Une vache chez les bonobos (ou l’histoire d’une famille très particulière)

Edwige, veuve excentrique et dépensière, désire resserrer les liens familiaux d’une famille dispersée. Elle invite ses enfants dans un vaste gîte aveyronnais cédé par son ami Jean Balle, riche Procureur de la république retraité.
Seuls répondent à l’invitation, Max, le fils cadet, qui rédige une thèse sur les singes bonobos, Basile, vendeur de matelas au bord de la faillite et son épouse Dolorès.
Jean Balle s’apprêtant à léguer une partie considérable de sa fortune, Dolorès, profite de son séjour pour forcer la main au magistrat.
Malheureusement, son funeste projet sera contrarié par une vache et puis les autres membres de la famille arrivés à l’improviste : Agnès, une fille naïve, son mari fonctionnaire, Rose-Marie atteinte de tocs, Jean-Edouard, le donneur de leçons et Bobette la joviale divorcée. Rien que du beau monde …

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ACTE 1

 

L’action se déroule sur la terrasse, à l’arrière d’un gîte aveyronnais (chaises longues, parasols…). Il y a deux portes au fond de la terrasse, sur la façade arrière de la maison : l’une donne sur la cuisine et l’autre vers le hall et les chambres.

 

Scène 1

 

**Off : Chant des cigales.

Edwige est seule en scène. Elle arbore une tenue extravagante et colorée, avec chapeau excentrique.

Edwige : C’est fou comme ma famille est ordinaire. Moi, j’ai toujours eu le goût du chic et de la fantaisie. Mon mari et moi, nous n’avons pas toujours été d’accord sur le sujet. Pauvre Pierre, va ! Qu’est-ce qu’il a pu me le répéter : « Edwige, trop de fantaisie, tu sais. » Pauvre Pierre, va… Je l’ai tellement usé qu’il en est mort.

Elle me tenait à cœur cette boutique de chapeaux, mais bon… Je vais probablement la relancer. Mon compagnon, le Procureur, m’a fait de belles promesses…

Je suis heureuse d’accueillir mon fils Basile avec son épouse Dolorès dans la maison de campagne du Procureur. Basile, c’est le même que Pierre, un vrai gentil qui ne saura jamais faire commerce… Et puis, il y a Max qui est ici depuis trois semaines pour terminer sa thèse de doctorat. « Évolution des sentiments amoureux chez les bonobos. »

Momentanément désargentée, mais très heureuse…

Le Procureur appelle de son bureau.

Le Procureur : Edwige…

Edwige : J’arrive, mon Jeannot.

Edwige sort vers le hall.

 

 

Scène 2

 

Dolorès et Basile arrivent sur la terrasse.

Basile : Enfin arrivés, mon amour. On ne sera pas bien ici ?

Dolorès : Très remontée. C’est mal engagé. Dix-sept heures pour faire huit cents kilomètres et personne pour nous accueillir, tu rigoles…

Basile : Détends-toi, s’il te plait.   

Dolorès : J’ai du mal. Là, je suis plutôt retendue !

Basile : Je t’avais prévenue, ça serait long.

Dolorès : Interminable, tu veux dire… Trois fois le tour de chaque rond-point pour trouver la direction… J’ai encore la tête qui tourne !

Basile : On s’était mis d’accord, Dolorès. Pas d’autoroute, pas de péage et pas de dépenses inutiles.

Dolorès : Et aucun sens de l’orientation avec ça. Si notre commerce était rentable, voilà longtemps que tu l’aurais remplacé ce G.P.S. préhistorique. J’ai raison quand même.

Basile : Mais oui, mon amour, tu sais bien que tu as toujours raison… En aparté. Même quand tu as tort.

Dolorès : Et ce beatnik que tu as pris en charge…

Basile :  Excuse-moi d’avoir rendu service à un autostoppeur.

Dolorès : Pas très frais, celui-là… J’ai la nausée depuis Dijon, Basile !

Basile : Reste positive, mon amour. Regarde autour de toi, nous allons pouvoir goûter à ce havre de paix en famille.

Dolorès : Parlons-en de ta famille… Un frère banquier moins sympa qu’une porte de prison avec sa femme dépressive jusqu’à l’os… Plus une sœur et son fonctionnaire de mari ; deux andouilles capables de te demander la recette pour faire des glaçons…

Basile : Sois gentille, Dolorès, c’est ma famille quand même...

Dolorès : Je n’en peux plus, Basile.

Basile : Tout va bien se passer. On va oublier les ronds-points, le bit-nike, ta belle famille et tous nos petits soucis financiers… Tu m’aimes ?

Dolorès : J’hésite !

Scène 3

 

Retour d’Edwige accompagnée du Procureur.

Edwige : Bonjour, mes chéris. Vous avez fait bon voyage ?

Basile : Aucun problème, maman.

Dolorès : En aparté. Menteur !

Edwige : Très amoureuse. Je vous présente mon Jeannot, celui qui a la chance de partager ma vie…

Le Procureur : Soyez les bienvenus, l’Aveyron vous ouvre les bras. Je me présente, Jean Balle, Procureur de la République retraité, jamais marié mais actuellement bien accompagné ! Vous êtes ici comme chez vous. Alors, c’est vous qui partagez la vie de Basile ?

Dolorès : Oui, c’est ça, Procureur, je partage avec Basile les problèmes que je n’aurais pas eus toute seule !

Basile : Elle plaisante, Jeannot, euh, Procureur.

Edwige : Respire, Dolorès, tu es en vacances. Tenez, demain, vous allez pouvoir vous reposer du voyage en faisant la grasse matinée.

Dolorès : Pas sûre… Habituellement, mon vaillant Basile se lève très tôt… Ainsi, il a plus de temps à ne rien faire pendant la journée…

Edwige : Rigole. Prenez exemple sur nous !

Le Procureur : Edwige et moi sommes détendus, heureux et fidèles depuis… Attendez… Eh bien depuis bientôt cinq mois et douze jours ! Ce n’est pas beau ça ?

Edwige : Nous avons atteint l’équilibre affectif…

Le Procureur : … et sexuel !

Basile : C’est à peu près comme nous, Procureur, mis à part quand ma femme a la migraine.

Le Procureur : Attention, Basile, quand elle dure plus de trois mois, on appelle ça une maladie…

Dolorès : Et quand Popol est en berne pendant plus de trois mois, c’est aussi une maladie ?

Le Procureur : Edwige, si vous serviez le verre de bienvenue à nos hôtes.

Edwige : Une petite coupe de champagne, mes enfants ?

Basile : Oui, maman, ça m’aidera quelque peu à oublier.

Dolorès : Oublier quoi ? Comment nous rembourserons nos traites ?

Edwige renverse un verre sur la veste du Procureur.

Le Procureur : Edwige, comme vous pouvez être parfois maladroite…

Dolorès : Procureur, ce n’est pas neuf, ma belle-mère a toujours eu deux mains gauches.

Edwige : C’est vrai, je suis gauche…

Le Procureur : Mais pas de gauche. Ah, ah, ah !

Edwige se prend le pied dans le parasol et tombe à terre.

Dolorès : Quand je vous le disais, Procureur.

Edwige : Au secours, faites quelque chose…

Dolorès : Basile, remue-toi, c’est ta mère, quand même !

Edwige : Mon eau de Cologne ou mon Chanel, je me sens partir !

Dolorès :  Pas tout de suite, restez encore un peu avec nous, Edwige.

Le Procureur : Calmez-vous, Edwige, ça va passer. Où avez-vous mal ? Edwige, enfin, répondez…

Edwige est couchée à terre. Elle s’évanouit.

Basile :  Ça y est, elle est partie…

Dolorès : Elle reviendra !

Le Procureur :  À terre, elle va prendre froid !

 

Scène 4

 

Arrivée de Rose-Marie et Jean-Edouard.

Basile : Tracassé. Vous tombez à pic !

Jean-Edouard : Distant. Maman, tu ne vas pas bien ?

Dolorès : Moqueuse. Si, tu le vois bien, Jean-Edouard, elle est en pleine forme.

Rose-Marie, paniquée se met à « pleurnicher » durant toute la scène en pratiquant son T.O.C. favori. Elle essuie machinalement les objets qui l’entoure avec son mouchoir...

Rose-Marie :  Jean-Edouard, je te l’avais dit que ça se passerait mal.

Basile : Nous allons la mettre au frais, sur le canapé. Prenez-la avec moi, Procureur.

Jean-Edouard : Donneur de leçon. Un peu de délicatesse, je vous prie. Ce n’est pas un vulgaire sac de patates, quand même…Voilà, doucement…

Basile et le Procureur sont très maladroits, ils lâchent Edwige qui hurle de douleur…

Edwige : Aie, ma jambe…

Dolorès : Elle est réveillée, c’est bon signe.

Rose-Marie : J’aurais dû rester à la maison.

Dolorès : Moi aussi ! Alors, arrête de chialer comme vache qui pisse, s’il te plaît !

Edwige : Je vous en prie, aidez-moi.

Dolorès : Arrêtez de geindre, Edwige, on ne fait que ça !

Edwige : Je suis au bout de ma vie.

Rose-Marie : J’ai l’impression que c’est grave.

Jean-Edouard : Appelez un médecin, une ambulance et les pompiers.

Dolorès : Et la protection civile, on s’en passe ?

Edwige : Oh, je souffre.

Le Procureur : Calmez-vous, on veille sur vous, Edwige, j’appelle les secours.

Jean-Edouard : Maman, nous sommes très conscients que tu souffres mais je t’en prie, fais un effort…

Basile : C’est probablement une fracture.

Jean-Edouard : Avec un certain recul. Maintenant, ça serait intéressant de savoir si c’est une fracture totale ou partielle. La nuance est importante ! Vous n’êtes pas de mon avis, Procureur ?

Edwige : J’agonise.

Rose-Marie : Elle agonise. À sa place, je paniquerais…

Jean-Edouard : En attendant les secours, procédons avec rigueur et méthode.

Dolorès : Qu’est-ce que tu nous proposes, Jean-Edouard ?

Jean-Edouard : La maintenir sous surveillance maximale et la garder en éveil.

Rose-Marie :  Et cette ambulance qui n’arrive pas !

Le Procureur : Notre hôpital n’est pourtant qu’à quatre cents mètres.

Basile : Maman, nous sommes avec toi, un peu de courage, nous allons te remettre sur pied.

Dolorès : Avec toi, ça m’étonnerait, mon chéri !

Rose-Marie : Coucou, Edwige, je suis là. Si vous avez besoin de moi, vous faites signe.

Edwige : À l’aide, ma jambe se paralyse !

Rose-Marie : Le nerf est peut-être sectionné…

Jean-Edouard : S’il vous plait, pas de manipulations intempestives.

Le Procureur : On pourrait peut-être immobiliser la fracture en plaçant une attelle !

Basile : Un piquet de parasol ?

Rose-Marie : La raquette de tennis ?

Le Procureur : La canne de mon grand-père ? Elle pourrait faire l’affaire, non ?

Dolorès enlève sèchement la cravate de Jean-Edouard.

Dolorès : Et la cravate de Jean-Edouard pour faire le nœud…

Ils procèdent à l’immobilisation de la jambe d’Edwige.

**Off : Sirène...

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