Le malheur
Pièce surréaliste. Ton absurde – humour de l’absurde.
Un homme rencontre le malheur incarné qui va lui refiler son rôle de « malheur ».
Pièce surréaliste. Ton absurde – humour de l’absurde.
Un homme rencontre le malheur incarné qui va lui refiler son rôle de « malheur ».
Le Malheur
Acte Unique
C’est la nuit. Clair de lune. Un homme est debout, au centre de la scène. Il consulte sa montre et attend. Il se nomme Victor(ça peut toujours être utile de préciser).
Arrive dans le fond de la scène et vêtu tout en noir un autre homme qu’on a peine à distinguer sous ses vêtements.
NOIR
Tiens, une présence humaine !
Victor très surpris se retourne et considère d’un œil méfiant son visiteur.
NOIR
Il est toujours bon de voir quelqu’un à une heure si tardive de la nuit lorsque l’on pense que la solitude est notre mère.
VICTOR
A qui ai-je l’honneur ?
NOIR (bien droit)
Au malheur.
Round d’observation.
NOIR
Cela vous impressionne n’est-ce pas ? Qu’attendiez-vous, votre fiancée ?
VICTOR
Oh non, monsieur, je n’ai pas cette chance.
NOIR
Alors ?
VICTOR
J’attends l’éclipse.
NOIR
Tiens, il y a donc une éclipse, ce soir ? Vous voyez, je ne me tiens même plus au courant du monde. Vous n’avez donc pas de fiancée ?
VICTOR
Pas de fiancée, non. Pourquoi, en auriez-vous une à m’offrir ?
NOIR
Oh, pauvre homme, je n’ai que le malheur à offrir. Tenez, si vous en voulez, je m’en débarrasse, corps et bien, quitte à devenir vide une fois m’être délaissé de ce fardeau, vide comme l’univers avant son existence.
VICTOR
Merci mais j’ai déjà ma dose.
NOIR
Je le traîne comme un boulet depuis des années, il ne me quitte plus, il est mon corps, voyez-vous. Je cherche à m’en débarrasser mais personne ne veut me le reprendre, les gens sont tous égoïstes, ils ne veulent pas partager la souffrance. Elle est sur moi, toute la douleur du monde et ça leur fait la jambe belle, ils sont tranquilles voyez-vous les gens, tout au plus daignent-ils prendre parfois un peu pitié.
VICTOR
A vous entendre, on vous croirait la réincarnation du Christ
NOIR
Le Christ était plus grand, il portait sa croix sans se plaindre et heureux que personne ne soit martyr à sa place. Il n’aurait pas voulu que d’autres souffrent. Mais voilà, aujourd’hui les Christs n’existent plus.
VICTOR
Vous souffrez donc tant ?
NOIR
J’ai souffert et je porte encore ma souffrance.
VICTOR
Et vous voudriez qu’on vous aime.
NOIR
Inutile, mon malheur est si grand que je suis devenu incapable d’aimer.
VICTOR
Alors la mort ?
NOIR
Pas si vite.
VICTOR
Quel âge avez-vous ?
NOIR
Trente-trois ans.
VICTOR
L’âge du Christ.
Il regarde sa montre.
NOIR
Dans combien de temps ?
VICTOR
Une demi-heure.
Silence.
VICTOR
Et vous, que faites-vous dehors ?
NOIR
J’erre.
VICTOR
Comme un malheureux !
NOIR
Oh, pas d’ironie, s’il vous plait. Cela ne m’amuse pas. Vous pensiez peut-être me rendre le sourire avec votre ironie… non, la plaisanterie, cela ne m’amuse plus, ce n’est qu’un trompe l’ennui, une façon d’oublier le malheur, une façon bien peu efficace pour lutter contre le malheur.
VICTOR
Parce que vous connaîtriez de bonnes façons de lutter contre le malheur ? Alors je suis preneur.
NOIR (fort noir)
Le malheur, il faut le refiler, comme la peste.
VICTOR
Vous voulez dire, le décharger sur les épaules de quelqu’un ?
NOIR
Oui, le décharger.
VICTOR
Sur une femme ? Une femme peut vous aimer…
L’autre reste silencieux.
VICTOR
Enfin, à moi, il me semblerait qu’avec une femme, une femme qui m’aimerait, il me semblerait, oui, que je serais heureux.
NOIR
Ah, naïf ! Vous en êtes encore à penser que les femmes ont un cœur… Mais les femmes sont des bêtes, mon ami, elles aiment comme des bêtes, elles ne se rendent qu’à la nature et puis elles vous oublient, quoiqu’elles aient pu en dire, un jour ou l’autre elles vous oublient. Ne comptez pas sur les femmes pour emporter votre âme dans la tombe. Elles vous rendront tellement noir, tant ces jeunes bêtes vous auront abandonné, elles vous rendront...