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ACTE 1
SCENE 1
Cécile - Sergio
Dans la salle à manger, Cécile est occupée à balayer ou épousseter.
CECILE (chantonne « Aux Champs Elysée ») -
Tu m’as dit j’ai rendez-vous dans un sous-sol avec des fous
Qui vivent la guitare à la main du soir au matin,
Alors je t’ai accompagné, on a chanté, on a dansé,
Et l’on n’a même pas pensé…
SERGIO (il hurle depuis les coulisses) - Ah mama mia, qué ça c’est im-possible.
CECILE - Allons bon, qu’est-ce qui lui arrive encore ?
SERGIO - Chérie, où qué tou es ?
CECILE - Je suis au salon.
SERGIO (Il déboule sur la scène) - Tou m’a caché quelqué chose, quelqué chose dé gravement gravissime.
CECILE - Et bien, en voilà des façons de s’énerver. Je t’écoute !
SERGIO - C’est au soujet dé ta soeur …
CECILE - Marlène ?
SERGIO - Non pas Marlène, Jouliette !
CECILE - Juliette ! Ah oui, tiens justement au sujet de Juliette, figure-toi qu’elle vient elle-aussi passer le week-end à la maison.
SERGIO - Ioustément, ié viens dé l’apprendre en écoutant les messages sour ton portable.
CECILE - Ah, parce que tu écoutes les messages sur mon portable maintenant ?
SERGIO - Si ! Enfin ié veux dire non.
CECILE - Mais si !
SERGIO - Ma non. Ié voulais passer oune appel avec ton portable, lé mien n’a plou dé battéries.
CECILE - C’est ça, tu veux passer un appel et tu espionnes mes messages !
SERGIO - Moi j’espionné !
CECILE - Oui tu espionnes, tu m’espionnes parce que tu es jaloux comme, comme…
SERGIO - Ialoux commé quoi ?
CECILE - Jaloux comme un Italien que tu es, voilà !
SERGIO - Ah ça c’est trop forte, ié tombe sour oune message d’hier soir qué m’apprends qué ta sœur arrive cé soir, tou né mé préviens même pas et c’est moi qué ié suis en faute.
CECILE - Oui car tu n’as pas à lire mes messages !
SERGIO - Mais ton nouveau téléphone, c’est ouné véritable gadget pour lilipoutiennes. Avec mes gros doigts ié mé trompe toujours dé boutonnes et en voulant appeler la météo i’ai ouvert tes messages.
CECILE - C’est ça, tu t’intéresses à la météo maintenant.
SERGIO - Si ! Ié mé suis toujours intéréssé à la météo depuis qué j’habite ici.
CECILE - Ah bon parce qu’avant en Italie tu ne t’y intéressais pas ?
SERGIO - Non, parc’qué chez nous, à Reggio di Calabre, pas bésoin de météo, il fait toujours beau. (Il se met à chanter.) Oh sole mio…
CECILE - Ah non, Et après tu t’étonnes que le temps se gâte !
SERGIO - C’est quand même plou beau qué la Marseillaise !
CECILE - De toute façon pour annuler mes sœurs, il n’en est pas question et c’est trop tard !
SERGIO - C’est bien cé qué ié craignais.
CECILE - Marlène doit arriver dans 1h ½, mais Juliette ne devrait plus tarder. Et je ne vois toujours pas ce que ça pose comme problème.
SERGIO - Lé problème, c’est qué ta sœur Marlène est déjà prévoue au programme du week-end et que Jouliette vient se rajouter sans crier gare au dernier momenté.
CECILE - Et alors ?
SERGIO - Alors ? Eh bien, il y a qu’en soupporter dué, ié peux encore faire oune effort, mais tes sœurs et toi ensemblé, jé préfére encore faire la processionne de San Giuseppe à quatré pattes… Et avé la croix du Christ sour les épaules.
CECILE - Tu devrais avoir honte ! Tu parles toujours des Italiens et de leur amour de la famille et voilà que tu ne supportes pas d’avoir tes trois cousines ensemble pour un petit week-end.
SERGIO - Cousines éloignées.
CECILE - Eloignées, éloignées ? (Elle s’approche tout près de lui, provocante.)
SERGIO - Tou sais cé que ié veux dire. Toi ce n’est pas pareille, ié t’aime. Marlène et Joulietta sont charmantes aussi, mais vous trois ensemblé… Ma qué vous êtes pires qué lé diable.
CECILE - Pourtant (Elle se met à tourner, rieuse et provocante autour de lui.) trois belles jeunes femmes, ça devrait flatter la virilité du cousin italien non ?
SERGIO - Vous allez passer votre temps à mé torturer avec vos essayages dé mode, vos commérages sur vos copines, vos rires im-béciles… Et lé pire…
CECILE - Le pire ?
SERGIO - Vous allez mé mettre oune émission débile ce soir sur M6, qué ié pourrais même pas régarder la Lazio contre la Juventus sour Eurosporte.
(La sonnette de l’entrée retentit.)
SERGIO - Tiens, qu’est-ce qué ié disais ? La voilà ta Julietta !
(Cécile se précipite vers l’entrée de l’appartement, invisible du public.)
La pièce prévue, « 3 femmes et 1 cousin », est interrompue. Commence alors une autre pièce…
SCENE 2
Cécile, Sergio, Fred, Chantal, le présentateur, l’agent de police municipal
(Les répliques soulignées sont faites depuis les coulisses)
Cécile ne trouve personne à la porte. Juliette – jouée par l’actrice Nicole Varga – devrait pourtant être là. Cécile tente de meubler. Sergio seul sur scène aussi.
CECILE -: Coucou Juliette ! Tu es là ? (Petit silence.)
SERGIO - C’est Joulietta ?
CECILE - Euh, oui, oui. Elle arrive…
(En aparté en coulisses, on l’entend s’affoler.)
Mais qu’est-ce qu’elle fout ? Allez la chercher !
(Nouveau petit silence.)
SERGIO - Alors ?
CECILE - Oui, oui, elle arrive !
FRED - On ne la trouve pas !
CECILE - Mais allez voir dans sa loge !
SERGIO (au public, gêné) - Ellé va venir, né vous en faites pas, ma cousine est très taquine.
(Long silence, Sergio fait les cent pas, puis exaspéré, il sort en s’exclamant.)
C’est ounsensé !
(La scène reste vide, on entend l’affolement derrière les décors, on court et on parle fort.)
CECILE - Je vous avais tous prévenus. Cette fille n’est pas à la hauteur. ça veut jouer le premier rôle et c’est même pas fichu d’être là pour entrer en scène.
SERGIO - C’est ouné scandale ! Je n’ai jamais vou ça de touté ma carrière !
CHANTAL (cri strident et horrible depuis les coulisses) - Aaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhhhhh !
CECILE - Mon dieu !
SERGIO - Mama mia, qué sé passe-t-il ?
CHANTAL - C’est Juliette, enfin je veux dire Nicole. C’est horrible.
(La scène est toujours vide à cet instant. Il se passe 10 à 15 secondes avec brouhaha en coulisses.)
LE PRESENTATEUR (entre sur scène) - Mesdames, messieurs, je suis désolé. Un drame épouvantable et imprévisible vient de se produire qui nous oblige à interrompre ce spectacle. Je suis dans l’obligation d’appeler la police et je demande à chacun d’entre vous de rester à sa place. Je vous en remercie. Est-ce que le policier municipal est dans cette salle ?
L’AGENT DE POLICE (parmi le public et en uniforme de préférence) - Oui, ici.
LE PRESENTATEUR - Pourriez-vous me rejoindre sur scène ?
(Le policier se lève et monte sur la scène, le présentateur lui parle à l’oreille.)
L’AGENT DE POLICE (après avoir écouté les confidences du présentateur, il prend son téléphone portable) - Allo, le commissariat central ? Bonjour. Je suis Paul Chalnot, policier municipal à… (Ville où a lieu la représentation.) Je vous appelle de… (Salle des fêtes, théâtre…) Une actrice vient d’être assassinée dans la loge pendant un spectacle. Oui, j’ai bien dit assassinée… Comment ? Poignardée… Dans quelques minutes… D’accord…. Une table, quelques chaises… Oui ça ne posera pas de problème… Et une lampe de bureau… Je m’en occupe... Bien entendu, je fais une annonce et je vous attends.
(Il s’adresse alors au présentateur.)
La police arrive dans un instant. Mettez tout de suite quelqu’un de garde devant la loge afin que l’on ne touche plus à rien.
(Il s’adresse ensuite au public.)
Mesdames, messieurs, je demande à chacun d’entre vous de rester calmement à sa place, comme vous l’avez entendu, la police judiciaire doit arriver ici rapidement
En attendant, (à nouveau au présentateur.) pouvez-vous faire installer une table avec quatre chaises au centre de cette scène.
LE PRESENTATEUR - Mais certainement. (Il appelle quelques acteurs qui déplacent vers l’avant-scène la table et les quatre chaises de salle à manger.)
L’AGENT (il regarde l’installation) - Non, je crois qu’il faut enlever la nappe et qu’il vaudrait mieux des chaises plus simples.
(Les acteurs restés sur scène enlèvent la nappe, changent les chaises et sortent de scène, suivis du présentateur.)
Et bien voilà qui est parfait. Il manque juste…
(Il examine les décors et aperçoit une lampe de bureau posée sur un meuble…)
Voilà, je pense que ceci va faire l’affaire.
Seul, sur scène, il installe la lampe sur la table, la branche à l’aide d’une rallonge.
On entend alors les sirènes de police et des portes de voiture qui claquent.
Deux officiers de police, un homme et une femme, celle-ci portant une casquette, entrent énergiquement dans la salle de spectacle par l’entrée du public. Ils traversent la salle – on peut imaginer le générique d’une série policière connue - et montent rejoindre le policier municipal sur la scène.
SCENE 3
Le commissaire, le lieutenant, l’agent de police, Carla
LE COMMISSAIRE - Bonjour, je suis le commissaire Antoine DELFOUR de la police judiciaire de… (Ville.)
LE LIEUTENANT - Lieutenant Julie Verneau.
L’AGENT - Agent Paul Chalnot.
LE COMMISSAIRE - Si vous voulez bien nous expliquer…
(Le lieutenant Verneau sort un carnet et prend des notes.)
L’AGENT - Et bien voilà. J’étais présent à cette représentation de théâtre, comme spectateur, la pièce était commencée depuis 5 minutes à peine quand a eu lieu l’incident.
LE COMMISSAIRE - Un incident ? Mais on nous a parlé d’un meurtre…
L’AGENT - J’y viens. Donc la pièce venait de commencer lorsqu’une actrice qui devait entrer en scène n’est pas apparue. J’ai d’abord cru que ça faisait partie du spectacle et puis il y a eu ce cri, un cri terrible...
LE LIEUTENANT - Le cri de la victime !
L’AGENT - Non, le cri de l’autre actrice, celle qui venait de découvrir le corps. Là je me suis douté que ce n’était plus normal. Le présentateur est apparu affolé sur la scène et m’a fait demander. Ensuite, je vous ai appelé.
LE COMMISSAIRE - Qui est la victime ?
L’AGENT - Une actrice assez connue, Nicole Varga…
LE COMMISSAIRE - Nicole Varga ! Celle qui tient le premier rôle dans « les griffes de la mort », le dernier film de Fred Legoffe ?
L’AGENT - Euh, peut-être. D’ailleurs votre Legoffe, il est là aussi. La pièce qui est jouée, c’est lui qui l’a écrite.
LE LIEUTENANT - Nicole Varga, Fred Legoffe…Et vous avez qui encore au programme ?
L’AGENT - Et bien d’après le programme il y a Cécile Duplessis…
LE COMMISSAIRE - Hum !… La ravissante Cécile Duplessis. J’ai hâte de passer aux interrogatoires moi !
L’AGENT - et Sergio Bordoni…
LE COMMISSAIRE - Il est là aussi celui-là ?
LE LIEUTENANT - C’est cet italien avec cet accent épouvantable ?
LE COMMISSAIRE - Ouais, un accent grave, très grave et qui jacasse comme une concierge.
CARLA BORDONI (spectatrice, elle se lève dans le public, une canne à la main, elle s’exprime haut et fort, menaçante, vers la scène) - Qu’est qué vous dites vous là lé grand escogriffe ? Qué mon fils il a oune accente ? Et qu’il jacasse comme oune concierge ?
LE COMMISSAIRE (à l’agent) - Qui est cette personne ?
L’AGENT - C’est madame Carla BORDONI, la mère de Sergio. Vous ne la connaissez pas ?
LE COMMISSAIRE - Je devrais ?
L’AGENT (en aparté au commissaire) - Elle est presque aussi célèbre que son fils. Elle assiste à toutes les représentations de Sergio, chaque soir sans jamais en manquer une seule. Elle est même passée à la télé il y a 2 ou 3 mois dans l’émission « Parents de stars ».
CARLA - Et qu’est ce qué vous êtes en train dé faire la messe basse là sour la scène ?
LE COMMISSAIRE - Madame, je vous prie de vous asseoir. Si vous avez quelque chose à dire en tant que témoins, vous n’avez qu’à…
CARLA - Ié vous interdis de traiter mon fils de concierge !
LE COMMISSAIRE - Madame, vous parlerez quand on vous interrogera.
CARLA - Ma qué c’ké s’est ça. (Elle commence à se déplacer, bousculant les spectateurs voisins.) On n’est plou sous Moussolini, on parle quand on veut. Et d’abord c’est exact, ié souis avé mon fils depouis lé débout dé la tournée et i’ai des choses à dire, même qué…
LE COMMISSAIRE - C’est noté, madame. Nous vous entendrons… (Voyant Carla se déplacer.) Non, non madame, j’ai dit nous vous entendrons, c’est au futur. Nous vous appellerons quand nous jugerons que c’est votre tour.
CARLA (Elle s’arrête dans sa progression) - Bon et pouisqué vous n’insistez pas, ié m’en retourne à ma place.
(Elle repart en arrière, bousculant à nouveau, s’excusant, s’arrête encore en dressant sa canne ou son parapluie vers la scène.)
Et bien tant pis pour vous, vous n’aurez lé nom dou coupable qué lorsqué vous aurez envie dé m’écouter. C’est in-croyable ça, ié croyais qu’il n’y avait que les carabinieri calabrais pour agir dé la sorte ! Voilà, ié m’assois et ié vous regarde vous enliser !
LE COMMISSAIRE - Merci madame !
CARLA (bougonne) - Pas dè quoi !
LE COMMISSAIRE - Bon ou en étions-nous ?… Ah oui ! La liste des acteurs.
L’AGENT - Je crois n’avoir oublié que mademoiselle Chantal Ferrange…
LE COMMISSAIRE - Connais pas celle-la.
LE LIEUTENANT - Moi non plus.
LE COMMISSAIRE - Et c’est tout ? Rien d’autre à nous signaler ?
L’AGENT – Non, je vous ai tout expliqué.
LE COMMISSAIRE (au lieutenant) - Très bien, c’est noté ? Bon, Julie, tu commences les interrogatoires, je vais examiner le corps.
LE LIEUTENANT - Bien patron… Et pour la casquette ?
(Elle montre la casquette qu’elle a sur la tête.)
LE COMMISSAIRE - Pas tout de suite, lieutenant, vous commencez normalement et on verra pour la casquette quand je vous...