Une nuit au poste

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Placées en garde à vue dans un anonyme cellule de commissariat, Diane et Isabelle sont contraintes de passer une nuit ensemble avant de connaître le sort qui les attend. Dans ce huit clos au silence percé par la voix peu amène des gardiennes, il faudra apprendre à écouter l’autre, à livrer les secrets qui étouffent, pour que s’épanouissent les richesses que chacune porte en elle.

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Dans un poste de police. Une cellule.

Collé au mur côté jardin, un bloc de pierre sur lequel est posé un matelas.

Même chose côté cour.

Quand la lumière se fait, Diane, une jeune femme de vingt-deux ans, se tient face à la grille.

Diane - Rendez-moi mon portable, il faut que j’appelle ma mère ! Vous entendez ? (Pause.) Ou appelez-la vous-même, je m’en fous ! Je vous donne son numéro : 06 11 14 17 11. Vous notez ? 06 11 14 17 11. Racontez-lui ce que vous voulez, mais magnez-vous. (Pause.) Je connais mon droit, vous savez. Vous n’avez aucune raison de me garder. (Pause.) Allez, soyez cool. Je vais pas moisir ici toute la soirée. (Elle s’agite.) Mais votre collier de merde, ma mère peut vous en payer autant qu’elle veut ! Elle est blindée, vous comprenez. Elle gère une boîte de deux cent cinquante personnes, ma mère. Appelez-la, vous verrez bien.

Voix de femme plus âgée (un agent de sécurité, qui sera appelée plus simplement gardienne).

Gardienne - Ta mère, elle devrait avoir honte de toi !

Diane - Mais qui vous êtes pour me donner des leçons ? (Plus bas.) Vieille conne ! (Pause.) Ho !… C’est pas trop nul, ton boulot ? Tu prends quelle ligne pour rentrer dans ta banlieue pourrie ?

Gardienne - Ferme-la ou tu vas avoir affaire à moi !

Diane - C’est ça ! Viens me taper. Je suis sûre de pas te louper tellement tu dois être grasse !

Bruit de porte, puis de voix : la gardienne entendue précédemment et une autre.

Gardienne 1 - Tu m’amènes une cliente ?

Gardienne 2 - Désolée… Ça déborde encore au dépôt.

Gardienne 1 - Comme tous les week-ends. (Bruit de pas.) Et qu’est-ce qu’elle a fait, celle-ci ?

Gardienne 2 - Vente de hasch sur la voie publique. On l’a ramassée avec vingt grammes.

Gardienne 1 - Eh bien, elle va tenir compagnie à l’excitée.

Diane - C’est moi, l’excitée ?

Gardienne 1 - C’est toi, oui. Tu vas être contente, on t’a trouvé une copine.

Diane - Gardez-la, j’en veux pas.

Gardienne 2 - On te demande pas ton avis. (A l’autre gardienne.) Voilà sa fiche. Elle est pas méchante, juste un peu défoncée.

Voix d’une autre jeune femme (Isabelle).

Voix d’Isabelle - Je suis pas défoncée.

Gardienne 1 - C’est ça, oui… Avance. (Bruit de pas.) Tu as de la famille à prévenir ? (Pause.) Tu as perdu ta langue ?

Diane - Moi, j’ai de la famille à prévenir.

Gardienne 1 - On te parle pas, à toi !

Diane - Mais vous êtes obligées de prévenir ma mère ! Je porterai plainte contre vous ! C’est du harcèlement.

Gardienne 2 - Ah oui ? (Haussant le ton.) Tu veux que je te harcèle vraiment, pour voir ? (A l’autre femme.) Elle se croit où, celle-là ? Aux Bains-Douches ? (Rires des deux gardiennes. Diane, dépitée, vient s’asseoir sur un des blocs. Puis, à l’autre jeune femme.) Alors, personne à prévenir ?

Voix d’Isabelle - Personne.

Gardienne 1 - Vide tes poches. (Pause, bruit de clés, de monnaie, de briquet.) Pas d’objets précieux ?

Voix d’Isabelle - Non.

Gardienne 1 - Baisse ton pantalon. (Un temps.) Ton slip… (Un court temps.) C’est bon, tu peux te rhabiller. (Bruit de tiroir, puis de trousseau de clés.) Suis-moi, je vais te montrer ta chambre.

Noir.

Lumière.

Isabelle est assise dans un coin de la cellule.

Diane jette un œil de temps en temps vers elle.

Un temps.

Diane - Comme ça, tu vends de la drogue ?

Isabelle - C’est pas de la drogue.

Diane - Si c’est pas de la drogue, pourquoi t’es là ?

Isabelle - Et toi, pourquoi t’es là ?

Diane - Je suis pas obligée de te répondre.

Isabelle - C’est vrai. On n’est pas obligées de se parler, non plus.

Pause.

Diane - J’ai volé un collier à deux mille euros.

Isabelle - Ah ?

Diane - Chez Bourgeois, boulevard Lannes. Tu connais ?

Isabelle - Non.

Diane - La vendeuse m’a laissée seule devant la vitrine ouverte. J’ai laissé tomber le collier dans mon sac et je suis sortie comme si de rien n’était. Dans la rue, j’ai continué à marcher normalement. Je croyais avoir réussi mon coup, mais quand je me suis retournée, j’avais deux vigiles sur les talons.

Isabelle - Dommage…

Diane - Ils m’ont ramenée dans la boutique. J’ai voulu faire un chèque, mais la patronne n’a rien voulu savoir. Une vraie truffe, celle-là. Tu l’aurais vue se précipiter sur son téléphone et appeler les flics…

Isabelle - Et ça t’arrive souvent ?

Diane - Quoi ?

Isabelle - De voler ?

Diane - C’est la deuxième fois. La première, j’étais avec ma mère, ça s’est arrangé sur place. J’avais repéré un solitaire incrusté de pierres du Mexique.

Isabelle - Décidément…

Diane - Les bijoux, c’est plus fort que moi. Je peux pas m’en empêcher. Je crois que je suis un peu cleptomane…

Isabelle - Ça se soigne.

Diane - C’est ce que dit ma mère. Moi, je m’en fous. Elle peut bien m’envoyer chez son psy si ça lui chante… Ça fait cinq ans que j’ai le mien de psy, sans que personne ne le sache.

Isabelle - Tu vis chez tes parents ?

Diane - Chez ma mère. Mon père ça fait un bail qu’il s’est tiré. Mais ma mère a fini par se trouver un mec. Il est venu s’installer chez nous l’année dernière. Du coup, j’ai mon studio au-dessus. Et toi ?

Isabelle - Quoi, moi ?

Diane - Tes parents ?

Isabelle - Je les ai plus, mes parents.

Diane - Ah… Excuse-moi…

Isabelle - Ça va, ils sont pas morts. C’est moi qui suis partie de chez eux.

Diane - A cause du haschich ?

Isabelle - Non… Le shit, c’est accidentel. C’est pour mon mec que je fais ça. Enfin, le mec chez qui j’habite…

Diane - Et sinon, qu’est-ce que tu fais ?

Isabelle - Pas grand-chose.

Diane - T’as pas de travail ?

Isabelle - Je me démerde.

Diane - Tu zones un peu, quoi.

Isabelle - Voilà, c’est ça…

Diane - Moi, je suis étudiante. Enfin, quand je dis étudiante… Je loupe régulièrement mes partiels. J’ai même trouvé le moyen de redoubler deux fois en trois ans.

Isabelle - Tu étudies quoi ?

Diane - Droit des affaires. Un truc passionnant. C’est une idée de ma mère. Elle dirige une chaîne de magasins de prêt-à-porter et elle s’est mis en tête que je prendrai sa suite. Moi, je m’y vois pas vraiment…

Isabelle - Tu te vois plutôt dans la bijouterie ?

Diane - C’est malin, ça ! (Un temps.) T’as quel âge ?

Isabelle - Vingt-deux.

Diane - Moi aussi. Quel mois ?

Isabelle - Août.

Diane - Ah ! moi c’est novembre ! Le 15. Je suis plus jeune que toi.

Isabelle - Super.

Diane - Et t’es née quel jour, en août ?

Isabelle - Le 7.

Diane - Ah ! t’es Lion, comme ma mère ! Moi, je suis Scorpion.

Isabelle - Tu veux que je te dise ? Ça me fait une belle jambe. (Elle se lève et s’assoit sur un des blocs.)

Diane - T’as l’intention de t’installer là ?

Isabelle - Hein ?

Diane - Non, parce que c’est le côté que j’avais choisi…

Isabelle - Ah bon ? (Elle se redresse.)

Diane - Tu comprends, comme j’étais là avant toi…

Isabelle descend de son bloc et vient s’asseoir sur le bloc opposé. Un temps.

Isabelle - Si j’avais mon walkman, au moins…

Diane - Elles te l’auraient confisqué.

Isabelle - Qu’est-ce que t’en sais ?

Diane - Elles ont bien gardé mon portable !

Isabelle - Un portable, c’est différent.

Diane - Pourquoi ?

Isabelle - Parce que ça sert à téléphoner.

Diane - Je sais, merci.

Isabelle - Ça donne un contact avec l’extérieur.

Diane - Tu me prends pour une demeurée ou quoi ?

Isabelle - J’essaie de me mettre à ta place. T’as pas l’air de bien savoir où tu es, là.

Diane - Parce que tu le sais, toi ?

Isabelle - Un peu, oui.

Diane - T’as déjà fait de la taule ?

Isabelle - Ça te regarde pas. (Elle fouille ses poches et en sort un paquet de cigarettes tout froissé. Elle cherche et trouve une dernière cigarette qu’elle porte à sa bouche.) T’as du feu ?

Diane - Non.

Isabelle - Merde… (Elle remet la cigarette dans le paquet.) On peut même pas fumer.

Diane - Tant mieux.

Isabelle - Pourquoi ? L’odeur te dérange ?

Diane - Je supporte pas.

Isabelle - Si tu crois que je me serais gênée pour toi…

Diane - Ça va ! Ho !… Je te parle bien, tu peux me parler bien ! Je t’ai rien fait. Ça m’amuse pas plus que toi d’être ici.

Isabelle - Alors tais-toi.

Diane - Toi aussi, tais-toi.

Isabelle - C’est ça… (Elle s’allonge sur son bloc.)

Silence.

Noir.

Lumière.

Diane est allongée sur son bloc.

Isabelle est assise sur le sien.

Isabelle - T’as l’heure ?

Diane - Pardon ?

Isabelle - L’heure ?

Diane - Tu m’as parlé ?

Isabelle - Laisse tomber.

Un temps.

Diane - Si c’est l’heure que tu veux, elles ont aussi pris ma montre.

Isabelle - On a passé minuit, non ?

Diane - Attends. (Elle se redresse, réfléchit.) Ils m’ont amenée là à dix heures. Toi à peu près une heure plus tard. Ça fait au moins une demi-heure qu’on s’est pas adressé la parole. Dix plus une, onze. Plus une demie… C’est ça, il est un...

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