On va la marier (mai 68)

Imaginez donc un très puissant représentant syndical qui se fait huer par plusieurs centaines de milliers de grévistes descendus dans la rue parce qu’il a signé un mauvais accord avec le gouvernement et qui est sommé de retourner négocier… C’est ça mai 1968…
Oui, ça a vraiment existé. Une époque où les citoyens chassaient les gouvernants qui ne leur convenaient plus. Leur réseau social, c’était la rue, pas derrière un écran. Une masse gigantesque de grévistes qui avaient le courage de dire « stop ».
Dans cette pièce, des éléments précis permettent de faire un comparatif avec notre vie actuelle.
Nous sommes très précisément le 22 avril 1968, dans une famille qui se prépare au grand événement prévu deux semaines plus tard. Le 11 mai suivant, Pierre et Yvonne doivent marier Monique, l’aînée des enfants.
Tout le monde espère que Pierre, le père, sera rétabli car il a eu un petit accident du travail…
Paul, grand-père qui a déjà pris les devants. Michel, un frère qui veut monter un groupe de rock, une mère qui sent le vent tourner et veut se libérer, un ami qui ne sait que dire des conneries mais est très solidaire…
Alors, mariage ou pas ? Avec Pierre, tricheur de sécu pour la bonne cause et sa femme Yvonne. Ils se démar-quent par ses idées pour l’avenir des femmes et de la société.
Un vent de révolte souffle déjà chez Monique, Michel et Nicole, les trois enfants. Paul, le grand-père, beau-coup plus révolté qu’on ne pourrait le croire aime bien sa petite goutte de calva aussi…

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ACTE PREMIER

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N° enregistrement SACD : : 1405933

 

 

Nous sommes le lundi 22 avril 1968. Il est 10 heures 30 du matin à l'horloge et le rideau s'ouvre sur une cuisine type des années 67-68, dont au minimum une table et 4 chaises formica, un buffet avec haut, un évier et le reste à l'avenant puisque certaines choses décrites peuvent se trouver dans d'autres pièces type cagibi (réfrigérateur, etc.) Yvonne entre en soutenant visiblement Pierre qui marche en boitillant et semble au plus mal...

Yvonne (Qui entre la première et fait visiblement des gestes pour aider Pierre à entrer) - Hé ben dis donc, nous voilà dans de beaux draps !

Pierre (Qui semble bien malheureux et trouve une chaise pour s'asseoir afin de se reposer) - Tu sais ma pauv' Yvonne, je me serais bien passé de ça !

Yvonne (Qui aide Pierre à s'installer du mieux possible) - J'ai rien compris à ce que tu m'as dis tout à l'heure en descendant de la voiture de ton chef !

Pierre (Visiblement énervé par la douleur) - Ah mais fiche-moi la paix...

Yvonne (Qui ne sait quoi faire pour aider et tourne un peu en rond) - T'as mal ?

Pierre (sec) - Oui !

Yvonne - Tu veux un coussin dans ton dos ?

Pierre (Sec) - Non !

Yvonne (S'énervant de pitié) - Mais c'est quoi que t'as fait comme bêtise pour te mettre dans un état pareil ?

Pierre (Parlant avec la douleur qui le tiraille) - C'est la caisse des rebus de fabrication qui était mal calée. Quand j'ai vu qu'elle allait tomber, j'ai voulu la retenir...

Yvonne (Interrogative mais douce) - C'est quoi la caisse des rebus ?

Pierre - C'est la caisse dans laquelle on met toutes les pièces fabriquées qui ne sont pas conformes...

Yvonne (Qui se prépare à mettre sa blouse de cuisine) - Mon pauvre Pierrot. T'as encore voulu faire ton as !

Pierre (Levant les bras au ciel) - Si j'avais pas fait ça, c'est le petit Jean-Claude qui aurait tout pris sur la tête...

Yvonne - Et il le sait ton Jean-Claude que tu lui as sauvé la vie ?

Pierre - Quelle vie ?

Yvonne - Ben tu viens de me dire qu'il aurait pris la caisse sur la tête !

Pierre - Façon de parler. Il l'aurait pris dans le derrière... (éclatant de rire) Et ça y'aurait pas fait de mal au bougre !

Yvonne (Visiblement un peu perdue dans tout ce que raconte Pierre) - Bon. Tu veux que je te fasse un café ?

Pierre (Qui se ravive) - Ah ben c'est pas de refus Vovonne.

Yvonne (Qui s'affaire à préparer tout ce qu'il faut pour faire le café et mettre tasse sucre, etc.) - Ca va te faire du bien.

Pierre - Oui. Merci.

Yvonne (Toute soucieuse) - Comme si on avait besoin de ça en ce moment !

Pierre (Qui n'ose pas demander) - Faudrait aller chercher les médicaments après si tu peux.

Yvonne (Qui vient fouiller dans le sac qu'elle avait déposé en arrivant sur la table) - Ben t'as déjà plein de choses là dans le paquet que le docteur a donné !

Pierre - Oui, c'est vrai, mais il a dit que c'était juste pour dépanner en attendant qu'on aille à la pharmacie...

Yvonne (Qui prépare toujours son café) - Ah bon !

Pierre (Qui constate que Yvonne n'a mis qu'une seule tasse) - Ben t'en prends pas un avec moi ?

Yvonne - Ben non. Oh et puis si, tiens. Ca m'a toute retournée le sang quand le télphone a sonné tout à l'heure.

Pierre - Qui a téléphoné pour prévenir ?

Yvonne - Je sais pas. Elle m'a juste dit : « c'est la secrétaire de l'usine. Votre mari a eu un accident »

Pierre - Et puis ? C'est tout ce qu'elle a dit ?

Yvonne - Et puis plus rien. Elle avait une drôle de voix. Comme si elle était saoûle.

Pierre (qui fait des gestes de compréhension) - Ah ben cherche pas, c'est la Martine. Elle avait encore bu plus que de raison !

Yvonne (Se retournant vers Pierre) - Ah je me disais aussi...

Pierre (Gesticulant de douleur) - Quoi ?

Yvonne - Je devrais pas le dire mais...

Pierre - Mais quoi ?

Yvonne - A un moment, je croyais avoir entendu rôter au téléphone. Alors je me suis dit « Tu perds la tête ma pauvre Yvonne »...

Pierre - Et puis elle t'a dit quoi ?

Yvonne - Ben c'est surtout moi, quand j'ai vu qu'elle ne disait plus rien, je lui ai demandé de m'en dire plus par pitié...

Pierre (Curieux) - Et alors, elle t'a répondu quoi la Martine ?

Yvonne - Elle m'a répondu séchement « Il est sous la caisse et on le retrouve plus... »

Pierre - Ah ben ça alors, elle manque pas de culot la Martine... Et puis ?

Yvonne - Ben j'ai entendu un grand bruit et puis ça a coupé... c'est peut-être notre téléphone qui fonctionne mal...

Pierre (Qui tente de se relever mais retombe lourdement assis) Ou bien la grosse Martine qui est tombée de sa chaise...

Yvonne (Qui éclate de rire) - Comment que tu causes de la secrétaire toi !

Pierre - T'inquiète pas ma Vovonnne, nous on a l'habitude à l'usine. Ca lui arrive souvent de rater sa chaise quand elle a bu et qu'elle veut s'asseoir...

Yvonne (Qui se prépare à verser le café) - Vous avez pas autre chose à faire que de regarder la secrétaire se casser la fgure vous ?

Pierre (Sûr de lui) - Ben c'est quand même quelque chose la Martine !

Yvonne - Si le patron savait ça !

Pierre - Le patron ! Il le sait et il dit rien : c'est sa maîtresse...

Yvonne - Ben comment que ça se fait qu'un homme si bien soit avec une femme qui boit ?

Pierre (Perplexe) - Ca, personne n'a compris !

Pierre qui tente de se lever à nouveau pour s'approcher de la table fait en même temps tomber sa chaise sur le côté.

Yvonne - Ben, ça va pas. T'es malade !

Pierre - Malade non, c'est pas le mot.

Yvonne (Qui s'est précipitée pour ramasser la chaise et aider Pierre) - Faut que tu continues à faire le mariole toi !

Pierre - (Qui se rattrape comme il peut et s'avance vers la table pour boir son café) - C'est rien. Ca va passer...

Yvonne - Si ça se trouve, t'as quelque chose de cassé ?

Pierre (Posant sa main sur la tête) - J'ai bien un peu la tête fêlée, mais...

Yvonne - Mais c'est quel docteur qui t'as ausculté que j'aille lui parler...

Pierre (Qui gémit de temps à autre) - Tu le connais pas... ...et moi non plus d'ailleurs...

Yvonne - Pourquoi ?

Pierre - Parce que c'est l'usine qui l'a appelé...

Yvonne - Ben qui c'est qui va payer ?

Pierre - Alors ça j'en sais rien et je vais pas les supplier pour qu'ils me le disent.

Yvonne (Qui s'est assise près de Pierre pour boir son café) - je vais appeler la secrétaire dans l'après-midi... Ou plutôt non, ça coûte trop cher le téléphone, je vais plutôt passer à l'usine...

Pierre - Laisse tomber. La grosse Martine te dira rien...

Yvonne - Ben oui, mais faut quand même...

Pierre (Coupant) - Bois ton café et t'occupe pas...

Yvonne - Je suis contente qu'on l'ait enfin eu ce téléphone. Ca me rassure maintenant que je te vois malade...

Pierre (Sec) - Oui, mais je suis pas malade. Juste accidenté...

Yvonne - Mais quand même. On a bien fait d'attendre aussi longtemps. Ca nous rendra service.

Pierre - Je sais, mais faudra faire très attention, parce que l'installation par les PTT coûte cher et les communications aussi.

Yvonne - Oui, je sais, j'ai déjà interdit aux enfants de s'en servir.

Pierre - Et puis t'as vu, il est pas tout noir comme celui de René.

Yvonne - C'est vrai qu'il est mignon en couleur comme ça. C'est la première fois que j'en vois un de cette couleur.

Pierre - Forcément, on est les seuls du quartier à avoir mis le téléphone à la maison...

Yvonne - Tu crois que ça va faire des jaloux dans le quartier ?

Pierre (Qui pousse un petit cri de douleur) - On s'en fiche.

Yvonne - Tu veux que j'aille chercher notre médecin de famille ?

Pierre (Sec) - Non.

Yvonne - Tu veux un coussin dans ton dos ? Tu devrais aller t'allonger. Ca te ferait du bien. Si ça se trouve tu as quelque chose de cassé !

Pierre - Le docteur il a dit non. Il est docteur non ?

Yvonne (D'un geste de méfiance) - Oh tu sais les docteurs maintenant... Sont plus ce qu'ils étaient autrefois.

Pierre et Yvonne boivent leur café doucement, sans parler mais dans un regard complice.

Yvonne (Qui se lève et débarrasse les tasses et ce qu'il y a sur la table pendant que Pierre aide du mieux qu'il peut en tendant les objets) - Bon c'est pas tout ça. J'ai la soupe à préparer moi.

Pierre - Ca tire un peu, là dans le dos...

Yvonne - Tu te rends compte s'il t'était arrivé quelque chose de grave juste avant que Monique...

Pierre - T'inquiète pas pour Monique : ON VA LA MARIER ! Le 11 mai comme prévu.

Au même instant et coupant la parole, le téléphone sonne (http://www.l2l1.com/tel31.htm). Ne pas oublier qu'à l'époque le téléphone n'était pas monnaie courante. L'installation se faisait sous lusieurs mois et coûtait cher (env. 100 euros rien que pour l'installation) Le coût des communications était important et on utilisait donc celui-ci juste à bon escient. Décrocher le téléphone était « presque » une aventure et le fait de laisser sonner s'entendait chez les voisins qui ainsi pouvaient « jalouser ».

Pierre (Au bout de deux sonneries) - Ben vite, décroche ma Vovonne.

Yvonne (Un peu paniquée) - Ben d'habitude c'est toi qui t'occupes de répondre... Allô !

… - …

Yvonne (Sous le regard curieux et inquiet de Pierre et parlant très lentement) - Ben oui dites donc. J'en suis encore toute émotionnée. Mais là il a l'air d'aller bien.

- …

Yvonne - Oui, je vous remercie. Je vais lui dire. Merci d'avoir téléphoné.

Pierre (Alors que Yvonne raccroche) - Ben c'était qui ?

Yvonne - L'usine. Ton usine.

Pierre (Interrogatif) - La grosse Martine ?

Yvonne (Encore étonnée de l'appel) - Non, ton directeur.

Pierre (Tout surpris) - Hein !

Yvonne (Qui s'est saisie d'une éponge et d'un torchon pour nettoyer la table) - C'est peut-être grave si le directeur appelle en personne ?

Pierre  - Non, c'est pas ça !

Yvonne - T'as pas l'air bien toi ! Tu m'inquiètes....

A cet instant, la sonnette retentit.

Pierre (Qui a l'air sûr de lui) - Ce serait bien René ça...

Yvonne - Hé ben quand il va savoir que t'as eu un accident grave...

Pierre - Va donc ouvrir au lieu de dire des âneries. De toutes façons il est déjà au courant...

Yvonne - (Qui par avec son torchon) - Si ça se trouve c'est pas lui...

Pierre - Ca m'étonnerait... Hé ! Ton torchon !

Yvonne - (Qui revient poser son torchon sur la table et repart en râlant) - Ah zut !

Pierre (Qui se lève contre toute attente puisqu'il est prétendument blessé et se dégourdit) - C'est pas facile de faire le faux...

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