« N’est que peine la vie entière Mais le plus étonnant Est qu’il en est qui en redemandent » (Al-Maâri, XIè siècle)
« Ils naquirent, ils souffrirent et ils moururent »
(Anatole France »
Elle soupire longuement et elle dit : - Que veux-tu que j’y fasse, hein, rien. J’ai eu la vie qu’Allah le Tout-Puissant comme quoi Il m’a donnée : une vie misérable de petite fille, une vie misérable de mère et maintenant une vie misérable de vieille comme quoi rabougrie et malade.
Elle soupire longuement et elle dit : - Toute ma vie, à peine je m’habituais à un malheur, qu’aussitôt Allah le Tout-Puissant comme quoi Il se hâtait de m’en envoyer un autre, en relève.
Elle soupire longuement et elle dit : - Tant qu’à la fin, les jours et les nuits de ma vie, on aurait dit que c’était une horde de bêtes féroces comme quoi qui me poursuivaient en proie, nuit et jour, jour et nuit, tout le long des interminables jours et des inter- minables nuits de ma longue, de ma trop longue vie.
Elle soupire longuement et elle dit : - Et crois-moi, ça n’a pas toujours été facile.
Elle soupire longuement et elle dit : - Tu vois, quand la vie comme quoi elle me devenait insupportable, quand il n’y avait même plus la moindre éclaircie ni la moindre embellie, je me souviens comme quoi que tout débordait en moi.
Elle soupire longuement et elle dit : - Je devenais comme quoi folle, j’en perdais toute raison.
Elle soupire longuement et elle dit : - Et plus je perdais le contrôle de moi-même, plus j’entendais en moi la voix du mauvais djinn comme quoi qui me faisait dire que je m’en serais bien passée, de cette fichue vie qui me mettait tant à mal.
Elle soupire longuement et elle dit : - Je criais partout que j’aurais été bien mieux si je n’avais jamais été de vie, de cette vie.
Elle soupire longuement et elle dit : - En ce temps-là, à chaque fois que ma mère comme quoi elle devait rester alitée à cause de son trop de mal, c’était toujours à moi qu’il revenait en tant que fille aînée, de la remplacer en tout.
Elle soupire longuement et elle dit : - Et c’était dur, si dur.
Elle soupire longuement et elle dit : - Et mes petites sœurs comme quoi elles ne pouvaient en rien m’aider, au contraire, souvent elles me prenaient la tête à se plaindre des petites misères comme quoi qu’elles se faisaient les unes les autres.
Elle soupire longuement et elle dit : - Et tu vois, quelques fois je me mettais en colère, une colère si noire que ça faisait dire à ma mère que le mauvais djinn comme quoi il était déjà en train de s’emparer à nouveau de moi.
Elle soupire longuement et elle dit : - Et alors dès que je commençais à trop crier, ma mère qui d’habitude n’était jamais tendre avec nous, à cause qu’il nous fallait apprendre que la vie est dure, eh bien là, par contre, là, elle faisait tout pour m’apaiser le plus vite possible.
Elle soupire longuement et elle dit : - Avant que ta tête comme quoi elle ne soit plus ta tête, qu’elle disait.
Elle soupire longuement et elle dit : - Et il n’était pas rare qu’elle se relève, non sans peine, et qu’elle se traîne même à quatre pattes pour venir jusqu’à moi.
Elle soupire longuement et elle dit : - Je me souviens comme quoi qu’elle se faisait alors si tendre, si tendre, et c’était rare en elle d’être de la sorte, tant elle avait une vie si rude à cause de nous.
Elle soupire longuement et elle dit : - Et alors elle me prenait dans ses bras et me serrait contre elle.
Elle soupire longuement et elle dit : - C’était si rare, si rare comme quoi qu’elle nous prenait dans ses bras à peine elle nous sevrait.
Elle soupire longuement et elle dit : - Et là, si elle le faisait, c’était juste pour mieux supplier Allah le Tout-Puissant comme quoi qu’Il empêche le mauvais djinn de me faire commettre les pires péchés.
Elle soupire longuement et elle dit : - Et quand Allah le Tout- Puissant comme quoi Il restait sourd à ses prières, alors elle utilisait toujours la même astuce.
Elle soupire longuement et elle dit : - Elle me rappelait que ma petite sœur malade comme quoi elle avait tant et tant besoin de moi.
Elle soupire longuement et elle dit : - Et souvent ça marchait, à cause que j’aimais beaucoup ma petite sœur.
Elle soupire longuement et elle dit : - Mais parfois le mauvais djinn comme quoi il m’enserrait plus fort que ma mère, à me rendre insensible à tout.
Elle soupire longuement et elle dit : - Comme ce soir-là où j’avais refusé de donner une partie de ma propre part de pain à l’une de mes sœurs.
Elle soupire longuement et elle dit : - Ce n’était pas la toute petite, à cause qu’à elle comme quoi je ne refusais jamais rien.
Elle soupire longuement et elle dit : - Non, c’était ma cadette, la plus morfale et la plus paresseuse.
Elle soupire longuement et elle dit : - Et ce soir-là, elle prétendait comme quoi que je lui en aurais donné moins qu’aux autres.
Elle soupire longuement et elle dit : - Et alors, plus ma sœur comme quoi elle criait et pleurait, plus ma mère elle s’énervait contre moi.
Elle soupire longuement et elle dit : - Heureusement que ce soir- là elle ne pouvait pas se relever, sinon elle m’aurait battue plus que d’habitude.
Elle soupire longuement et elle dit : - Et comme elle ne cessait de me gronder, j’avais fini par lui jeter à la figure : - Tu n’as qu’à lui demander comme quoi qu’elle s’occupe de toi et de ta fichue maladie, à cause que c’est elle ta fille préférée !
Elle soupire longuement et elle dit : - Et alors toute furieuse, ma mère comme quoi elle s’écriait : - Comment peux-tu manquer de respect à ta propre mère comme quoi qui s’était fait déchirer les entrailles pour te donner la vie ?
Elle soupire longuement et elle dit : - Et moi je lui tenais tête, je continuais à hurler : - Moi aussi j’ai faim, et moi aussi je n’ai rien mangé depuis ce matin.
Elle soupire longuement et elle dit : - Et alors ma mère comme quoi elle s’était mise à me maudire, elle pestait : - Si j’avais su que tu serais si ingrate avec ta propre mère, j’aurais préféré ne t’avoir jamais donné la vie.
Elle soupire longuement et elle dit : - Et moi je ripostais dans ma plus grande colère : - Reprends-là cette misérable vie comme quoi que tu m’as donnée, je n’en veux pas, je n’en veux plus.
Elle soupire longuement et elle dit : - Et ma mère de s’énerver plus fort encore : - Quoi, tu n’as pas honte, c’est seul Allah le Tout-Puissant comme quoi qui peut la reprendre, pas moi.
Elle soupire longuement et elle dit : - Et moi j’en rajoutais : - Alors tu n’as qu’à demander à Allah comme quoi qu’Il la reprenne, et dis-lui que je n’en peux plus de la porter, cette vie qui n’est même pas une vie.
Elle soupire longuement et elle dit : - Et tu sais, de voir le mauvais djinn me pousser à lui tenir tête, ma mère comme quoi elle commençait à paniquer.
Elle soupire longuement et elle dit : - Et alors elle s’était mise à me supplier de vite aller vers elle comme quoi pour qu’elle me prenne dans ses bras, mais le mauvais djinn ne voulait pas.
Elle soupire longuement et elle dit : - Et comme je m’entêtais et m’entêtais, elle avait fini par demander à ma sœur cadette de vite aller chercher ma petite sœur.
Elle soupire longuement et elle dit : - Je me souviens que ma cadette comme quoi elle traînait ma petite sœur comme on tire un sac.
Elle soupire longuement et elle dit : - Elle n’arrivait pas à la porter sur son dos comme je le faisais, moi, chaque jour qu’il fallait la sortir, pour faire prendre un peu de soleil à son petit corps en squelette.
Elle soupire longuement et elle dit : - Et alors ça m’avait aussitôt fait trop mal de lui avoir fait tant de mal, à elle que déjà Allah le Tout-Puissant comme quoi Il l’avait chargée de la pire des maladies pour son petit âge.
Elle soupire longuement et elle dit : - Et comme c’était une nuit de pleine lune et qu’il me restait un petit rien de farine, j’avais rallumé le feu dans le four à pain pour y cuire une petite galette. Elle soupire longuement et elle dit : - Et on avait eu chacune sa petite part, et ça nous avait bien calmées.
Elle soupire longuement et elle dit : - Et quand mes sœurs comme quoi elles s’étaient endormies, je m’étais longuement occupée de ma mère.
Elle soupire longuement et elle dit : - Je lui baisais les mains et les pieds, tout en l’implorant comme quoi de me pardonner mon manque de respect.
Elle soupire longuement et elle dit : - Et ma mère comme quoi elle en profitait pour me raisonner.
Elle soupire longuement et elle dit : - Elle me disait que quels que soient les malheurs de chaque jour, il nous fallait comme quoi toujours remercier Allah le Tout-Puissant, rien que pour être encore en vie chaque...