Acte I
Scène 1
(Sylvain et Adeline sont dans leur maison, à s'affairer dans tous les sens pour préparer un barbecue dans le jardin).
ADELINE
Il est midi. Tout le monde va arriver. Le barbecue est prêt, chéri ?
SYLVAIN
Heu, pas tout à fait. Comme c'est un nouveau modèle que j'ai acheté sur internet, j'essaie encore de comprendre comment il fonctionne. Le mode d'emploi est en norvégien, mais ça devrait aller.
ADELINE
Je t'avais pourtant dit de ne pas prendre ce machin norvégien. On ne sait pas ce que ça vaut.
SYLVAIN
Il y a cinq étoiles sur tous les avis alors crois-moi, c'est du haut de gamme !
ADELINE
Encore faut-il savoir s'en servir. Tu auras l'air malin si tu n'arrives pas à le mettre en route quand les invités seront là !
SYLVAIN
Ouais... C'est quand même une drôle d'idée que tu as eue d'organiser cette bouffe-plouf avec tous les gens de la commune !
ADELINE
On vient d'emménager. C'est bien de s'intégrer. Et puis on va donner une bonne impression.
SYLVAIN
Mais tu te rends compte que tu as donné au facteur des invitations pour tout le village ?
ADELINE
Il est très gentil ce facteur. Il!-- Gabriel -- a accepté de distribuer les invits gratuitement pendant sa tournée.
SYLVAIN
Mais ça va être noir de monde chez nous !
ADELINE
Oh, ça va ! C'est un tout petit village. 1500 habitants seulement.
SYLVAIN
D'accord, mais on habite en plein bourg. Si les 1500 décident de venir, le barbecue sera trop petit. Et je ne parle pas de la piscine. Tu imagines ? 1500 personnes dans notre piscine de 30 mètres carrés ? Ils vont tout salir !
ADELINE
Déjà, tout le monde ne viendra pas, et tous ceux qui viendront ne se baigneront pas. Laisse-moi de relire le tract que j'ai fait.
(Elle lit un prospectus).
« Adeline et Sylvain, nouveaux arrivants dans votre charmant village, vous invitent tous à une bouffe-plouf, c'est-à-dire un repas autour d'un barbecue et une baignade dans la piscine pour ceux qui le désirent. Nous vous demandons de venir avec à manger et à boire et nous partagerons tout dans une ambiance conviviale. Par mesure de sécurité, nous vous demandons de venir sans vos enfants. Rendez-vous, etc, etc ».
SYLVAIN
Et donc ?
ADELINE
Déjà, ceux qui ont des enfants ne viendront pas tous. S'ils ne peuvent pas les faire garder. Ensuite, il y aura forcément des gens que ça n'intéressera pas. Si on a une cinquantaine de personnes, ça sera déjà bien.
SYLVAIN
En tout cas, j'espère que madame Drapeau, la maire !-- Drapeau --du village, va venir. Ça pourrait peut-être la!-- Drapeau -- convaincre d'accepter mon permis de construire pour l'agrandissement de la maison.
ADELINE
Tu vois finalement que j'ai eu une bonne idée ! Si madame le Maire!-- Drapeau -- accepte le permis avec notre bouffe-plouf, ça sera formidable. On pourra enfin héberger maman.
SYLVAIN
Oui d'ailleurs, ta mère, tu aurais pu t'abstenir de l'inviter aujourd'hui. Avec le monde qu'on va recevoir.
ADELINE
Tu sais bien qu'elle adore se baigner.
SYLVAIN
Aujourd'hui, elle aurait pu s'en passer !
(On sonne).
ADELINE
Ah ! Ça y est. Les premiers arrivent.
SYLVAIN
Occupe-toi de les accueillir. Moi, je vais me remettre dans mon mode d'emploi norvégien. Fichu barbecue !
Scène 2
(Sylvain part dans le jardin tandis qu'Adeline va ouvrir la porte à Florence!-- Florence -- qui a un sac de plage).
FLORENCE
Bonjour madame, c'est bien ici la... bouffe-plouf ?
ADELINE
Oui, bienvenue ! Mais ce n'était pas la peine de sonner. J'avais mis un écriteau sur la porte.
FLORENCE
Vous savez, c'est plus fort que moi. Quand je vois une porte fermée, il faut que je sonne.
ADELINE
Ce n'est pas grave. Entrez donc. Je m'appelle Adeline.
FLORENCE
Moi, c'est Florence!-- Florence --. Veuillez accepter mes excuses. Je n'ai pas l'habitude d'être en retard. Vous aviez dit midi, et il est déjà 12h10.
ADELINE
Ce n'est rien. Vous êtes la première.!-- Florence --
FLORENCE
La première!-- Florence -- ? Ouh la la, c'est très gênant ! Moi et la ponctualité. C'est vrai que quand on dit midi, il ne faut jamais venir à midi mais toujours un peu plus tard. La première arrivée!-- Florence --... Je ne sais plus où me mettre...
ADELINE
Mais non, pas de panique ! Il faut bien un premier.
FLORENCE
Bien, dans ce cas... Je vous ai apporté à manger et à boire, comme vous avez dit.
(Elle!-- Florence -- sort de son sac de la nourriture et une bouteille qu'elle donne à Adeline).
ADELINE
Et vous avez pris votre maillot ?
FLORENCE
Heu oui... Je n'étais pas bien sûre!-- Florence -- d'avoir compris. Nous allons pouvoir profiter de votre piscine, c'est bien ça ?
ADELINE
Oui c'est bien ça. Barbecue et piscine toute la journée.
FLORENCE
Et où est-ce que je pourrai me changer ? Je n'ai pas l'habitude de me promener avec mon maillot sur moi. Question d'hygiène, vous voyez ?
ADELINE
Oui, je vois. Nous avons une cabine dans le jardin. Pas de problème !
FLORENCE
Elle est bien propre, cette cabine au moins ?
ADELINE
Elle est nickel. Et elle a tout le confort nécessaire.
(Florence!-- Florence -- va remettre en place un tableau légèrement de travers).
FLORENCE
Excusez-moi. Ce tableau n'est pas très droit. Voilà, c'est mieux !
ADELINE
Je n'avais même pas remarqué. Vous savez, nous ne nous arrêtons pas à ce genre de détail.
FLORENCE
Moi si. C'est important, l'ordre. Si vous le permettez...
(Elle!-- Florence -- se dirige vers la cible de fléchettes accroché au mur).
ADELINE
Quoi donc ?
FLORENCE
Quand on a fini de jouer aux fléchettes, il faut les retirer de la cible.
(Elle commence à vouloir retirer une fléchette).
ADELINE
Ne touchez pas, malheureuse!-- Florence -- ! Il n'agit pas d'un jeu de fléchettes, mais d'une sculpture du grand Koundéloff. Une oeuvre d'une valeur inestimable !
FLORENCE
Une sculpture, ça ? C'est simplement une cible avec une fléchette au milieu et toutes les autres sur 1 point. Je ne vois pas de sculpture.
ADELINE
C'est de l'art moderne. C'est pour symboliser le fait que ce n'est pas parce qu'on est le seul à avoir une opinion qu'on a forcément tort.
FLORENCE
C'est profond, votre truc. Mais ça donne quand même envie de les retirer, les fléchettes.
ADELINE
Je ne vais pas les retirer. Par contre, je vais enlever l'oeuvre du mur. Je ne voudrais pas que d'autres invités aient la même idée que vous !
(Elle retire la cible du mur et va la cacher sous la table basse).
FLORENCE
Vous avez raison, c'est plus prudent. Même si moi, je l'aurais rangé dans un placard, plutôt que négligemment sous la table.
ADELINE
(un peu agacée) Allons dans le jardin, je vais vous présenter mon mari.
Scène 3
(Adeline et Florence!-- Florence -- partent dans le jardin. La porte d'entrée s'ouvre, laissant entrer Jean-Pierre en maillot de bain et marcel, et sa femme Brigitte. Jean-Pierre porte un énorme sac à dos. Brigitte a une bouteille et des brochettes. Elle est déjà très ronchon).
BRIGITTE
Tu aurais pu au moins sonner Jean-Pierre ! On n'est pas chez nous ici !
JEAN-PIERRE
Mais enfin ma poulette. Il y a un écriteau qui dit d'entrer sans sonner. J'imagine que c'est pour leur éviter les va-et-vient.
BRIGITTE
Moi, je dis que ça ne se fait pas. Déjà, je ne voulais pas venir. Je ne sais pas qui sont ces gens. Depuis quand on invite des inconnus dans sa piscine ?
JEAN-PIERRE
C'est une bouffe-plouf, Brigitte. Tu n'as jamais assisté à une bouffe-plouf ?
BRIGITTE
Non. Et je ne connaissais même pas le mot. C'est complètement ridicule, ce nom.
JEAN-PIERRE
Moi, je trouve ça plutôt marrant.
BRIGITTE
Et franchement, tu n'aurais pas pu te changer ici ? Tu te rends compte que tu as traversé tout le village à poil ?
JEAN-PIERRE
Je ne suis pas à poil, je suis en maillot de bain. Et j'ai mis mon maillot de corps.
BRIGITTE
C'est pareil. On ne se balade pas en maillot dans les rues.
JEAN-PIERRE
N'empêche que je suis déjà prêt à me baigner, moi !
BRIGITTE
Peut-être, mais tu as fait peur à madame Duchon. Elle ne te reconnaissait pas dans cette tenue.
JEAN-PIERRE
Oui, elle a dû être traumatisée par mon corps d'athlète !
BRIGITTE
Ton corps d'athlète ? C'est vrai qu'elle n'a plus de très bons yeux. Heureusement que je lui ai dit que c'était toi. Elle était sur le point d'appeler les flics. Tu as vraiment failli nous attirer des ennuis !
(Sylvain revient du jardin).
SYLVAIN
Ah bonjour ! Je n'avais pas entendu sonner.
BRIGITTE
C'est normal, on n'a pas sonné. (à Jean-Pierre, d'un ton de reproche) Tu vois ? Je t'avais dit qu'il fallait sonner !
SYLVAIN
Non non ! C'est ma faute. C'est moi qui avais oublié l'écriteau sur la porte.
(à Jean-Pierre) Je vois que vous êtes déjà prêt à barboter...
JEAN-PIERRE
Oui, je me suis dit autant éviter la queue pour aller se changer. J'ai juste à retirer mon maillot, et hop !
SYLVAIN
Vous comptez vous baigner sans votre maillot ?
JEAN-PIERRE
Je parle de mon maillot de corps. Mon marcel, quoi !
SYLVAIN
Ah d'accord ! Et ce sont vos...