HÔTEL-PROMONTOIRE (chambre avec vue sur chaos)

C’est l’histoire d’une guerre débutée il y a très longtemps, une guerre qui n’en finit pas de commencer, une guerre mythique et terriblement actuelle (à cause des coïncidences historiques et des effets de réels, à cause des bouleversements de narrations et des histoires qui ne sont que des passés que l’on ne cesse de rabâcher), une guerre qui se tient devant les imposants remparts d’une cité étrangère qui défend son littoral – des héros et des héroïnes se battent dans l’attente, dans l’impatience, dans l’espérance.

Des héros et des héroïnes devant les remparts imposants d’une cité imprenable, dans la position de celles et ceux qui mènent bataille sur bataille dans cette guerre qui n’en finit pas de commencer et qui, avec le temps, qui passe, et les histoires, qui se racontent, restent dans la zone, à défendre ce qui doit être défendu et à attaquer ce qui doit être vaincu.

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HÔTEL-PROMONTOIRE
(chambre avec vue sur chaos)

 

Des héros et des héroïnes devant les remparts imposants d'une cité imprenable, dans la position de celles et ceux qui mènent bataille sur bataille dans une guerre qui n'en finit pas de commencer et qui, avec le temps, qui passe, et les histoires, qui se racontent, restent dans la zone, à défendre ce qui doit être défendu et à attaquer ce qui doit être vaincu.

« Je me dis toujours qu'une pièce de théâtre raconte toujours l'histoire d'acteurs et d'actrices qui se parlent de théâtre. »
Jules Ronfard

 

 

PROLOGUE

 

KALK
C'était un temps il y a longtemps, un temps ou les êtres ne se parlaient pas aussi facilement  que nous le faisons aujourd'hui, un temps ou dire quelque chose avait des conséquences sérieuses sur le reste et sur les autres, ou prendre la parole pouvait impliquer toutes sortes de cataclysmes, de remises en question, de destruction et de déséquilibres, c'était une époque qui n'avait rien à voir avec ce que nous considérons comme notre époque, aujourd'hui, qui voit circuler des êtres qui ne portent pas à conséquences, qui ne se compliquent pas avec des promesses ou des mains tendues, une époque différente  de celle-ci ou on s'est libéré de ces superstitions débiles et ou on peut promettre sans risquer de tenir parole, ou la parole ne s'encombre plus de ces conventions conservatrices et ou elle peut librement se laisser aller simplement entre les êtres sans contrainte : plus besoin de parler, on communique gentiment, plus besoin de tenir les promesses, ni les mains : nous sommes libres et rapides et agiles, nous pouvons courir sans nous souvenir de qui nous avons rencontré, la vie est trop courte pour se barrer la route avec des soucis de dialogue dans lesquels l'autre a toujours plus ou moins tort parce qu'il est toujours plus ou moins étranger à soi (et l'étranger ne comprend jamais, à cause des problèmes de langue, là ou on veut en venir) alors qu'en évoluant vers l'aire de la communication, l'autre n'est plus un problème à régler mais une interface à travers laquelle on peut échanger un peu de contenu : une interface ne promet pas, ne triche pas, et ne risque donc pas de manquer une promesse ni de planter un couteau dans le dos ou dans la gorge, une interface ne déçoit pas, une interface ne déçoit jamais comme on voit à cette époque. Ça circule. Dans tous les sens. À croire que c'est fait pour ça. Comment on appelle ça? Un théâtre. On ne pourra pas dire qu'on ne sait pas utiliser les mots pour ce qu'ils veulent dire. On pourra dire beaucoup de choses sur nous, comme par exemple des choses sur notre remarquable pudeur quand il s'agit de sauver son prochain d'une mort certaine, mais pas que nous ne savons pas faire preuve d'ironie : nommer théâtre le lieu depuis lequel on regarde nos attentes, c'est fort, vraiment fort, vraiment très très fort. Je me souviens d'un temps ou le théâtre du monde était d'un autre commerce et d'une autre centralité. Je dis qu'il était un temps ou le centre était un temple dans lequel on se rendait pour poser une question – pour avoir une réponse, oui, bien sûr, mais surtout pour poser la question – alors que les centres du monde du monde d'aujourd'hui sont des prêts à porter depuis lesquels il est difficile de poser n'importe quelle question, au risque de se faire ensevelir par une montagne de réponses toutes faites. Il faut s'habituer. S'y faire. S'y faire. S'y faire. Se faire à l'idée. Se faire à l'idée de se faire à l'idée. S'habituer. Sinon, on pourra toujours regarder en arrière comme si on espère le beau temps quand il fait moche. Autant se foutre en l'air tout de suite. Il était un temps où tout ça n'allait pas aussi vite et où il n'y avait pas besoin de se téléporter pour se rendre à la destination escomptée : je parle d'un temps ou les oiseaux étaient observés pour leurs facilités de voyagement; on lisait des présages, des messages mystérieux envoyés par de mystérieux destinataires lors de circonstances particulières comme des guerres ou des changements de territoires en avancée toujours plus audacieuse à la surface; par la mer, par la mer, on parcoure le monde jusqu'en ses confins sans certitude de retour à la maison, le port d'attache est une boussole pour se consoler quand on sait qu'on ne reviendra plus. Le flow. The flow is the new énergie vitale. Ça circule. Ça va plus loin encore. Ça file en douce. Ça se reconnecte. Ça se téléporte plus vite encore qu'on ne l'aurait imaginé dans les romans de Science-Fiction. La téléportation n'a rien de spectaculaire : elle est la norme d'un parcours délimité par des bornes spatio-temporelles qui sont autant de passerelles ou ça circule à toute vitesse. La certitude définitive de ces lieux centraux, on aurait dû se méfier, la certitude avec laquelle nous inventons nos sorties dominicales, on aurait dû prendre garde; mais une fois que la gueule est ouverte, tu peux toujours courir pour échapper aux monstres affamés. Ce territoire n'a pas toujours été ce territoire sur lequel nous posons les pieds. Ce territoire n'a pas toujours été – un jour il a été autre chose : d'autres ont vécu et peut-être, dans une certaine mesure, continuent de vivre, d'une certaine manière. Il y a des guerres qui n'en finissent pas de commencer, il y a des combats qui toujours se poursuivent, parce que la vie jamais ne cesse de battre. Ce que l'on voit est la tentative de masquer le réel; le réel, ce qui a existé mais qui a cessé de se voir par manque de narration. Chaque génération, sans doute, se...

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