Dare-dare

Marc a invité a une soirée bridge les Dubois de la Patinière : Jean-Eudes, très austère, Marie-Agathe, effacée et réservée (en apparence…) et leur fils Charles-Edouard, étudiant brillant mais coincé au possible.
Marc espère bien faire signer à Jean-Eudes un contrat, qui le sortirait d’une situation financière compliquée.
Il pense avoir tout prévu pour que son plan réussisse ; il a notamment demandé à sa charmante fille Maud d’être présente, Charles-Edouard étant épris d’elle (ce qui n’est pas réciproque !).
Tout prévu, vraiment ? En tous les cas, pas l’arrivée de sa maîtresse Lilly, plus qu’olé-olé, qu’il n’a d’autre choix que de faire passer aux yeux de son épouse Julie pour Cléa, censée remplacer sa tante Dominique, la femme de ménage absente (théoriquement) pour la soirée.
Que va-t-il arriver quand débarquent inopportunément Dominique et Cléa ? Sans oublier Bob, un apiculteur venu s’occuper d’un essaim, au fort penchant pour la boisson et les jeux de mots lourdingues, ou encore Andy, petit ami de Lilly, brute épaisse de première.
Marc arrivera-t-il à se sortir de ces quiproquos et imbroglios qui s’enchaînent à un rythme endiablé, sans qu’il puisse les contrôler ? Rien n’est moins sûr…
Dare-dare est une comédie dans la plus pure tradition, avec des portes qui s’ouvrent et se ferment sans cesse et des personnages hauts en couleur comme on les aime !

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Avant le lever de rideau, on pourra passer « Tu veux, tu veux pas » de Marcel Zanini

 

 

SCENE 1

JULIE

 

A l’ouverture du rideau, on découvre Julie en train de téléphoner.

JULIE – Monsieur Guttin ? Oui, Bernard, si vous voulez… Madame Julie Freydier à l’appareil… Laquelle ?... Parce que vous en connaissez une autre ? Alors ! Un peu de jugeote ! (A elle-même.) Imbécile ! (Reprenant sa conversation téléphonique.) Vous me remettez ? C’est heureux… Quelle mouche m’a piqué pour vous appeler la veille d’un week-end ? Justement, ce n’est pas une mouche mais une abeille ! Ca fait trois fois en deux jours ! Et il est où votre cousin apiculteur qui devait venir !... Votre beau-frère ? C’est pareil… Pour votre sœur, non ? Mais je m’en moque de votre sœur !... Sachez que mon mari est lui aussi remonté. Ce qui compte maintenant, c’est qu’il se pointe !... Pas mon mari, votre beau-frère ! (A elle-même.) Andouille ! (Reprenant sa conversation téléphonique.) Mais je m’en contrefiche qu’il ait oublié !... Vous le rappelez et vous lui rappelez ?... J’y compte… Et qu’il vienne fissa !... C’est ça ! (Après avoir raccroché.) De plus en plus crétin le gars !

Julie gagne la terrasse.

 

SCENE 2

MAUD puis DOMINIQUE

 

Maud descend l’escalier, son portable à l’oreille. Très élégante, elle porte un chemisier et une jupe.

MAUD – Peu importe… Je suis coincée là toute la journée et la soirée… C’est déjà bien qu’il se déplace exprès pour moi ; je ne vais pas non plus lui imposer un horaire…  Plutôt original ?… Oui, tu me l’as déjà dit… Pas trop le physique de l’emploi ?… Tant qu’il connaît son job… Un des meilleurs, oui, tu me l’as dit aussi… Pas un mot à mes parents, hein ?... A plus…

Dominique est arrivée par la porte d’entrée avant que Maud n’ait fini sa conversation téléphonique ; elle a des bagages en main.

MAUD (étonnée en découvrant Dominique) – Ah bah ça ! Dominique !

DOMINIQUE – Elle-même

MAUD – Mais qu’est-ce que vous faites là ?

DOMINIQUE (théâtrale au possible) – Je me le demande souvent… En fait, à part vous écouter, pas grand-chose. Comme d’habitude vous me direz

MAUD – Je n’ai rien dit

DOMINIQUE – Oui, mais d’autres le pensent

MAUD – Vous tombez dans le mélo dites donc

DOMINIQUE (même jeu) – C’est ainsi…

MAUD – Vous ne devriez pas être dans le train ?

DOMINIQUE – Oh ! J’ai encore un peu de marge… Et je voulais repasser avant d’aller à la gare… Histoire d’être sûre que tout était en ordre avant mon départ…

MAUD – Votre esprit consciencieux vous honore

DOMINIQUE (allusive) – Il est bien le seul, hélas !

MAUD – Allons !

DOMINIQUE – Entre nous, ça m’ennuie quand même un peu de me débiner aujourd’hui

MAUD – Rassurez-vous : on arrivera à se passer de vous

DOMINIQUE – C’est ce que m’ont dit tous les hommes que j’ai rencontrés… Oh ! Il n’y en avait pas des masses non plus… Quand j’y pense : mon filleul aurait quand même pu choisir un autre jour pour se marier

MAUD – On ne fait pas toujours ce qu’on veut

DOMINIQUE – Ni ce qu’on peut… Moi, pour le mariage, la date ou le lieu, ça m’est égal… Il ne me manque que le mari

MAUD – Ca peut encore se trouver

DOMINIQUE – Les épaves ou les fins de série, très peu pour moi… Quoique… (Déclamant.) A défaut d’être fataliste, sois réaliste !

MAUD – C’est explicite

DOMINIQUE – Enfin… Bon, pour aujourd’hui, ce qui me rassure, c’est que ma nièce va me remplacer

MAUD – Cléa ?

DOMINIQUE – Oui… Vous verrez : elle est sympa

MAUD – Et efficace dans son travail, j’espère

DOMINIQUE – Je pense. Avec toutes les instructions que je lui ai données, elle devrait s’en sortir

MAUD – C’est gentil à elle de vous remplacer au pied levé

DOMINIQUE – Moi, c’est plutôt le coude que je lève… Ca me fait d’ailleurs penser… (Dominique se dirige vers le bar et se sert un verre qu’elle avale d’une traite.) Voilà une bonne chose de faite… Je voulais vous demander : vous attendez une visite ?

MAUD (gênée) – Je… Oui… Les Dubois de la Patinière

DOMINIQUE – Ca, je sais… (Tapotant sa tempe avec son index.) Les noms à coucher dehors, ça reste dedans

MAUD – Les particules, ce n’est pas trop mon truc

DOMINIQUE – Moi non plus, les parties de… Non, c’est rapport à votre conversation téléphonique

MAUD – Je… Vous m’avez entendue ?

DOMINIQUE – Oh non ! Je vous ai seulement écoutée

MAUD – Ah !... Oh ! Ce n’est pas ce que vous croyez

DOMINIQUE – Moi, je ne crois qu’à ce que je vois alors…. Et comme je suis très myope…

MAUD – C’est un chir

DOMINIQUE – Késaco ?

MAUD – Un chirurgien si vous préférez

DOMINIQUE – Ah ! D’ac… Entre nous, ce genre de gars, je les évite… Moins on se porte, plus on les voit

MAUD – Pas faux

DOMINIQUE (théâtrale) – Toubib or not toubib

MAUD – Pour être plus précise, c’est un chirurgien esthétique

DOMINIQUE – Ah ?

MAUD – Le professeur Alexandre Robert

DOMINIQUE – Connais pas

MAUD – Je vais vous faire une confidence… Voilà : j’envisage de me refaire la poitrine

DOMINIQUE – Tiens donc !

MAUD – Oui, je voudrais gagner en volume… Vous voyez ?

DOMINIQUE – En gros oui

MAUD – Mais j’hésite…

DOMINIQUE – Si j’osais, je vous dirais qu’il faut peser le pour et le contre

MAUD – C’est parlant… C’est pour ça que l’avis d’un grand spécialiste comme le professeur Robert ne sera pas de trop

DOMINIQUE – Et il va venir ici ?

MAUD – Oui… Pour tout vous expliquer…

DOMINIQUE – Oh ! Je ne demande rien, mais puisque vous y tenez

MAUD – Il s’est entiché de la mère d’une très bonne copine qui n’habite pas très loin … Et elle l’a convaincu de s’arrêter ici

DOMINIQUE – Elle avait sûrement de jolis arguments

MAUD – Oui : du 95 D, elle

DOMINIQUE – Arguments de poids qu’elle a su mettre en avant

MAUD – Comme il a accepté de venir ici, ça m’évitera d’aller à sa clinique parisienne

DOMINIQUE – Ce serait quand même mieux là-bas, non ?

MAUD – En fait, c’est un simple avis que je cherche, avant de me lancer plus loin

DOMINIQUE – Si je vous suis, vous voulez estimer l’ampleur du chantier avant de vous lancer dans des grands travaux

MAUD – C’est bien résumé

DOMINIQUE – J’ai toujours eu l’esprit de synthèse… (Réfléchissant.) Dommage que je ne sois pas là

MAUD – Pourquoi ?

DOMINIQUE – J’aurais profité de votre chirurgien

MAUD – Et oh ! Doucement !

DOMINIQUE – Entendons-nous : de son expertise

MAUD – A quel sujet ?

DOMINIQUE – Au niveau du popotin… Moi, c’est un peu le contraire : je voudrais perdre en volume, et pas que peu

MAUD – Je vous comprends… (Se reprenant.) Enfin… Vous aimeriez une liposuccion ?

DOMINIQUE – Un truc comme ça… Une succion tout court, ce serait déjà pas mal

MAUD – Je ne sais pas si le professeur Robert aurait voulu…

DOMINIQUE – Professeur, le mot est vraiment de circonstance

MAUD (amusée) – Je n’y avais pas pensé

DOMINIQUE – Mais vous avez raison… Comme on dit, il faut que je m’occupe de mes fesses… (Allusive.) Puisque personne ne s’en charge

MAUD (un peu gênée) – Je… Je n’ai pas parlé de cette visite à mes parents

DOMINIQUE – Ca vous regarde… Mais s’ils tombent sur lui ?

MAUD – Il y a peu de risques : ils vont être suffisamment occuper avec leurs invités

DOMINIQUE – C’est vrai

MAUD – Vous ne leur direz rien, hein ?

DOMINIQUE – A vos invités ?

MAUD (amusée) – Dominique !

DOMINIQUE – Promis : je n’en piperai pas un mot à vos vieux

MAUD – Merci

DOMINIQUE – Botox et bouche recousue !

MAUD (amusée) – Pas mal

DOMINIQUE – Ouais… On fait ce qu’on peut avec ce qu’on a… Mais vous causez là et il faut que j’y aille

MAUD – Alors : bon voyage et bon mariage !

Maud grimpe les escaliers.

DOMINIQUE – Ouais, si mon arrière-train peut attendre, mon TGV, non ! Quand même, entre nous, s’appeler Robert et refaire les seins, c’est gonflé ! (Au public.) Vous avez saisi le jeu de mots ? S’il y en a parmi qui n’ont pas compris, qu’ils viennent me voir plus tard ! Pour les trop moches, demandez à votre voisin !

Dominique récupère ses bagages et quitte la pièce.

 

 

 

SCENE 3

MARC, puis MAUD

 

Marc sort de la bibliothèque. Il a son portable en main.

MARC – Mais oui ! Bien sûr qu’il signera. C’est comme si c’était fait. Tout est sous contrôle… Ouais, je te tiens au courant…

Retour de Maud.

MAUD – Ca va papa ?

MARC – Je t’avouerais que ça ira mieux dans quelques heures

MAUD – Je te le souhaite

MARC – Permets-moi de te dire que tu es ravissante

MAUD (ailleurs) – Ah ? Euh… Oui… Merci

MARC – Mais tu m’as l’air ailleurs

MAUD – Je songeais

MARC – Pas à Charles-Edouard, je présume

MAUD – Alors là : sûrement pas !

MARC – Allons : ne soit pas si catégorique avec lui !

MAUD – Vu sa tronche, j’ai tranché !

MARC – Il y a sans doute pire

MAUD – Et sûrement mieux

MARC – J’admets qu’il a un physique qui ne le sert pas

MAUD – Pour les binoclards, je passe mon tour !

MARC – Mais il n’y a pas que le physique dans la vie

MAUD – Ce sont les moches qui disent ça

MARC – Regarde le frère de ta mère : ça n’a pas été facile vu à quoi il ressemble, mais il a bien fini par trouver quelqu’un… A cinquante-cinq ans

MAUD – Oui : une femme de soixante-douze ans !

MARC – Tu sais : on peut consommer les yaourts même la date largement dépassée

MAUD – Tes comparaisons sont limites

MARC – J’en conviens

MAUD – La dernière rencontre que j’ai eue avec Charles-Edouard m’a hélas largement suffi

MARC – Je te rappelle qu’il mène de brillantes études… L’ESSEC, ce n’est pas donné à tout le monde

MAUD – Ce n’est pas donné tout court

MARC – L’argent n’est pas un souci pour sa famille

MAUD – Alors que ça l’est pour la nôtre

MARC – Je reconnais qu’en ce moment, les affaires ne sont pas terribles

MAUD – Et tu comptes sur le père de Charles-Edouard pour te sortir de cette mauvaise passe ?

MARC – Bah… Oui… Je voudrais lui faire signer un gros contrat… Sinon, tu penses bien que je ne les aurais pas invités… La femme ne rattrape pas son mari… Une vraie cruche

MAUD – Dans le genre gourde, le fils tient aussi la corde

MARC (rigolant) – Avec eux, on ne manquera pas d’eau pour la soirée

MAUD (amusée) – Papa !

MARC – Quoi qu’il en soit, je te demande juste de bien te comporter avec Charles-Edouard

MAUD – Le temps de signer le contrat

MARC – Voilà

MAUD – Rassure-toi : je ferai bonne figure

MARC – Je n’en doutais pas une seconde

MAUD – Jusqu’à une certaine limite…

Maud grimpe l’escalier.

SCENE 4

MARC, LILLY

 

On sonne.

MARC (consultant sa montre) – Déjà ?

Marc se regarde dans le miroir et réajuste sa cravate.

On sonne à nouveau. Marc va ouvrir.

MARC – Voilà voilà !

Entrée fracassante de Lilly. Très court-vêtue, elle pousse Marc sur le canapé et se jette sur lui.

LILLY – Hello darling !

MARC – Mais… Mais qu’est-ce que tu fais là ?

Lilly enlève un à un les boutons de sa chemise.

LILLY – Bah tu vois : je me déshabille… Un peu, beaucoup !

MARC (abasourdi) – C’est pas possible !

LILLY – Avec Lilly, tout est possible !

MARC – Tu ne devais pas venir aujourd’hui

LILLY – Bah si : tu m’as laissé le choix dans la date… (Allusive.) Je ne sais pas pourquoi mais j’adore cette contrepèterie !

MARC – Je t’avais dit de choisir entre le 14 et le 21

LILLY – J’avais capté !

MARC – Bah alors !

LILLY – On est le 14 ! Donc me voilà

MARC – Je constate que la notion de « entre » te fait une belle jambe

LILLY – Moi, tu sais, je me limite à l’entrejambe

MARC – Le 14 et le 21, c’était borné !

LILLY – Oh là là ! C’est toi qui es borné

MARC – Entre le 14 et le 21, il y avait quand même de la...

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