Le Voyage en Uruguay

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En 1950, Hector Caorsi, riche éleveur uruguayen, se rend en France pour acheter des vaches. Pas n’importe quelles vaches, non. Des vaches normandes. Après avoir visité de nombreux élevages, il pousse enfin les portes de la Ferme Neuve. L’affaire est vite conclue : trois taureaux et deux vaches quitteront les herbages clos de Beaumontel pour la pampa uruguayenne. La Ferme Neuve, c’est celle de mon grand-père. Il charge son jeune cousin Philippe d’accompagner les bêtes jusqu’en Uruguay. En train d’abord, puis à bord d’un cargo. Philippe a vingt ans et il n’a jamais quitté le canton. C’est là que l’histoire commence… Cette histoire que j’ai si souvent entendue et que l’on m’a racontée comme on raconterait l’odyssée d’Ulysse ou le voyage de Magellan. Je ne sais plus très bien ce qu’est la vérité. Je sais simplement que cette histoire est devenue la mienne.

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Nageoire…

… Negrita

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Quouroucée

À droite :

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Quadra

Lunette

… Œillette

… Mignonne

… R… Rocambole…

Tarentelle…

Il était venu en août, au milieu du mois d’août. La moisson était terminée. Moi, je ne l’avais pas vu, resté à Rouge-Perriers. Mais les gars en avaient parlé au réfectoire. Il était arrivé dans une voiture sombre — sûrement une 4CV —, flanqué de deux ou trois autres messieurs. On disait qu’il avait déjà fait le tour de la Normandie, jusque chez les manchots. Mais c’était quand même là qu’il avait fini par arriver. Lui, c’était Hector Caorsi. On dit Don Hector, comme on dit Don Juan ou Dom Grammont, l’abbé du Bec-Hellouin. Un grand monsieur très chic, avec les cheveux noirs en arrière, et qu’on dirait sorti tout droit de chez son tailleur. Don Hector cherchait des vaches, et pour ça il avait pris l’avion. Des vaches, il paraît qu’il en avait déjà des centaines, et des chevaux aussi. Mais il voulait ces vaches-là, des vaches normandes blanches et marron, les mêmes que sur les boîtes de camembert. Alors, il avait visité des élevages. D’abord du côté de Bricquebec et Carentan, puis Falaise, Livarot, Broglie… Mais les éleveurs normands sont taiseux et méfiants. Ils avaient regardé d’un mauvais œil cet acheteur qu’on n’avait jamais vu sur les champs de foire ou les comices agricoles, et qui ne parlait même pas français. Ils ne lui avaient proposé que des réformes, des bêtes médiocres.

Ce jour d’août, Don Hector est entré dans la cour de la Ferme Neuve. La Ferme Neuve, il en avait forcément entendu parler. Nous, dans le pays, on sait bien que tout le monde en parle. Il y a la nouvelle étable — une étable modèle. Sous l’auvent, au-dessus des anneaux qui servent à attacher les veaux, on accroche les prix en rentrant des concours. Des plaques de toutes les couleurs, tellement nombreuses qu’on ne les compte plus. Ici, une vache produit en moyenne 308 kilos de beurre en 320 jours ! Et ça, tout le monde le sait. Même à Paris. Don Hector savait bien qu’il était à la bonne adresse. Il a tout visité, tout inspecté : l’étable, les herbages, même l’arrière-cuisine où l’on fabrique les petits-suisses. Il a regardé chaque vache, chaque taureau. Il parlait en espagnol à un petit monsieur qui prenait des notes à toute vitesse sur un carnet. Pourtant, Vincent a dit : « Il parle espagnol, mais c’est pas un vrai Espagnol ! » Vincent, il vient d’Espagne, d’une île qui s’appelle Ibiza. Il est arrivé à la Ferme peu de temps avant la guerre. En 1936 ou 1937. Je n’ai jamais vraiment su pourquoi. Toujours est-il que Vincent comprenait parfaitement ce que Don Hector soufflait à l’oreille de son secrétaire : sous ses airs de banquier, il comptait déjà les kilos de beurre et les sous qui vont avec. Après la visite, le patron a invité Don Hector à déjeuner et, à la fin du repas, il lui a dit : « Ici, tout est à vendre sauf ma femme ! » Ça, c’est Jacqueline qui nous l’a raconté. L’affaire fut conclue. Et la 4CV de Don Hector a quitté la Ferme Neuve.

À droite :

Paloise

Quadra

Lunette

Œillette

Mignonne

Rocambole

Tarentelle

Raclette

Rachel

Rinette

Navaraise

Pivette

Lingère

Quintette

Ratissoire

Trinquette

Sautille

Sournoise

Sensible

et Ripoline.

Je connais cette histoire par cœur. C’est mon grand-père qui me l’a racontée. Dans l’histoire, mon grand-père, c’est Robert. Je ne sais pas ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas. Les noms sont vrais.

Don Hector avait choisi trois taureaux — Osiris, Robespierre et Serpolet — et deux vaches — Guérilla et Vanette. En septembre, le patron a demandé à me voir. Le patron, c’est mon grand-cousin. Je l’appelle Robert et pas Monsieur. Je venais tout juste d’avoir vingt-deux ans. Chez moi à Rouge-Perriers, il y avait du travail à la ferme, bien sûr, mais je savais que ce serait mon frère aîné qui reprendrait l’exploitation après mon père. Et j’étais trop jeune pour m’installer ailleurs. Robert m’a fait asseoir en face de lui. Son bureau est une pièce ronde avec cinq fenêtres, d’où l’on peut voir l’étable et les herbages. La discussion fut brève. Il me chargeait d’accompagner les cinq bêtes jusque chez les Caorsi. Le départ pour l’Uruguay était prévu aux premiers jours d’octobre. Pour l’Uruguay… Moi, je crois bien que je n’avais jamais entendu ce nom-là auparavant. Ou peut-être une fois à l’école, lors d’un cours de géographie. Robert m’a dit que là-bas ce serait l’été. Et moi je savais que les vaches ne prennent pas l’avion. Le voyage durerait deux mois.

L’Uruguay. L’Uruguay. Je répétais ce nom à l’envi, tantôt silencieusement, le faisant tourner et retourner dans ma tête, tantôt en criant pour...

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