Doliprane

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Vous êtes les bienvenus dans un monde où tout le monde a mal à la tête. Heureusement, on peut prendre du Doliprane pour se soigner. Mais le médicament a un effet secondaire inattendu…il donne mal à la tête !

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Scène 1 - HOMME 1 et FEMME 1

Une pièce déserte, une chaise en très mauvais état en son centre. Des lumières rouges. Un ventilateur en marche à droite de la scène. Un chauffage en marche à gauche de la scène. L'Homme 1 est assis en tailleur, dos au public et face à la chaise. La Femme 1 entre, il se lève. L'Homme 1 est énervé, impatient et impulsif. La Femme 1 parle d'une voix douce, elle est calme et sûre d'elle. Les deux personnages se tournent autour pendant la discussion. Ils ne sont immobiles qu'en position assise.

HOMME 1- Bah pourquoi tu rentres ? Tu t'es crue chez toi ?

FEMME 1 - La porte était ouverte, je suis entrée. Pourquoi tu t'énerves ? On ne se connaît même pas.

HOMME 1 - Là est le problème.

FEMME 1 - Tu n'accueilles chez toi que des personnes que tu connais ?

HOMME 1 - Oui. Ça me semble normal.

Évident même.

FEMME 1 - Pourquoi tu n'accueilles pas des gens que tu ne connais pas ?

HOMME 1 - Parce que je ne les connais pas.

FEMME 1 - C'est dommage.

HOMME 1 - Oui dommage peut-être mais pour le moment tu dégages. Tu veux que j'appelle les flics ?

FEMME 1 - Oh calme-toi ! La police ne viendra pas.

HOMME 1 - C'est ce qu'on va voir.

FEMME 1 - Il n'y a plus de policiers, ils se sont dissous.

HOMME 1 - Dissous ? Putain mais c'est quoi ces conneries ?

FEMME 1 - Ils se sont dissous comme du

Doliprane dans l'eau. -elle se tient la tête- D'ailleurs j'ai mal à la tête, t'as pas un médoc -elle tend la main- ?

HOMME 1 - Tu m'étonnes que t'aies mal à la tête, t'as pas plutôt un petit problème au cerveau ? Tu débarques chez moi et tu prétends que les policiers se sont dissous. C'est quoi ton problème ?

La Femme 1 s’assoit sur la chaise.

FEMME 1 - Je peux m'asseoir ?

HOMME 1 - Tu es assise.

La Femme 1 se lève.

FEMME 1 - Je peux me lever ?

HOMME 1 - Tu t'es levée. Pourquoi tu me demandes ?

FEMME 1 - Comme ça. Pour discuter.

HOMME 1 - Je n'ai pas envie de discuter.

FEMME 1 - Ça fait longtemps que tu vis ici ?

HOMME 1 - Depuis quelques heures.

FEMME 1 - Tu viens d'emménager ?

HOMME 1 - Je n'habite pas ici.

FEMME 1 - Alors pourquoi tu prétends que c'est chez toi ?

HOMME 1 - Parce que qu'il n'y avait personne quand je suis arrivé. Maintenant, dégage.

FEMME 1 - T'as pas du Doliprane -elle tend la main- ?

HOMME 1 - Laisse-moi putain !

FEMME 1 - Donne-moi une pastille de lave-vaisselle alors -elle tend la main-.

HOMME 1 - Pour ton mal de tête ?

FEMME 1 - Ben non, pour mon lave-vaisselle.

HOMME 1 - Mais tu t'es crue chez toi ?

FEMME 1 - Pas plus que toi.

HOMME 1 - Ça veut dire quoi ça ?

FEMME 1 - On est tous les deux chez nous. Il n'y a plus personne dehors. Sauf quelques errants qui attendent devant les immeubles vides. La police s'est dissoute. Plus personne n'a de volonté. Plus de qualités ni de défauts, plus de sentiments ni d'émotions. Enfin tu le sais ça, ça ne date pas d'hier ?

HOMME 1, il tape du pied, serre les dents - Mais tu délires putain ?

FEMME 1 - Je ne t'apprends rien. Le monde tourne désormais au ralenti. Il est devenu trop lourd.

HOMME 1 - Qu'est-ce qui s'est passé ?

FEMME 1 - Ça t'intéresse maintenant ?

HOMME 1 - Je ne comprends rien, il y a quelques heures tout était normal ?

FEMME 1 - C'était quand, quelques heures ?

HOMME 1 - Ben quelques heures quoi ? Plusieurs soixantaines de minutes, faut que je t'explique ce que c'est qu'une heure maintenant ? bordel, quelques heures, on n'a pas changé de temps non plus, -à la limite des larmes- on n'a pas changé de dimension mais pourquoi je discute avec toi en fait ? Rien n'a changé, tu viens me faire chier. Laisse-moi, va-t'en.

FEMME 1 - Je ne comprends pas pourquoi tu me parles d'heures et de minutes. Ça n'existe plus.

HOMME 1 - Depuis quand ?

FEMME 1 - Quelques heures.

HOMME 1 - Tu te fous de ma gueule ? C'est une caméra cachée, c'est un coup de la télévision ça encore. Voilà bravo, félicitations, tu m'as eu, Hahaha -rire forcé et appuyé, pas du tout naturel- très drôle, ça va passer au zapping. Ça va faire rire les gens, qui ne sont peut-être pas déjà assez cons comme ça ?

FEMME 1 - Je ne suis pas de la télé. Et les gens ne sont plus cons.

HOMME 1 - Ils l'ont été.

FEMME 1 - Sans doute.

HOMME 1 - Ils le sont toujours.

FEMME 1 - Il n'y a plus de qualités ni de défauts je te dis. Donne-moi une pastille de lave-vaisselle.

HOMME 1 - J'en ai pas. Mais j'ai du Doliprane.

FEMME 1 - J'en ai pas besoin.

HOMME 1 - Mais ton lave-vaisselle si.

FEMME 1 - Très drôle.

HOMME 1 - Bon en fait c'est quoi ce bazar, tu n'es pas de la télé, tu n'es pas chez toi, la police s'est dissoute, le monde est trop lourd, les gens ne sont plus cons. C'est la fin du monde ?

FEMME 1 - Pourquoi la fin ?

L'Homme 1 s’assoit.

HOMME 1 - Quand il n'y a plus rien c'est la fin.

FEMME 1 - Et pourquoi pas le début ?

HOMME 1 - Il faut qu'il y ait quelque chose pour un début. On ne peut pas partir de rien. Et puis de toute façon, rien n'est fini. Tu es chez moi je te rappelle, va-t'en, je suis occupé.

FEMME 1 - Tu es assis.

HOMME 1 - Et alors ?

FEMME 1 - Tu ne peux pas être occupé.

HOMME 1 - On ne peut pas être occupé quand on est assis ?

FEMME 1 - Ne généralise pas.

HOMME 1 - Je ne généralise pas ?

FEMME 1 - Tu as dit « on ».

HOMME 1 - Pourquoi tu me tutoies d'ailleurs ? On ne se connaît pas.

FEMME 1 - Comment ?

HOMME 1 - Vouvoie-moi.

FEMME 1 - Quoi ?

HOMME 1 - Vouvoie-moi, dit « vous » : vous êtes gentil, vous êtes aimable, vous êtes beau. Enfin voilà putain, je ne vais pas t'apprendre comment parler ?

FEMME 1 - Gentil, aimable, beau ? Vous ? Je ne comprends pas. Ces mots n'ont plus de sens, on les a vidé.

HOMME 1 - Ne généralise pas.

FEMME 1 - Je ne généralise pas ?

HOMME 1 - Tu as dit « on ».

FEMME 1 - Parce que je les ai vidé avec d'autres.

L'Homme 1 se lève.

HOMME 1 - On ne peut pas vider des mots.

FEMME 1 - C'est pourtant ce que j'ai fais.

HOMME 1 - Tu te fous de ma gueule.

FEMME 1 - Un peu.

HOMME 1 - Quoi ?

FEMME 1 - Ça m'amuse de voir que tu fais mine de découvrir ce que tu sais déjà.

HOMME 1 - Je sais tout, tu ne m'apprends rien, tu es folle. Qui t'envoie ?

FEMME 1 - Je suis venu toute seule.

HOMME 1 - Tu as dit qu'il n'y avait plus de volonté ? Tu es membre d'un groupe ?

FEMME 1 - Il n'y a plus de groupe. C'était inutile, on les a dissous.

HOMME 1 - Comme la police ?

FEMME 1 - En même temps.

HOMME 1 - Ça servait a quelque chose je trouvais.

FEMME 1 - A quoi ?

HOMME 1 - Je t'en pose des questions ?

FEMME 1 - Je suis là pour ça.

HOMME 1 - Pour me poser des questions ou pour me faire chier ?

FEMME 1 - C'est une question de point de vue. Pause Tu es malade ?

HOMME 1 - Ben non, pourquoi faudrait-il que je le sois ? Il n'y a pas assez de malades comme ça ? Des fous, des lépreux, des cancéreux, des schizophrènes, des comme toi, des pas normaux...

FEMME 1, elle fronce les sourcils, prend un air répugné, tourne le dos à la scène et à l'Homme 1- N'importe quoi.

HOMME 1 - Comment ça ?

FEMME 1, se retourne vivement – Tu dis n'importe quoi : t'es malade ?

HOMME 1 - C'est peut-être ça ma maladie, je dis n'importe quoi. Laisse-moi dire ce que je veux.

FEMME 1 - Tu n'as plus de volonté. On te l'a...

HOMME 1, finis la phrase précédente, avec un air ironique - Dissoute ? Putain mais on ne dissout pas tout comme ça bordel !

FEMME 1 - C'est pourtant facile.

HOMME 1 - De dissoudre ?

FEMME 1 – D'être malade.

HOMME 1 – N'importe quoi toi aussi. Nan mais depuis toute à l'heure, tu racontes quand même n'importe quoi. Tu ne m'apprends rien fait. Ou si, tu ne m'apprends que du rien depuis tout à l'heure. A t'écouter il n'y a plus rien, tout s'est vidé et s'est dissous. Pourtant on est bien là, on discute, on est bien chez moi, tu n'es pas chez toi, va-t'en.

FEMME 1 - Je n'ai pas envie. Je n'ai pas de volonté.

HOMME 1 - Alors pourquoi tu es entrée ?

FEMME 1 - Parce que c'était ouvert. Allons marcher dehors.

HOMME 1 - Si je pars, je ne pourrais jamais revenir. Quelqu'un d'autre aura pris possession des lieux.

Noir lumineux et musical.

Scène 2 - FEMME 1 et SUPERVISEUSE

Même pièce, sans la chaise au centre. Toujours le ventilateur à droite et le chauffage à gauche. Ils sont éteints cette fois-ci. Lumières rouges. La Superviseuse est en tailleur, elle a des lunettes, un air sévère, un ton sec, une pochette à la main. Elle est hautaine. Insupportable. Détestable. Les deux femmes ne se regardent pas quand elles parlent.

SUPERVISEUSE - Alors tu es allée lui parler ?

FEMME 1 - Évidemment.

SUPERVISEUSE - Il a dit quoi ?

FEMME 1 - Il n'a pas changé.

SUPERVISEUSE - Donc il ne veut toujours rien savoir ?

FEMME 1 - Non, rien.

SUPERVISEUSE -Pourtant il va bien falloir qu'il sache.

FEMME 1 - Qu'il sache quoi ?

SUPERVISEUSE - Que tout a changé.

FEMME 1 - Il devrait le savoir.

SUPERVISEUSE - Mais il ne le sais pas, alors tu y retournes !

FEMME 1, elle s’assoit en tailleur et soupire - J'en ai ma claque. C'est le dernier à ne pas comprendre. Ça fait des mois que j'essaie de lui ouvrir les yeux. Aujourd'hui j'ai même essayé de lui faire croire que tout avait disparu. Plus de police, plus de volonté, plus de mots, plus de vouvoiement, plus de minutes ni d'heures, plus rien.

SUPERVISEUSE - Hahahaha t'y vas fort ? Et du coup ça lui a rien fait ?

FEMME 1 - Il avait l'air de s'y habituer.

SUPERVISEUSE - Mais il est complètement

cinglé ce type ? Il va bien falloir lui faire comprendre.

FEMME 1 - Ça fait des mois que j'essaie de lui faire comprendre. J'en ai marre -elle se lève et se frotte le front-. En plus j'avais un de ces mal de tête aujourd'hui .

SUPERVISEUSE - Oui et ton lave-vaisselle n'a plus de pastille, je sais.

FEMME 1 - Comment tu sais ?

SUPERVISEUSE - Parce que ça me fait la même chose quand j'ai mal au dos. Ma machine à café fait du thé.

FEMME 1, elle prend un ton doux et parle de manière exagérément lente, comme à un enfant - Mais tu ne te trompes de capsule...

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