7 femmes en colère
Canicule.
Sur un lit d’hôpital, un homme attend.
Vengeance ou pardon ?
2 familles vont s’affronter.
Canicule.
Sur un lit d’hôpital, un homme attend.
Vengeance ou pardon ?
2 familles vont s’affronter.
SCÈNE I
Quelques chaises, un lit à peu près au centre. On devine un corps allongé, immobile, relié à une sonde. Au pied du lit et dos au public, un moniteur fait face à l’Homme.
Mme DOCTEUR Bonjour. Comment allons-nous ce matin ? (silence) Bon, c’est une façon de parler, une expression quoi. Je devine ce que vous pensez : elle me demande comment nous allons, dès le matin ; déjà ça prouve qu’elle ne va pas très bien. D’accord, c’est une formule de politesse un peu stupide. (elle le regarde) Complètement stupide, oui. Alors je vais bien merci, enfin si on peut dire. Et en plus, avec cette chaleur ¼ (écran) Pourquoi il fait si chaud ? Je crois que la clim est tombée en rade. Trop chaud. Du matériel tout neuf, un hôpital moderne. Tu penses ! Excusez-moi, je parle toute seule. D’après ce que j’ai compris, la climatisation n’est pas conçue pour les fortes chaleurs. Et depuis deux jours, c’est une forte chaleur. (écran) Non, réellement la canicule. Vous avez raison. (écran) Dans tout le pays je crois. On n’avait pas connu ça depuis trente ans, au moins. Voulez-vous que je vous allège ¼ que je retire le drap ? (écran, elle lit) « non-merci, je suis déjà presque froid. » Vous dites ça pour me faire rire ? Vous êtes là depuis une semaine, et c’est la première fois que vous blaguez. Vous allez mieux, c’est clair. (écran) « Je suis sérieux. » Moi aussi. Travailler ici, dans un service pareil, ça force le sérieux. Malgré votre état, il y a pire croyez-moi. Une attaque cérébrale, c’est embêtant d’accord. Mais votre situation n’est pas rédhibitoire. Vous pouvez très bien avoir une rémission. Si, ça s’est déjà vu. C’est plus fréquent qu’on ne pense. Même dans un cas de paralysie totale. Vous savez, vous êtes encore jeune ¼ et bel homme. (elle passe son doigt, puis la main le long du corps) Oui, vous voulez dire quelque chose ? (elle approche son oreille du visage) Je n’entends rien. C’est terrible cette paralysie. Heureusement, vous pouvez bouger un doigt. (elle le caresse) Et puis, le sang circule toujours lui. (très bas) Ça fait deux doigts. Quelle chaleur ¼ (tout en ôtant quelques vêtements) L’attaque cérébrale dont vous avez été victime s’est déclenchée suite à la violente scène que vous avez eue avec votre, votre ¼ (elle s’échauffe) votre amante. Comme chacun sait, la dispute lui a été fatale, puisqu’elle est ¼ décédée. (elle halète) Après son coma. Vous fut fatale aussi puisque vous voilà complètement, totalement dépendant. Vous êtes en de bonnes mains. Allez savoir, peut-être vous faut-il une nouvelle attaque. Enfin je veux dire, un choc, une forte émotion. Je suis aussi une amie pour vous, une confidente, vous pouvez tout me dire ; faites-moi confiance. Médecin d’accord, mais je veille sur vous. (elle accentue ses caresses) Vous avez besoin de soutien. Je suis là pour ça. Dans votre état, on ne peut pas faire grand-chose d’autre. (elle enjambe le lit, de dos, mimant l’amour, très très lentement)
Noir progressif.
SCÈNE II
La mère de l’Homme arrive avec des paquets. Elle pose ses affaires un peu partout, les journaux sur le lit. Elle arrange des fleurs dans un vase.
MIREILLE Mon chéri, j’ai apporté les journaux. Tout le monde parle de l’affaire. C’est incroyable. On n’avait vraiment pas besoin de ça. Les enfants ne comprennent pas tout. Moi non plus d’ailleurs. Les journalistes tournent sans arrêt autour de la maison. Heureusement tes copains sont là. Ils ne se laissent pas faire. Ils nous défendent. Tiens, hier soir, un type s’est présenté comme adjoint du procureur. Tu penses, je me suis méfiée. Il avait une bonne tête, pas de baratin comme les autres – il était quelle heure déjà ? Il a montré sa carte. Oh il faisait nuit depuis un bon moment. Et il est entré. Le problème, c’est que derrière lui, il y en avait d’autres, quatre ou cinq je ne sais plus. Ils se sont installés avec leur matériel : caméra, micros et tout le toutim ¼ Fred était là, heureusement je te dis. Il a entendu du boucan dans le salon ; quand il a vu que je paniquais, il en a pris un par le col. C’est comme je te dis, ça n’a pas traîné, ça non ! Pourtant il n’est pas violent Fred, tu le connais ; il a foutu le type dehors. Ses collègues, pas fiers tu penses, l’ont vite rejoint. Et hop, tout le monde dehors ! Moi je te dis, c’est un enfer. (temps) Toi, tu es bien ici. Tranquille. De toutes façons, avec la police partout dans l’hôpital, on ne risque pas de te déranger. Mais je t’embête avec mes histoires. (elle prend un journal, puis un autre) « Le meurtrier meurtri », bof. « Ses fans s’interrogent », oui. « Le procès reporté », évidemment. « Coma sans appel pour l’assassin », alors là, n’importe quoi. Tu n’es pas dans le coma, tu es conscient, n’est-ce pas mon chéri ? (écran) « Maman arrête s’il te plaît. » Comment arrête ? Je viens te voir plusieurs fois par jour ; je ne dors plus ; la maison est assiégée ; ton père ne dit plus un mot. Depuis ¼ depuis les événements. Et toi tu me demandes d’arrêter ! (elle s’emporte progressivement) Qu’est-ce que je deviens là dedans ? Dans toute cette ¼ merde, oui ! Tu as pensé à nous ? Non, évidemment, comme toujours. Tu plaques ta femme, ta fille. Pour cette, cette actrice. Tu étais le combien sur sa liste ? Tu sais combien de fois elle s’est mariée ? Bien sûr tu le sais. Tu savais que cette histoire se terminerait mal. Combien de fois je t’ai prévenu ? Ton père et moi, on t’avait dit de revenir. Mais non, monsieur a vécu la grande passion – ah, ton père a raison : j’ai été trop laxiste avec toi. Monsieur mon fils n’était pas assez célèbre. Il fallait que tu couches avec cette poule de luxe. Cette fille à papa. Qu’est-ce qu’elle t’a apporté ? Du plaisir ? Du bonheur ? Tu parles, des ennuis ! Pourquoi tu l’as suivie ? Pourquoi tu t’es enfermé avec elle pendant des jours et des nuits ? Même ta fille ne pouvait pas te voir. Ça devait mal finir. (elle se calme) Déjà tout petit tu ne supportais pas d’être enfermé. Tu faisais des crises. Oui, oui. Et maintenant ? Tu as fait une crise de trop. Tiens, je plains ta femme. La pauvre. Et elle, qu’est-ce qu’elle va faire ? Qu’est-ce qu’elle va devenir ? Tu y as pensé à ça ? Hein ? Mais non, monsieur mon fils, monsieur la vedette, monsieur le chanteur, l’idole des collégiennes, mon fils tout seul dans son lit, immobile comme, comme une ¼ (elle éclate en sanglots, puis se reprend) Mon fils et sa grande passion, mon fils et cette, cette femme. (froide) Tu l’as tuée. Quand même.
Noir.
SCÈNE III
MARGOT N’aie pas peur, viens.
MORGANE (hésite)
MARGOT Viens je te dis. Tu vois papa maintenant. Il est là ; nous sommes toutes les deux dans sa chambre. Comme tu voulais.
MORGANE (timidement) Papa ?
MARGOT Tu peux parler normalement. (Il faut que les choses soient normales. C’est important.)
MORGANE (s’approche du lit) C’est moi, papa. C’est Morgane. Pourquoi il ne dit rien ?
MARGOT Je t’ai expliqué : papa est paralysé. Il entend, et c’est tout.
MORGANE Il ne parle pas ?
MARGOT Non.
MORGANE Il ne voit pas ?
MARGOT Non plus. Enfin je crois. Je ne sais pas.
MORGANE Papa, tu me vois ? Tu m’entends ? C’est Morgane. Mon petit papa. (écran) Un ordinateur ! Regarde maman, papa a un ordinateur dans son lit.
MARGOT Pas exactement ma chérie.
MORGANE C’est quoi alors ?
MARGOT Juste un système ¼ relié à papa.
MORGANE Cet écran, c’est pour quoi faire ?
MARGOT Réfléchis : tu sais que papa entend, mais il ne peut pas parler.
MORGANE Oui je sais, il est paralysé.
MARGOT Oui. En fait, il peut quand même nous parler. Si on peut dire ¼
MORGANE J’ai compris. L’écran de...