La Famille

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Une famille dysfonctionnele qui se voit peu, le père, la mère, les deux frères Max et Jérôme ainsi que son épouse Alice, vont devoir se réunir pour un événement qui changer leur vie. La soirée promet bien des surprises entre incompréhension, rire et amour.

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Chez Paule et Gérard Alter.

Un appartement de taille moyenne, décoré simplement. Ils y vivent depuis toujours, le mobilier est resté le même.

Gérard, soixante-dix ans passés, est assis sur le canapé. Il regarde la télévision, une émission animalière sur un insecte en particulier : le criquet pèlerin.

Paule, sa femme, même âge, commence une série d’allers-retours pour déposer des verres, des assiettes, une bouteille de vin et des bols emplis d’amuse-gueules sur la table basse devant le téléviseur et devant Gérard.

Paule

Ils ne devraient pas tarder. (Gérard se décale pour mieux voir le poste.) N’empêche, ça fait longtemps qu’on a pas été tous ensemble ici. (Elle regarde la télévision un moment, puis Gérard.) Hein ?

Gérard

Quoi ?

Paule

Je dis : n’empêche, ça fait longtemps qu’on a pas été tous ensemble ici.

Gérard

N’empêche quoi ?

Paule

Eh bien, n’empêche par rapport au fait qu’on est seuls la plupart du temps, ou bien avec les uns, ou avec… l’autre… mais jamais tous ensemble !

Temps bref.

Gérard

À Noël !

Paule

Quoi, à Noël ?

Gérard

On est tous ensemble à Noël !

Paule

Mais Noël, ça ne compte pas, c’est comme une obligation, on fait semblant… Nous n’avons jamais été heureux, finalement, à Noël.

Temps bref.

Gérard

À Pâques non plus !

Paule

Qu’est-ce tu veux dire ?

Gérard

Je n’ai pas le souvenir d’une explosion de bonheur à Pâques !

Temps bref.

Paule

On est peut-être pas assez catholiques !

Gérard

Ça n’a rien à voir !

Paule

Les vrais catholiques sont heureux, le soir de Noël !

Gérard

De quels catholiques parles-tu ?

Paule

Chantal et Jean-Pierre.

Gérard

Ils sont alcooliques !

Paule

Et catholiques !

Gérard

Je crois que c’est davantage le vin rouge et la prune qui les rendent heureux que la messe de minuit ! (Temps bref.) Les catholiques sont souvent alcooliques, tu as remarqué ?

Paule

Oui, c’est vrai. (Temps bref.) D’ailleurs, nous, nous ne sommes pas alcooliques !

Gérard

Exactement !

Temps bref.

Paule

C’est peut-être pour ça !

Gérard

De quoi ?

Paule

Que nous ne sommes jamais heureux tous ensemble le soir de Noël. (Un temps.) J’aurais préféré qu’on dîne dans le salon, je n’aime pas dîner dans la cuisine.

Gérard

Pourquoi as-tu mis la table dans la cuisine, alors ?

Paule

Il y aura les enfants de Jérôme… Quand ses enfants sont là, il n’y a pas assez de place pour dîner dans le salon.

Gérard

On devrait acheter une table plus grande.

Paule

Si on a une table plus grande, elle va prendre toute la place ; et pour seulement y dîner une fois par an, c’est dommage !

Gérard

Il y a des tables qui s’étirent, avec des rallonges.

Paule

Ah non ! Je n’aime pas du tout ces choses qui s’étirent… Je suis complètement contre… C’est trop épais quand c’est refermé et trop fin quand c’est déployé, et en plus il y a le problème des chaises.

Gérard

Quelles chaises ?

Paule

Eh bien, les chaises en trop quand la table est refermée ! Ou bien il faut les ranger quelque part, ou alors on se retrouve avec huit chaises autour d’une table pour quatre.

Gérard

C’est vrai.

Paule, regarde la télé.

C’est sur quoi ?

Gérard

Le criquet pèlerin.

Temps bref.

Paule

Et il fait quoi, ce criquet ?

Gérard

Il pèlerine !

Temps bref.

Paule

Je vais peut-être rajouter du vin ? (Temps bref.) Qu’est-ce t’en penses ?

Gérard

De quoi ?

Paule

De rajouter du vin ?

Gérard

Je ne sais pas… On est combien ?

Paule, compte avec les doigts.

Sept, avec les enfants.

Gérard

Les enfants ne boivent pas ?

Paule

Ben, non.

Gérard

Alors on est potentiellement cinq adultes à boire, mais nous savons qu’un seul boit vraiment… Deux bouteilles, c’est beaucoup.

Un temps.

Paule

On a de la prune ?

Gérard

Je ne pense pas. (Paule reste un moment immobile.) Ton fils a tout bu.

Paule

Quel fils ?

Gérard

Comment ça, quel fils ?

Paule

On en a deux !

Gérard

Mais il n’y en a qu’un seul qui boit !

Paule

Il boit trop !

Gérard

Il boit pour deux !

Un temps.

Paule

Mais comment peux-tu être certain que c’est lui qui a bu la bouteille ?

Gérard

Nous avions une bouteille de prune. Je ne bois pas, tu ne bois pas, personne ne vient jamais ici à part nos deux fils, une fois par an, dont seul l’un des deux boit de l’alcool… Je pense qu’on a pas besoin de prévenir le GIGN pour résoudre l’affaire !

Un temps.

Paule

C’est quand même très embêtant.

Gérard

De quoi ?

Paule

Qu’il n’y ait pas plus d’alcool… J’aurais vraiment aimé qu’il y ait de l’alcool, ce soir.

Gérard

Ils en apporteront peut-être.

Paule

Qui ça ?

Gérard

Nos fils !

Paule

Bien sûr que non !

Gérard

Pourquoi ?

Paule

Parce qu’il y en a un qui ne boit pas et l’autre qui n’a jamais d’argent !

Temps bref.

Gérard

C’est dommage.

Paule

De quoi ?

Gérard

De ne jamais réussir complètement nos enfants !

Paule

Qu’est-ce tu veux dire ?

Gérard

Qu’on aurait pu en faire un alcoolique et riche, et l’autre sobre et généreux !

Un temps.

Paule

Tu devrais éteindre la télé.

Gérard

Pourquoi ?

Paule

Ils ne vont pas tarder.

Gérard

Qu’est-ce que tu en sais ?

Paule

Il est bientôt l’heure, et puis, je sais qu’ils vont arriver. Une mère sent ce genre de chose.

Gérard, la regarde.

Tu veux dire que tu peux sentir quand les gens arrivent ?

Paule

Pas les gens, nos fils.

Gérard

Là, par exemple, tu sens qu’ils sont en train de faire un créneau pour garer leur voiture ?

Paule

Je ne sens pas le créneau, je sens leur présence se rapprocher.

Gérard

Je ne savais pas que tu avais ce don.

Paule

Ça n’a rien à voir, c’est… animal… Toi qui regardes tous ces documentaires, tu devrais le savoir… Ton criquet pèlerin est sûrement aussi très instinctif.

Gérard

Le criquet pèlerin bouffe ses œufs !

Paule se fige.

Paule

Et pourquoi il fait ça ?

Gérard

C’est sa nature.

Paule

Ce n’est jamais la nature de bouffer ses enfants !

Gérard

De ne les voir qu’une fois par an alors qu’ils habitent à vingt minutes non plus !

Temps bref.

Paule

Éteins la télé, je n’aime pas ce criquet pèlerin !

Gérard éteint la télé.

Gérard

Lui non plus, il ne t’aime pas !

Paule

C’est méchant de dire ça !

Gérard

C’est la vérité. Si tu lui demandais, il ne dirait pas qu’il t’aime.

Gérard va pour se servir dans un bol de chips.

Paule, fort.

Qu’est-ce tu fais ?

Gérard

Je mange une chips !

Paule, plus fort.

Non, repose-la !

Gérard reste fixe, la chips à la main.

Gérard

Tu les as empoisonnées ?

Paule

Ben, non. (Temps bref.) Tu m’en crois capable ?

Gérard

Je ne sais pas… Les gens sont bizarres !

Paule

Je suis ta femme !

Gérard

Les femmes sont bizarres. (Temps bref.) Je peux manger cette chips ?

Paule

Si tu en manges une, tu sais très bien que tu ne pourras plus t’arrêter, et il n’y en aura plus quand ils arriveront !

Gérard

Mais tu disais sentir leur présence se rapprocher ; je n’aurai pas le temps de bouffer le bol de chips en entier !

Paule

Tu manges vite !

Temps bref.

Gérard

Je te promets que je n’en mangerai qu’une ! (Il mange la chips, lentement.)

Un temps. Ils se regardent.

Paule

Tu as envie d’une autre ?

Gérard

D’une autre quoi ?

Paule

D’une autre chips !

Gérard

Un peu. (Un temps. Il regarde le bol de chips devant lui.) Tu sens qu’ils arrivent, là ?

Paule

Oui. (Un temps. On sonne à la porte.) Tu vois !

Gérard

Tu devrais passer à la télévision !

Paule sort de la pièce pour aller ouvrir. Gérard s’envoie deux-trois chips.

Paule revient avec Jérôme et Alice. C’est le fils cadet. Il a une quarantaine d’années, sa femme aussi. Ils sont élégants, sportifs, pressés.

Paule

Vous n’êtes pas venus avec les enfants ?

Alice

Non, pas ce soir.

Paule

Mais j’ai mis la table dans la cuisine !

Jérôme va embrasser son père.

Jérôme

Bonsoir, papa.

Gérard

Bonsoir.

Jérôme

On a pensé qu’il ne valait mieux pas qu’ils viennent, et Adrien a un tournoi de ping-pong demain matin. (Alice va embrasser Gérard.) Max n’est pas encore arrivé ?

Paule

Non, il arrive...

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