Première partie : Escale
Dubaï Mall, aujourd’hui. Elle, dans un café.
Dubaï
Émirats arabes unis
Février
Ce mois que j’ai toujours connu comme un mois d’hiver
Se passe ici sous le soleil
Et dans le plus grand centre commercial du monde
Entourée par les touristes et les hommes d’affaires pressés
Sillonnant les allées les bras chargés de sacs de courses
Sous l’air frais des climatiseurs
J’observe ce monde frénétique
Qui brille et trébuche en même temps
La douceur infinie du sourire de la caissière
Le client qui s’en va un moment laissant toutes ses affaires sur la table
Conscient qu’ici personne ne viendra le voler
Les chantiers peuplés d’hommes venus chercher ici le travail
Qu’ils ne trouvent pas chez eux
Promesse d’un avenir meilleur
Au goût de sacrifice
La démesure de cette ville
Dans laquelle tout est immense
La ville des extrêmes
La ville des contrastes
Comme une loupe
Qui donne le vertige
Fait tourner la tête
Fait suffoquer
Rend fou
Émerveille
Et révulse
Laissant mon esprit chahuté
Naviguer quelque part
Entre hier et aujourd’hui
Il y a dans la Bible
L’épisode de la sortie d’Égypte
Ce peuple d’esclaves
Qui sera délivré par l’Exode et ici
Les pyramides sont devenues des tours
Les Émiratis les nouveaux Pharaons
La mer Rouge se visite sous la forme d’un aquarium géant
Dont on sort en traversant un tunnel
Entouré par les créatures marines
Comme Moïse en son temps
Les Tables de la Loi ont été remplacées
Par la Loi du Marché
J’apprends auprès d’un travailleur
Que suite à de nombreux scandales
Une loi visant à assurer leur sécurité a été promulguée
Il est désormais interdit de travailler lorsque la température
Dépasse les 50 degrés
Et lors des bulletins météo sur les chaînes nationales
On annonce chaque jour au maximum
49 degrés
Deuxième partie : Exode
I
Une ville au milieu du désert. Mo.
Au commencement il y a le désert
Et quelques pêcheurs de perles
Qui cherchent çà et là
De quoi gagner leur vie
Et puis il y a l’or noir
Qui fait émerger du sable
Des tours hautes comme le ciel
Et se transforme en encre
Pour écrire des chiffres
Sur des morceaux de papier
Dont la valeur fluctue
Selon des écrans répartis
De part et d’autre du monde
Au commencement je suis là
Moi, Mo
Fille du feu et du vent
Répondant à l’appel du buisson
Qui comme le soleil est ardent
Et m’entraîne à travers le désert
Là-bas
Des hommes drapés
Dans des morceaux de tissu
Sont les nouveaux fils
De l’impitoyable soleil
Destiné à réchauffer les cœurs
Comme à brûler la peau
Là-bas
Les tours sont maintenant construites
Par un nouveau peuple
Qui comme l’ancien
Aspire à être libre
Là-bas
La mer est enfermée
Derrière des vitres de verre
Et les requins et les poissons et les pêcheurs
La rêvaient plus vaste la nuit
Et des marchés d’antan ne reste plus que celui
Dont la main invisible enserre
Et ne délivre que de maigres caresses
Là-bas sous le soleil
Je marche
En toute sécurité
Ici pas de...