel du Parc, elle travaillait pour elle… Elle ne s’est pas sacrifiée par amitié !

GILBERT – Et voilà, ça recommence : sacrifiée ! Oh non, qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre !

NATHALIE – Nounours, c’est pas le moment !

LOUIS – Brigitte ? Elle a eu là l’occasion d’arranger nos affaires et en même temps, ça arrangeait  les tiennes. Alors….

GILBERT : Donc si je résume, voyons…. (Il parle lentement avec des silences pour réfléchir afin de ne pas s’emmêler.) Ma maîtresse demande à sa meilleure amie,… laquelle est l’ex-épouse de mon meilleur ami, de coucher avec moi… pour casser mon couple en me faisant flasher par son mari, huissier… qui est l’amant de sa meilleure amie. Ma femme en profite pour se tirer avec mon meilleur ami, qui est son amant et qui devient du coup mon ex meilleur ami.

Au final, je me retrouve avec la femme de l’huissier… l’huissier se retrouve avec l’ex de mon meilleur ami,… lequel se retrouve avec ma femme. Non mais c’est dingue !

ERIC – ça aurait pas été plus simple d’adhérer à un club échangiste ?

JULIETTE (offusquée) – Eric !

ERIC – Je blague chérie !

GILBERT – Chérie ! Vous entendez ? Il l’appelle “chérie“… Un peu de tenue quand même !

NATHALIE – Nounours !

GILBERT – Je sais… Il faut que j’arrête de dire “quand même“… Et bien quand même : un type ferait un film ou une comédie là-dessus, on le prendrait pour un illuminé.

ERIC – Sûr ! On foutrait au panier.

Trois courtes sonneries à la porte d’entrée.

GILBERT (il sursaute, inquiet) – Vous avez entendu ? Trois coups brefs ! L’huissier !

JULIETTE – Mais non voyons, il est déjà là avec nous, l’huissier !

LOUIS – Que voulez-vous ! Je m’emmerdais en coulisses, j’ai eu envie de revenir ...

ERIC – Alors qui ?

LOUIS (malicieux) – Eh, eh ! Peut-être un collègue… Les huissiers sonnent toujours trois fois.

NATHALIE – Ou peut-être simplement le facteur.

GILBERT – Impossible ! Ici, “le facteur sonne toujours 2 fois“, comme au cinéma !

JULIETTE (elle joue la surprise) – Oui mais… Ici… Regardez ! On n’est pas au cinéma !... Regardez là : de chaque côté : les rideaux ! Au-dessus de nos têtes : les projecteurs. Et là… Sous nos pieds : les planches ! On n’est pas au cinéma !

LOUIS – Elle a raison : ce spectacle est bien vivant !

GILBERT (Ebahi) – On est au théâtre !

ERIC – Alors toute cette histoire… C’est que du vent ? (Au public.) Vous voyez ? Et ben cette histoire, c’est totalement imaginaire : que du théâtre ! ça n’a aucune chance de se produire dans la vraie vie. Ouf !

LES 4 AUTRES – Quoique !...

Le rideau final se referme.


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