ACTE I
Les fenêtres du salon sont ouvertes, on entend à l’extérieur une musique de fond avec par intermittence, des bombardements lointains et des coups de feu, aussitôt comblé par le volume sonore. Koffi rentre sur scène.
Koffi :
Reluquer, examiner, évaluer,
Cheveux bien attachés, raies bien placées.
Une cravate bien nouée, chaussures bien cirées.
Ongles entretenue, Bijoux, tatouage en disparu.
Moindre transgression, et le contrat est rompue.
Refrain en chœur :
Nous sommes les domestiques, home sweet home
Majordome c’est chic mais personne ne nous nomme.
Joséphine :
Gardez le silence dans le salon,
Âme de l'ombre de la maison.
Banni, bloqué en résidence fermée,
Aspire un jour à la liberté
Avant de rêver de bien, d'espérer mieux
Au service de Madame et de Monsieur.
Refrain.
Joséphine :
La clochette a sonné, le devoir nous appelle.
Un coup sec, c'est comme ça qu'on nous interpelle.
Les cafés, le manteau, le ménage dans le salon.
Exécuter sans jamais choyer, même s’ils ne savent toujours pas mon nom.
Cuisiner, dresser la table et faire la vaisselle
Sans merci chaque jour cette ritournelle.
Koff :
Gling, gling Koffi, les pantoufles,
Gling, gling, Maria cuillère.
Koffi, la poubelle
Koffi, les glaçons
Majordome, maître de maison
Depuis des mois, le dos cassé, les jambes en carton.
Joséphine :
Fée du logis. Février, les meubles, nettoie le jacuzzi.
Pendant que Monsieur fait des affaires Madame est servi.
Business caché, soupçon d'adultère
Madame s'ennuie, Madame se perd.
Un jour viendra, les règles vont changer.
Ils sont interrompus par la sonnerie du portail à l’extérieur. Joséphine s’approche de l’interphone
FRANTZ : (off) Bonjour, je viens pour mon premier jour S'il vous plaît, s’il' vous plaît, quelqu'un peut m'ouvrir.
KOFFI : Ce n’est pas la voix de Madame.
JOSEPHINE : Non, c'est le nouveau stagiaire.
KOFFI : Un nouveau domestique que Monsieur et Madame ont recruté.
JOSEPHINE : Non, ce n’est pas eux justement… enfin…. Je t'expliquerai.
FRANTZ : (off) Excusez-moi, on peut m'ouvrir la porte, s'il vous plaît. C'est mon premier jour de stage.
JOSEPHINE : Oui, Bonjour, on nous a prévenu. On va vous ouvrir le SAS ? Un par un. Et vous allez pouvoir rentrer. Ne soyez pas trop près des portes. Il y a un capteur. Si vous êtes trop proche, les portes ne pourront pas s'ouvrir.
KOFFI : C'est vrai ?
FRANTZ : (off) Des portes, des SAS, mais on est dans une maison ici. Je suis à la bonne adresse.
JOSEPHINE : Oui, c'est bien ici quand vous aurez franchi le dernier. Face à l'écoutille attendez-moi, là je viendrai vous ouvrir.
FRANTZ : Mais c'est un sous-marin ici ?
KOFFI : Bon, t'occupe de l'accueillir, moi je dois finir de préparer le salon et le petit déjeuner avant que Madame se lève.
JOSEPHINE : Très bien.
MADAME : (off) Koff, Koff.
KOFFI : Elle va arriver, elle va descendre, va chercher le nouveau. Je la gere.
JOSEPHINE : Courage.
MADAME (off) Koffi ! (Joséphine quitte la pièce). Koffi ! Apporter mes pantoufles ?
KOFFI : J'arrive Madame, les pantoufles de Daim.
MADAME (off) Non Koffi, vous êtes sot. Celle-ci, je les porte en début d'après-midi jusqu'au soir avant d'accéder à ma chambre à coucher. Le matin. Je mets les pantoufles d'alpaga.
KOFFI : Où avais-je la tête, Madame ? J'avais oublié. Ceci ne se reproduira plus.
MADAME (off) Je l'espère, Koffi. Je j'espère pour vous. Allons dépêcher.
KOFFI : Oui, Madame, je me presse pour Madame (il cherche dans une commode) apporter les chaussons de Madame, les beaux chaussons de Madame, ils vont à ravir à Madame. Ils sont doux, chauds à l'intérieur et confortables pour les pieds, les beaux pieds de Madame (les trouve). Ça y est, j'ai les chaussons d'alpaga de Madame. (va vers la chambre côté jardin), je les apporte pour Madame.
MADAME (off) C'est vous Koffi, il fait froid lorsque je sors de mon lit. Bonjour Madame, Madame a bien dormi. Ouvrez les volets.
KOFFI : Bien Madame.
MADAME (off) Apporter mon peignoir.
KOFFI (off) Bien Madame (retourne sur scène, au petit trot et va chercher le peignoir de Madame) Le Peignoir en Cachemire de Madame (traverse la scène en petite foulée vers la Chambre.)
MADAME (off) Posez le ici et retournez-vous, je veux mon intimité.
KOFFI (off): Oui, Madame.
MADAME (off) Amenez moi mes lunettes pendant que je me change.
KOFFI :(retraverse la pièce en petite foulée) Les lunettes en écaille de tortue de Madame (va apporter les lunettes).
Quelques secondes plus tard, ils sortent de la Chambre Madame Baye et va s'installer à la table du salon. Koffi et derrière avec une chaise pour l'installer.
Madame a bien dormi (un flottement, Madame saisit la clochette sur la table et l'agite 2 fois).
MADAME : Servez le petit déjeuner ! Un thé Earl Grey dans une eau pas trop bouillante, mais pas tiède. Un expresso pour Anna. Ainsi qu'un pichet d'orange pressé. 4 toasts grillés. Noix de Bordeaux, de Normandie, marmelade d'abricots. Une barquette de fraises de Plougastel et des œufs brouillés pas baveux.
KOFFI : Bien Madame.
MADAME : Non finalement pas d’œufs brouillés, étant donné que je n’ai qu’une petite faim. Je veux un œuf au plat et demi.
KOFFI : Comment on fait un œuf au plat et demi, si je puis me permettre, Madame ?
MADAME : Et je ne tolèrerai pas que le jaune coule.
KOFFI : Madame.
MADAME : J'ai une grande faim. Faites-moi bien cet œuf au plat et demi, sinon vous serez renvoyé.
KOFFI : Bien Madame.
MADAME : (fait sonner la clochette). Koffi hâtez-vous.
Koffi sort, Hannah entre.
HANNAH : Bonjour Maman ! (Elle embrasse sa mère sur la joue).
MADAME : hum !
On entend le chant d'un coq interrompu aussitôt par une rafale de mitraillette, cachée dans la foulée par de la musique.
HANNAH : Oh, c'est le chant du coq. C'est marrant depuis que nous avons emménagé dans ce charmant pays. Les coques ne. Ils ne peuvent jamais chanter sans être coupés par ce bruit étrange, qu'est-ce que c'est Maman ?
MADAME : Je n'ai rien entendu ma fille. Si ce n'est. Cette musique locale originale il faut dire. Mais nous sommes en sécurité ici.
HANNAH : On dirait comme des tirs de coups de feu. Maman, nous sommes dans un pays en guerre.
MADAME : Pas du tout, ce pays est sûr. Nous dit ça, sommes installés pour les affaires de ton père. Tu te fais trop de films ?
HANNAH : Bon, c'est vrai si la résidence est bien gardée. Et en lieu sûr ? Il n’y a pas un peu trop de remparts ici ?
MADAME : Non, je ne crois pas.
HANNAH : C’est étrange, un pays en paix, sûr et libre, où on doit se cacher, et qu'il nous recommande de ne pas sortir.
MADAME : C'est bon, c'est bon. Parlons d'autre chose.
HANNAH : Vous savez ce que c'est Monsieur Koffi ?
MADAME : Hannah, tu es insolente.
KOFFI : Je n'ai rien entendu d'anormal, (il rentre en poussant un chariot) Madame Hannah. Ni même le coq chanter. Peut-être est-il rebelle ? Ou la rébellion se prépare en basse-cour.
MADAME : Quelle rébellion ?
KOFFI : Le petit déjeuner est servi. Monsieur Edouard va descendre ce matin.
MADAME : Nen parlez pas toujours avec ses écrans celui-là.
La scène s’assombrit, les protagonistes restent figés. Un faisceau éclair sur la droite Joséphine et Frantz. Ils sont tous les deux dans un SAS.
JOSEPHINE : Bon, derrière la porte, c'est la maison, on arrive directement au salon. N’oublie pas, on travaille 7 jours sur 7. Jour et nuit, cuisine, ménage, lessive, garde-robe, entretien, jardin. Nettoyage récurage. Nettoyer le jacuzzi. Arroser et j'oubliais, céder à toutes les extravagances de Madame et aussi présenter tout ce que tu fais. Dans le moindre détail à te mettre. Et aussi tu dois sourire et pas être fatigué et supporter cette famille et te taire. Ça va, t'as compris ?
FRANTZ : Très bien, j'ai compris. Je terminerai toutes mes phrases par Madame ou Monsieur ou Monsieur Edouard ? et Hannah (béat) c'est joli comme...