Note : le fait que Joel et Jacques ne se ressemblent pas est un fait visuel volontaire. Cela ajoute à l’absurdité du propos et, peu à peu, le public finira par ne plus s’en rendre compte. Solène et Barbara peuvent être jouées par la même personne.
Le rideau s’ouvre sur la scène. Lumière faible. On perçoit un petit salon coquet et moderne. Il n’y a personne. Soudain, en voix off, on entend la voix de Jacques, légèrement éméché, derrière la porte …
Jacques : où est ce que j’ai foutu ces fichues clés, moi ? Sésame, ouvre-toi ! ha ha ha … Sésame, qu’est-ce que tu fous ? c’est un ordre !! ouvre-toi ou je te casse la gueule !!! ah … les voilà … il rentre. Ahhh , « home sweet home ! » il met son doigt sur sa bouche. Chuuut ! y a bébé qui dort !! ah mais … j’suis con moi, j’ai pas de gosse !! ha ha ha !!! (son portable sonne. Il se dirige vers le fixe, répond :)
Allo ?! Allo ? (son portable sonne toujours) qu’est-ce que c’est ce … ah, oui, c’est l’autre ! (il sort son portable de sa poche, répond tout en ayant l’autre téléphone à l’oreille !) Allo ? hein ? bin oui, à l’instant ! tout va bien mon pote, t’inquiète ! c’est « Uber » qui m’a ramené, j’avais tout prévu. Et toi ? bien rentré ? hein ? ah oui, c’était chez toi, j’avais oublié ! la prochaine partie, on la fera chez moi, hein ? attends … j’ai 2 téléphones … allo ? (il s’adresse au fixe) ah bin il a raccroché. Hein ? non pas toi, l’autre. Quel autre ? heu … je sais pas mon vieux … je ne comprends plus rien, il est … (il regarde sa montre) Oh la vache ! il est 5 heures du mat … (il se met à chanter) j’ai des frissons, seul sur mon lit dans mes draps bleus froissés, c’est l’insomnie, sommeil cassé … hein ? oui, oui, ça va. Ce sont mes comptes qui ne vont pas, par contre … ton pote là, comment il s’appelle déjà ? oui le… notaire ? hein ? ah oui, huissier de justice … il m’a laminé ! dis donc, un huissier ça a le droit de jouer au poker ? oh le con ! le mec, il passe ses journées à saisir les biens des autres, et comme si ça ne lui suffisait pas, il plume les honnêtes gens au poker la nuit. Quoi ? un mec comme les autres ? (à ce moment-là, la femme de jacques apparait, en chemise de nuit, ébouriffée et agacée !) Pardon mais c’est tout sauf un mec comme les autres … je n’aimerais pas avoir à faire à lui ! voilà … voilà, c’est ça ! bon, je te laisse, y a ma grosse qui va pas tarder à se lever …hein ? et bien pour aller bosser tiens ! et ouais mon vieux, faut bien que quelqu’un fasse bouillir la marmite ! ah ah ah … allez… moi aussi je t’aime, mon bichon ! (il raccroche) ah là là … qu’il est con celui-là …
Solène : et moi je suis grosse donc !
Jacques : (cri de surprise !) Ahhh ! Solène !! T’es déjà réveillée ?
Solène : difficile de faire autrement. Tu ne parles pas, tu gueules ! j’ai même entendu le voisin rigoler à tes vannes pourris !
Jacques : ce n’est pas ma faute si les murs sont aussi minces … je me demande même s’il y a une cloison… à mon avis, ils ont posé directement la tapisserie, comme ça, en séparation…
Solène : (Sarcastique) les murs sont minces … et moi je suis grosse ! ça compense.
Jacques : mais non ma chérie. C’est une expression… je dis ma grosse comme je dirais ma … heu … ma … (il cherche en vain)
Solène : ma quoi ?
Jacques : ah mais tu me mets la pression là ! ma … je ne sais pas moi, oh la vache !
Solène : une vache ?
Jacques : mais non !! je voulais dire oh la vache !! écoute je suis crevé. Je n’ai pas les idées très claires… faut que je dorme. On en parle demain, d’accord ?
Solène : demain ? tu veux dire, tout à l’heure ! on est déjà demain. Tu as joué. Tu as joué encore ?
Jacques : (penaud) heu… oui, un peu.
Solène : donc, ta partie de bowling s’est transformée en poker, c’est ça ?
Jacques : heu … oui, un peu.
Solène : et laisse-moi deviner : tu as perdu ?
Jacques : heu … oui, un peu.
Solène : et tu as bu ?
Jacques : heu …
Solène : c’est bon, je connais la réponse.
Jacques : voilà !
Solène : tu bois, tu joues et tu mens ! et tu ne trouves pas que tu es déjà assez endetté, que ta fichue maison d’édition, ce magnifique héritage de ton père, est en train de couler, qu’on arrive à peine à rembourser cet appart pourri ? quand est-ce que tu vas publier un bouquin qui tient la route hein ?
Jacques ; alors heu appartement pourri, pourri … n’exagérons rien. On a un grand balcon, la vue est incroyable, les voisins sont super sympas …
On entend en voix off le voisin qui répond : MERCI !
Jacques : ah, tu vois ? punaise, les murs sont vraiment très minces !
Solène : tu vois Jacques, j’ai confiance en toi. Je pourrais déjà en avoir marre de tes histoires de poker, de sorties sans moi, de beuveries avec tes potes et je ne sais quoi encore, mais voilà, j’ai confiance en toi. La question c’est : combien de temps vais-je continuer à avoir confiance en toi ? parce que ça peut s’arrêter, comme ça, tu vois ? (elle essaye de claquer des doigts, mais n’y arrive pas)
Jacques : comme ça ! (il claque des doigts fièrement)
Solène : oui, voilà. Il se trouve que je t’aime. Il se trouve que je veux un enfant de toi, et il se trouve aussi que … enfin bon, je ne vais pas arriver à le faire seule !
Jacques : (riant de sa blague) ah bin, y en a une qui y est arrivé ! y a plus de 2000 ans ! amen !
Solène : oh comme tu es drôle… drôle et pathétique !
Jacques : Et allez, nous y voilà !
Solène : comment ça nous y voilà ? qu’est-ce que tu as à dire ? je ne te plais plus ? je suis … trop grosse, c’est ça ?
Jacques : je dis, nous y voilà, parce que nous en avons déjà parlé. Nous avons déjà fait le tour de la question et …
Solène : le tour de la question ? nous en avons déjà parlé ? tu rigoles ou quoi ? J’EN ai parlé !! et toi, tu n’as rien dit, rien ! juste écouté.
Jacques : et bien, de quoi te plains tu ? tu as un homme qui t’écoute ! c’est si rare de nos jours …
Solène : oh c’est malin ça … mais ça ne me dit pas ce qui te rebutes chez moi.
Jacques : Mais tu ne me rebutes pas voyons … ce n’est pas ça …
Solène : alors ? alors pourquoi nous ne faisons plus l’amour ? tu as une maitresse ? c’est ça ?
Jacques : quoi ? mais qu’est-ce que tu vas chercher encore… n’importe quoi. Enfin Solène… Tu crois que j’ai le temps pour ces...