Cheyenne de garde

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Objectivement, il faut reconnaître que la bataille des femmes est loin d’être close et remportée. La condition féminine s’est transformée, mais les préjugés restent tenaces et les acquis fragiles. Il revient aux femmes du monde entier de continuer le combat. Heureusement qu’une “cheyenne” veille au grain, partout, avec sa “tribu” de guerrières modernes. Et le combat atteint des pics d’hilarité au vu de situations si drôles et tordantes qu’elles en deviennent grotesques. On assiste à la lutte de ces féministes “tendance” nouvelle” contre trois machos bêtes à en pleurer… de rire.

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Louis Donatien Perin

CHEYENNE DE GARDE

Comédie de mœurs en quatre actes.

© Louis Donatien Perin

Pour toute demande de représentation : SACD Paris

ÉDITIONS DU LYS * SAINT-LOUIS

2007

«Les vieux chevaux de bataille fourbus

de la misogynie la plus grossière... courent

toujours et ils courront tant que trop d'hommes

continueront à préférer les personnes du sexe

désarmées, puériles, maladroites, gentiment débiles,

ne sachant pas réparer un pneu, pleurant

pour un rien et ne comprenant pas grand chose

aux chiffres et à la politique».

Benoîte Groult, Ainsi soit-elle.

«Le caractère de la femme, sans exception,

se meut sur deux pôles, qui sont l'amour

et la vengeance».

Lope de Vega, Mudarra le Bâtard.

Merci

aux femmes

qui parlent,

qui écrivent

qui mordent

qui vivent

de m'avoir prêté leurs mots.

L.P.

PERSONNAGES

DIANE

MACHA

FLO

MORGANE

SANDRA

AGNÈS

ANNIE

ANDROS

PHIMOSIS

CACOSTICHE

L’action se passe toujours et partout.

Décor :

Le Bureau des Affaires Féminines doit être austère dans son ameublement : bureau fonctionnel, avec tous les appareils modernes de communication, un placard, une ou deux chaises, et quelques "babioles" pour exalter négativement la Femme. Par exemple : un Superman grandeur nature, un buste de femme sans bras, des inscriptions au mur du genre : «La femme menstruée gâte les moissons, dévaste les jardins, tue les germes, fait tomber les fruits, tue les abeilles et fait aigrir le lait si elle le touche» (Pline), ou encore : «Une olympiade femelle est impensable» (Pierre de Coubertin), et encore : L'envie de réussir chez une femme est névrose, le résultat d'un complexe de castration dont elle ne guérira que par une totale acceptation de son destin passif» (Freud), «L'esprit de la plupart des femmes sert plus à fortifier leur folie que leur raison». (La Rochefoucault), etc...etc...

A C T E I

Scène première

MACHA (au milieu des spectateurs, époussetant de son plumet l’un ou l’autre monsieur)

Mais oui, mais oui, vous pouvez ricaner. Je suis bonne à tout, et je fais tout, sans réserve. On parle de la «réserve» qui sied aux femmes bien éduquées. Réserve des femmes. Vous pensez vraiment que dans cette expression on parle d'êtres vivants mis à part, dans un lieu spécialement affecté à leur conservation, pour qu'ils soient mieux gardés ou protégés? Pas du tout. Quand il s’agit de femmes, il faudrait plutôt dire «parcage», comme pour les voitures en stationnement ou les moutons qui fertilisent le sol par leurs déjections pendant la nuit. Les unes à côté des autres, bien alignées, les femmes, sans qu’aucune d’elles ne sorte jamais du rang, sous aucun prétexte que ce soit. La «réserve des femmes», ça a quelque chose à voir avec la conservation de l’espèce, pour qu’elle reste identique, immuable. Folle femme que celle qui aura la prétention de s'écarter du droit chemin tracé par la prépotence masculine depuis des siècles et de siècles, amen. La fatalité du sexe, quoi ! Et pour que tout se perpétue dans la bonne conscience générale, on a même ouvert un baf, un B.A.F., un Bureau des Affaires Féminines, avec un fonctionnaire zélé, une sorte de tuteur de sexe masculin exerçant une autorité morale et/ou physique sur la femme, et sans lequel les enseignements perdent toute efficacité pédagogique. Un bel homme, le M. Andros, compétent certes, mais non moins cochon... Je ne devrais pas tant parler, sinon je vais encore me faire traiter de provocatrice. Ecoutez plutôt ce qui passe dans la tête de ce cher monsieur, alors qu'il se documente consciencieusement sur la gent féminine qu’il est chargé d'administrer et de préserver.

Scène 2

ANDROS (allongé à plat ventre sur le tapis, lit un vieux livre sur les admirables secrets de magie naturelle. Il manifeste souvent son accord avec l’auteur du grimoire, puis soudain, paraît doublement intéressé par ce qu’il lit)

«A quels signes connaît-on qu’une fille a perdu sa virginité. - Signes de chasteté chez la femme». Ah ! Voilà peut-être de quoi tirer de bons tuyaux sur cette question épineuse. Les anciens maîtres avaient du bon sens, et on ne saurait trop leur accorder l’importance qu’il méritent. Voyons cela : «Les signes de chasteté chez les femmes sont la pudeur (il acquiesce en connaisseur), la honte, la crainte, un marcher honnête et modeste, une parole douce - très révélatrice, la parole douce... et de plus en plus rare - une attitude respectueuse en s’approchant des hommes... Mais il en est de fines et dissimulées qui observent toutes ces choses en apparence, et ne sont ni chastes, ni parfois vierges». (Il se lève)

«Voyons donc à quels signes on peut reconnaître qu’une fille est vierge. Une fille qui a perdue son pucelage a la vulve si large, qu’un homme peut la connaître, sans souffrir aucune douleur à la verge». Comme tout cela est juste. J’en parle en connaissance de cause. Ah oui ! Aucun doute possible. «Autre secret. - Prenez de la poudre bien menue qui se trouve entre les fleurs de lys jaunes et faites-en manger à celle que vous soupçonnez ; soyez assuré que si elle n’est pas pucelle elle ira pisser peu de temps après. Ce secret semble être peu de chose en apparence, mais il a été expérimenté souvent avec succès». Et comment ! J’en ai connue une, à la campagne, qui même sans fleurs de lys, m’en a fait voir de toutes les couleurs : elle n’a pas pu se retenir, la souillon ! Sur moi ! Pour sûr qu’elle n’était pas pucelle. Elle n’en finissait pas de m’inonder. Un vrai tonneau en perce.

«Autre secret. - On peut encore, pour savoir si une fille est vierge, avoir recours à son urine. L’urine des vierges est claire, luisante, quelquefois blanche, d’autres fois verte ou couleur d’azur». Tiens, c’est curieux, je ne savais pas que les pucelles pissaient bleu. Ah, ces vieux chroniqueurs, quel sens de l’observation ils possédaient ! Avec eux, pas moyen de biaiser comme avec ces toubibs d’aujourd’hui qui, malgré leurs machineries ultra-perfectionnées, ont perdu la notion sensible des choses. Les pucelles pissent bleu : cela est admirable. Voilà ce que nous ne sommes plus capables de percevoir à notre époque. Et on ira même jusqu’à prétendre, en se drapant dans la cape de la science évolutionniste, que les pucelles pissent comme n’importe qui. Et le monde entier, devenu daltonien des sens, prend cela pour de l’argent comptant. Quelle misère, je vous jure. La déchéance à chaque coin d’idée.

(On frappe à la porte. M. Andros referme son livre, avec une légère irritation).

ANDROS

Macha. Macha. Où es-tu, vieille jument édentée. Macha, fais entrer.

MACHA (entre ses dents)

Bien, vieux canasson.

Scène 3

CACO STICHE

C’est bien vous qui vous occupez du BAF, le Bureau des Affaires Féminines ?

ANDROS

Oui, je suis monsieur Andros. En quoi puis-je vous être utile ?

CACOSTICHE

Eh bien, voilà. Je suis monsieur Cacostiche et je viens déposer une plainte.

ANDROS (farceur)

Vous êtes menuisier ?

CACOSTICHE (souriant de la méprise)

Mais non, monsieur. Je viens... me plaindre.

ANDROS

Et de quoi, mon dieu ?

CACOSTICHE

D’un état de cœur qui frise le délabrement psychique, l’émiettement intellectuel et physique, qui me corrompt l’organisme au fil des jours, et me jette dans une léthargie mentale qui m’effraie. (Devant l’incompréhension de l’autre) En deux mots, monsieur, je souffre. Je souffre.

ANDROS

Ah bon, vous souffrez. Mais je ne suis pas médecin.

CACOSTICHE

Je le sais bien. Hélas, je souffre dans mon âme et dans ma chair, mais sans remède possible.

ANDROS

Je ne vois pas alors...

CACOSTICHE

Sans remède, monsieur, sans remède, mais avec une soif terrible de justice.

ANDROS

Ah ! Me voilà juge alors. Sans toge et sans toque...

CACOSTICHE

... mais avec le pouvoir de me rendre grâce, et par là même le sourire, et la joie de vivre (s’enthousiasmant) et l’amour, monsieur, l’amour qu’une cruelle créature me refuse. Une femme, monsieur le juge.

ANDROS

Une femme ! Une femme est de la partie. Je suis votre homme, dans ce cas, monsieur Cacostiche. Racontez-moi tout, mon ami.

CACOSTICHE

Une femme méchante. Une hyène, une grenouille, une vipère, une sang-sue...

ANDROS

Une pensionnaire de parc zoologique, en somme.

CACOSTICHE (sans relever l’astuce)

Une bête, une bête faite femme !

ANDROS

Pas de pléonasme, voyons, ni de redite. Ménandre l’a écrit bien avant vous : «La terre et la mer produisent un grand nombre d’animaux féroces, mais la femme est la grande bête féroce entre toutes» . Que dire de plus ?

CACOSTICHE

C’est justement observé. «La grande bête féroce». Et elle me mange le cœur, monsieur, à grands coups de dents acérées. Il n’en reste presque rien, de ce beau cœur palpitant d’amour qui savait s’enflammer pour toute belle créature.

ANDROS (compatissant)

Mon pauvre ami ! Les ravages sont-ils à ce point irréparables ?

CACOSTICHE

Pire encore : irréversibles. Je ne m’en remettrai certainement pas. Il faut vous dire, monsieur, qu’elle est belle à en faire choir l’auréole à un saint.

ANDROS (feignant d’avoir mal compris, avec un geste d’illustration)

L’aréole à un... nichon ?

CACOSTICHE (patient, autre geste à l’appui)

Mais non, le nimbe à un bienheureux.

ANDROS (conclusif)

C’est parfois du pareil au même. Poursuivez.

CACOSTICHE

Je disais : elle est si belle à en faire...

ANDROS

... choir le mamelon à un saint élu. Vous vous répétez, mon vieux.

CACOSTICHE (ne le suivant pas dans la plaisanterie)

Oui. Bref, je l’ai rencontrée un jour, chez un ami. A son apparition, le soleil a pâli, je dirais même a flétri, se parant d’un jaune biliaire de mauvais augure. Mais je n’étais déjà plus en mesure de capter les avertissements de la providence. Elle m’est apparue fine et brune, une beauté silencieuse comme ces filles indiennes qui savent rire des yeux en restant impassibles, ou vous sourire en pensant que vous êtes le dernier des imbéciles. Elle était roulée comme une Ferrari, magnifiquement cambrée sur ses jambes élancées, qui portaient un torse où s’érigeait une poitrine exemplaire, comme deux monuments aux sorts jetés à l’envie de tout homme. Et puis, comme mon regard s’élevait peu à peu vers les grands espaces de sa physionomie, j’ai trébuché sur sa bouche éclatée dans un morceau de chair vive, j’ai expiré dans la mobilité de ses cheveux battant l’air avec aisance comme dans ces pubs à la télé. Et ce n’est pas tout, ni le pire, monsieur. Je me suis senti irrémédiablement perdu quand je me suis noyé dans ses yeux de poix, n’osant plus cligner une paupière par crainte de m’anéantir. Dès cet instant, je parcourais la prairie illimitée. Elle était une indienne, Pacahontas ou Sacajawea, ma princesse peau-rouge surgie tout droit de mes jeux d’enfance, et je l’ai aussitôt surnommée : la Cheyenne. Il n’en fallait pas plus pour que trottassent dans ma tête des mots furieux dont j’ai fait un poème. (Minaudant ridiculement) C’est vrai, je courtise les...

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