Y a-t-il un critique dans la salle ?

Pour Fred et Sam, cette première participation au Festival d’Avignon est un rêve qui se réalise enfin. Mais à Avignon, les rêves tournent parfois au cauchemar. Dès après la première, une critique assassine vient dissuader le public d’assister à ce spectacle déjà bien mal parti. Au bord du naufrage, à leurs risques et périls, ces deux losers sympathiques vont opter pour une solution très radicale…
Un hommage à tous ces comédiens de l’ombre en quête d’un peu de lumière, et un éloge de l’échec lorsqu’il est magnifié par la passion…

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Liste des personnages (4)

SamHomme • Jeune • 256 répliques
Comédien (ou comédienne)
FredHomme • Adulte • 252 répliques
Comédien (ou comédienne)
MaxFemme • Adulte • 124 répliques
Attaché(e) de presse
DanyHomme • Adulte • 65 répliques
Critique (homme ou femme)

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Scène 1

Une scène vide à l’exception de deux chaises. On entend les trompettes annonçant le début d’une représentation dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes à Avignon. Sam entre, suivi par Fred. Sam a une pastèque à la main. Ils s’effondrent chacun sur une chaise.

Sam – Je n’en peux plus... Et dire que le festival ne commence que demain...

Fred – C’est vrai qu’il fait chaud.

Sam – Chaud ? Il fait 45 degrés à l’ombre !

Fred – Les climato-sceptiques, il faudrait les envoyer tracter à Avignon...

Sam sort une bouteille d’eau et boit, après quoi il tend la bouteille à Fred.

Sam – Pourquoi ils font ça au mois de juillet, aussi ?

Fred – Sûrement parce que les gens sont en vacances.

Sam – Ouais, ben pour nous ça ne va pas être des vacances.

Fred – Tu te souviens ? L’année dernière, au mois de juillet, on faisait un stage de voile en Bretagne.

Sam – Et après on dira que les intermittents sont des assistés.

Fred (à la salle) – Allez-y, vous... On vous la laisse, notre place...

Sam – Vous verrez si la vie d’artiste, c’est vraiment des vacances.

Fred – Allez-y, fourguer un flyer en plus à des gens qui en ont déjà plein les poches...

Sam – Ou accrocher une affiche en bas d’une gouttière qui en est déjà recouverte jusqu’au troisième étage...

Fred – Une gouttière sur laquelle tous les clébards d’Avignon ont pissé pendant toute l’année.

Sam – Quand ce n’est pas les poivrots du coin qui ont vomi dessus pendant la nuit.

Fred – Allez-y ! Essayez un peu pendant un jour ou deux. Vous verrez ce que c’est que la vie d’artiste.

Sam – Non, il faut vraiment être complètement maso.

Fred – Ouais...

Un temps. Ils affichent un grand sourire.

Sam – Mais depuis le temps qu’on en rêvait...

Fred – C’est trop génial. J’ai encore du mal à y croire. Le Festival d’Avignon...

Sam – Jusque là, on ne l’avait fait qu’en spectateur. J’ai l’impression d’être passé de l’autre côté du miroir.

Fred – En espérant que ce ne soit pas un miroir aux alouettes... Comment ça s’est passé, ton tractage ?

Sam – Super ! Un type m’a demandé si je pouvais lui donner des invitations pour la première.

Fred – Qu’est-ce que tu as répondu ?

Sam – Je lui ai dit que s’il venait avec sa copine, on pouvait faire une place achetée une place offerte.

Fred – Très bien.

Sam – Malheureusement, il n’avait pas de copine...

Fred – Et alors ?

Sam – Je lui ai donné une invitation.

Fred – OK...

Sam – Il faut bien amorcer le bouche-à-oreille.

Fred – C’est sûr...

Sam – Et toi, avec les affiches ?

Fred – Le patron d’un bar-tabac m’a demandé deux invitations pour me laisser mettre une affiche sur sa vitrine.

Sam – Et alors ?

Fred – Je lui ai dit d’aller se faire foutre.

Sam – Ah oui, c’est bien aussi.

Fred – C’est dingue, grâce à nous il va multiplier son chiffre d’affaires par dix pendant tout le festival, en vendant légalement des produits hautement cancérigènes...

Sam – Mais nous, il faudrait qu’on joue gratuitement...

Fred – Ça me donnerait presque envie d’arrêter de fumer.

Sam – C’est le tabac qui est au coin de la rue ?

Fred – Ouais.

Sam – Ça ne m’étonne pas. Sur la vitrine, le verre d’eau du robinet est affiché à un euro pendant le festival.

Fred – Et les toilettes sont réservées à la clientèle, évidemment.

Sam – Enfin, il y a aussi des commerçants sympas. L’épicier arabe m’a pris un paquet de flyers, et il m’a offert un melon.

Fred – Ce n’est pas un melon, c’est une pastèque.

Sam – Ah ouais... Je me disais aussi. C’est gros pour un melon...

Fred – Allez, on y croit.

Sam – Ouais, mais il va falloir tenir le choc...

Fred – Tu verras, quand ça va vraiment commencer, c’est l’adrénaline qui nous fera tenir. (Un temps) Qu’est-ce qu’on bouffe à midi ?

Sam – Je ne sais pas... Une pastèque ?

Noir.

Scène 2

Fred entre. Il fait des exercices d’articulation.

Fred – Natacha n’attacha pas son chat Pacha qui s’échappa, cela fâcha Sacha qui chassa Natacha... Natacha n’attacha pas son chat Pacha qui s’échappa, cela fâcha Sacha qui chassa Natacha...

Sam arrive.

Sam – Si six scies scient six cyprès, six cent six scies scient six cent six cyprès... Si six scies scient six cyprès, six cent six scies scient six cent six cyprès...

Fred – Alors, ça y est ? C’est le grand soir ?

Sam – Je suis mort de trac. Pas toi ?

Fred – La première... C’est le moment de vérité.

Sam – Est-ce que le public va aimer ce qu’on a mis plus d’un an à préparer pour lui ?

Fred – Standing ovation, ou applaudissements polis...

Sam – Simples sifflets, ou projectiles divers ?

Fred – Si seulement c’était des tomates, ça nous permettrait de bouffer autre chose que de la pastèque...

Sam – Il n’y a que les profs à la retraite et les bobos parisiens qui vont à Avignon, ce sera sûrement des tomates bios.

Fred – Tu as raison, faut rester optimistes.

Un temps. Fred regarde son portable.

Sam – Ouais, mais il faudrait encore qu’il y ait quelqu’un dans la salle... On en est où des résas ?

Fred – Pour l’instant, c’est plutôt calme.

Sam – Je vois... Donc toujours aucune réservation.

Fred – À part ce type à qui tu as donné une invitation... Mais c’est Avignon, les gens ne réservent pas ! Ils se pointent directement au théâtre.

Sam regarde autour de lui.

Sam – Au théâtre... Il faut encore le savoir, que c’est un théâtre. Je ne sais pas comment ils ont réussi à caser 49 sièges ici.

Fred – En supprimant les coulisses, déjà.

Sam – Ce n’est pas plus grand que le kebab où on a mangé hier. Qu’est-ce que c’est, pendant l’année, cet endroit ?

Fred – Un kebab. Tu n’as pas vu ? On voit l’enseigne au-dessus de la porte, à côté de celle du théâtre.

Sam – D’accord... Alors c’est ça, cette odeur...

Fred – C’est vrai que c’est tenace, l’odeur du graillon...

Sam – En somme, on peut dire qu’on a privatisé un kebab pour trois semaines...

Fred – Ouais...

Sam – Et tout ça pour la modique somme de...?

Fred – 12 000 euros.

Sam – 12 000 euros...

Fred – Et les kebabs ne sont même pas offerts par la maison...

Sam – C’est la magie d’Avignon...

Fred – Bon, ça comprend aussi le logement qu’il y a juste au-dessus.

Sam –...

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