La Valse des pingouins

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Pour sauver son usine, une chef d’entrerpise ne recule devant rien pour décrocher un miraculeux investisseur et une clientèle prestigieuse. Champagne, attractions, feux d’artifices, les petits plats sont dans les grands… On ne saurait dire à quel moment ça a commencé à déraper mais ce fut une soirée mémorable !

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Acte I

Le rideau s’ouvre sur Gaétan qui écoute l’orchestre. On entend un morceau de musique classique, dont l’interprétation et la justesse laissent vraiment à désirer. Paulette, la chanteuse de l’orchestre, ponctue avec des « œufs maracas ».

Air no 1

Menuet (1 minute)

Un temps. Gaétan est dubitatif.

GAÉTAN Oui ! Heu… comment vous dire… Je ne sais pas si le compositeur est toujours vivant, mais… après ça, il n’en a plus pour longtemps.

PAULETTE Attendez ! Nous, la musique classique, c’est pas notre répertoire.

GAÉTAN Je vous le confirme.

PAULETTE On avait prévenu, à l’agence : on fait pas les soirées mondaines.

GAÉTAN J’avais deviné, oui. Mais alors, c’est quoi votre répertoire ?

PAuLETTE Nous, c’est…

Air no 2

Ça c’est de la musique (30 secondes)

GAÉTAN (Il les interrompt.) Merci, merci ! Effectivement, c’est… différent.

PAULETTE Un côté bal musette, populaire.

GAÉTAN Oui, oui, on sent bien le côté populaire.

PAULETTE Qu’est-ce qu’on fait ? On remballe ?

GAÉTAN Non, maintenant que vous êtes là… Mais vous, vous pouvez pas chanter.

PAULETTE Je fais quoi, alors ?

GAÉTAN Vous jouez de quoi ?

PAULETTE Des œufs.

GAÉTAN Des œufs ? Ça tombe bien, j’ai besoin d’une extra en cuisine.

PAULETTE Je ne vois pas le rapport.

GAÉTAN Moi si. Allez à l’office, ils vont vous donner un tablier. Et votre batteur, là, il ne peut pas jouer moins fort ?

PAULETTE Il est sourd. (Elle sort.)

GAÉTAN Il a de la chance.

Morini entre précipitamment. Il est en chemise, et tend ses manches à Gaétan pour qu’il lui mette ses boutons de manchettes.

MORINI Ah ! Gaétan ! Aidez-moi, s’il vous plaît, je sens que je vais devenir fou ! Tout est prêt en cuisine ?

Gaétan Oui, nous pourrons servir dès que Madame le désire.

MORINI Dites-moi ! Je viens de jeter un œil sur la facture du sommelier : c’est du costaud !

GAÉTAN Châteauneuf-du-pape 48 et margaux 45.

MORINI Oui ! Et c’est bien, ça ?

GAÉTAN Oh oui, Monsieur, c’est très bien !

MORINI Non mais ça se voit que c’est bien ou sans plus ?

GAÉTAN Les amateurs sauront apprécier.

MORINI Ah ! les amateurs ! Avant de servir, demandez-leur s’ils sont amateurs, sinon servez un petit vin de table… On ne va pas gâcher, non plus.

GAÉTAN Bien, Monsieur !

MORINI Splendide, votre costume, Gaétan !

GAÉTAN Merci, Monsieur !

MORINI Il ne vous serre pas trop ?

GAÉTAN Non ! La perruque me gratte un peu, mais sinon ça va.

MORINI C’était le dernier modèle en location, je n’avais pas trop le choix.

GAÉTAN Ce sera parfait, dans la mesure où Monsieur est persuadé que cette tenue est indispensable.

MORINI Bien sûr que c’est indispensable ! C’est le signe d’une grande maison, surtout un soir comme celui-ci où nous recevons des gens de la haute, et notamment le comte de Lagarandière, alors attention, il faut sortir le grand jeu. Du style, de la tenue !

GAÉTAN Bien, Monsieur. Et en ce qui concerne Mlle Annabelle, Monsieur a-t-il des recommandations particulières ?

MORINI Ah oui, c’est vrai, Annabelle…

GAÉTAN Je crains que son petit problème d’élocution ne désoriente les nouveaux amis de Monsieur.

MORINI Il y a des chances, oui. Écoutez, comme vous êtes le seul à la comprendre, je vous la confie. Restez près d’elle, prêt à intervenir.

GAÉTAN Bien, Monsieur ! À quelle heure doit-on lancer le feu d’artifice ?

MORINI Ça, je ne sais pas… (Rupture.) Le feu d’artifice ? Quel feu d’artifice ?

GAÉTAN Celui que Madame est en train d’installer.

MORINI Quoi ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?!

GAÉTAN À vrai dire, ce n’est pas que je sois contre ce genre d’attraction, mais Madame tient absolument à ma présence pour l’allumage des fusées, et je crains de ne pas être à la hauteur.

MORINI C’est compliqué ?

GAÉTAN Non, c’est dangereux ! Si Monsieur pouvait en toucher deux mots à Madame, je lui en serais extrêmement reconnaissant.

MORINI Bien sûr, mon ami, je vais voir ce que je peux faire… Un feu d’artifice ! Mon Dieu ! (Annabelle entre. Elle est vêtue d’une robe à cerceaux.) Ah ! voilà la plus belle ! Alors, ma fille adorée, tout va bien ?

Tout au long de la pièce, la comédienne parlera un langage incompréhensible, un charabia duquel un mot intelligible ressortira de temps en temps, mais surtout en gardant toujours l’intention de son texte.

ANNABELLE Ti pan ta, pas ta titou. Quelquelé que lette rove, vava ? On lé relarde ! Relarde un leu. Né ra lolible. Lou la réla fait le loup l’année dernière fur le ral de pin d’année té la, ça repasse les zornes. Ze re leliens, vilé vol de faction que ze ropte cette robe veuloir.

(Non ! Ça ne va pas ! Ça ne va pas du tout ! Qu’est-ce que c’est que cette robe, papa ?! Non mais regarde ! Regarde un peu ! Ce n’est pas possible ! Tu m’as déjà fait le coup, l’année dernière, pour mon bal de fin d’année, mais là ça dépasse les bornes. Je te préviens, il est hors de question que je porte cette robe ce soir.)

MORINI Qu’est-ce qu’elle a dit, là ?

GAÉTAN Mademoiselle ne veut pas porter cette robe ce soir !

MORINI Mais pourquoi ? Elle est très bien, cette robe !

ANNABELLE Von ! Felé onstrueuse ! Lé vert l’un zaratour la vent.

(Non ! Elle est monstrueuse ! J’ai l’air d’un abat-jour là-dedans.)

GAÉTAN Non ! Elle est monstrueuse ! J’ai l’air d’un abat-jour là-dedans.

MORINI Un abat-jour ? Mais pas du tout, tu ne ressembles pas à un abat-jour ! Tu es resplendissante ! Une vraie princesse ! N’est-ce pas qu’elle est resplendissante ?

GAÉTAN Mademoiselle est très en beauté ce soir, et ne passera certainement pas inaperçue.

MORINI Tu vois !

ANNABELLE Oh… Zen noné un lote ri lalala pas lilaberlu.

(J’en connais un autre qui ne passera certainement pas inaperçu.)

GAÉTAN Je le crains fort, Mademoiselle !

MORINI Qu’est-ce qu’elle a dit ?

GAÉTAN Mademoiselle ne me trouve pas à même de juger sa tenue étant donné la mienne.

MORINI Qu’est-ce qu’elle a, sa tenue ? Il est en livrée ! Dans toute soirée qui se respecte, on porte la livrée.

ANNABELLE Oh nela rire !

(Laisse-moi rire !)

GAÉTAN Laisse-moi rire !

ANNABELLE Von lirait lilé élagué du rusée cretin !

(On dirait qu’il s’est échappé du musée Grévin !)

GAÉTAN On dirait qu’il s’est échappé du musée Grévin !

MORINI De toute façon, je ne vois pas pourquoi je discute avec vous, vous n’y connaissez rien.

ANNABELLE Lenloula, moi, lilendai pas, li léfere lister dans ma lembe.

(En tout cas, moi, je ne descendrai pas, je préfère rester dans ma chambre.)

GAÉTAN Mademoiselle préfère rester dans sa chambre ce soir !

MORINI Enfin, Annabelle, ne sois pas ridicule, tu ne vas pas rester dans ta chambre toute la soirée ! Que vont dire nos invités ?

ANNABELLE T’en tine de te linliés.

(Je m’en fiche de tes invités.)

MORINI Et puis, le petit Moselle sera là ! Vous ferez connaissance.

ANNABELLE Ze feux rulande vorbe.

(Je veux une autre robe.)

GAÉTAN Je veux une autre robe.

MORINI Vous ?

GAÉTAN Non, Mademoiselle.

MORINI Hors de question !

GAÉTAN Et pour moi, ce serait envisageable ?

ANNABELLE Alors, ti tendé pas.

(Alors, je ne descendrai pas.)

MORINI Écoute, Annabelle, ne fais pas de caprice, s’il te plaît, ce n’est pas le jour. Tu porteras cette robe, un point c’est tout !

CLARISSE (Off.) Bijou !

ANNABELLE Ramé !

(Jamais !)

CLARISSE (Off.) Bijou !

MORINI Annabelle !

Clarisse entre.

CLARISSE Ah ! Bijou ! Question ! Je commence par une rosace rouge ou par une cascade verte ?

MORINI Quoi ?

CLARISSE Pour le feu d’artifice : une rouge ou une verte ? (Elle voit Gaétan.) Oh ! quelle horreur ! (À Morini.) Une bleue, c’est mieux !

MORINI Attends, Clarisse, c’est quoi ce feu d’artifice ?

CLARISSE Ce sont des fusées remplies de poudre qui explosent dans l’air, c’est très joli !

MORINI Je te demande ce que ça vient faire dans notre soirée.

CLARISSE Comment ça, ce que ça vient faire dans notre soirée ? Mais enfin, Bijou, dans toute soirée qui se respecte, il y a un feu d’artifice ! C’est très chic, très prisé ! Une soirée sans feu d’artifice, c’est comme… faire une tarte aux pommes avec des cerises : c’est raté !

MORINI Peut-être, mais il aurait été préférable de s’adresser à un professionnel… C’est dangereux, ce genre de truc.

CLARISSE Je te rappelle que papa était artificier, il m’a tout appris.

MORINI Je te rappelle qu’il a fini sourd et amputé des deux mains.

CLARISSE C’est qu’à la fin de ses jours, il n’y voyait plus trop, pauvre papa, sinon il était très réputé dans la région, tous les pompiers te le diront. (À Annabelle.) Tu vas bien, ma chérie ?

ANNABELLE Von ! Tata turfuse vuland vorbe. Vulud lalodiment reloveur.

(Non ! Papa refuse que je change de robe. Il veut absolument me faire porter cette horreur.)

CLARISSE (À Gaétan.) Qu’est-ce qu’elle dit ?

MORINI Ta belle-fille ne veut pas porter cette robe.

CLARISSE Pourquoi ? Elle est très jolie. On dirait un abat-jour.

ANNABELLE Ah ! liloi !

(Ah ! tu vois !)

MORINI Bravo !

CLARISSE C’est joli, un abat-jour ! (À Annabelle.) Tourne-toi un peu ! Eh ben, ce n’est pas si catastrophique que ça ! Va m’attendre dans ma chambre, on va arranger ça !

ANNABELLE Oh ! lerli ! Lalisse lalour !

(Merci, Clarisse, t’es un amour !)

MORINI Allez-y doucement dans les modifications.

CLARISSE Mais oui ! On va simplement rajouter une ampoule...

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