Un verre à soi

Un piano doux, innoffensif, presque lascif ; une dégustation vinicole débute, on suit le phrasé ampoulé d’une étrange guide. Il semble pourtant que cette femme pleure un peu, peut-être même que ses yeux s’emplissent d’eau. Son chignon dégringole petit à petit. Puis les mots dociles volent, les phrases soumises s’écrasent au sol, les habits tombent, la bienséance et la courtoisie se brisent en mille éclats. Jaillit alors une femme cultivatrice, métamorphosée, sans artifice, ouvrant son monde au franc-parler, au travail acharné, aux grandes aubes, aux petits matins, et aux délices viticoles simples.

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Note de tête

Mademoiselle M :

Bonsoir.

Merci d’être présents, présentes ici, pour cet instant unique de partage, cette dégustation unique en son genre, en cette fin de journée qui fut pour certains, certaines, fort remplie ou offerte au stupre et à la langueur des corps dénudés, qui sait ?

Au nom de la maison Rubis, que je représente, et grâce à nos hôtes, qui ont rendu ce moment possible, je voulais vous souhaiter une merveilleuse dégustation.

Je suis Marielle Malatesta, et au piano pour nous bercer Cédric Courtie.

Je serai votre guide tout au long de cet entre-temps suspendu que nous nous apprêtons à vivre.

J’vous vois.

Depuis tout à l’heure je vous vois rentrer par p’tits paquets.

La face rougie d’avoir tracé pour pas être en retard.

Je vous mate tapie dans ma robe.

Vous me voyez pas.

Vous êtes encore dehors à moitié ici.

Avant que nous plongions nos appendices olfactifs dans ces délicieux récipients de verre, je voulais rendre hommage à cet écrin, ce lieu, qui nous accueille, et sera pour quelques précieuses minutes l’antre de nos ivresses. Merci pour cette parenthèse qui nous est offerte.

Comme le disait Jean-François Regnard, contemporain de notre cher Corneille : « C’est mourir tous les jours que de vivre sans vin. »

Je me permets un petit entrechat inédit, je n’ai vraiment pas pour habitude de complimenter ainsi l’assemblée, mais aujourd’hui je suis extrêmement sensible à la qualité de vos tenues, n’est-ce pas Cédric ? C’est vrai.

Parfois les gens sont très moches mais pas vous.

On sent quelque chose de de de beau de tendre de de.

J’espère vraiment que vous êtes bien.

Je voulais, avant que ne débute véritablement la dégustation, vous présenter mes excuses, si parfois je peine à trouver les mots pour définir les sensations, émotions, terroirs, sols ou aspects : ces écrins de saveurs, d’arômes et de pensées sont difficiles à qualifier.

Seule face à la goutte unique et précieuse qui affolera vos papilles, j’espère réduire à néant votre ennui olfactif et le morne état de vos pensées.

Tel un grand baptême païen, un rituel hérité de nos ancestrales et mirifiques bacchanales, nous nous immergerons ce soir dans un monde sublime, enchanté par ce breuvage et les mains veloutées de Cédric le pianiste.

Nous prendrons grand soin d’observer la gamme chromatique, d’apprécier transparence ou turbidité, trébucherons d’effluves empyreumatiques en entêtants géraniol, menthol, voire scatol ! Les tanins assécheront nos paroles que la charpente voudrait libérer ; pour se souhaiter finalement de nombreuses caudalies.

Être à part entière, le vin est-il ouvert ? discret ? fermé ?

C’est l’instant documentaire.

Il me suit. Le pianiste Cédric, il me suit.

Comme si on était dans le même cerveau.

Ça me fait dévisser.

Comment il sent ça ?

Je vais déblatérer des machins historiques pour impressionner la galerie.

Invisible encore.

Qu’est-ce qu’on fout là ?

Je me sens comme une institutrice.

Ça me serre le thorax.

Historiquement, on peut dater l’apparition du travail de la vigne à l’âge de pierre, c’est-à-dire cinq mille ans avant notre ère. On retrouve le premier témoignage du travail du raisin, en Égypte, sur les bords du Nil.

Mais le berceau du vin, là où l’on retrouve les premières jarres ayant permis la fermentation du vin, c’est en...

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