ACTE I
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N° enregistrement SACD : 1535586 - Visa 2020
Une petite cuisine d’appartement modeste. Juste rangée mais sans propreté excessive. A l’ouverture du rideau, Alexis, téléphone portable en mains s’énerve… Il est assis sur l’une des chaises qui se trouve accotée à la table de cuisine. Il est onze heures trente à la pendule. On doit très vite deviner l’énervement et l’apparition du doute avant l’angoisse.
Alexis (Portable à l’oreille, souriant mais soucieux) – Alors, ma puce, tu fais quoi là… Ça fait au moins dix fois que j’essaie de te joindre… Bisous ma puce. Je t’aime.
Alexis (Raccrochant et posant brutalement son téléphone sur la table) – Tu me fais quoi, là, Goulwena… (Se ressaisissant) Je suis ballot. Elle avait sans doute un rendez-vous et elle a oublié de m’en parler. C’est pour ça qu’elle ne me répond pas. Calmos Alexis ! Calmos. Cool ! Be cool !
Alexis se lève énergiquement de sa chaise et se dirige vers un placard. Il en extrait une tasse à café qu’il positionne à sa place sur une machine à café de type expresso. Après avoir inséré une capsule de café prise dans le paquet à dosettes qu’on devine quasiment vide, il met en fonction l’appareil. Durant le temps que la machine fait le café (l’eau aura préalablement été préchauffée pour raccourcir le délai), Alexis se dirige vers la porte donnant vers la salle à manger. Il passe la porte pour rapidement revenir sur ses pas et se parler à lui-même.
Alexis (Toujours nerveusement) – Je fais n’importe quoi ! Mes clefs sont là (Il se dirige alors vers un meuble situé près de la porte d’entrée et récupère un jeu de clefs). (Pris d’un doute, levant les yeux vers le haut) Mince ! J’ai complètement oublié de dire à Goulwena de penser à ramener la clef USB sur laquelle elle a enregistré toutes nos photos de vacances…. (Alexis se saisit de nouveau de son portable puis, de manière machinale et mécanique, recompose le numéro de Goulwena. Après un petit moment d’attente, il laisse un message sur le répondeur.) Excuse-moi mon cœur de te déranger aussi souvent, mais si je t’appelais au début, c’était pour te demander de ne pas oublier la clef USB sur laquelle tu as mis toutes les photos de nos vacances. Dans l’entrefaite, j’ai complètement zappé. Tu te rappelles qu’on avait prévu de les regarder tous les deux ce soir ? J’avais tellement adoré ce voyage à San Francisco avec toi ma puce… Promis, je te referai le même gros bisou que nous avions fait sur le Golden Gate. Allez, je ne t’embête pas plus longtemps. Gros bisous ma puce… Je t’aime très fort, Goulwena.
Sans précipitation ni énervement, Alexis va, très distinctement et machinalement mettre dans sa poche le téléphone. Se dirigeant vers la machine à café, il récupère la tasse maintenant remplie. De nouveau il se retourne vers le placard pour y récupérer un morceau de sucre dans une boite sur une étagère et une petite cuiller dans un des tiroirs. Il se rassoit à la table, prenant le temps, en silence et doucement, d’entamer son breuvage. Il est face public et soutenant son regard, il a les yeux hagards. Le front est plissé. Il est soucieux. La scène doit volontairement durer une bonne poignée de secondes, sans bruit aucun pour ajouter de la pesanteur à la scène. Le ressenti de l’acteur doit être l’inquiétude, l’intuition que quelque chose n’est pas normal.
La sonnette retentit brièvement alors qu’Alexis a déjà commencé son café. Alexis n’a pas vraiment de réaction. Tout au plus tourne-t-il la tête vers la porte d’entrée.
Alexis (Alors que la sonnette retentit une seconde fois beaucoup plus longuement et donc impression de nervosité) – Oui, oui ! Pas de panique. J’arrive.
Alexis se lève lentement et, après avoir reposé sa tasse sur la table, se dirige mollement vers la porte d’entrée. Le jeu d’acteur doit se faire de telle sorte que l’on ressente une certaine indolence dans la démarche.
Alexis (Ouvrant la porte nonchalamment) – Ah ! Jef, c’est toi ! Entre.
Jef (Tapant amicalement la main d’Alexis) – Ben dis donc ! T’es mou toi. Tu as la crève ?
Alexis (Repartant s’asseoir sur sa chaise devant son café) – Non. Ca va, merci. Mais j’ai le moral dans les chaussettes. Tu veux un café ? J’étais en train d’en boire un, justement…
Jef (Refermant la porte sur lui et venant s’installer près d’Alexis, perpendiculairement à lui, sur un côté de table) – Non. Je te remercie. Je viens juste d’en avaler un avant de quitter l’appart’.
Alexis (Etonné) – Tu ne bosses pas aujourd’hui ?
Jef – Je suis en congés cette semaine. Ainsi je vais pouvoir aller à mon rendez-vous.
Alexis (Etonné) – Ton rendez-vous ?
Jef – Tu ne te souviens plus ? C’est normal. Tu sais, j’avais envoyé un CV pour…
Alexis – Ah oui ! Excuse-moi. Je ne me rappelais plus. Oui, oui, tu veux postuler pour aller chez Duroc, la boîte de com.
Jef – Je dois être à 17 h 30 chez eux. Ca va. J’ai tout mon temps, même avec la route, ça va.
Alexis (Toujours la tête ailleurs) – Ton boss n’est pas au courant que tu postules ailleurs ?
Jef – Non. C’est mieux. Même s’il le savait, il s’en ficherait. Tu sais Alexis, il est fini le temps où ton emploi était quasiment réservé. Désormais tu te casses et on te remplace aussitôt par un autre mec, sans expérience… mais surtout moins cher…
Alexis (Qui ressort de sa poche son téléphone portable et le visualise brièvement, pensant avoir reçu un message, puis le repose sur la table) – C’est une autre façon de resserrer la masse salariale tout en mettant un peu plus de pression sur ceux qui restent. A ceux qui n’osent pas partir, on leur dit « Démerdez-vous on n’a plus les moyens d’investir dans les salaires ! » Comme si le salaire pouvait être considéré comme un investissement matériel et non humain…
Jef – Sans compter que maintenant, on ne remplace même plus…
Alexis – Oui… C’est vrai. C’est tellement plus simple.
Jef (Qui se rend bien compte que quelque chose ne va pas chez Alexis) – Tu n’es pas comme d’habitude. Tu as un souci, Alexis ?
Alexis – Non. Pas vraiment. Mais ça fait cent cinquante fois que j’essaie d’appeler Goulwena. Je n’arrive pas à la joindre au téléphone. Elle ne me répond pas…
Jef (Eclatant de rire et un peu moqueur) – Oh ben tu parles si c’est grave…
Alexis (Malgré tout bon joueur) – Arrête de te foutre de moi. Jamais Goulwena ne me laisse sans message. Même si elle tarde à me recontacter, elle me rappelle systématiquement…
Jef (Dans une envolée lyrique, moqueur et surtout voulant remonter le moral d’Alexis) – Ah ma petite Goulwena d’amour. Que je t’aime, que je t’aime, que je t’aime ! ! !
Alexis (Enervé mais souriant devant la moquerie de Jef) – Arrête... Tu te crois malin ! Pfff !
Jef (Soudain réaliste) – Je ne m’en rendais pas vraiment compte, mais, dis donc, tu es vraiment accroc à TA Goulwena !
Alexis – Oui. Bien sûr. Et alors, je ne vois pas ce qu’il y a de drôle.
Jef – Ca ne t’arrive jamais à toi d’oublier ton portable… Peut-être l’a-t-elle tout simplement perdu… Ou bien encore elle se l’est fait voler. Va savoir…
Alexis (Intéressé par les arguments de Jef) – C’est vrai ! Je n’avais pas pensé à cette hypothèse. Tu as certainement raison…
Jef (Plein d’humour) – Je veux « que j’ai raison ». Ouais monsieur !
Alexis (Hanté par cette histoire) – Sauf que dans ce cas elle m’aurait appelé pour me prévenir…
Jef (Sidéré) – Tu n’as pas l’impression de dire une grosse connerie, là… Elle te téléphone avec son téléphone qu’elle a perdu… Ça, au moins, c’est du lourd… Tu es balaise toi comme mec. (Frappant gentiment l’épaule d’Alexis) Allez, calme-toi…
Alexis – Je suis idiot. Je suis désolé. Je m’énerve tout seul. C’est vrai que ce n’est pas très intelligent de ma part. Excuse-moi.
Jef – Je t’en prie. Ah comme c’est beau l’amour ! Sois rassuré parce qu’un jour Goulwena m’a parlé de toi et je peux te dire que c’est réciproque : elle aussi est vraiment accroc…
Alexis (Tentant une blague) – A son portable ?
Jef – (Ne se laissant pas désarçonner) – C’est tout à fait ça… (Avec humour) On n’avance pas vite, mais on avance. (Puis se recentrant sur sa réponse) Mais non crétin, accroc de toi, tiens…
Alexis – Ah !
La sonnette retentit.
Alexis (Qui retrouve le sourire et se précipite vers la porte d’entrée) – Ah ce doit être Goulwena… Mais pourquoi elle sonne ?
Jef (Qui veut donner espoir à Alexis) – Hé bien tu vois… Rien ne sert de paniquer, tout arrive…
Alexis (Ouvrant et marquant nettement sa déception de ne pas voir Goulwena face à lui) – Ah ! C’est toi ! Entre Katell…
Katell (Qui entre de manière vive puis fait la bise à Alexis et à Jef, qui, lui, s’est relevé) – Bonjour Alexis. Bonjour Jef. (Fronçant les sourcils d’inquiétude) Tu vas bien Alexis ? (Puis plus calmement à Jef, avec un petit sourire) Et toi Jef, ça va ?
Jef – Oui je te remercie Katell. Ca va super…
Katell (Avec humour) – Dit donc, Alexis, tu as un accueil fabuleux… Je constate que tu débordes d’enthousiasme de me voir… (Moqueuse) Ta joie de me recevoir est un ravissement…
Jef (Avec une pointe d’humour pour détendre l’atmosphère) – Laisse-le ! Il boude…
Alexis (Dépité) – T’es con toi !
Katell (Innocemment mais maladroitement interrogative) – Goulwena n’est pas là ?
Alexis – Hé non. Je ne sais pas où elle est. Je n’arrive pas à la joindre.
Katell (Ne pouvant deviner l’angoisse d’Alexis) – Ah ! Toi non plus !
Jef (Avec de gros yeux en direction de Katell sans qu’Alexis s’en aperçoive) – Décidément, vous vous êtes donnés le mot.
Katell (Interloquée) – Pourquoi dis-tu ça ?
Jef – Parce qu’Alexis trépigne d’impatience après se petite Goulwena d’amour…
Alexis (A Katell, renforçant son inquiétude) – Toi non plus tu n’arrives pas à la joindre ?
Katell – Nous nous étions mises d’accord pour faire l’ouverture de la nouvelle boutique de fringues, rue de la Gare, ce matin. Elle n’est pas passée à la maison comme prévu. J’ai imaginé qu’elle avait complètement oublié. Impossible de la joindre au téléphone… Du coup, j’ai pensé qu’elle devait être chez toi…
Alexis (Dépité) – Ben non !
Jef (Volontairement moqueur) – C’est ce qui s’appelle se faire désirer… Sacrée Goulwena. Elle jubilera lorsqu’elle apprendra toute la passion qu’elle déchaîne.
Katell – Sais-tu au moins où elle est partie ?
Alexis – Non !
Katell – Ce n’est pas grave si on ne peut pas la joindre. Peut-être n’a-t-elle plus de batterie ou elle a oublié son téléphone. Pourvu qu’elle ne l’ait pas perdu…
Jef (Saisissant l’occasion) – Ah ! Tu vois ce que je te disais Alexis. Katell a le même réflexe que moi…
Alexis (Pas convaincu) – Vous êtes gentils tous les deux. Je vous aime bien. Mais ce n’est pas ça qui va me rassurer…
Katell (Changeant de sujet) – Hé bien puisque je suis venue pour rien, tu pourrais au moins payer ton café Alexis ! Non ?
Alexis – Pas de soucis. Et toi, Jef, tu n’en veux toujours pas ?
Jef (Regardant Katell avec insistance) – Si Katell en prend un, je vais faire comme elle, finalement…
Alexis (Moqueur gentil) – Tu ne sais pas ce que tu veux. Pas de problème. (Dans un instant de gaieté) Et deux cafés, deux… Asseyez-vous, je vous ferai payer le même prix de toute façon…
Alexis se dirige à nouveau vers le buffet pour en retirer deux tasses. Puis il prend deux cuillers et la boîte de sucre qu’il pose sur la table, près de ses invités.
Jef (Haut, fort et rieur) – Merci chef !
Katell (Plus douce) – Merci Alexis.
Alexis met en route sa machine à café puis se rend compte qu’il n’a plus assez de dosettes de café pour alimenter l’appareil.
Alexis (S’esclaffant) – Zut ! Je suis en panne de dosettes. (Prenant une décision immédiate) J’en ai pour deux minutes, je descends acheter des dosettes à la supérette au bas de l’immeuble…
Katell – Laisse tomber Alexis. Je prenais un café pour te faire plaisir. Je peux m’en passer.
Jef – J’en prenais un pour faire plaisir à Katell, afin qu’elle ne soit pas toute seule. Je peux aussi m’en passer.
Alexis – Ne vous inquiétez pas, c’est juste au bas de l’escalier. Je suis de retour dans moins de cinq minutes. De toute manière, je dois me réapprovisionner.
Alexis de façon rapide et inopinée vérifie qu’il a un peu d’argent dans sa poche, en montrant bien son billet de 20 euros à tout le monde. Il décide aussitôt de quitter la pièce.
Katell – Tu fais quoi là ?
Alexis (Partant et, se retournant, blagueur) – Je reviens dans cinq petites minutes. Vous gardez la maison… (Dans un geste très taquin) Et pas d’enfantillages pendant mon absence, compris…
Jef (Eclatant de rire) – Impossible de toute façon puisque c’est Katell qui ne veut pas ! ! !
Katell (Tout en éclatant de rire également et sur un ton très humoristique) – Il est gonflé lui. (A Jef) Je te ferais remarquer que tu n‘as jamais rien demandé non plus !
Jef (Seul avec Katell) – On déconne Katell. Tu as bien raison. Je suis incapable d’expliquer pourquoi mais je sens un big problème. Il n’est pas bien Alexis. Je le connais parfaitement et je peux t’affirmer qu’il n’est pas bien du tout dans sa peau aujourd’hui. Il y a quelque chose qui m’échappe. Je n’ose pas l’enquiquiner…
Katell (Confidente) – Moi c’est Goulwena qui m’inquiète… Je ne l’ai pas dit à Alexis parce que j’ai vu qu’il était soucieux. Je suis très préoccupée car j’ai appelé plusieurs fois sur le portable de Goulwena, sans aucune réponse. Ce n’est pas le style de Goulwena de me laisser sans retour aussi longtemps…
Jef – Vous vous excitez pour rien tous les deux… La batterie de son téléphone est sans doute épuisée ou elle a perdu son portable tout simplement. Ne cherchez pas midi à quatorze heures…
Katell – Tu as raison. (Après un temps) Cependant même si tu as perdu ton téléphone, rien ne t’empêche d’appeler là où tu es allée la dernière fois pour vérifier que le téléphone n’est pas resté par mégarde là-bas… Ce que je veux dire c’est que tu ne restes pas sans appeler une personne que tu aimes, d’une façon ou d’une autre quoi…
Jef (A nouveau moqueur) – Vous vous êtes passé le mot avec Alexis ? Téléphoner avec un téléphone perdu ou volé ? Wouah, trop fort. Il faudra que tu me dises comment tu fais, Katell ?
Katell – Goulwena est débrouillarde. Très, très débrouillarde et je sais qu’elle ne laisserait pas Alexis sans aucune nouvelle.
Jef - Elle se l’est peut-être fait voler son portable… Peut-être est-elle à la gendarmerie afin de déposer une plainte pour vol…
Katell – Oui. Effectivement. Tu as raison Jef. C’est une idée à laquelle je n’avais pas pensé…
Jef – Alexis a se tape un gros coup de blues et je pense que ça tombe mal que Goulwena ne soit pas là pour le réconforter…
Katell (Mal à l’aise) – Ils vont vachement bien ensemble. C’est top de les voir tous les deux. On en deviendrait presque jalouse de les voir si heureux.
Jef – Je pense aussi comme toi. Ils ont formidablement assortis. Je les envierai presque, comme toi, de les voir si heureux.
Katell - J’ai aussi appelé la mère de Goulwena pour savoir si, par hasard, Goulwena était chez ses parents. Goulwena devait passer vers 8 heures chez eux. Son père devait l’accompagner au contrôle technique pour sa voiture. Ensuite il devait l’amener chez moi pour que nous fassions ensemble cette fameuse sortie fringues-boutique… C’est étrange. Ni sa mère ni son père n’ont de nouvelles. Je n’ai pas voulu en parler devant Alexis, volontairement.
Jef – Goulwena nous fait le coup de l’amnésie ou quoi.
Katell – Arrête tes conneries. T’es con, toi. J’espère qu’elle n’a pas eu d’accident… Tu me fais flipper Jef… Arrête tes conneries.
Jef (Qui réagit) – Et si on téléphonait aux pompiers ! On saurait s’il y a eu quelque chose ce matin…
Katell (Réfléchissant à son tour) – J’ai une autre idée. On va...