Un plan
sans accroc !
Une pièce de Vincent FAYET
Personnages :
- Maître Henri Lenoir - avocat véreux et pas très courageux.
- Madame Maria Lenoir - femme de Maître Lenoir, oisive, et dépensière.
- Monsieur François Massac- homme d’affaires, riche et malhonnête.
- Madame Irène Massac- épouse de François Massac, jalouse et dragueuse.
- Emilie - assistante de Maître Lenoir, curieuse et intéressée.
Maître Henri Lenoir est un avocat, plus intéressé par ses parties de golf que ses dossiers. Son réseau lui permet de bien défendre ses clients. Il a pris la succession de son beau-père, lui-même avocat.
Sa femme, Maria Lenoir, est dépensière et oisive.
François Massac est client et ami de Maître Lenoir. Il vient le voir pour ses problèmes avec le fisc. C’est un affairiste dans l’immobilier. Ses affaires sont souvent “borderline”.
Sa femme, Irène Massac, a des soupçons sur la fidélité de son mari. Elle ne serait pas contre le faire payer ses infidélités en le faisant plonger.
Irène Massac et Maria Lenoir sont elles aussi amies.
Emilie, l'assistance de Maître Lenoir, va essayer de tirer parti des turpitudes de M. Massac. Elle a toujours une oreille qui traîne et veut tirer son épingle du jeu.
Décor : Un bureau d’avocat, plutôt moderne. Décoration sur le thème du golf. Deux portes (ou passages) : une entrée et une sortie vers le secrétariat.
Mobilier : Un bureau avec 1 fauteuil et 2 chaises. Une desserte avec verres et bouteilles. Un tapis d'entraînement de golf avec 2 ou 3 clubs de golf…
Acte 1
Scène 1 : Maître Lenoir, Emilie, Maria Lenoir
Maître Lenoir : Emilie, sortez-moi le dossier Paretti, s'il vous plaît.
Emilie : Ah ce pourri de Paretti, c’est vraiment le dernier des truands !
Maître Lenoir : Emilie, je vous interdis de parler comme-ça de mes clients. Bon, j’avoue que ce n’est pas un saint, mais c’est un très bon client, enfin je veux dire un client très “bancable". Et je vous rappelle que ce sont nos clients qui font tourner le cabinet.
Emilie : Je comprends, Monsieur Lenoir, mais, j’ai une certaine éthique, moi, et ça me gêne que vous défendiez des gros salopards comme ce Paretti.
Maître Lenoir : Emilie, c’est encore moi qui vous paie, alors vos leçons de morale, vous les gardez pour vous. C’est bien compris ?
Emilie : Je suis désolée, Monsieur Lenoir. Je garderai mes réflexions pour moi.
Maître Lenoir : Bon ! Ce dossier Paretti, il arrive ou faut-il que j’aille le chercher moi-même ?
Emilie : Oui, oui, ça vient, ça vient…
Maître Lenoir : Voyons-voir… (en potassant le dossier) Cet idiot de Paretti s’est encore mis dans la pétrin jusqu’au cou. Dans quelles affaires est-il encore allé tremper ?
Emilie : Qu’est-ce que je vous disais ?
Maître Lenoir : Emilie !!!
Emilie : J’ai rien dit.
Maître Lenoir : (il prend son portable). Allô…Maître Fouillard ?...Maître Lenoir à l’appareil…Très bien, vous aussi ?...Ah quelle partie de golf dimanche dernier ! Vous avez été phénoménal...Si si, je vous assure…Et ce drive au départ du trou n°6, digne d’un Tiger Wood….Mais non je n’exagère pas, fantastique!...Non, non, ne soyez pas modeste. A charge de revanche ?...Super…Non, ce n’est pas pour ça que je vous appelle, je vous appelle à propos du dossier Paretti…Oui, nous sommes adversaires dans cette affaire…je sais, je sais…Mais l’année dernière, dans l’affaire Rolland, je vous ai arrangé le coup, rappelez-vous…donc cette fois, si vous pouviez me renvoyer l'ascenseur…mais non, ça restera entre nous… promis…Merci Maître Fouillard…Au plaisir, Maître Fouillard. (il raccroche)…Tu parles d’un golfeur ! (il mime en se moquant) Il tient son club de golf comme une poule qui tient une aiguille à tricoter et d’une souplesse dans son swing, le Fouillard ! On dirait qu’il s’est mis un manche à balai dans le…vous m’avez compris !
Emilie : Qu’est-ce que vous êtes moqueur, Monsieur Lenoir !
Maître Lenoir : Mais non, je vous jure. Je n’ai jamais joué au golf avec une bille pareille. Qu’est-ce qu’il ne faut pas raconter pour le flatter.
Emilie : Quel beau parleur vous faites !
Maître Lenoir : En attendant, 2 ou 3 caresses dans le sens du poil et voilà le travail, une affaire rondement menée.
Emilie : Un arrangement entre confrères ! Jouer les faux derch pour faire passer la pilule …. C’est pas joli, joli. Mais c’est le résultat qui compte. Ce n’est pas très honnête, ça Monsieur Lenoir !
Maître Lenoir : Honnête, honnête…gardez vos grands principes pour vous, Emilie.
Entrée de Maria Lenoir
Maria Lenoir : Bonjour chéri.
Emilie : (en aparté) Elle pourrait pas frapper, celle-là ? (à Maria Lenoir) : Et moi, je pue le gasoil ?
Maître Lenoir : EMILIE !
Maria Lenoir : Non, non, laisse chéri. (à Emilie) : Bonjour Emilie, je ne vous avais pas vue. C’est vrai que vous êtes tellement transparente…
Emilie : Ah c’est sûr, vous, on ne risque pas de vous voir à travers !
Maria Lenoir : (voulant en venir aux mains) Non mais je vais la… Henri, retiens-moi ou je lui crève les yeux. Et fais taire cette petite insolente.
Maître Lenoir : Ça suffit toutes les deux, vous n’allez pas recommencer à vous chamailler ! Emilie, retournez à votre travail et toi chérie, tu as besoin de quelque chose ?
Maria Lenoir : Tu peux me donner ta Carte Bleue ?
Maître Lenoir : Pourquoi ? Tu n’as pas la tienne ?
Maria Lenoir : J’ai dépassé le plafond autorisé de la semaine. Avec 1500 € par semaine, on ne fait plus rien. Je n’ai plus rien à me mettre, il faut que je m’achète deux trois trucs.
Maître Lenoir : Encore ? Tu as déjà fait les magasins hier, tu en es revenue plein les bras !
Maria Lenoir : Mais c’est pas la même chose ! Rappelle-toi que nous sommes invités à dîner samedi soir chez le sous-préfet et je ne sais pas quoi mettre. Je ne sais plus comment j’étais habillée lors du dernier dîner et je ne veux pas que la sous- préfète pense que je mets toujours la même toilette. J’ai un rang à tenir. Décidément, tu ne comprends rien à rien aux femmes.
Maître Lenoir : Oh si, je les comprends trop bien justement. T’as qu’à regarder dans ton dressing, il est plein !
Maria Lenoir : Oh ça va ! Fais pas ton radin. Je ne te dis rien quand tu te fais des restos hors de prix, des gueuletons après tes journées au golf.
Maître Lenoir : Mais ça n’a rien à voir ! Et d’une, ce sont des repas d’affaires, et de deux, c’est mon fric, c’est moi qui le gagne, j’en fais ce que je veux.
Emilie : (en aparté) Et tac, prends ça dans ta gueule !!!
Maître Lenoir : EMILIE !
Emilie : J’ai rien dit.
Maria Lenoir : Ton fric, ton fric ! Si je ne t’avais pas épousé et refilé le cabinet de papa, tu serais resté gratte-papier aux archives de la ville de Charleville-Mézières, alors …
Maître Lenoir : C’est bon, c’est bon. Tiens, là voilà ma Carte Bleue.
Maria Lenoir : Merci mon amour. (Elle s’en va).
Emilie : Ohhh, que c’est beau l’amour ! Vache !
Scène 2 : Maître Lenoir, Emilie, François Massac
Maître Lenoir s’entraîne au putting (golf). Sonnerie porte d’entrée.
Maître Lenoir : Allez ouvrir, Emilie.
Emilie : Bien Monsieur. (Elle revient) C’est Monsieur Massac.
Maître Lenoir : Et bien, faites-le entrer, vous n’allez pas le laisser à la porte. En plus, vous savez bien que François est un ami.
Emilie : Un ami et lui aussi, un sacré tru… (truand)
Maître Lenoir : EMILIE !
Emilie : J’ai rien dit…J’y vais.
Emilie fait rentrer François Massac, un dossier sous le bras. Elle ne cesse d’entrer et sortir, pour faire on ne sait quoi, toujours dans l’idée de laisser une oreille traîner…
Maître Lenoir : Salut François, comment vas-tu ?
François Massac : Salut Henri. Ca va mal, mal, mal ! Si je viens te voir ici, forcément c’est que ça va pas, ça va pas du tout.
Maître Lenoir : Bon ! Assieds-toi. Tu veux un verre ? Whisky, Cognac ?
François Massac : Ce que tu as de plus fort. Ton Whisky 12 ans d'âge. Tu m’en mets un double.
Maître Lenoir : Je vois, je vois. En effet, ça ne doit pas aller bien fort. Qu’est-ce qui t’arrive encore ?
François Massac : Le fisc, encore le fisc. Tu crois pas qu’on ne leur en donne pas suffisamment ? Ils sont “Monsieur Plus” ! Ils leur en faut toujours plus, c’est jamais assez. Mais dans quel pays vit-on ? Plus tu gagnes du pognon, plus il faut leur en donner !
Maître Lenoir : C’est un peu le principe, quand-même. Si tu gagnes de l’argent, c’est bien normal de payer des impôts.
François Massac : Non, mais là, ils exagèrent ! Ils te font la peau, ils te mettent sur la paille.
Maître Lenoir : Humm…tu exagères pas un peu ? Tu ne réussiras pas à me faire pleurer. Tu ne vas pas me dire qu’il ne t’en reste pas ?
François Massac : Ouais, d’accord. Mais enfin, quand-même ! Et toi, tu paies beaucoup d’impôts ? Combien tu leur donnes par an ?
Maître Lenoir : (embarrassé) Heu…un peu…j’ai plus le chiffre exact…mais je suis réglo, moi, tu me connais. Je paie ce que je dois.
François Massac : Réglo, réglo…justement, je te connais. (il hausse le ton) T’as surtout le bras long dans les administrations. Ne me dis pas le contraire, je ne te croirais pas.
Maître Lenoir : Chut, moins fort ! Emilie n’est pas loin, elle a toujours une oreille qui traîne. Et concernant mes “relations” avec les administrations comme tu dis, tu n’es pas le dernier à en profiter pour te faire sortir de tes embrouilles, à ce que je sache. Mais revenons-en à nos moutons. Que te demande le fisc ?
François Massac : Je t'ai déjà parlé de ma dernière opération immobilière, avenue du Maréchal Leclerc ?
Maître Lenoir : Oui, vaguement.
François Massac : Une affaire en or ! Sans doute mon projet le plus rentable. Au bas mot, l’affaire va me rapporter… (il s'aperçoit qu’Emilie est dans son dos à tendre l’oreille) On ne peut pas parler seul à seul ?
Maître Lenoir : Emilie, allez-donc m’archiver le dossier Rossetti.
Emilie : (faisant la grimace) J’ai compris, je vois que la confiance règne.
Maître Lenoir : Mais non, ça n’a rien à voir.
Emilie : Oui, oui…M. Massac a quelques cachoteries à raconter…
Maître Lenoir : Emilie ! Ça suffit ! Aux archives ! (il lui montre la porte)
Emilie : J’ai rien dit… J’y vais. (Elle sort)
François Massac : Quelle petite peste, ta secrétaire ! Ce serait moi, je l’aurais virée depuis longtemps.
Maître Lenoir : Assistante, pas secrétaire. Je reconnais, elle a du caractère, mais elle est diaboliquement efficace dans son travail. Elle réussit tout ce qu’elle entreprend. Rien ne lui échappe.
François Massac : Tu fais ce que tu veux, c’est tes affaires. Moi, je te dis que je l’aurais virée.
Maître Lenoir : Tu n’es pas venu pour gérer mes ressources humaines, il me semble. On peut revenir à nos affaires ?
François Massac : Moi ce que j’en dis. Oui, je disais, c’est une affaire à plus de 300 000 € ! Net !
Maître Lenoir : Ah oui, quand-même...