Spéciale Dédicace

Dans une petite librairie, une séance de dédicace se prépare. Charles s’est enfin décidé à publier son premier roman. Tout laisse à penser que ce ne sera pas un best seller. Mais à l’ère d’internet, un miracle est toujours possible…

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Liste des personnages (12)

Charles Homme • Adulte • 175 répliques
L'auteur
Marguerite Femme • Adulte • 32 répliques
La femme de l'auteur
Frédérique Femme • Adulte • 60 répliques
La fille de l'auteur
Vincent Homme • Adulte • 67 répliques
Le gendre de l'auteur
Kevin ou Karla Non genré • Jeune • 64 répliques
Le petit-fils ou la petite-fille de l'auteur
Catherine Femme • Adulte • 38 répliques
La sœur de l'auteur
Alice Femme • Adulte • 113 répliques
La libraire
Gérard Homme • Adulte • 36 répliques
L'inconnu
Alain ou Aline Non genré • Adulte • 23 répliques
Son ex-collègue
Flora ou Florian Non genré • Adulte • 28 répliques
Le (ou le) journaliste
Jacques Homme • Adulte • 26 répliques
L'adjoint au maire
Pauline Femme • Adulte • 28 répliques
La cliente

Décor (1)

Une librairie Une librairie. Au fond des rayonnages. D’un côté une table garnie d’un buffet sommaire. De l’autre une table plus petite, sur laquelle trône une pile de livres.

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Une librairie. Au fond des rayonnages. D’un côté une table garnie d’un buffet sommaire. De l’autre une table plus petite, sur laquelle trône une pile de livres. Charles, l’auteur, la soixantaine élégante, arrive avec dans les mains quelques flûtes à champagne. Il porte une chemise blanche et une veste.

Charles – Ça va peut-être suffire, pour les coupes, non ? On ne va pas être si nombreux que ça…

Alice, la libraire, la cinquantaine, entre à son tour avec à la main un jerricane d’essence. Elle est plutôt belle femme mais son style vestimentaire un peu sévère et son chignon ne la mettent pas vraiment en valeur.

Alice – D’abord ce ne sont pas des coupes, mais des flûtes à champagne. Je m’étonne qu’un homme de lettres comme vous ne soit pas plus rigoureux dans le choix de son vocabulaire…

Charles – Comme ce n’est sûrement pas du vrai champagne non plus…

Alice – Désolée, notre budget communication ne nous autorise pas encore la Veuve Clicquot.

Charles – Qu’importe le breuvage, pourvu qu’on ait l’ivresse… (Il avise alors le jerricane qu’elle tient à la main.) Mais vous ne comptez quand même pas leur servir du super sans plomb ? Sinon, il faut absolument leur interdire de fumer, même dehors…

Alice – C’est du Champomy…

Charles – Du Champomy ?

Alice – C’est comme du champagne, mais c’est à base de pomme. Et bien entendu, sans alcool.

Charles – Ah oui… La dernière fois que j’en ai bu, c’était au goûter d’anniversaire de mon petit-fils, je crois.

Alice – Au moins, si quelqu’un se tue sur la route en repartant, on ne pourra pas nous reprocher de l’avoir saoulé.

Charles – Je reconnais bien là votre optimisme... Mais pourquoi dans un jerricane ?

Alice – Ce serait un peu trop compliqué à vous expliquer… (Il lui lance cependant un regard interrogateur.) Disons que c’est une sous-marque que j’ai achetée en vrac à un ami qui travaille le matin chez un épicier discount et l’après-midi dans une station service…

Charles – Ah oui… C’est en effet beaucoup plus clair pour moi, maintenant...

Alice – Il paraît que c’est aussi bon que le vrai Champomy… Et puis si ce n’est pas aussi bon, ils en boiront moins… Après tout, nous sommes là pour célébrer la parution de votre roman, pas pour picoler.

Charles – Je pense malgré tout qu’il vaudrait mieux ne pas laisser le jerricane directement sur le buffet…

Alice – Vous avez raison. Je dois avoir quelques bouteilles vides à la cuisine…

Alice repart vers la cuisine, et revient avec quelques bouteilles, qu’elle commence à remplir avec le contenu du jerricane.

Alice – Avec le bec verseur, c’est pratique.

Charles – Vous pensez vraiment à tout… J’espère que vous avez aussi pensé à bien rincer le jerricane… Le goût de l’essence, c’est très persistant, vous savez...

Alice – J’ai pris du sirop de cassis, pour faire des kirs.

Charles – C’est une très bonne idée. Ça passera mieux avec du sirop.

Alice – J’ai l’impression de préparer des cocktails Molotov… Ça me rappelle ma jeunesse…

Charles – Tiens donc… Je crois que c’est un épisode de votre vie que vous avez omis de me raconter jusque-là…

Alice – Ce sera pour une autre fois. Nos invités ne vont pas tarder à arriver…

Charles – Vous croyez vraiment que quelqu’un va venir ?

Alice – Sinon, nous noierons notre chagrin dans le jus de pomme…

Charles – Je préfère boire du Champomy frelaté avec vous que du champagne millésimé avec n’importe qui d’autre.

Alice – Même avec votre femme, Charles ?

Petit moment de flottement, mais Charles préfère éluder, et picore une graine dans une coupelle.

Charles – Elles ont un drôle de goût, ces cacahuètes…

Alice – Des grains de maïs salés, c’était moins cher... Mais les Tuc sont absolument authentiques, je vous le garantis.

Charles – Dans ce cas… Que la fête commence !

Kevin, environ dix-huit ans, arrive.

Charles – Ah, bonjour Kevin !

Kevin – Salut Pépé. Ça biche ?

Charles – Alice, je vous présente mon petit-fils. C’est lui qui m’a initié au Champomy, il y a quelques années… Mais vous le connaissez peut-être déjà…

Alice – En tout cas, je n’ai jamais eu le privilège de le voir dans cette librairie…

Charles – Je crois que là, il y a un message subliminal, Kevin.

Kevin – Subliminal ?

Charles – J’emploie volontairement un gros mot par jour quand je lui parle, pour essayer d’enrichir son vocabulaire au-delà de deux cents mots… Ce que voulait dire Alice par ce sous-entendu à peine perceptible, Kevin, c’est que tu ne dois pas souvent ouvrir un livre…

Alice – Que voulez-vous ? Aujourd’hui, les jeunes n’entrent plus dans une librairie qu’une fois par an, en septembre, pour acheter les bouquins au programme. Alors si Proust n’apparaît pas sur la liste des fournitures scolaires avant le bac, ils arrivent à l’université en pensant que c’est un type qui fait du stand-up.

Charles – Du stand-up ?

Kevin – Vous ne devriez pas utiliser des mots si compliqués avec lui… Mais dis donc, Pépé, il n’y a pas foule pour ta séance de dédicace…

Alice – Ça va venir... Charles a quand même pas mal d’amis !

Kevin – Tu as créé un événement ?

Charles – Un événement ?

Kevin – Un événement Facebook !

Charles – Pour quoi faire ?

Kevin – Pour inviter tes amis !

Charles – Mes amis ?

Kevin – Tu as combien d’amis ?

Charles – Je ne sais pas, moi… De vrais amis ? Deux ou trois…

Kevin – Ah d’accord…

Alice – On a juste envoyé quelques faire-part…

Charles – À la famille aussi, bien sûr. Par courrier.

Kevin – Des faire-part à la famille, d’accord… Comme pour un enterrement, quoi…

Alice – Comme pour un baptême, plutôt ! C’est vrai, ce livre, c’est un peu votre bébé, Charles…

Kevin – Mais quand vous dites par courrier… Vous voulez dire par courrier électronique ?

Charles – Par la poste !

Kevin – D’accord... Ambiance vintage, alors.

Alice – Et puis on a mis une affiche sur le mur, évidemment.

Kevin – Le mur Facebook.

Charles – Le mur de la librairie !

Kevin – Bien sûr…

Le portable de Kevin sonne et il répond.

Kevin – Ouais ma poule ? (En s’éloignant) Non, j’étais avec mon pépé, là… Non pas celui-là. Celui que tu connais il est mort il y a trois mois. Mon autre grand-père, celui qui a écrit ses mémoires, tu sais…

Charles (levant les yeux au ciel) – Mes mémoires…

Alice – Heureusement, Charles, vous ne vous prenez pas encore pour le Général de Gaulle.

Kevin (à Charles) – Je repasse tout à l’heure, Pépé, OK ?

Charles – Il tient absolument à m’appeler Pépé, je ne sais pas pourquoi.

Alice – Ça vous va bien…

Kevin (à son interlocuteur téléphonique) – Qui ça, Karim ? Non ? Ah ouais ? C’est cool… Au fait, je t’ai parlé de ma nouvelle appli ?

Il sort. Charles et Alice échangent un regard désabusé.

Charles – Parfois, je me...

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