Acte 1
Le module principal d’un vaisseau spatial. Sʼagissant d’une comédie, on ne s’interdira pas un futurisme kitch façon science-fiction de série Z. Le mur du fond peut être recouvert d’une toile peinte figurant le ciel étoilé visible depuis la baie vitrée. De part et d’autre, deux cloisons, avec d’un côté le terminal de la radio de bord en forme de téléphone muni d’une lampe rouge clignotante, et de l’autre une hachette également rouge derrière une vitre comme dans les trains (avec la mention « à ne briser qu’en cas d’urgence »). Le quatrième mur figure aussi une baie vitrée offrant aux passagers une vue imprenable sur la Terre, la lune et les étoiles, selon la rotation du vaisseau. Côté cour une sortie vers le poste de commandement et le laboratoire, côté jardin une autre vers les cabines. Edouard, debout face aux spectateurs, admire émerveillé le spectacle.
Edouard – C’est incroyable, regardez, Kimberley ! On voit la France !
Kimberley, semblant chercher quelque chose, lance un regard distrait dans sa direction.
Kimberley – Ah, oui... C’est vraiment tout petit...
Edouard – On distingue nettement la côte bretonne, l’estuaire de la Gironde, le bassin d’Arcachon... Pour un peu, on verrait mon yacht ! C’est là qu’il est amarré...
Kimberley – Avec Google Earth, Edouard, vous le verriez. Si je retrouve mon portable...
Edouard – C’est dingue... On a beau savoir que les mappemondes d’aujourd’hui sont strictement fidèles à la réalité, contrairement aux cartes du Moyen-Age qui ne mentionnaient pas l’Amérique... Là on en a la preuve visuelle !
Kimberley – Ne me dites pas que vous avez payé une fortune pour participer à ce vol seulement pour vérifier que l’Amérique existait vraiment ?
Edouard – Mais regardez, on voit même la Corse ! (Il s’approche de la baie vitrée) Ah non... Ça, c’est une chiure de mouche sur le pare-brise... (Il se recule et reprend son observation) La botte, là, c’est l’Italie...
Kimberley (jetant quand même un coup d’oeil) – C’est marrant, d’ici, on ne voit pas du tout les frontières...
Edouard – Vous vous attendiez à quoi ? Les voir dessinées en pointillés comme sur une carte Michelin ? Il paraît qu’à l’époque, on pouvait voir le mur de Berlin, depuis l’espace.
Kimberley – Ah oui, c’est dommage qu’il n’existe plus.
Edouard – Il reste la Grande Muraille de Chine. Ça au moins c’est du solide...
Kimberley – Oui...
Edouard – Et vous ? Pourquoi est-ce que vous avez fait ce voyage, alors ?
Kimberley – C’était le premier prix d’un concours organisé par TF1.
Edouard – Et vous avez gagné ! Bravo !
Kimberley – Il fallait donner le nom de la candidate qui avait été éliminée la veille dans une émission de télé-réalité.
Edouard – Et dire qu’à moi, ce petit voyage dans l’espace m’a coûté un million de dollars...
Kimberley – Bon, après, il y avait un tirage au sort... On était plus d’un million à avoir trouvé la bonne réponse. Mais pour tout vous dire, j’aurais préféré gagner le deuxième prix.
Edouard – C’était quoi ?
Kimberley – Une Twingo.
Edouard – Ah oui...
Kimberley – Mais neuve, hein ! Avec toutes les options : vitres électriques, autoradio, clim... Il fait un peu chaud ici, non ?
Edouard se remet à contempler le spectacle qui s’offre à lui.
Edouard – C’est vraiment incroyable ! Pas besoin de regarder la météo à la télé. Je peux tout de suite vous dire que d’ici une heure, un gros cyclone va dévaster le Nicaragua. Et croyez-moi, ça va faire du grabuge. Qu’est-ce que c’est marrant...
Kimberley, toujours préoccupée par ses recherches, regarde un peu partout dans la cabine, sauf vers la baie vitrée.
Kimberley – Je l’avais dans les mains tout à l’heure. Il ne s’est pas envolé, quand même...
Elle tombe nez à nez avec Igor, le commandant de bord, qui arrive du poste de commandement.
Kimberley (minaudant) – Ah, Igor !
Igor – Vous cherchez quelque chose, Kimberley ?
Kimberley – Oui. Mon iPhone.
Igor (lui tendant son iPhone) – Je l’ai retrouvé qui flottait au plafond dans les toilettes. On a une petite panne du système de gravité artificielle dans cette partie du vaisseau. Je vais essayer de réparer ça...
Kimberley – Ah, merci Commandant !
Igor – Malheureusement, ce n’était pas le seul OVNI qui flottait dans les toilettes... Mais qu’est-ce que vous comptez en faire ?
Kimberley – Ben passer un coup fil !
Igor – Ah, je crois que ça ne va pas être possible, Kimberley.
Kimberley – Dans les avions, c’est seulement au moment du décollage qu’il faut couper son portable, non ?
Igor – Oui. Mais là on est dans une navette spatiale. Vous pouvez toujours rebrancher votre iPhone. Mais ça m’étonnerait fort qu’à 180 kilomètres d’altitude vous captiez un réseau. Ou alors, vous me donnerez le nom de votre opérateur...
Kimberley – Oh, non... Alors ce n’est pas possible de téléphoner pendant toute la durée du... C’est pire qu’au théâtre, alors !
Igor – Désolé...
Kimberley – Ne me dites pas qu’on est totalement coupés du monde !
Igor – Coupés du monde, pas forcément... Disons seulement que dans l’espace, si votre iPhone venait à sonner, ce ne serait pas un terrien au bout du fil...
Le téléphone de Kimberley se met à sonner, et elle répond, interloquée.
Kimberley – Allô ? (Se reprenant) C’est la fonction réveil, j’ai oublié de changer l’heure.
Igor – Il faut reconnaître que quand on est en orbite autour de la Terre, ce n’est pas facile de décider quelle heure il est vraiment.
Kimberley – Mais je ne sais pas moi. En cas d’urgence, par exemple. Alors on ne pourrait même pas appeler les pompiers ?
Igor désigne le terminal mural de la radio de bord.
Igor – En cas d’urgence, nous sommes reliés à la tour de contrôle par la radio de bord. Mais si c’est pour changer un rendez-vous avec votre coiffeuse, j’ai peur que ça ne doive attendre jusqu’à notre retour sur Terre...
Kimberley soupire.
Kimberley – Je ne sais même pas quoi mettre ce soir... C’est une soirée habillée ?
Igor – Moi je viendrai plutôt habillé, mais après, c’est comme vous le sentez...
Kimberley (minaudant à nouveau) – Oh,...